EMANCIPATIO. - Ce mot, qui est formé de mancipare, "faire sortir en
mancipant" désigne l'acte par lequel l'enfant soumis à la PATRIA
POTESTAS en est libéré volontairement par le père de famille.
L'émancipation avait lieu au moyen d'une fiction fondée sur une
disposition de la loi des XII Tables, ou plutôt sur une ancienne
coutume consacrée par elle, savoir, que si le père de famille vendait
trois fois son fils, une fois seulement sa fille ou ses petits-fils, il
perdait sur eux la puissance : Si pater filium ter venumdabit, filius a
patre liber esto. La fiction consista à opérer pour la forme les ventes
solennelles ou mancipations, et les affranchissements. Prenons le cas
le plus compliqué, celui du fils : le père mancipe son fils à un tiers,
qui, par suite de la convention faite entre eux (contracta fiducia),
l'affranchit aussitôt ; le fils retombe ainsi sous la puissance de son
père, qui aussitôt le mancipe une seconde fois au même acheteur fictif
ou à un autre ; mais il était d'usage que ce fût au même; l'acheteur
l'affranchit encore, et le fils retombe encore sous la puissance de son
père ; celui-ci le mancipe pour la troisième fois, et alors, aux termes
de la loi des XII Tables, la puissance paternelle est épuisée. Mais le
fils est in mancipio, il faut qu'il soit affranchi, et si l'acheteur
étranger l'affranchissait lui-même, il aurait sur lui les droits du
patron. On jugea plus convenable de les donner au père, et pour y
parvenir, la dernière vente se fit encore contracta fiducia,
c'est-à-dire avec la condition convenue qu'au lieu d'affranchir
lui-même le fils, l'acheteur étranger le revendrait (remanciparet) au
père, qui alors l'affranchirait et acquerrait sur lui les droits du
patron pour la tutelle et la succession. Cependant il est certain que
toutes les émancipations n'avaient pas lieu avec cette dernière clause
de fiducie, puisque le préteur, dans son système de succession nommé
possession de biens, a prévu les deux cas du père affranchisseur et de
l'affranchisseur étranger.
Le fils ne pouvait être émancipé
malgré lui; mais il suffisait qu'il ne contredît pas, et dès lors
l'infans pouvait être émancipé sans consentement réel. Le père ne
pouvait être contraint à émanciper son fils, sauf quelques cas
exceptionnels et qui ne datent que de l'empire. Ainsi Trajan força un
père qui maltraitait son fils à l'émanciper; et une constitution de
Théodore et de Valentinien soustrait à la puissance paternelle la fille
que son père prostitue malgré elle.
A moins que le père n'ait
expressément réservé le pécule, le fils émancipé l'emporte avec lui, et
en acquiert la propriété par usucapion.
Tout ce que nous avons
dit du fils s'applique à la fille et aux petits-enfants, avec cette
exception qu'une seule émancipation au lieu de trois suffit pour les
émanciper. Le père de famille peut émanciper les petits-enfants en
gardant leur père sous sa puissance, ou le fils en gardant les
petits-enfants, et dans les deux cas l'émancipation brise entre eux les
liens de la parenté civile. L'émancipation s'appliquait aussi à la
femme tombée in manum ou d'un tiers par coemptu.
A cause des
ventes solennelles, l'émancipation exigeait la présence de l'émancipé.
Une constitution de l'empereur Anastase permit d'émanciper l'enfant
absent, mais consentant, au moyen d'un rescrit du prince qu'on
déposerait entre les mains du magistrat compétent. Enfin Justinien,
supprimant toutes les anciennes formalités, réduisit l'émancipation à
une simple déclaration devant le magistrat, dont l'effet fut de
conserver au père les droits du patron, comme dans l'ancienne
émancipation contracta fiducia.
L'émancipation une fois
accomplie ne peut être rescindée. Cependant les empereurs chrétiens,
Constantin d'abord en 340, puis en 367 Valentinien, permirent de priver
du bénéfice de l'émancipation les émancipés ingrats.
F. BAUDRY.
Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines
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