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F L O R U S
Abrégé de l'histoire romaine
Livre quatrième
 
 
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I. - Catilinam luxuria primum, tum hinc conflata egestas rei familiaris, simul occasio, quod in extremis finibus mundi arma Romana peregrinabantur, in nefaria consilia opprimendae patriae suae compulere. Senatum confodere, consules trucidare, distringere incendiis Urbem, diripere aerarium, totam denique rem publicam funditus tollere, et quidquid nec Annibal videretur optasse, quibus id - o nefas! - sociis adgressus est. Ipse patricius; sed hoc minus est: Curii, Porcii, Syllae, Cethegi, Autronii, Varguntei atque Longini, quae familiae! quae senatus insignia! Lentulus quoque quum maxime praetor! Hos omnes immanissimi facinoris satellites habuit. Additum est pignus conjurationis, sanguis humanus, quem circumlatum pateris bibere: summum nefas, nisi amplius esset, propter quod biberunt! 
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I. - Guerre de Catilina. - (An de Rome 690.) - La débauche, puis la ruine de son patrimoine, qui en fut la suite, et en même temps l’occasion que lui offrait l'éloignement des armées romaines, occupées auux extrémités du monde, inspirèrent à Catilina l’horrible projet d'opprimer sa patrie. Il voulait massacrer le sénat, poignarder les consuls, consumer Rome dans un vaste incendie, piller le trésor, renverser enfin toute la république de fond en comble et aller, dans ses forfaits contre elle, au-delà même de tout ce que semblait avoir souhaité Annibal. Et quels furent, grands dieux! les complices de son attentat! Lui-même était patricien ; mais c’est peu, à considérer les Curius, les Porcius, les Sylla, les Céthégus, les Autronius, les Varguntéius, les Longinus; quels noms! quels ornements du sénat! Il y avait aussi Lentulus, alors préteur. Catilina les eut tous pour satellites dans l’exécution de sa monstrueuse entreprise. Le gage de leur union fut du sang humain bu dans des coupes qui circulèrent de main en main; crime sans égal, s'il n'eût été surpassé par celui dont ce breuvage fut le prélude.
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 Actum erat de pulcherrimo imperio, nisi illa conjuratio in Ciceronem et Antonium consules incidisset, quorum alter industria rem patefecit, alter manu oppressit. Tanti sceleris indicium per Fulviam emersit, vilissimum scortum, sed parricidii innocens. Tum consul, habito senatu, in praesentem reum Cicero peroravit; sed non amplius profectum, quam ut hostis evaderet, seque ex professo incendium suum restincturum ruina minaretur. Et ille quidem ad praeparatum a Manlio in Etruria exercitum proficiscitur, signa illaturus Urbi. Lentulus destinatum familiae suae Sibyllinis versibus regnum sibi vaticinans, ad praestitutum a Catilina diem urbe tota viros, faces, tela disponit. Nec civili conspiratione contentus, legatis Allobrogum, qui tum forte aderant, in arma sollicitatis, isset ultra Alpes furor, nisi, altera proditione Volturcii, praetoris litterae tenerentur. Statim Ciceronis imperio injecta est barbaris manus. Palam praetor in senatu convincitur. De supplicio agentibus, Caesar parcendum dignitati, Cato, animadvertendum pro scelere, censebat. Quam sententiam secutis omnibus in carcere parricidae strangulantur. 
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 C'en était fait d'un si bel empire, si cette conjuration ne se fût tramée sous le consulat de Cicéron et d'Antoine, dont l’un la découvrit par sa vigilance, et l’autre l’étouffa par les armes. Le premier indice de cet exécrable forfait fut donné par Fulvie, vile courtisane, mais qui n’avait pas trempé dans ce complot parricide. Alors le consul Cicéron, ayant assemblé le sénat, accusa le coupable en sa présence même; mais le seul fruit de sa harangue fut l’évasion de cet ennemi de la patrie, et la menace qu’il osa faire “d’éteindre sous des ruines l’incendie allumé contre lui”.  Il va joindre alors l’armée que Manlius tenait prête en  Etrurie. Lentulus s'appliquant des vers Sibyllins qui promettaient la royauté de sa famille, dispose dans toute la ville, au jour marqué par Catilina, des soldats, des torches et des armes. Non content d'avoir machiné une conspiration domestique, il sollicite le secours des Allobroges, qui avaient alors par hasard des députés à Rome; et la fureur des conjurés se serait répandue au-delà des Alpes si, par une seconde trahison de Vulturcius, on ne détenait pas la lettre du préteur. Par l’ordre de Cicéron, on met sur-le-champ la main sur les Barbares. Le préteur est convaincu en plein sénat. On délibère sur le supplice des conspirateurs; César conseille la clémence, eu égard à leur dignité, Caton, la rigueur, à cause de leur crime. Cet avis réunit toutes les voix , et les parricides sont étranglés dans leur prison. 
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 Quamvis parte conjurationis oppressa, tamen ab incoepto Catilina non destitit; sed infestis ab Etruria signis patriam petens, obvio Antonii exercitu opprimitur. Quam atrociter dimicatum sit, exitus docuit. Nemo hostium bello superfuit. Quem quis in pugnando ceperat locum, eum amissa anima corpore tegebat. Catilina longe a suis inter hostium cadavera repertus est; pulcherrima morte, si pro patria sic concidisset! 
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 Quoique la conjuration soit en partie étouffée, Catilina ne se désiste cependant pas de son entreprise : il déploie, du fond de l’Etrurie, l’étendard de la rébellion, marche contre Rome, rencontre l’armée d’Antoine, et est vaincu. On apprit, après la victoire, avec quel féroce acharnement elle avait été disputée. Pas un des rebelles ne survécut à cette bataille. Chacun d’eux , en rendant le dernier soupir, couvrait de son corps la place qu’il occupait dans le combat. Catilina fut trouvé loin des siens, au milieu de cadavres ennemis; mort glorieuse, s’il eût ainsi succombé pour la patrie! 
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 II. - Bellum Caesaris et Pompeii. - Jam paene toto orbe pacato, majus erat imperium Romanum, quam ut ullis externis viribus opprimi posset. Itaque invidens Fortuna principi gentium populo ipsum illum in exitium sui armavit. 
Ac Mariana quidem Cinnanaque rabies jam intra urbem se proluserat, quasi experiretur. Syllana tempestas latius, intra Italiam tamen detonuerat. Caesaris furor atque Pompei Urbem, Italiam, gentes, nationes, totum denique qua patebat imperium quodam quasi diluvio et inflammatione corripuit, adeo ut non recte tantum civile dicatur, ac ne sociale quidem, sed nec externum, sed potius commune quoddam ex omnibus et plus quam bellum.  
 
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 II. - Guerre de César contre Pompée. – (An de Rome 703-709.) - Presque tout l’univers était en paix, et l’empire romain désormais trop puissant pour qu’aucune force étrangère pût le détruire. C’est alors que la fortune, jalouse du peuple-roi, l’arma contre lui-même. La rage de Marius et de Cinna, concentrée dans Rome, avait été le prélude et comme l’essai des guerres civiles. L’orage excité par Sylla avait grondé plus loin, mais, néanmoins, dans la seule Italie. Les fureurs de César et de Pompée enveloppèrent Rome, l’Italie, les peuples, les nations, enfin toute l’étendue de l’empire, comme dans un déluge ou un vaste embrasement. On ne peut donc appeler justement cette guerre ni civile ni même sociale; et cependant ce n’est pas une guerre étrangère; c’est plutôt un composé de toutes celles-là, et quelque chose de plus qu’une guerre.
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 Quippe si duces ejus inspicias, totus senatus in partibus; si exercitus, hinc undecim legiones, inde decem et octo, flos omnis et robur Italici sanguinis; si auxilia sociorum, hinc Gallici Germanique delectus, inde Dejotarus, Ariobarzanes, Tarcondimotus, Cotys, omne Thraciae, Cappadociaeque, Ciliciae, Macedoniae, Graeciae, Aetoliae, totiusque robur Orientis; si moram belli, quattuor anni, et pro clade rerum breve tempus; si locum et spatium ubi commissum est, intra Italiam; inde se in Galliam Hispaniamque deflexit, reversumque ab Occasu, totis viribus in Epiro Thessaliaque consedit; hinc in Aegyptum subito transiliit, inde respexit Asiam, Africae incubuit; postremo in Hispaniam regyravit et ibi aliquando defecit. Sed non et odia partium finita cum bello. Non enim prius quievere, quam in ipsa Urbe, medio senatu, eorum qui victi erant, odia victoris sese caede satiarent. 
 
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 Veut-on, en effet, considérer les chefs? tout le sénat prit parti ; les armées? on voit onze légions d’un côté, dix-huit de l’autre, toute la fleur, toute la force du sang italien; les secours fournis par les alliés? ici ce sont les levées de la Gaule et de la Germanie; là, Déjoratus, Ariobarzanes, Tarcondimotus, Cotys, les forces réunies de la Thrace et de la Cappadoce, de la Cilicie, de la Macédoine, de la Grèce, de l’Italie, en un mot de l’Orient tout entier. Quant à la durée de la guerre, elle fut de quatre ans, court espace pour l’étendue de ses ravages. Veut-on savoir enfin quels lieux et quels pays en furent le théâtre ? Ce fut d’abord l’Italie; de là elle se détourna contre la Gaule et l’Espagne; puis, revenant de l’Occident, elle accabla de tout son poids l’Epire et la Thessalie, d’où elle s’élança tout à coup sur l’Egypte; puis, après avoir menacé l’Asie, elle s’acharna sur l’Afrique; enfin, elle se replia sur l’Espagne, et y expira. Mais la fureur des partis ne s’éteignit pas avec celle des combats. La haine des vaincus ne s’apaisa qu’après s’être assouvie dans le sang du vainqueur, versé au sein même de Rome, et au milieu du sénat. 
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 Causa tantae calamitatis eadem quae omnium, nimia felicitas. Siquidem Quincto Metello, Lucio Afranio consulibus, quum Romana majestas toto urbe polleret, recentesque victorias. Ponticos et Armenios triumphos, in Pompeianis theatris Roma cantaret, nimia Pompeii potentia apud otiosos, ut solet, cives movit invidiam. Metellus ob imminutum Cretae triumphum, Cato adversus potentes semper obliquus, detrectare Pompeium, actisque ejus obstrepere. Hinc dolor transversum egit et ad praesidia dignitati paranda impulit.
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 La cause d’une si grande calamité fut la même qui avait produit toutes les autres, l’excès de la prospérité. Sous le consulat de Quinctus Métellus et de Lucius Afranius, tandis que la majesté romaine éclatait dans tout l’univers, et que Rome chantait, sur les théâtres de Pompée, ses victoires récentes, et ses triomphes sur les peuples du Pont et de l’Arménie, le pouvoir illimité de ce général excita, comme c’est l’ordinaire, l’envie des citoyens oisifs Métellus, irrité d’avoir vu diminuer l’éclat de son triomphe de Crète; Caton, l’adversaire des hommes puissants qu’il traversait toujours, ne cessaient de décrier Pompée et de censurer ses actes. De là le ressentiment qui poussa celui-ci contre ses ennemis, et le contraignit à chercher des appuis pour soutenir son crédit. 
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 Forte tunc Crassus genere, divitiis, dignitate florebat; vellet tamen auctiores opes; Caius Caesar eloquentia et spiritu, ecce jam et consulatu allevabatur : Pompeius tamen inter utrumque eminebat. Sic igitur Caesare dignitatem comparare, Crasso augere, Pompeio retinere cupientibus, omnibusque pariter potentia cupidis, de invadenda re publica facile convenit. Ergo quum mutuis viribus in suum quisque decus niteretur, Gallicam Caesar invadit, Crassus Asiam, Pompeius Hispaniam, tres maximos exercitus, et sic orbis imperium societate trium principum occupatur.
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 Crassus brillait alors par l’éclat de sa naissance, par ses richesses, par son influence; avantages qu’il aurait cependant voulu augmenter encore. Caius César puisait dans son éloquence, dans son courage et dans le consulat, qu’il venait d’obtenir, de hautes espérances. Toutefois, Pompée s’élevait au-dessus de l’un et de l’autre. César aspirait donc ainsi à fonder, Crassus à accroître, Pompée à conserver sa puissance; et tous, également avides d’autorité, s’accordèrent sans peine pour se saisir de la république. Aussi, se prêtant, pour leur élévation particulière, le mutuel appui de leurs forces, ils s’emparent, César de la Gaule, Crassus de l’Asie, Pompée de l’Espagne; ils disposent de trois grandes armées, et cette association donne à trois chefs l’empire du monde. 
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 Decem annos traxit ista dominatio, quia mutuo metu tenebantur. Crassi morte apud Parthos, et morte Juliae, Caesaris filiae, quae nupta Pompeio, generi socerique concordiam matrimonii foedere tenebat, statim aemulatio erupit. Jam Pompeio suspectae Caesaris opes, et Caesari Pompeiana dignitas gravis. Nec hic ferebat parem, nec ille superiorem. Pro nefas! sic de principatu laborabant, tamquam duos tanti imperii Fortuna non caperet. 
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 Cette domination dura dix ans parce qu'ils restaient unis par une crainte mutuelle. A la suite de la mort de Crassus chez les Parthes, et de celle de Julie, fille de César, qui, mariée avec Pompée, avait maintenu, par ce mariage, la concorde entre le gendre et le beau-père, la jalousie (des deux hommes) éclata aussitôt. Le crédit de César était déjà suspect à Pompée, et l’autorité de Pompée insupportable à César. Celui-ci ne voulait pas d’égal, celui-là, de supérieur. Dans leur criminelle rivalité, ils se disputaient la première place, comme si la fortune d’un empire aussi vaste n’eût pu suffire à tous les deux. 
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 Ergo Lentulo Marcelloque consulibus rupta primum conjurationis fide, de successione Caesaris senatus, id est, Pompeius, agitabat, nec ille abnuebat, si ratio sui proximis comitiis haberetur. Consulatus absenti, quem decem tribuni favente Pompeio nuper decreverant, tum dissimulante eodem negabatur: veniret et peteret more majorum. Ille contra flagitare decreta, ac, nisi in fide permanerent, non se remittere exercitum. Ergo ut in hostem decernitur. His Caesar agitatus statuit praemia armorum armis defendere.
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 Sous le consulat de Lentulus et de Marcellus, le premier lien de cette conjuration contre la république étant brisé, le sénat, c'est-à-dire Pompée, délibéra sur le remplacement de César. Celui-ci ne refusait pas un successeur, pourvu qu’on tînt compte de lui dans les prochains comices. Le consulat, que les dix tribuns lui avaient naguère, grâce à Pompée, décerné en son absence, le même Pompée intriguait alors sourdement pour l’en écarter. On exigeait qu’il vînt, selon l’antique usage, solliciter en personne.  A ces prétentions, il ne cessait d’opposer le décret rendu en sa faveur.  Il ne congédierait son armée, qu’autant que ce décret serait fidèlement exécuté. On le déclara donc ennemi public. Outré de ces rigueurs, il résolut de défendre les armes à la main ce qu’il avait acquis par les armes. 
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 Prima civilis belli arena Italia fuit, cujus arces levibus praesidis Pompeius insederat; sed omnia subito Caesaris impetu oppressa sunt. Prima Arimino signa cecinerunt. Tum pulsus Etruria Libo, Umbria, Thermus. Domitius Corfinio. Et peractum erat bellum sine sanguine, si Pompeium Brundisii opprimere potuisset. Et coeperat; sed ille per obsessi claustra portus nocturna fuga evasit. Turpe dictu! modo princeps Patrum, pacis bellique moderator, per triumphatum a se mare, lacera et paene inermi nave fugiebat. 
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 Le premier théâtre de la guerre civile fut l’Italie, où Pompée n’avait mis dans les places fortes que de faibles garnisons. La brusque impétuosité de César lui soumit tout. La trompette sonna d’abord à Ariminum. Aussitôt Libon fut chassé de l’Etrurie, Thermus, de l’Ombrie; Domitius, de Corfinium ; et la guerre était terminée sans effusion de sang, si César eût pu prendre Pompée dans Brundisium, dont il avait commencé le siège; mais, franchissant les digues qui devaient former le port, son rival s’échappa pendant la nuit. O honte! le premier des sénateurs, l’arbitre de la paix et de la guerre, fuyait alors dans un vaisseau délabré et presque désarmé, sur une mer où il avait triomphé.
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 Nec Pompei ab Italia quam senatus ab Urbe fuga turpior: quam paene vacuam metu Caesar ingressus consulem ipse se fecit. Aerarium quoque sanctum, quia tardius aperiebant tribuni jussit effringi; censumque et patrimonium populi Romani ante rapuit quam imperium. Pulso fugatoque Pompeio, maluit prius ordinare provincias quam ipsum sequi. Siciliam et Sardiniam, annonae pignora, per legatos habet. Nihil hostile erat in Gallia; pacem ipse fecerat. Sed ad Hispanienses Pompeii exercitus transeunti per eam duci portas claudere ausa Massilia est. Misera dum cupit pacem, belli metum in bellum incidit; sed quia tuta muris erat, vinci eam sibi jussit absenti. Graecula civitas non pro mollitie nominis et vallum rumpere et incendere machinam ausa, et congredi navibus; sed Brutus, cui mandatum erat bellum, victos terra marique perdomuit. Mox dedentibus sese ablata omnia praeter quam potiorem omnibus habebant libertatem. 
 
 
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 L'abandon de l'Italie par Pompée n'était pas plus déshonorant que l'abandon de Rome par le Sénat. César entre dans cette ville, que l’épouvante avait rendue presque déserte, et se fait lui-même consul. Les tribuns tardant trop à lui ouvrir le trésor sacré, il ordonne d’en briser la porte, et ravit, avant l’empire, les revenus et le patrimoine du peuple romain. Après l’expulsion et la fuite de Pompée, il jugea bon de régler les affaires des provinces avant de le poursuivre. Il occupa, par ses lieutenants, la Sicile et la Sardaigne, pour assurer les subsistances. Aucune hostilité n’était à craindre du côté de la Gaule; lui-même y avait établi la paix. Mais, comme il allait combattre les armées que Pompée avait en Espagne, Marseille osa lui fermer ses portes. Ville infortunée! elle ne désirait que la paix; et la crainte de la guerre la précipita dans la guerre! Comme elle était défendue par de fortes murailles, il ordonna qu’en son absence on la réduisît en son pouvoir. Cette colonie grecque, qui, malgré son origine, ne connaissait pas la mollesse, osa forcer les retranchements des assiégeants, incendier leurs machines, attaquer leur flotte. Mais Brutus, chargé de cette guerre, vainquit, dompta ces ennemis sur terre et sur mer. Ils se rendirent bientôt, et tous leurs biens leur furent enlevés, excepté celui qu’ils préféraient à tous les autres, la liberté. 
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 Anceps variumque sed incruentum in Hispaniam bellum cum legatis Cnaei Pompeii, Petreio et Afranio, quos Ilerdae castra habentes apud Sicorim amnem obsidere, et ab oppido intercludere aggreditur. Interim abundatione verni fluminis commeatibus prohibetur: sic fame castra tentata sunt, obsessorque ipse quasi obsidebatur. Sed ubi pax fluminis rediit, populationibus et pugnae campos aperuit, iterum ferox instat: et cedentes ad Celtiberiam consecutus, aggere et vallo, ac per haec siti ad deditionem compulit. Sic citerior Hispania recepta est, nec ulterior moram fecit : quid enim una post quinque legiones? Itaque ultro cedente Varrone, Gades, fretum, Oceanus, omnia felicitatem Caesaris sequebantur.
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 En Espagne, la guerre contre les lieutenants de Cnaeus Pompée, Pétréius et Afranius, mêlée d’événements divers, fut indécise et sanglante. César entreprit de les assiéger dans leur camp établi près d’Ilerda, sur le Sicoris, et d’intercepter leurs communications avec la ville. Sur ces entrefaites, les pluies du printemps ayant fait déborder la rivière, empêchèrent l’arrivée de ses subsistances. La famine se fit alors sentir dans son camp et, d’assiégeant, il fut comme assiégé lui-même. Mais, dès que la rivière eut repris son cours paisible, et ouvert les campagnes aux courses et aux combats, César pressa ses ennemis avec un nouvel acharnement, les atteignit dans leur retraite vers la Celtibérie, les enferma dans des retranchements et des circonvallations, et, au moyen de ces travaux, les contraignit de se rendre, pour se soustraire à la soif. Ainsi fut réduite l’Espagne citérieure. L’ultérieure ne fit pas une longue résistance; car que pouvait une seule légion , après la défaite de cinq autres? On vit donc, lorsque Varron se fut volontairement soumis, Gadès, le détroit, l’Océan, tout enfin reconnaître le bonheur de César. 
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 Aliquid tamen adversus absentem ducem ausa Fortuna est circa Illyricum et Africam, quasi de industria prospera ejus adversis radiarentur; quippe quum fauces Adriatici maris jussi occupare Dolabella et Antonius, ille Illyrico, hic Curictico litore castra posuissent, jam maria late tenente Pompeio, repente legatus ejus Octavius Libo ingentibus copiis classicorum utrumque circumvenit. Deditionem fames extorsit Antonio. Missae quoque a Basilo in auxilium ejus rates, quales inopia navium fecerat, nova Pompeianorum arte Cilicium actis sub mari funibus captae quasi per indaginem. Duas tamen aestus explicuit. Una, quae Opiterginos ferebat, in vadis haesit memorandumque posteris exemplum dedit. Quippe vix mille juvenum manus circumfusi undique exercitus per totum diem tela sustinuit; et quum exitum virtus non haberet, tamen ne in deditionem veniret, hortante tribuno Vulteio mutuis ictibus inter se concucurrit.
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 La fortune, pourtant, osa en l’absence de ce général, se déclarer un moment contre lui, en Illyrie et en Afrique, comme si elle se fût étudiée à rehausser par quelques revers l’éclat de sa prospérité. Dolabella et Antoine, auxquels il avait donné l’ordre d’occuper l’entrée de la mer Adriatique, avaient leurs camps, l’un sur la côte d’Illyrie, l’autre sur celle de Curicta. Mais Pompée étant maître de la mer, son lieutenant Octavius Libon les surprit et les enveloppa tous deux avec de grandes forces navales. La famine arracha seul à Antoine sa soumission. Des radeaux que Basilus envoyait à son secours, faute de vaisseaux, furent pris comme dans un filet, par l’adresse des matelots Ciliciens du parti de Pompée, lesquels avaient imaginé de tendre des câbles dans la mer. Cependant la force des vagues en dégagea deux. Un autre, qui portait les Opitergins, resta engravé dans les sables et périt, digne du souvenir de la postérité. L’équipage se composait à peine de mille hommes, qui, entièrement entourés par une armée, soutinrent ses assauts pendant tout un jour, et, après de vains efforts de courage, plutôt que de se rendre, finirent, à la persuasion du tribun Vultéius, par se frapper mutuellement et se tuer les uns les autres. 
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 In Africa quoque par et virtus et calamitas Curionis fuit : qui ad recipiendam provinciam missus, pulso fugatoque Varo jam superbus, subitum Jubae regis adventum equitatumque Maurorum sustinere non potuit. Patebat victo fuga; sed pudor suasit, ut amissum sua temeritate exercitum morte sequeretur. 
 
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 En Afrique aussi, l’infortune de Curion ne fut égale qu’à sa valeur. Envoyé dans cette province pour la soumettre, déjà il était fier de la déroute et de la fuite de Varus, lorsque, surpris par la subite arrivée du roi Juba, il ne put résister à la cavalerie des Alaures. Vaincu, le chemin de la fuite lui était ouvert; mais l’honneur lui fit un devoir de mourir avec l’armée dont sa témérité avait causé la perte. 
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 Sed jam debitum par fortuna flagitante, sedem bello Pompeius Epiron elegerat; nec Caesar morabatur. Quippe ordinatis a tergo omnibus, quamvis hiems media prohiberet, tempestate ad bellum navigavit; positisque ad Oricum castris, quum pars exercitus ob inopiam navium cum Antonio relicta, Brundisii moram faceret, adeo impatiens erat, ut ad arcessendos eos ardente ventis mari, nocte concubia, speculatorio navigio solus ire tentaverit. Exstat ad trepidum tanto discrimine gubernatorem vox ipsius: "Quid times? Caesarem vehis". 
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 Mais déjà la fortune réclame le couple d'athlètes qui lui revient. Pompée avait choisi l’Epire pour le théâtre de la guerre. César ne le fait pas attendre. Il met ordre à tout ce qu’il laisse derrière lui; et, bravant les obstacles que lui oppose la rigueur de l’hiver, il s’élance à la guerre, porté par la tempête. Il place son camp près d’Oricum. Une partie de son armée, que, faute de vaisseaux, il avait laissée avec Antoine, à Brundisium, tardait à le rejoindre; dans son impatience, il ose, pour hâter l’arrivée de ces soldats, se confier, au milieu d’une nuit profonde, à une mer agitée par les vents, se jette dans un frêle esquif, et essaie de passer seul. On connaît le mot qu’il adressa au pilote épouvanté de l’imminence du péril : " Que crains-tu? tu portes César. "
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 Contractis in unum omnibus undique copiis, positisque comminus castris, diversa erant ducum consilia. Caesar pro natura ferox, et conficiendae rei cupidus, ostentare aciem, provocare, lacessere; nunc obsidione castrorum, quae sedecim milium vallo obduxerat - sed quid his obesset obsidio, qui patente mari omnibus copiis abundarent? - nunc oppugnatione Dyrrachii irrita, quippe quam vel situs inexpugnabilem faceret; ad hoc assiduis in eruptione hostium proeliis, quo tempore egregia virtus Scaevae centurionis emicuit, cujus in scuto centum atque viginti tela sedere: jam vero urbium direptione sociarum, quum Oricum et Gomphos et alia castella Thessaliae vastaret. 
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 Toutes les forces sont réunies de part et d’autre; les deux camps sont en présence; mais les deux chefs ont des vues différentes. César, naturellement ardent, brûle de terminer la lutte, et ne cesse de présenter la bataille à Pompée, de le provoquer, de le harceler. Tantôt assiégeant son camp, il l’entoure d’une tranchée de seize milles d’étendue; mais en quoi ces travaux pouvaient-ils nuire à une armée à qui la mer était ouverte, et apportait toutes les provisions en abondance? tantôt il essaie, sans plus de succès, d’emporter Dyrrachium, que sa seule situation rendait inexpugnable. En outre, chaque sortie des ennemis est pour lui l’occasion d’un de ces combats où brilla l’incomparable valeur du centurion Scaeva, dont le bouclier fut percé de cent vingt traits; d’autres fois, enfin, il pille et ravage les villes alliées de Pompée, Oricum, Gomphos et d'autres places de la Thessalie. 
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  Pompeius adversus haec nectere moras, tergiversari, simul ut hostem interclusum undique inopia commeatuum tereret, utque ardentissimi ducis consenesceret impetus. Nec diutius profuit duci salutare consilium. Miles otium, socii moram, principes ambitum ducis increpabant. Sic praecipitantibus fatis, proelio sumpta est Thessalia, et Philippicis campis Urbis, imperii, generis humani fata commissa sunt. Numquam uno loco tantum virium populi Romani, tantum dignitatis Fortuna vidit. Trecenta amplius milia hinc illinc, praeter auxilia regum et senatum. Numquam inminentis ruinae manifestiora prodigia: fuga victimarum, examina in signis, interdiu tenebrae. Dux ipse in nocturna imagine theatri sui audiens plausum in modum planctus circumsonare: et mane cum pullo pallio - nefas - apud principia conspectus est. Numquam acrior neque alacrior exercitus Caesaris fuit. Inde classica prius, inde tela. Adnotatum quoque committentis aciem Crastini pilum:  qui mox adacto in os gladio, sic inter cadavera repertus, libidinem ac rabiem, qua pugnaverat, ipsa novitate vulneris praeferebat. Sed nec minus admirabilior illius exitus belli. Quippe quum Pompeius adeo equitum copia abundaret, ut facile circumventurus sibi Caesarem videretur, circumventus ipse est. Nam quum diu aequo Marte contenderent, jussuque Pompei fusus a cornu erupisset equitatus, repente hinc, signo dato, Germanorum cohortes tantum in effusos equites fecere impetum, ut illi esse pedites, hi venire in equis viderentur. Hanc stragem fugientis equitatus levis armaturae ruina comitata est. Tunc terrore latius dato, turbantibus invicem copiis, reliqua strages quasi una manu facta est. Nec ulla res magis exitio fuit quam ipsa exercitus magnitudo. Multus in eo proelio Caesar fuit, mediusque inter imperatorem et militem. Voces quoque obequitantis exceptae, altera cruenta, sed docta et ad victoriam efficax "miles, faciem teri!", altera ad jactationem composita "parce civibus!", quum ipse sequeretur. 
 
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 Pompée, au contraire, diffère la bataille, temporise, dans le double but de ruiner, par le manque de vivres, un ennemi cerné de toutes parts, et de laisser se ralentir l’ardente impétuosité du chef. Mais il lui faut bientôt renoncer aux avantages que lui assurait ce système. Le soldat accuse son inaction; les alliés ses lenteurs; les chefs ses vues ambitieuses. Les destins précipitant ainsi sa perte, il prend la Thessalie pour champ de bataille, et remet aux plaines de Philippes le sort de Rome, de l’empire, du genre humain. Jamais la fortune ne vit le peuple romain déployer tant de forces en un seul lieu, ni montrer tant de grandeur. Plus de trois cent mille hommes étaient en présence, non compris les auxiliaires fournis par les rois, ni le sénat. Jamais prodiges plus manifestes n’annoncèrent une catastrophe imminente : fuite des victimes, enseignes couvertes d'essaims d'abeilles, ténèbres au milieu du jour. Le chef lui-même, pendant la nuit, transporté en songe dans son théâtre, l'entendit retentir d'applaudissements qui avaient quelque chose de sinistre; et, le matin, on le vit en manteau de deuil, funeste présage !  dans la place d'armes du camp. Jamais l’armée de César ne montra plus d'ardeur ni plus d’allégresse. De ses rangs partirent et le signal et les premiers traits. On a même remarqué que ce fut Crustinus qui engagea le combat en lançant son javelot. Il fut, bientôt après, frappé dans la bouche d'une épée qui y resta; on le trouva en cet état parmi les morts; et la singularité même de sa blessure attestait l’acharnement et la rage avec laquelle il avait combattu. Mais l’issue de la bataille ne fut pas moins remarquable que son prélude. Pompée, qui, avec ses innombrables corps de cavaliers, se flattait d'envelopper facilement César, fut enveloppé lui-même. Depuis longtemps on combattait avec un avantage égal, lorsque la cavalerie de Pompée courut, par son ordre, sur l’aile qui lui était opposée; mais, tout à coup, à un signal donné, les cohortes des Germains se précipitèrent contre ces divers escadrons avec une telle impétuosité, qu'on eût cru voir des cavaliers se jetant sur des fantassins. Cette déroute sanglante de la cavalerie fut suivie de celle de l’infanterie légère. La terreur se répandit au loin, le désordre gagna tous les bataillons, et le carnage fut achevé comme par l’effort d'un seul bras. Rien ne fut plus funeste à Pompée que la multitude même de ses troupes. César se multiplia dans cette bataille, et fut tour à tour général et soldat. On a recueilli deux paroles qu'il prononça en parcourant les rangs à cheval, l’une cruelle, mais adroite, et propre à assurer la victoire : « Soldat, frappe au visage » ; l’autre, proférée pour lui assurer la popularité : "Epargnez les citoyens," tandis qu'il les chargeait lui-même. 
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 Felicem utcumque in malis Pompeium, si eadem ipsum quae exercitum ejus fortuna traxisset! Superstes dignitatis suae vixit, ut cum majore dedecore per Thessalica Tempe equo fugeret, ut una navicula Lesbon applicaretur, pulsus Syedris, in deserto Ciliciae scopulo, fugam in Parthos, Africam vel Aegyptum agitaret, ut denique in Pelusiaco litore, imperio vilissimi regis, consiliis, spadonum et, ne quid malis desit, Septimii desertoris sui gladio trucidatus sub oculis uxoris suae liberorumque moreretur. 
 
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 Heureux encore Pompée dans son malheur, si la fortune lui eût fait subir le même sort qu'à son armée! Il survécut à sa puissance, pour fuir honteusement à cheval à travers les vallées de la Thessalie, pour aborder à Lesbos sur un chétif navire, pour être jeté à Syèdre, rocher désert de la Cilicie, pour délibérer s'il porterait ses pas fugitifs chez les Parthes; en Afrique, ou en Egypte, et mourir enfin assassiné, sous les yeux de sa femme et de ses enfants, sur le rivage de Peluse, par l’ordre du plus misérable des rois, par le conseil de vils eunuques, et, pour comble d’infortune, par le glaive de Septimius, déserteur de son armée. 
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 Quis non peractum esse cum Pompeio crederet bellum? Atqui acrius multo atque vehementius Thessalici incendii cineres recaluere. Et in Aegypto quidem adversus Caesarem sine partibus bellum. Quippe quum Ptolemaeus, rex Alexandriae, summum civilis belli scelus peregisset et foedusque amicitiae cum Caesare, medio Pompeii capite sanxisset, ultionem tant viri manibus quaerente Fortuna, causa non defuit. Cleopatra regis soror, affusa Caesaris genibus, partem regni reposcebat. Aderat puellae forma, et quae duplicaretur ex illo quod talis passa videbatur injuriam; odium ipsius regis, qui Pompei caedem partium fato, non Caesari dederat, haud dubie idem in ipsum ausurus, si expedisset. Quam ubi Caesar restitui jussit in regnum, statim ab eisdem percussoribus Pompeii obsessus in regia, quamvis exigua manu ingentis exercitus molem mira virtute sustinuit. Ac primum aedificiorum proximorum atque navalium incendio, infestorum hostium tela submovit, mox in peninsulam Pharon subitus evasit; inde depulsus in maria mira felicitate ad proximam classem enatavit, relicto quidem in fluctibus paludamento, seu fato, seu consilio, ut illud ingruentibus hostium telis saxisque peteretur. Tandem receptus a classicis suis, undique simul hostes adortus, de inbelli ac perfida gente justa generi manibus dedit. Quippe et Theodotus magister auctorque totius belli, et ne virilia quidem portenta, Photinus atque Ganymedes diversa per mare et terras fuga morte consumpti. Regis ipsius corpus obrutum limo repertum est in aureae loricae honore. 
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 Qui n’aurait cru la guerre finie avec Pompée? Cependant, des cendres de la Thessalie, on vit renaître un incendie bien plus terrible et plus violent que le premier. L’Egypte s’arma contre César, sans être pourtant du parti de son rival. Ptolémée, roi d’Alexandrie, avait commis le plus grand attentat de la guerre civile : il avait cimenté son traité d’alliance avec César, en lui présentant pour gage la tête de Pompée. La fortune, qui cherchait une vengeance aux mânes de ce grand homme, la trouva bientôt. Cléopâtre, soeur du roi, vint se jeter aux genoux de César, et réclamer sa part du royaume d’Egypte. Tout parlait en faveur de cette jeune princesse : et sa beauté, et, ce qui y ajoutait encore, l’injustice dont elle se disait victime, et la haine qu’inspirait le roi qui avait immolé Pompée à la fortune d’un parti et non pas à César, et qui n’eût pas craint sans doute de frapper de même ce dernier, si son intérêt l’eût exigé. César n’eut pas plus tôt ordonné que Cléopâtre fût rétablie dans ses droits, qu’il se vit assiégé dans le palais par les assassins même de Pompée; et, bien qu’il n’eût qu’une poignée de soldats, il y soutint, avec un courage admirable, les efforts d’une nombreuse armée. D’abord, en mettant le feu aux édifices voisins, à l’arsenal et au port, il détourna l’attaque des ennemis qui le pressaient. Bientôt après, il se sauva tout à coup dans la presqu’île du Phare, d’où, forcé de s’enfuir par mer, il eut le rare bonheur de regagner à la nage sa flotte qui stationnait près de là; et, dans ce trajet, il laissa son manteau au milieu des flots, soit par hasard, soit à dessein, pour offrir un but aux traits et aux pierres que les ennemis lançaient contre lui. Enfin, recueilli par les soldats qui montaient sa flotte, il attaqua les assaillants de tous les côtés à la fois, et immola ce peuple lâche et perfide aux mânes de son gendre. Théodote, gouverneur du roi, et l’auteur de toute cette guerre, Photin et Ganymède, ces monstres qui n’étaient pas même des hommes, errèrent en fugitifs, chacun de son côté, par mer et par terre, et moururent diversement. Le corps du roi lui-même fut trouvé enseveli sous la vase et on le reconnut à la cuirasse d’or qui le distinguait. 
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 In Asia quoque novus rerum motus a Ponto, plane quasi de industria captante Fortuna hunc Mithridatico regno exitum, ut a Pompeio pater, a Caesar filius vinceretur. Rex Pharnaces magis discordiae nostrae fiducia quam virtutis suae infesto in Cappadociam agmine ruebat. Sed hunc Caesar aggressus uno et, ut sic dixerim, non toto proelio obtrivit; more fulminis, quod uno eodemque momento venit, percussit, abcessit. Nec vana de se praedicatio est Caesaris, ante victum hostem esse quam visum. 
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 En Asie, de nouveaux troubles s’élevèrent du côté du Pont, comme si la fortune, acharnée à la ruine du royaume de Mithridate, eût, après avoir accordé à Pompée la défaite du père, réservé celle du fils à César. Le roi Pharnace, comptant plus sur nos divisions que sur sa valeur, était venu fondre sur la Cappadoce, à la tête d’une puissante armée. Mais César l’attaqua et l’écrasa dans un seul combat, qui, à dire vrai, n’en fut pas même un véritable; ainsi, dans le même instant, tombe, frappe et disparaît la foudre. César ne proférait donc pas une parole vaine en disant qu’il avait vaincu l’ennemi avant de l’avoir vu. 
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 Sic cum exteris. At in Africa cum civibus multo atrocius quam in Pharsalia. Huc reliquias partium naufragarum quidam furoris aestus expulerat; nec reliquias diceres, sed integrum bellum. Sparsae magis quam oppressae vires erant. Auxerat sacramentum ipsa clades imperatoris, nec degenerabat ducum successio. Quippe satis ample sonabant in Pompeiani nominis locum Cato et Scipio.
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 Tels furent ses succès contre les étrangers. Mais, en Afrique, il eut à livrer à ses concitoyens des batailles plus sanglantes qu’à Pharsale. La fureur de la guerre civile avait, comme la vague, poussé sur ses rivages les débris du naufrage de Pompée; que dis je, des débris? c’était l’appareil de toute une guerre nouvelle. Les forces des vaincus avaient été plutôt dispersées que détruites. Leur union était devenue plus étroite et plus sacrée par le désastre même de leur chef. Il n’avait pas d’indignes successeurs dans les généraux qui le remplaçaient; et c’étaient, après celui de Pompée, des noms qui sonnaient encore assez haut, que ceux de Caton et de Scipion.
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 Accessit copiis Mauretaniae rex Juba, videlicet ut latius vinceret Caesar. Nihil ergo inter Pharsaliam et Thapson, nisi quod amplior eoque acrior Caesarianorum impetus fuit, indignantium post Pompeium crevisse bellum. Denique, quod alias numquam, ante imperium ducis, sua sponte signa cecinerunt. Strages a Juba coepit; cujus elephanti bellorum rudes et nuper a sylva consternati subito clangore: statim et in fugam exercitus, nec duces fortius quam ut fugerent; non inconspicua tamen mors omnium. Jam Scipio nave fugiebat; sed assecutis eum hostibus, gladium per viscera exegit; et, ubi esset, quodam requirente, respondit hoc ipsum: "Bene se habet imperator". Juba quum se recepisset in regiam, magnifice epulatus est postero die cum Petreio fugae comite, superque mensas et pocula interficiendum se ei praebuit. Ille et regi suffecit et sibi, quum interim semesi in medio cibi, et parentalia fercula regio simul Romanoque sanguine madebant. 
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 Juba, roi de Mauritanie, unit ses forces aux leurs, comme pour étendre sur plus d’ennemis la victoire de César. Il n’y eut aucune différence entre Pharsale et Thapsus, si ce n’est que, sur un plus vaste champ de bataille, les soldats de César déployèrent une impétuosité plus terrible, indignés de voir qu’après la mort de Pompée la guerre eût grandi encore. Enfin , ce qui n’était jamais arrivé, les trompettes, sans attendre l’ordre du général, sonnèrent d’eux-mêmes la charge. Le carnage commença par les troupes de Juba. Ses éléphants, encore étrangers aux combats, et nouvellement tirés de leurs forêts, s’effarouchèrent au premier bruit du clairon. Aussitôt l’armée prit la fuite et les généraux n’eurent pas plus de courage; (ils furent entraînés dans cette déroute); mais tous surent trouver une mort glorieuse. Scipion fuyait sur un vaisseau : mais, se voyant atteint par les ennemis, il se passa son épée au travers du corps. Quelqu’un demandant où était le général, il répondit ces propres mots “le général va bien”. Juba se retira dans son palais; il offrit, le lendemain de son arrivée, un repas splendide à Pétréius, compagnon de sa fuite, et, au milieu même de ce banquet, il lui demanda de le tuer. Pétréius tua ce prince et se tua lui-même; et le sang d’un roi mêlé avec celui d’un Romain arrosa les mets à moitié consommés de ce festin funèbre. 
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 Cato non interfuit bello. Positis apud Bagradam castris Uticam velut altera Africae claustra servabat. Sed accepta partium clade nihil cunctatus, ut sapiente dignum erat, mortem sibi etiam laetus accivit. Nam postquam filium comitesque ab amplexu dimisit, in nocte lecto ad lucernam Platonis libro, qui inmortalitatem animae docet, paulum quievit; tum circa primam vigiliam stricto gladio revelatum manu pectus semel iterumque percussit. Ausi post hoc virum medici violare fomentis. Ille passus, dum abscederent, rescidit plagas : secutaque vis sanguinis moribundas manus in ipso vulnere reliquit. 
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 Caton n’assista pas assisté à la bataille. Il campait près du Bagrada pour garder Utique, qui était comme la seconde cléf de l’Afrique. Dès qu’il apprend la défaite de son parti, il n’hésite pas, résolution digne d’un sage, à appeler, même avec joie, la Mort à son secours. Après avoir embrassé et fait retirer son fils et ses amis, il se coucha, lut pendant la nuit, à la lueur d’une lampe, le livre où Platon enseigne l’immortalité de l’âme, et se reposa ensuite quelques instants; puis, vers la première veille, il tira son épée, découvrit sa poitrine et se frappa deux fois. Les médecins ayant osé profaner de leurs appareils les blessures de ce grand homme, il souffrit leurs soins, pour se délivrer de leur présence; mais bientôt rouvrant ses plaies, d’où le sang jaillit avec violence, il y laissa plongées ses mains mourantes. 
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 Quasi non esset usquam dimicatum, sic arma rursus et partes; quantoque Africa supra Thessaliam fuit, tanto Africam superabat Hispania. Plurimum quantum favoris partibus dabat fraternitas ducum et pro uno duos stare Pompeios. Itaque nusquam atrocius nec tam ancipiti Marte concursum est. 
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 Cependant, comme si l’on n’eût encore combattu nulle part, le parti vaincu reprit les armes; et autant l’Afrique avait surpassé la Thessalie, autant l’Espagne surpassa l’Afrique. Un grand avantage pour ce parti, c’était de voir à sa tête deux chefs qui étaient frères, deux Pompées au lieu d’un. Aussi jamais guerre ne fut plus sanglante ni victoire plus disputée. 
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 Primum in ipso ostio Oceani Varus Didiusque legati conflixere; sed acrius fuit cum ipso mari quam inter se navibus bellum; siquidem, velut furorem civicum castigaret. Oceanus utramque classem naufragio cecidit. Quinam ille horror, cum eodem tempore fluctus procellae, viri, naves, armamenta confligerent! Adde situs ipsius formidinem, vergentia in unum, hinc Hispaniae, inde Mauretaniae litora, mare et intestinum et externum imminentesque Herculis speculas, quum omnia undique simul proelio et tempestate saevirent. 
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 Les lieutenants Varus et Didius en vinrent les premiers aux mains, à l’embouchure même de l’Océan; mais leurs vaisseaux eurent moins à lutter entre eux que contre la mer; et comme si l’Océan eût voulu châtier la fureur de nos discordes civiles, il détruisit l’une et l’autre flotte par un naufrage. Quel horrible spectacle que cette lutte simultanée des flots, des orages, des hommes, des vaisseaux et de leurs agrès flottants! Ajoutez à cela ce que les lieux avaient d’effrayant : d’un côté les rivages de l’Espagne, de l’autre ceux de la Mauritanie, se tournant l'une vers l'autre pour s’unir, la mer intérieure et la mer extérieure, les colonnes d’Hercule dominant les flots, partout enfin les fureurs de la guerre jointes à celles de la tempête. 
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 Mox circa obsidiones urbium utrimque discursum est, quae miserae inter hos atque illos duces societatis Romanae poenas dabant. 
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 Bientôt après, de part et d’autre, on courut assiéger les villes; et ces malheureuses cités furent cruellement punies, par les chefs des deux partis, de leur alliance avec les Romains.
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 Omnium postrema certaminum Munda. Hic non pro cetera felicitate, sed anceps et diu triste proelium, ut plane videretur nescio quid deliberare Fortuna. Sane et ipse ante aciem moestior non ex more Caesar, sive respectu fragilitatis humanae, sive nimiam prosperorum suspectam habens continuationem, vel eadem timens, postquam idem esse coeperat quod Pompeius. Sed in ipso proelio, quod nemo umquam meminerat, quum diu pari Marte acies nihil amplius quam occiderent, in medio ardore pugnantium subito ingens inter utrosque silentium, quasi convenisset;  hic omnium sensus erat. Novissime, illud inusitatum Caesaris oculis - nefas - post quattuordecim annos probata veteranorum manus gradum recto dedit. Quod etsi nondum fugerat, apparebat tamen pudore magis quam virtute resistere. Itaque ablegato equo, similis furenti primam in aciem procurrit. Ibi prensare fugientes, confirmare; signiferos, orare, hortari, increpare; per totum denique agmen oculis, manibus, clamore volitare. Dicitur in illa perturbatione et de extremis agitasse secum et ita manifesto vultu fuisse, quasi occupare mortem manu vellet; nisi quod cohortes hostium quinque per transversam aciem actae, quas Labienus periclitantibus castris subsidio miserat, speciem fugae praebuissent. Hoc aut ipse credidit aut dux callidus arripuit in occasionem; et quasi in fugientem invectus, simul et suorum erexit animos et hostis perculit. Nam hi, dum se putant vincere, fortius sequi, Pompeiani, dum fugere credunt suos, fugere coeperunt. Quanta fuerit hostium caedes, ira rabiesque victoribus, sic aestimari potest. Hoc a proelio profugi, cum se Mundam recepissent, et Caesar obsideri statim victos imperasset, congestis cadaveribus agger effectus est, quae pilis jaculisque confixa inter se tenebantur : foedum etiam in barbaros! Sed videlicet victoriam desperantibus Pompeii liberis, Cnaeum proelio profugum, cruore saucium, deserta et avia petentem Cesonius apud Lauronem oppidum consecutus, pugnantem - adeo nondum desperabat! - interfecit. Sextum fortuna in Celtiberia interim abscondit aliisque post Caesarem bellis reservavit. 
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 Munda fut la dernière de toutes les batailles de César. Là son bonheur accoutumé l’abandonna, et le combat, longtemps douteux, prit un aspect alarmant; la fortune, incertaine, semblait en quelque sorte délibérer. César lui-même, avant l’action, avait paru triste, contre sa coutume, soit qu’il fît un retour sur la fragilité des choses humaines, soit qu’il se défiât d’une prospérité trop prolongée, ou qu’il craignît, après avoir commencé comme Pompée, de finir comme lui. Au milieu même de la mêlée, après des efforts longtemps égaux de part et d’autre, tout à coup, ce que personne ne se souvenait d’avoir vu, à toute l’ardeur du combat et du carnage succéda, comme s’il y eût eu concert entre les deux armées, le plus profond silence ; tous éprouvaient le même sentiment. Enfin (et ce prodige était nouveau pour les yeux de César), bien qu’éprouvé par quatorze années de combats, le corps des vétérans recula; et s’il ne fuyait pas encore, il était cependant aisé de reconnaître que la honte le retenait plutôt que le courage. César alors renvoie son cheval, et court comme un furieux à la première ligne. Il saisit et rassure les fuyards, et vole de rang en rang, pour animer ses soldats des yeux, du geste et de la voix. On dit que, dans ce moment de trouble, il délibéra s’il mettrait fin à ses jours, et qu’on put lire sur son visage la pensée de mort qui le préoccupait. Dans ce moment couraient à travers les lignes cinq cohortes ennemies, que Labiénus avait envoyées au secours de leur camp qui était en danger; ce mouvement avait l’apparence d’une fuite. César, soit qu’il crût qu’elles fuyaient en effet, soit qu’en chef habile il feignît de le penser, saisit l’occasion, les charge comme des troupes en déroute, relève le courage des siens, et abat celui de l’ennemi. Ses soldats, se croyant vainqueurs, mettent plus d’impétuosité dans la poursuite; ceux de Pompée, persuadés que leurs compagnons sont en fuite, se mettent à fuir eux-mêmes. Quels ne furent pas le carnage des vaincus, la fureur et l’acharnement des vainqueurs ! On peut en juger par un seul trait : ceux qui se sauvèrent de la mêlée, s’étant enfermés dans Munda, et César en ayant aussitôt ordonné le siège, on forma un retranchement d’un amas de cadavres, joints ensemble par les dards et les javelots qui les avaient traversés : action révoltante, même parmi les Barbares! Les fils de Pompée désespérèrent enfin de la victoire. Cnéus, échappé du combat, blessé à la cuisse, et gagnant des lieux déserts et écartés, fut atteint, par Césonius, près de la ville de Laurone, se défendit en homme qui n’avait pas encore perdu toute espérance, et fut tué. Quant à Sextus, le fortune le cacha dans la Celtibérie et le réserva pour d’autres guerres après la mort de César. 
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 Caesar in patriam victor invehitur, primum de Gallia triumphum trahens: hic erat Rhenus et Rhodanus et ex auro captivus Oceanus. Altera laurus Aegyptia: tunc in ferculis Nilus, Arsinoe et ad simulacrum ignium ardens Pharos. Tertius de Pharnace currus et Ponto. Quartus Iubam et Mauros et bis subactam ostendebat Hispaniam. Pharsalia et Thapsos et Munda nusquam: et quanto majora erant, de quibus non triumphabat!  
 
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 César revint victorieux dans sa patrie; il remporta son premier triomphe sur la Gaule : on vit outre le Rhin et le Rhône, l’Océan représenté en or sous la forme d’un captif. C’était en Egypte qu’il avait cueilli son second laurier : dans ce triomphe parurent les images du Nil et d’Arsinoe, et celle du Phare, qui semblait étinceler de tous ses feux. Le troisième présenta devant son char Pharnace et le Pont. Le quatrième montra Juba, les Maures et l’Espagne deux fois soumises. Rien ne rappelait Pharsale, Thapsus, Munda, victoires bien plus grandes, dont il ne triomphait pas. 
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 Hic aliquando finis armis fuit. Reliqua pax incruenta pensatumque clementia bellum. Nemo caesus imperio praeter Afranium (satis ignoverat semel) et Faustum Syllam (didicerat generos timere Pompeius) filiamque Pompei cum parvulis ex Sylla: hic posteris cavebatur. Itaque non ingratis civibus omnes unum in principem congesti honores: circa templa imagines, in theatro distincta radiis corona, suggestus in curia, fastigium in domo, mensis in caelo, ad hoc Pater ipse patriae perpetuusque Dictator; novissime, dubium an ipso volente, oblata pro rostris ab Antonio consule, regni insignia.
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 Alors enfin on posa les armes. La paix qui suivit ne fut pas ensanglantée, et la clémence du vainqueur compensa les cruautés de la guerre. Il ne fit mourir personne, excepté Afranius (c’était assez de lui avoir pardonné une fois) , Faustus Sylla (Pompée l'avait appris à craindre ses gendres), et la fille de Pompée, avec ses cousins-germains du côté de Sylla : il voulait assurer le repos de sa postérité. Ses concitoyens ne furent pas ingrats; ils accumulèrent tous les honneurs sur sa tête privilégiée. Ses statues autour des temples, le droit de porter au théâtre une couronne entourée de rayons éclatants, un siège éminent dans le sénat, un dôme sur sa maison , son nom donné à l’un des mois que parcourt le soleil, telles furent ces distinctions. On y ajouta le titre de Père de la patrie et de Dictateur perpétuel. Enfin, le consul Antoine, peut-être avec leur consentement, lui présenta, devant la tribune aux harangues, les insignes de la royauté. 
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 Quae omnia velut infulae in destinatam morti victimam congerebantur. Quippe clementiam principis vicit invidia, gravisque erat liberis ipsa beneficiorum potentia. Nec diutius lata dominatio est; sed Brutus et Cassius aliique patres consenserunt in caedam principis. Quanta vis fati! Manaverat late coniuratio, libellus etiam Caesari datus eodem die, nec perlitare centum victimis potuerat. Venit in curiam tamen, expeditionem Parthicam meditans. Ibi in curuli sedentem eum senatus invasit, tribusque et viginti vulneribus ad terram datus est. Sic ille, terrarum orbem civili sanguine inpleverat, tandem ipse sanguine suo curiam implevit.  
 
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 Tous ces honneurs étaient comme les ornements dont on charge la victime destinée à la mort. La clémence du prince ne put triompher de la haine de ses ennemis : le pouvoir même de leur faire du bien pesait à des hommes libres. Le moment de sa mort ne fut pas plus longtemps différé. Brutus, Cassius, et d’autres patriciens conspirèrent contre sa vie. Admirez la puissance du destin! Le secret de la conjuration était répandu au loin; le jour même de l’exécution, on avait remis à César un mémoire qui l’en informait; sur cent victimes égorgées, aucune n’avait offert de présages favorables. Cependant il vint au sénat, méditant une expédition contre les Parthes. A peine fut-il assis sur sa chaise curule, que les sénateurs se jetèrent sur lui et on l'abattit de vingt-trois coups de poignard. C'est ainsi que l'homme qui avait inondé l’univers du sang de ses concitoyens , inonda enfin de son propre sang la salle du sénat. 
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 III. - Caesar Augustus. - Populus Romanus Caesare et Pompeio trucidatis rediisse in statum pristinae libertatis videbatur; et redierat, nisi aut Pompeius liberos aut Caesar heredem reliquisset, vel, quod utroque perniciosius fuit, si non collega quondam, mox aemulus Caesarianae potentiae, fax et turbo sequentis saeculi superfuisset Antonius. Quippe dum Sextus paterna repetit, trepidatum toto mari; dum Octavius mortem patris ulciscitur, iterum fuit movenda Thessalia; dum Antonius varius ingenio aut successorem Caesaris indignatur Octavium aut amore Cleopatrae desciscit in regem; nam aliter salvus esse non potuit, nisi confugisset ad servitutem. Gratulandum tamen ut in tanta perturbatione est, quod potissimum ad Octavium Caesarem Augustum summa rerum rediit, qui sapientia sua atque sollertia perculsum undique ac perturbatum ordinavit imperii corpus; quod ita haud dubie numquam coire et consentire potuisset, nisi unius praesidis nutu quasi anima et mente regeretur. 
 
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 III. - César Auguste. - Le peuple romain, après le meurtre de César et de Pompée, semblait avoir recouvrer son ancienne liberté; et il l'eût recouvrée, si Pompée n’eût pas laissé d’enfants, ni César d’héritier; ou, ce qui fut plus funeste encore, si Antoine, autrefois le collègue de César, et qui alors aspirait à succéder à sa puissance, ne lui eût pas survécu pour jeter le trouble et des brandons de discorde dans le siècle suivant. Sextus Pompée, en réclamant les biens paternels, répand la terreur sur toutes les mers; Octave, pour venger la mort de son père, remue une seconde fois la Thessalie; Antoine, esprit inconstant, tantôt s’indignant de voir dans Octave le successeur de César, tantôt se ravalant jusqu’à la royauté par amour pour Cléopâtre, réduit Rome à ne pouvoir trouver de salut et d’asile que dans la servitude. Toutefois, dans de si grandes agitations, on eut à se féliciter de ce que la puissance suprême tombât de préférence entre les mains d’Octave César Auguste, qui, par sa sagesse et son habileté, rendit le repos et l’ordre au corps de l’Etat si violemment ébranlé de toutes parts. Jamais, il ne faut pas en douter, ses diverses parties n’auraient pu se rapprocher, ni retrouver leur ensemble, s’il n’eût été régi par la volonté d’un seul chef qui en fût comme l’âme et le génie.
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 Marco Antonio Publio Dolabella consulibus, imperium Romanum jam ad Caesarem transferente Fortuna, varius et multiplex motus civitatis fuit. Quodque in annua caeli conversione fieri solet, ut mota sidera tonent ac suos flexus tempestate significent, sic tum Romanae dominationis, id est humani generis, conversione penitus intremuit omnique genere discriminum, civilibus, externis, servilibus, terrestribus ac navalibus bellis omne imperii corpus agitatum est.
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 Sous le consulat de Marc Antoine et de Publius Dolabella, la fortune transférant dès lors l’empire romain aux Césars, il y eut des troubles variés et nombreux dans l'Etat; et, comme dans la révolution annuelle du ciel les mouvements des astres s’annoncent ordinairement par le tonnerre, et leurs changements par la tempête, ainsi dans cette révolution du gouvernement de Rome, c’est-à-dire du genre humain, l'Etat trembla jusque dans ses fondements, et toutes sortes de dangers, des guerres civiles, continentales et maritimes, agitèrent tout le corps de l'empire. 
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 IV - Bellum Mutinense. - Prima civilium motuum causa testamentum Caesaris fuit, cujus secundus heres Antonius, praelatum sibi Octavium furens, inexpiabile contra adoptionem acerrimi juvenis susceperat bellum. Quippe quum intra decem et octo annos tenerum, obnoxium et opportunum injuriae juvenem videret, ipse plenae ex commilitio Caesaris dignitatis, lacerare furtis hereditatem, ipsum insectari probris, cunctis artibus adoptationem Juliae gentis inhibere, denique ad opprimendum juvenem palam arma moliri; et jam parato exercitu in Cisalpina Gallia resistentem motibus suis Decimum Brutum obsidebat. 
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 IV - Guerre de Modène. - (an de Rome 710-711). - Le testament de César fut la première cause de ces nouveaux troubles civils. Antoine, son second héritier, furieux de ce que Octave lui avait été préféré, entreprit une guerre à outrance pour combattre l’adoption de ce jeune et redoutable rival. Il ne voyait dans Octave qu’un adolescent de dix-huit ans, que cet âge, encore tendre, exposait et livrait à l’injustice, tandis qu’il se sentait lui-même fort du crédit attaché au titre de compagnon d’armes de César. Il commença donc à déchirer, par ses usurpations, la succession de César, à poursuivre Octave de ses outrages, à employer des artifices de tout genre pour empêcher son adoption dans la famille des Jules. Enfin, il prit ouvertement les armes pour accabler ce jeune adversaire; et, avec une armée qu’il tenait toute prête, il assiégea, dans la Gaule cisalpine, Décimus Brutus, qui s’opposait à ses desseins.
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 Octavius Caesar, et aetates et injuria favorabilis, et nominis majestate quod sibi induerat, revocatis ad arma veteranis, privatus - quis crederet? - consulem adgreditur; obsidio Mutinae liberat Brutum; Antonium exuit castris. Tum quidem etiam manu pulcher apparuit. Nam cruentus et saucius aquilam a moriente signifero traditam suis humeris in castra referebat.
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 Octave, à qui son âge, l’injustice dont il était l’objet, et la majesté du nom qu’il avait pris, conciliaient la faveur publique, rappela aux armes les vétérans, et, quoique simple citoyen, il osa (qui le croirait?) attaquer un consul. Il délivra Brutus assiégé dans Modène; il s’empara du camp d’Antoine. Et même, dans cette occasion, il se signala par sa valeur. On le vit, couvert de sang et de blessures, rapporter sur ses épaules, dans son camp, une aigle que lui avait remise un porte-enseigne mourant. 
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 V. - Bellum Perusinum. - Alterum bellum concitavit agrorum divisio, quod Caesar veteranis patris pretium militiae persolvebat. Semper alias Antonii pessumum ingenium Fulvia, gladio cincta virilis militiae, uxor agitabat. Ergo depulsos agris colonos incitando iterum in arma ierat. Hic vero jam non privatis, sed totius senatus suffragiis judicatum hostem Caesar adgressus intra Perusiae muros redegit compulitque ad extrema deditionis turpi et nihil non experta fame. 
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 V. - Guerre de Pérouse. - (An de R. 712.) - Le partage des terres que César laissait aux vétérans pour prix de leurs services, excita une seconde guerre. Fulvie, cette femme d’un courage viril, ceignant l’épée comme un soldat, animait Antoine, son époux, dont le génie était toujours porté au mal. Il soulève les colons chassés de leurs terres, et prend de nouveau les armes. Il est déclaré ennemi de la république, non plus par quelques particuliers, mais par les suffrages de tout le sénat; César l’attaque, le contraint de s’enfermer dans les murs de Pérouse, le réduit aux dernières horreurs de la famine, et le force à se rendre à discrétion..
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 VI. - Triumviratus. - Quum solus etiam gravis paci, gravis reipublicae esset Antonius, quasi ignis incendio Lepidus accessit. Quid contra duos exercitus? Necesse fuit venire in cruentissimi foederis societatem. Diversa omnium vota. Incendit Lepidum divitiarum cupido, quarum spes ex perturbatione reipublicae; Antonium ultionis de his qui se hostem judicasset, Caesarem inultus pater, et manibus ejus graves Cassius et Brutus agitabant. In hoc velut foedus pax inter tres duces componitur. Apud confluentes inter Perusiam et Bononiam jungunt manus, et exercitus consalutant. Nullo bono more triumviratus invaditur, oppressaque armis republica redit Syllana proscriptio, cujus atrocitas nihil in se minus habet quam numerum centum et quadraginta senatorum. Exitus foedi, truces, miserabiles toto terrarum orbe fugientium. Pro quibus quis pro indignitate rei ingemescat, quum Antonius Lucium Caesarem, avunculum suum, Lepidus Lucium Paulum, fratrem suum, proscripserit? Romae capita caesorum proponere in rostris jam usitatum erat; verum sic quoque civitas lacrymas tenere non potuit, quum recisum Ciceronis caput in illis suis rostris videretur; nec aliter ad videndum eum, quam solebat ad audiendum, concurreretur. Haec scelera in Antonii Lepidique tabulis : Caesar percussoribus patris contentus fuit. Haec quoque, nisi multa fuisset, etiam justa caedes haberetur. 
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 VI. -Triumvirat. - (An de Rome 710.) - Antoine seul était déjà un obstacle à la paix, un empêchement au bien de la république, lorsque Lépide se joignit à lui, comme un feu à l'incendie. Que pouvait Octave contre deux armées? Il fut donc forcé de s’associer à ce pacte sanglant. Tous avaient des vues différentes. Lépide brûlait de satisfaire sa passion des richesses qu'il avait l'espoir de retirer du bouleversement de l'Etat; Antoine, de sacrifier à son ressentiment ceux qui l’avaient déclaré ennemi de l’Etat; César, de venger enfin son père, et d’immoler Brutus et Cassius à ses mânes indignés. Ce furent là comme les conditions de la paix qui fut conclue entre les trois chefs. Au confluent de deux rivières, entre Pérouse et Bologne, ils joignirent leurs mains et saluèrent réciproquement leurs armées. Imitant un exemple funeste, ils entreprirent de former un triumvirat; la république, opprimée par leurs armes, vit le retour des proscriptions de Sylla. Le massacre de cent quarante sénateurs en fut la moindre atrocité. Des morts affreuses, lamentables, atteignirent les proscrits dans leur fuite par tout l’univers. Qui pourrait assez gémir sur l’indignité de ces forfaits! Antoine proscrit Lucius César, son oncle maternel; et Lépide, Lucius Paulus, son frère. On était déjà habitué dans Rome à voir, exposées sur la tribune aux harangues, les têtes des citoyens égorgés. Cependant la ville ne put retenir ses larmes en contemplant la tête sanglante de Cicéron sur cette tribune, le théâtre de sa gloire; et ce spectacle n’attirait pas moins de monde qu’autrefois son éloquence. Ces crimes étaient marqués à l’avance sur les tables d’Antoine et de Lépide. Pour César, il se contenta de faire périr les assassins de son père. Il le fit aussi parce que le meurtre du dictateur aurait paru légitime s'il n'avait pas été vengé.
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 VII. - Bellum Cassii et Bruti. - Brutus et Cassius sic C. Caesarem, quasi Tarquinium regem, depulisse regno videbantur, sed libertatem, quam maxime restitutam voluerunt, illo ipso parricidio perdidere. Igitur, caede perfecta, quum veteranos Caesaris, nec inmerito, timerent, statim e curia in Capitolium confugerant. Nec illis ad ultionem deerat animus; sed ducem nondum habebant. Igitur quum appareret, quae strages rei publicae immineret, displicuit ultio, cum consulis abolitione decreta. Ne tamen publici doloris oculis ferrent, in provincias ab illo ipso quem occiderant, Caesare datas, Syriam et Macedoniam concesserant. Sic vindicta Caesaris dilata potius quam oppressa est. 
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 VII. - Guerre de Cassius et de Brutus. (An de Rome 709-741) - Brutus et Cassius, en immolant César, semblaient avoir chassé du trône un autre roi Tarquin. Mais ce parricide même, par lequel ils voulaient surtout rétablir la liberté, en consomma la perte. Après le meurtre, redoutant, non sans raison , les vétérans de César, ils s’étaient aussitôt réfugiés du sénat au Capitole. Ce n’est pas que la volonté de venger leur général manquât à ces soldats; mais ils n’avaient pas de chef. D’ailleurs comme, selon toute apparence, cette vengeance devait être fatale à la république, on renonça à l’exercer et, du consentement du consul, il fut rendu un décret d’amnistie. Cependant pour ne pas avoir à supporter la vue de la douleur publique, Brutus et Cassius s’étaient retirés dans leurs provinces de Syrie et de Macédoine, dont ils étaient redevables à ce même César qu’ils avaient tué. Ainsi la vengeance de sa mort fut plutôt différée qu’abandonnée.
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 Igitur jam ordinata magis ut poterat quam ut debebat inter triumviros, re publica, relicto ad urbis praesidium Lepido, Caesar cum Antonio in Cassium Brutumque succingitur. Illi comparatis ingentibus copiis eamdem illam, quae fatalis Cnaeo Pompeio fuit, arenam insederant. Sed nec tum inminentia destinatae cladis signa latuere. Nam et assuetae cadaverum pabulo volucres castra, quasi jam sua circumvolabant; et in aciem prodeuntibus obvius Aethiops nimis aperte ferale signum fuit. Ipsique Bruto per noctem, quum illato lumine ex more aliqua secum agitaret, atra quaedam imago se obtulit, et, quae esset interrogata, "Tuus", inquit, "malus genius", ac sub oculis mirantis evanuit.
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 Les triumvirs, ayant de concert réglé les affaires de la république, moins comme elles devaient que comme elles pouvaient l’être, la défense de la ville fut laissée à Lépide, et César marcha avec Antoine contre Cassius et Brutus. Ceux-ci, après avoir rassemblé des forces considérables, étaient allés camper dans la même plaine qui avait été si fatale à Cnaeus Pompée. Cette fois aussi, des signes manifestes annoncèrent à ces généraux le désastre qui les menaçait. Autour de leur camp voltigeaient, comme autour d’une proie déjà sûre, des oiseaux habitués à se repaître de cadavres. Ils firent, en marchant au combat, la rencontre d’un Ethiopien, présage trop certain d’un malheur. Brutus lui-même se livrait, pendant la suit, à la lueur d'une lampe, à ses méditations accoutumées, lorsqu’un noir fantôme lui apparut; il lui demanda qui il était – « Ton mauvais génie », lui répondit le spectre, en disparaissant à ses yeux étonnés. 
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 Pari in meliora praesagio in Caesaris castris omnia, aves victimaeque, promiserant. Sed nihil illo praesentius, quod Caesaris medicus somnio admonitus est, ut Caesar castris excederet, quibus capi inminebat; ut factum est. Acie namque commissa quum pari ardore aliquandiu dimicatum foret, et quamvis duces inde praesentes adessent, quum alterum corporis aegritudo, illum metus et ignavia subduxissent, staret tamen pro partibus invicta fortuna et ultoris et qui vindicabatur, primum adeo anceps fuit, et par ultrimque discrimen, ut exitus proelii docuit. Capta sunt hinc Caesaris castra, inde Cassii. 
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 Dans le camp de César, il y avait également des présages, mais de meilleurs; le vol des oiseaux et les entrailles des victimes y promettaient la victoire. L’augure le plus favorable fut l'avertissement que le médecin de César reçut en songe de le faire transporter hors du camp, qui était menacé d’être pris, et qui le fut en effet. L’action s’étant engagée, on se battit quelque temps avec une égale ardeur, bien qu’aucun des deux chefs ne fût présent à la bataille; l'un était retenu par la maladie, l’autre par la crainte et la lâcheté. Toutefois, l’invincible fortune de César et de son vengeur prit parti dans cette journée. La victoire fut d’abord incertaine et les avantages égaux de part et d’autre, comme le montra l’issue du combat. Le camp de César et celui de Cassius furent également pris. 
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 Sed quanto efficacior est fortuna quam virtus! et quam verum est, quod moriens efflavit, non in re, sed in verbo tantum, esse virtutem! Victoriam illi proelio error dedit. Cassius inclinato cornu suorum, quum captis Caesaris castris rapido impetu recipientes se equites videret, fugere arbitratus, evadit in tumulum. Inde pulvere et strepitu, etiam nocte vicina eximentibus gestae rei sensum, quum speculator quoque in id missus, tardius renuntiaret, transactum de partibus ratus, uni de proximis auferendum praebuit caput. Brutus, quum in Cassio etiam suum animum perdidisset, ne quid ex constituti fide resignaret - ita enim non superesse bello convenerat - ipse quoque uni comitum suorum confodiendum praebuit latus. Quis sapientissimos viros non miretur ad ultimum non suis manibus usos? Nisi si hoc quoque ex persuasione defuit, ne violarent manus, sed in abolitione sanctissimarum piissimarumque animarum, judicio suo, scelere alieno uterentur.
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 Mais que la fortune a plus de puissance que la vertu! et qu’elle est vraie, cette dernière parole de Brutus mourant : « La vertu n’est qu’un vain nom! » Une méprise donna la victoire dans ce combat. Cassius, voyant plier l’aile qu’il commandait, et jugeant, au mouvement rapide d'où revenait la cavalerie après avoir forcé le camp de César, qu’elle prenait la fuite, se retira sur une éminence. La poussière, le bruit, et l’approche de la nuit lui dérobaient le véritable aspect des choses; de plus, un éclaireur qu’il avait envoyé à la découverte tardait à lui rapporter des nouvelles ; il crut son parti ruiné sans ressource, et présenta sa tête au glaive d’un de ceux qui l’entouraient. Avec Cassius, Brutus perdit son courage. Fidèle à l’engagement qu’il avait pris, (ils étaient convenus de ne pas survivre à leur défaite), il offrit aussi sa poitrine à l’épée d’un de ses affidés. Qui ne s’étonnera pas que des hommes aussi sages n’aient pas eux-mêmes terminé leurs destins? Peut-être étaient-ils persuadés qu’ils ne pouvaient souiller leurs mains de leur propre sang, et que, pour l’affranchissement de leurs âmes si saintes et si pieuses, ils devaient, à leur avis, laisser d’autres commettre le crime. 
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 VIII. - Bellum cum Sexto Pompeio. - Sublatis percussoribus Caesaris supererat Pompei domus. Alter juvenum in Hispaniam occiderat, alter fuga evaserat. Contractisque infelicis belli reliquiis, quum insuper ergastula armasset, Siciliam Sardiniamque habebat; jam et classe medium mare insederat. O quam diversus a patre! ille Cilicas exstinxerat, hic secum piratas navales agitabat. 
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 VIII. - Guerre contre Sextus Pompée. - (An de Rome 715-718) - Les meurtriers de César étaient détruits; restait la famille de Pompée : l'un de ses fils était mort en Espagne, l’autre n’avait dû son salut qu’à la fuite. Celui-ci avait ramassé les débris de cette guerre malheureuse et armé jusqu’aux esclaves; il occupait la Sicile et la Sardaigne. Déjà même sa flotte dominait sur la Méditerranée. Oh ! que le fils différait du père ! l'un avait exterminé les pirates Ciliciens, l’autre les associait à ses desseins.
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 Tanta mole belli penitus in Siculo freto juvenis oppressus est; magnique famam ducis ad inferos secum tulisset, si nihil tentasset ulterius; nisi quod magnae indolis signum est sperare semper. Perditis enim rebus, profugit Asiamque velis petit, venturus ibi in manus hostium et catenas et, quod miserrimum est fortibus viris, ad hostium arbitrium sub percussore moriturus. Non alia post Xerxem miserabilior fuga. Quippe modo trecentarum quinquaginta navium dominus cum sex septemve fugiebat, extincto praetoriae navis lumine, anulis in mare abjectis, pavens atque respectans, et tamen non timens ne periret.
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 Le jeune Pompée fut accablé sans retour dans le détroit de Sicile, sous le poids d’une guerre formidable; il eût emporté aux enfers la réputation de grand capitaine, s’il n’eût pas de nouveau tenté la fortune, bien que ce soit le signe d’une grande âme que d’espérer toujours. Voyant ses affaires ruinées, il s’enfuit et fit voile vers l’Asie, où il devait tomber entre les mains et dans les chaînes de ses ennemis, et, ce qui est le comble de l’infortune pour un homme de courage, périr à leur gré sous le fer d’un assassin. Jamais fuite, depuis celle de Xerxès, n’avait été plus déplorable. Maître naguère de trois cent cinquante navires, c’était avec six ou sept que fuyait Sextus, réduit à faire éteindre le fanal du vaisseau prétorien et à jeter son anneau dans la mer, portant de tous côtés des regards incertains et inquiets, et toutefois ne craignant pas la mort. 
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 IX. - Bellum Parthicum, duce Ventidio. - Quamvis in Cassio et Bruto partes sustulisset, in Pompeio totum partium nomen abolesset, nondum tamen ad pacis stabilitatem profecerat Caesar, quum scopulus et nodus et mora publicae securitatis superesset Antonius. Nec ille defuit vitiis quin periret, immo omnia expertus ambitu et luxuria primum hostes, deinde cives, tandem etiam terrore sui saeculum liberavit. 
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 IX. - Guerre de Ventidius contre les Parthes. - (An de Rome 714-715). - Quoique César eût, par la mort de Cassius et de Brutus, anéanti le parti de Pompée, quoiqu’il en eût effacé jusqu’au nom par celle de Sextus, il n’avait encore rien fait pour la stabilité de la paix, puisqu’il restait un écueil, un nœud gordien, un obstacle qui retardait le retour de la sécurité publique: c’était Antoine. Du reste, cet homme hâta lui-même sa perte par ses vices. Se livrant à tous les excès de l’ambition et de la luxure, il délivra d’abord ses ennemis, ensuite ses concitoyens, enfin son siècle de la terreur qu'il inspirait.
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 Parthi clade Crassiana altius animos erexerat civilesque populi Romani discordias laeti acceperant; itaque ut prima affulsit occasio, non dubitaverunt erumpere, ultro quidem invitante Labieno, qui missus a Cassio Brutoque - quis furor scelerum! - sollicitaverat hostes in auxilium. Et illi, Pacoro duce, regio juvene, dissipant Antoniana praesidia; Saxa legatus ne veniret in potestatem a gladio impetravit. Denique, ablata Syria, emanabat latius malum, hostibus sub auxilii specie sibi vincentibus, nisi Ventidius, et hic legatus Antonii, incredibili felicitate et Labieni copias ipsumque Pacorum et omnem Parthicum equitatum, toto inter Orontem et Euphratem sinu late cecidisset. Viginti amplius milium fuit. Nec sine consilio ducis, qui simulato metu adeo passus est hostem castris succedere, donec, absumpto jactus spatio, adimeret usum sagittarum. Rex fortissime dimicans cecidit. Mox circumlato ejus per urbes, quae desciverant, capite, Syria sine bello recepta. Sic Crassianam cladem Pacori caede pensavimus. 
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 Les Parthes, enorgueillis de la défaite de Crassus, avaient appris avec joie les discordes civiles du peuple romain; et, prompts à saisir la première occasion, ils avaient envahi nos frontières, à l’instigation de Labiénus, que Cassius et Brutus – ô délire du crime! - avaient envoyé pour implorer le secours de ces ennemis de Rome. Aussitôt les Parthes, sous la conduite du jeune Pacorus, fils de leur roi, dissipent les garnisons d’Antoine, dont le lieutenant Saxa se tua de son glaive pour ne pas tomber entre les mains du vainqueur. La Syrie nous fut enfin enlevée; et les Parthes triomphant pour eux-mêmes, sous le nom d’auxiliaires, le mal se serait étendu plus loin, si, par un bonheur incroyable, Ventidius, autre lieutenant d’Antoine, n’eût taillé en pièces les troupes de Labiénus, toute la cavalerie Parthe, et tué Pacorus lui-même, dans la vaste plaine située entre l’Oronte et l’Euphrate. Plus de vingt mille hommes périrent, dans cette défaite, qui fut due surtout à l’habileté de notre général. Feignant d’être effrayé, il laissa les ennemis s’approcher si près de son camp qu’il leur ôta ainsi l’espace nécessaire pour la portée du trait et le pouvoir de faire usage de leurs flèches. Leur prince périt en combattant vaillamment. Sa tête fut aussitôt portée dans toutes les villes qui avaient fait défection et la Syrie fut reprise sans combat. C’est ainsi que nous vengeâmes le désastre de Crassus par le sang de Pacorus. 
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 X. - Bellum Parthicum sub Antonio. - Expertis invicem Parthis atque Romanis, quum Crassus et Pacorus utrimque virium mutuarum documenta fecissent, pari rursus reverentia integrata amicitia; et quidem ab ipso Antonio foedus cum rege percussum. Sed - immensa vanitas hominis! - dum titulorum cupidine Araxem et Euphratem sub imaginibus suis legi concupiscit, neque causa neque consilio ac ne imaginaria quidem belli indictione, quasi hoc quoque ex arte ducis esset obrepere, relicta repente Syria in Parthos impetum facit. Gens praeter armorum fiduciam callida simulat trepidationem et in campos fugam. Hic statim quasi victor sequebatur, quum subito nec magna hostium manus ex improviso et jam in fessos via sub vespere, velut nimbus, erupit et missis undique sagittis duas legiones operuerunt. 
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 X. - Guerre d’Antoine contre les Parthes. – (An de Rome 716-717.) - Les Parthes et les Romains, en mesurant leurs forces, s’en étaient donné, par la mort de Crassus et de Pacorus, des preuves mutuelles : pleins les uns pour les autres d’un respect égal, ils renouvelèrent leur alliance, et ce fut Antoine lui-même qui signa le traité avec le roi des Parthes. Mais, ô immense vanité de l’homme ! ce triumvir, avide de nouveaux titres, et jaloux de faire lire au bas de ses images les noms de l’Araxe et de l’Euphrate, sans sujet, sans aucun plan, sans apparence même de déclaration de guerre, comme si la fraude entrait aussi dans la tactique d’un général, il quitte tout à coup la Syrie et se précipite sur les Parthes,. Cette nation aussi rusée que brave simulent l’effroi et fuient à travers leurs campagnes. Antoine les poursuivait, se croyant déjà vainqueur, lorsque, tout à coup, un corps d’ennemis peu considérable s'abattit à l'improviste, vers le soir, comme un orage, sur nos soldats fatigués de la marche, et couvrit deux légions de traits qui pleuvaient de tous côtés.
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 Nihil acciderat in comparationem cladis, quae in posterum diem inminebat, nisi intervenisset deum miseratio. Unus ex clade, Crassiana, Parthico habitu, castris adequitat; et, salute Latine data, quum fidem eo ipso fecisset, quid immineret edocuit : jam adfuturum cum omnibus copiis regem; irent retro peterentque montis; sic quoque hostem fortasse non defore. Atque ita secuta est minor vis hostium quam imminebat; adfuit tamen. Deletae reliquiae copiae forent, nisi urgentibus telis in modum grandinis, quadam sorte quasi docti, procubuissent in genua milites et, elatis supra capita secutis, caesorum speciem praebuissent. Tum Parthus arcus inhibuit. Deinde Romani quum se rursus extulissent, adeo res miraculo fuit, ut unus ex barbaris miserit vocem : "Ite et bene valete, Romani! Merito vos victores fama gentium loquitur, qui Parthorum tela fugistis." 
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 Ce n’était rien encore au prix du désastre qui nous attendait le jour suivant, si les dieux ne fussent intervenus par pitié pour nous. Un Romain, échappé à la défaite de Crassus, s’approche à cheval de notre camp, sous l’habillement d’un Parthe, et après avoir donné en latin le salut au général, afin de lui inspirer de la confiance, il l’informe des périls qui le menacent : le roi des Parthes doit bientôt paraître avec toutes ses troupes; il faut que l’armée retourne sur ses pas et gagne les montagnes, précaution qui ne la dérobera peut-être pas encore à l’ennemi. Grâce à cet avis, elle fut moins vivement poursuivie qu’elle n’avait lieu de le craindre. Elle le fut cependant; et ce reste de nos troupes allait être exterminé, si, accablés d’une grêle de traits, nos soldats, par une espèce d’inspiration, se laissant tomber sur leurs genoux, ne se fussent couvert la tête de leurs bouclier, posture qui fit croire qu’ils étaient tués. Les Parthes alors détendirent leurs arcs. Voyant ensuite les Romains se relever, ils furent frappés d’un tel étonnement qu’un de ces Barbares s’écria : « Allez, Romains, et retirez-vous sains et saufs; c’est à bon droit que la renommée vous appelle les vainqueurs des nations, puisque vous avez échappé aux flèches des Parthes.» 
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 *** Non minor ex via postea quam ab hostibus accepta clades. Infesta primum siti regio, tum quibusdam salmacidi fluvii infestiores ***;  novissime quia jam ab invalidis et avide hauriebantur noxiae etiam dulces fuere. Mox et ardores per Armeniam et nives per Cappadociam et utriusque caeli subita mutatio pro pestilentia fuit. Sic vix tertia parte de sedecim legionibus reliqua, quum argentum ejus passim dolabris concideretur, et subinde inter moras mortem a gladiatore suo flagitasset egregius imperator, tandem perfugit in Syriam. Ibi incredibili quadam mentis vecordia ferocior aliquando factus est, quasi vicisset, qui evaserat.
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 Par la suite, les malheurs, sur le chemin du retour, ne furent pas moins importants que la défaite infligée par l'ennemi. D’abord, c’était une région où l'on souffrait de la soif; puis, l'eau saumâtre des fleuves fut pour certains plus funeste encore; enfin l’eau douce même devint nuisible, parce que nos soldats, dans l’état de faiblesse où ils se trouvaient, en burent avec avidité. Exposés bientôt et aux chaleurs de l’Arménie et aux frimas de la Cappadoce, le changement subit de ces climats si différents produisit sur eux l’effet de la peste. C’est ainsi que, ramenant à peine le tiers de seize légions, après avoir vu mettre en pièces, à coups de hache, son argenterie, et conjuré à diverses reprises son gladiateur de lui donner la mort, cet illustre général se réfugia enfin en Syrie. Là, par un incroyable aveuglement d’esprit, il se montra plus arrogant que jamais, comme s’il eût vaincu l’ennemi, quand il n’avait fait que lui échapper. 
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.XI. - Bellum cum Antonio et Cleopatra. - Furor Antonii quatenus ambitu non interiret, luxu libidine extinctus est. Quippe post Parthos quum exorsus arma in otio ageret, captus amore Cleopatrae, quasi bene gestis rebus, in regio se sinu reficiebat. Haec mulier Aegyptia, ab ebrio imperatore, pretium libidinum Romanum imperium petit. Et promisit Antonius, quasi facilior esset Partho Romanus. Igitur dominationem parare, nec tacite; sed patriae, nominis, togae, fascium oblitus, totus in monstrum illud, ut mente, ita animo quoque et cultu, desciverat. Aureum in manu baculum, ad latus acinaces, purpurea vestis ingentibus obstricta gemmis: diadema aderat, ut regina rex ipse frueretur.
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XI. - Guerre contre Antoine et Cléopâtre. - (An de Rome 722). - La fureur d’Antoine, qui n’était pas tombée devant le résultat de son ambition, trouva un terme dans son luxe et ses débauches. Détestant la guerre, après son expédition contre les Parthes, il s’abandonna à la mollesse; et, captivé par les attraits de Cléopâtre, il se délassait, comme après tin triomphe, dans les bras de cette reine. L’Egyptienne demande, pour prix de ses caresses, l’empire romain à ce général ivre. Antoine le lui promet, comme s’il lui était plus facile de soumettre les Romains que les Parthes. Il prépare ouvertement ses moyens de domination. Il oublie sa patrie, son nom, sa toge, ses faisceaux; et, pour le monstre de luxure qui l’asservit tout entier, il renonce à ses sentiments, à ses principes, à son costume. Il porte un sceptre d’or à la main, des poignards à son côté, une robe de pourpre agrafée avec de grosses pierres précieuses; il ceint même le diadème, afin de jouir comme roi de cette reine.
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.Ad primam novorum motuum famam Caesar a Brundisio trajecerat, ut venienti bello occurreret; positisque in Epiro castris, Leucadem insulam montemque Leucatem et Ambracii sinus cornua, infesta classe succinxerat. Nobis quadrigentae non minus naves, ducentae non amplius hostium; sed numerum magnitudo pensabat. Quippe a senis in novenos remorum ordinibus, ad hoc turribus, atque tabulatis allevatae, castellorum et urbium specie, non sine gemitu maris et labore ventorum ferebantur; quae quidem ipsa moles exitio fuit. Caesaris naves a triremibus in senos non amplius ordines creverant. Itaque habiles in omnia, quae usus poscebat, ad impetus et recursus flexusque capiendos, illas graves et ad omnia praepeditas, singulas plures adortae, missilibus simul, tum rostris, ad haec ignibus jactis, ad arbitrium dissipavere. Nec ulla re magis hostilium copiarum apparuit magnitudo quam post victoriam. Quippe inmensa classis, naufragio belli facto, toto mari ferebatur; Arabumque et Sabaeorum et mille aliarum Asiae gentium spolia, purpura aurumque, in ripam assidue mota ventis maria revomebant. 
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 Au premier bruit de ces nouveaux mouvements, César part de Brundisium pour aller au-devant de la guerre. Il place son camp en Epire et entoure d’une flotte formidable l’île et le promontoire de Leucade, et les deux pointes du golfe d’Ambracie. Nous n’avions pas moins de quatre cents vaisseaux; les ennemis n’en avaient pas plus de deux cents; mais l’infériorité de leur nombre était bien compensée par leur grandeur. Ils étaient tous de six à neuf rangs de rames, et surmontés en outre de tours à plusieurs étages; on les eût pris pour des citadelles ou des villes flottantes; la mer gémissait sous leur poids; et les vents épuisaient leurs efforts à les mouvoir. L’énormité même de leur masse fut la cause de leur perte. Les navires de César n’avaient que trois ou, au plus, six rangs de rames; propres à toutes les évolutions qu’exigeait leur service, ils attaquaient, se retiraient, se détournaient avec facilité, et, s’attachant plusieurs à une seule de ces lourdes masses inhabiles à toute manœuvre, les accablaient sans peine sous les coups réitérés de leurs traits, de leurs éperons et des machines enflammées qu’ils lançaient sur eux. Ce fut surtout après la victoire qu’apparut la grandeur des forces ennemies. Cette flotte immense, détruite par la guerre comme par un naufrage, était dispersée sur toute la mer; et les vagues, agitées par les vents, vomissaient incessamment sur les côtes la pourpre et l’or, dépouilles des Arabes, des Sabéens et de mille autres nations de l’Asie.
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.Prima dux fugae regina, cum aurea puppe veloque purpureo in altum dedit. Mox secutus Antonius, sed instare vestigiis Caesar. Itaque nec praeparata in Oceanum fuga nec munita praesidiis utraque Aegypti cornua, Paraetonium atque Pelusium, profuere: prope manu tenebantur. Prior ferrum occupavit Antonius; regina ad pedes Caesaris provoluta tentavit oculos ducis; frustra, nam pulchritudo intra pudicitiam principis fuit. Nec illa de vita, quae offerebatur, sed de parte regi laborabat. Quod ubi desperavit a principe servarique se triumpho vidit, incautiorem nacta custodiam, in mausoleum se (sepulcra regum sic vocant) recipit. Ibi maximos, ut solebat, induta cultus, in differto odoribus solio iuxta suum se collocavit Antonium; admotisque ad venas serpentibus, sic morte quasi somno soluta est.  
 
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 La reine donne l’exemple de la fuite; la première, elle gagne la haute mer sur son vaisseau à poupe d’or et à voile de pourpre. Antoine la suit de près; mais César s’élance sur leurs traces. En vain ils ont préparé leur fuite sur l’Océan; en vain ils ont pourvu par des garnisons à la défense de Parétonium et de Peluse, les deux boulevards de l’Egypte; ils vont tomber aux mains de leur ennemi. Antoine se perce le premier de son épée. La reine, prosternée aux pieds de César, essaie sur les yeux du vainqueur le pouvoir des siens; inutiles efforts! Sa beauté n’égalait pas la continence du prince. Ce n’est pas au reste le désir de conserver une vie qu’on lui offre, qui agite Cléopâtre, mais celui de garder une partie de son royaume. Dès qu’elle n’espère plus l’obtenir de César, et qu’elle se voit réservée pour le triomphe, profitant de la négligence de ses gardes, elle va s’enfermer dans un mausolée, nom que les Egyptiens donnent aux tombeaux de leurs rois. Là, revêtue, selon son usage, de magnifiques ornements, elle se place sur des coussins parfumés, auprès de son cher Antoine; et, se faisant piquer les veines par des serpents, elle expire d’une mort douce et semblable au sommeil.
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.XII. - Bella adversus gentes exteras. - Hic finis armorum civilium: reliqua adversus exteras gentes, quae districto circa mala sua imperio, diversis orbis oris emicabant. Nova quippe pax, necdum assuetae frenis servitutis tumidae gentium inflataeque cervices ab imposito nuper jugo resiliebant. 
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XII. - Guerres étrangères sous Auguste. (An de Rome 755-760.) - Ce fut là le terme des guerres civiles. Rome n’eut plus à combattre que les nations étrangères qui, pendant les troubles domestiques de l’empire, s’étaient soulevées dans les diverses parties de l’univers. La paix qu’on leur avait donnée était encore nouvelle; et ces peuples orgueilleux, peu accoutumés au frein de la servitude, tentaient de rejeter le joug récemment imposé à leurs têtes altières.
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.Ad septentrionem conversa ferme plaga ferocius agebat, Norici, Illyrici, Pannonii, Dalmatae, Moesi, Thraces et Daci, Sarmatae atque Germani.
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 Ceux qui habitent vers le septentrion se montraient les plus indomptables : tels étaient les Noriques, les Illyriens, les Pannoniens, les Dalmates, les Mysiens, les Thraces et les Daces, les Sarmates et les Germains.
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.Noricis animos dabant Alpes et nives, quo bellum non posset ascendere; sed omnes illius cardinis populos, Brennos, Senones atque Vindelicos, per privignum suum Claudium Drusum perpacavit. Quae fuerit Alpinarum gentium feritas, facile vel mulieres ostendere : quae deficientibus telis infantes suos adflictos humo in ora militum adversa miserunt. 
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 Les Alpes et leurs neiges donnaient de l’audace aux Noriques, comme si la guerre n’eût pu franchir ces montagnes. Mais César pacifia entièrement tous les peuples de cette contrée, les Brennes, les Sénons, et les Vindéliciens, par les armes de Claudius Drusus, son beau-fils. Qu’on juge de la férocité de ces nations qui habitent les Alpes par celle que montrèrent les femmes : manquant de traits, elles écrasaient contre la terre leurs propres enfants et les lançaient ensuite à la tête de nos soldats.
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.Illyrii quoque sub Alpibus agunt imasque valles earum ac quaedam quasi claustra custodiunt abruptis torrentibus impliciti. In hos expeditionem ipse sumpsit fierique pontes imperavit. Hic se et aquis et hoste turbantibus, cunctanti ad adscensum militi scutum de manu rapuit; et in via primus, tunc agmine secuto, quum lubricus multitudine pons succidisset, saucius manibus et cruribus, speciosior sanguine et ipso periculo augustior terga hostium percecidit.  
 
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 Les Illyriens habitent aussi au pied des Alpes, dont ils gardent les profondes vallées, comme les barrières de leur pays; des torrents impétueux les environnent. César dirige lui-même une expédition contre eux, et fait construire des ponts pour franchir ces torrents. La fureur des eaux et les efforts des ennemis jettent le trouble dans son armée. Arrachant le bouclier d’un soldat qui hésite à monter, il s’avance le premier; ses troupes le suivent alors; le pont chancelle et s’écroule sous une charge aussi pesante. César est blessé aux mains et aux cuisses; le sang dont il est couvert et le péril qu’il a bravé le rendent plus imposant et plus auguste. Il taille en pièces l’ennemi qui fuit devant lui.
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.*** Pannonii duobus acribus fluviis, Dravo Savoque vallabantur. *** Populati proximos, intra ripas se recipiebant. In hos domandos Tiberium misit. Caesi sunt in utrisque fluminibus. Arma victorum non ex more belli cremata, sed capta sunt et in profluentem data, ut ceteris qui resistebant victoria sic nuntiaretur.
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 Les Pannoniens avaient pour rempart deux fleuves impétueux, la Drave et la Save. Après avoir ravagé les pays voisins, ils se réfugiaient entre ces rivages. César envoya Tibère pour les dompter. Ils furent massacrés sur le bord de ces deux fleuves. Les armes des vaincus ne furent pas brûlées, selon l'usage de la guerre; mais on les prit et on les jeta dans le courant pour annoncer ainsi cette victoire à ceux qui résistaient encore.
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 Dalmatae plerumque sub silvis agunt; inde in latrocinia promptissimi. Hos jam quidem Marcius, incensa urbe Delminio quasi detruncaverat; postea Asinius Pollio gregibus, armis, agris multaverat - hic secundus orator - sed Augustus perdomandos Tiberio mandat; qui efferum genus fodere terras coegit aurumque venis repurgare, quod alioquin gens omnium cupidissima, studiosa diligentia anquirit, ut illud in usus suos servare videatur.
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 Les Dalmates vivent habituellement dans les forêts; aussi ne se livrent-ils qu’au brigandage. Marcius, en brûlant Delminium, leur capitale, leur avait ôté leur principale force. Après lui, Asinius Pollion, le second des orateurs, les dépouilla de leurs troupeaux, de leurs armes et de leurs terres. Mais ce fut Tibère qui, par l’ordre d’Auguste, acheva de les soumettre. Il contraignit cette race sauvage à fouiller la terre, et à tirer l’or de ses entrailles; recherche à laquelle cette nation, la plus cupide de toutes, se livre avec autant de zèle et d’activité que si elle devait le garder pour son usage.
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 Mysi quam feri, quam truces fuerint, quam ipsorum etiam barbari barbarorum, horribile dictu est. Unus ducum ante aciem, postulato silentio: "Qui vos estis?", inquit; responsum invicem: "Romani, gentium domini". Et illi, "ita" inquiunt "fiet, si nos viceritis". Accepit omen Marcus Crassus. Illi statim ante aciem inmolato equo concepere votum, ut caesorum extis ducum et litarent et vescerentur. Deos audisse crediderim: nec tubam sustinere potuerunt. Non minimum terroris incussit barbaris Domitius centurio, satis barbarae, efficacis tamen apud pares homines stoliditatis, qui foculum gerens super cassidem, suscitatam motu corporis flammam velut ardenti capite fundebat. 
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  On ne peut exprimer sans horreur combien féroces et sanguinaires étaient les Mysiens, ces barbares des Barbares. Un de leurs chefs, s’avançant hors des rangs, réclame le silence : "Qui êtes-vous? nous dit-il. - Nous sommes, lui répondit-on tout d’une voix, les Romains, maîtres des nations. - Il en sera ainsi, répliqua-t-il, quand vous nous aurez vaincus." Marcus Crassus en accepta l’augure. Aussitôt, les ennemis immolèrent un cheval en avant de l’armée, et firent vœu d’offrir aux dieux les entrailles des généraux tués et de s’en nourrir ensuite.  Les dieux sans doute les entendirent, car les Mysiens ne purent même pas soutenir le son de la trompette. Le centurion Domitius, homme d’un courage brutal et extravagant, et digne adversaire de ces Barbares, me leur causa pas une médiocre terreur, en portant sur son casque une torche allumée, dont la flamme, excitée par les mouvements de son corps, semblait sortir de sa tête qui paraissait tout en feu.
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 Ante hos, Bessi, Thracum maximus populus, desciverant. Ille barbarus et signis militaribus et disciplina, armis etiam Romanis assueverat; sed a Pisone perdomiti, in ipsa captivitate rabiem ostendere : quippe quum catenas morsibus tentaret, feritatem suam ipsi puniebant.
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  Avant les Mysiens, les Besses, le plus puissant peuple de la Thrace, s’étaient révoltés. Ces Barbares avaient depuis longtemps adopté les enseignes militaires, la discipline, les armes mêmes des Romains. Mais, domptés par Pison, ils montrèrent leur rage jusque dans la captivité: en essayant de mordre leurs chaînes, ils se punissaient eux-mêmes de leur sauvagerie.
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 Daci montibus inhaerent. Cotisonis regis imperio, quotiens concretus gelu Danubius junxerat ripas, decurrere solebant et vicina populari. Visum est Caesari Augusto gentem aditu difficillimam submovere. Misso igitur Lentulo ultra ulteriorem repulit ripam; citra praesidia constituit. Sic tunc Dacia non victa, sed submota atque dilata est.
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  Les Daces habitent des montagnes. Toutes les fois que la glace avait uni les deux rives du Danube, ils descendaient de leurs demeures sous le commandement de Cotison, leur roi, et dévastaient les terres de leurs voisins. César Auguste crut devoir éloigner une nation dont l’accès était si difficile. Lentulus, envoyé contre elle, la repoussa au-delà du fleuve, et établit en-deçà des garnisons. Ainsi la Dacie fut non pas vaincue, mais reculée et sa conquête remise à plus tard.
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 Sarmatae patentibus campis inequitant. Et hos per eundem Lentulum prohibere Danubio satis fuit. Nihil praeter nives rarasque silvas habent. Tanta barbaria est, ut pacem non intelligant. 
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  Les Sarmates sont toujours à cheval dans leurs vastes plaines. César se contenta de leur faire fermer, par le même Lentulus, le passage du Danube. Ils n’ont que des neiges et quelques forêts peu épaisses. Telle est leur barbarie, qu’ils ne comprennent pas l’état de paix.
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 Germaniam quoque utinam vincere tanti non putasset! Magis turpiter amissa est quam gloriose acquisita. Sed quatenus sciebat patrem suum Caesarem, bis trajecto ponte Rheno, quaesisse bellum, in illius honorem concupiit facere provinciam; et factum erat, si barbari tam vitia nostra quam imperia ferre potuissent. Missus in eam provinciam Drusus primos domuit Usipetes, inde Tenctheros percucurrit, et Cattos. Jam Marcomannorum spoliis insignem quemdam editum tumulum in tropaei modum excoluit. Inde validissimas nationes, Cheruscos Suevosque et Sicambros pariter adgressus est, qui viginti centurionibus incrementis, hoc velut sacramento sumpserant bellum, adeo certa victoriae spe, ut praedam in antecessum pactione diviserint. Cherusci equos, Suevi aurum et argentum, Sicambri captivos elegerant; sed omnia retrorsum. Victor namque Drusus equos, pecora, torques eorum ipsoque praeda divisit et vendidit. Praeterea in tutelam provinciarum praesidia atque custodias ubique disposuit per Mosam flumen, per Albim, per Visurgim. Nam per Rheni quidem ripam quinquaginta amplius castella direxit. Bonnam et Geldubam pontibus junxit classibusque firmavit. Invisum atque inaccessum in id tempus Hercynium saltum patefecit. Ea denique in Germania pax erat, ut mutati homines, alia terra, caelum ipsum mitius molliusque solito videretur. Denique non per adulationem, sed ex meritis, defuncto ibi fortissimo juvene, ipsi, quod numquam alias, senatus cognomen ex provincia dedit. 
 
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  Plût aux dieux qu’Octave eût attaché moins de prix à la conquête de la Germanie! Elle fut plus honteusement perdue que glorieusement conquise. Mais, sachant que César, son père, avait jeté deux fois un pont sur le Rhin, pour porter la guerre dans cette contrée, Auguste voulut, pour honorer sa mémoire, en faire une province romaine; et il y serait parvenu, si les Barbares avaient pu supporter nos vices comme notre domination. Drusus, envoyé contre eux, dompta d’abord les Usipètes, parcourut le pays des Tencthères et des Cattes. Il étala sur un tertre élevé les riches dépouilles des Marcomans, dressées en forme de trophée. Il attaqua ensuite à la fois toutes ces puissantes nations, les Chérusques, les Suèves et les Sicambres, qui avaient brûlé vifs vingt centurions : ç’avait été comme le serment par lequel ils s’étaient engagés à cette guerre. D’avance ils s’étaient partagé le butin, tant la victoire leur paraissait certaine! Les Chérusques avaient choisi les chevaux; les Suèves, l’or et l’argent; les Sicambres, les prisonniers. Mais le sort des armes en décida tout autrement. Drusus, vainqueur, distribua et vendit leurs chevaux, leurs troupeaux, leurs colliers et eux-mêmes. En outre, pour la garde de ces provinces, il borda de garnisons et de corps d’observation la Meuse, l’Elbe et le Véser; il éleva plus de cinquante forts sur la rive du Rhin. Il fit construire des ponts à Bonn et à Gelduba; et des flottes pour protéger ces ouvrages. Il ouvrit aux Romains la forêt d’Hercynie, jusqu’alors inconnue et inaccessible. Enfin, une paix si profonde régna dans la Germanie que tout y changea, les hommes, le pays, le ciel même, qui semblait plus doux et plus serein qu’auparavant. Ce jeune héros y étant mort, ce ne fut pas par adulation, mais par une distinction bien méritée, et jusque-là sans exemple, que le sénat lui décerna le surnom de la province qu’il avait ajoutée à l’empire.
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 Sed difficilius est provincias obtinere quam facere. Viribus parantur, jure retinentur. Igitur breve id gaudium. Quippe Germani victi magis quam domini erant; moresque nostros magis quam arma sub imperatore Druso suspiciebant; postquam ille defunctus est, Vari Quintilii libidinem ac superbiam haud secus quam saevitiam odisse coeperunt. Ausus ille agere conventum, et in castris dicebat, quasi violentiam barbarorum et lictoris virgis et praeconis voce posset inhibere. At illi, qui jam pridem rubigine obsitos enses inertesque moererent equos, ut primum togas et saeviora armis jura viderunt, duce Armenio, arma corripiunt; quum interim tanta erat Varo pacis fiducia, ut ne praedicta quidem, et prodita per Segestem unum principum, conjuratione commoveretur. Itaque improvidum et nihil tale metuentem, improviso adorti, quum ille - o securitas! - ad tribunal citaret, undique invadunt; castra rapiuntur, tres legiones opprimuntur. Varus perditas res eodem quo Cannensem diem Paulus et fato est animo secutus. Nihil illa caede per paludes perque silvas cruentius, nihil insultatione barbarum intolerantius, praecipue tamen in causarum patronos. Aliis oculos, aliis manus amputabant; unius os sutum, recisa prius lingua, quam in manu tenens barbarus "tandem" ait, "vipera, sibilare desiste." Ipsius quoque consulis corpus, quod militum pietas humi abdiderat, effossum. Signa et aquilas duas adhuc barbari possident, tertiam signifer, prius quam in manus hostium veniret, evulsit; mersamque intra baltei sui latebras gerens in cruenta palude sic latuit. Hac clade factum, ut imperium, quod in litore Oceani non steterat, in ripa Rheni fluminis staret.
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 Mais il est plus difficile de garder des provinces que de les conquérir. La force les soumet, la justice les conserve. Aussi notre joie fut courte; car les Germains étaient plutôt vaincus que domptés; et ils avaient, sous un général tel que Drusus, cédé à l’ascendant de nos moeurs plutôt qu’à nos armes. Mais, après sa mort, Quinctilius Varus commença à leur devenir odieux par ses caprices et son orgueil, non moins que par sa cruauté ! Il osa les réunir en assemblée et leur rendre la justice dans son camp, comme si les verges d’un licteur ou la voix d’un huissier eussent été capables de réprimer l’humeur violente de ces barbares, qui, depuis longtemps, voyaient avec douleur leurs épées chargées de rouille et leurs chevaux oisifs. Dès qu’ils eurent reconnu que nos toges et notre jurisprudence étaient plus cruelles que nos armes, ils se soulevèrent sous la conduite d’Arminius. Varus cependant croyait la paix si bien établi que sa confiance ne fut pas même ébranlée par ce que lui révéla de la conjuration, Ségeste, l’un des chefs des Germains. Alors, ne prévoyant ni ne craignant rien de tel, il continua, dans son imprudente sécurité, à les citer à son tribunal, quand soudain ils l’attaquèrent, l’investirent de toutes parts, emportèrent son camp et massacrèrent trois légions. Varus, après ce désastre irréparable, eut le même destin et montra le même courage que Paulus, à la journée de Cannes. Rien de plus affreux que ce massacre au milieu des marais, au milieu des bois; rien de plus révoltant que les outrages des Barbares, surtout à l'égard de ceux qui avaient plaidé les causes. Aux uns, ils crevaient les yeux; aux autres, ils coupaient les mains. Ils cousirent la bouche à l’un d’eux, après lui avoir coupé la langue, qu’un barbare tenait à la main, en disant : « Vipère, cesse enfin de siffler. » Le corps même du proconsul, que la piété des soldats avait confié à la terre, fut exhumé. Les Germains ont encore en leur possession des drapeaux et deux aigles. La troisième, avant qu’elle tombât entre les mains des ennemis, fut arrachée de sa pique par le porte-enseigne, qui, après l’avoir enveloppée dans les plis de son baudrier, l’emporta au fond d’un marais ensanglanté où il se cacha. C’est ainsi que l’empire, que n’avaient pu arrêter les rivages de l’Océan, s’arrêta sur la rive du Rhin.
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 Haec ad septentrionem. Sub meridiano tumultuatum magis quam bellatum est. Musulanios atque Getulos, adcolas Syrtium, Cosso duce, compescuit : unde illi Getulici nomen. Latius victoria patet. Marmaridas atque Garamantas Quirinio subigendos dedit. Potuit et ille redire Marmaricus, sed modestior in aestimanda victoria fuit.
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 Ces événements se passaient au septentrion. Au midi, il y eut plutôt des tumultes que des guerres. César réprima les Musulaniens et les Gétules, voisins des Syrtes, par les armes de Cossus, qui en reçut le nom de Getulique. Il étendit plus loin ses triomphes. Il chargea Quirinius de soumettre les Marmarides et les Garamantes. Ce général pouvait aussi revenir avec le surnom de Marmarique; mais il fut plus modeste appréciateur de sa victoire.
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 Ad orientem plus negotii cum Armeniis. Huc alterum ex Caesaribus, nepotibus suis, misit. Ambo fato breves, sed alter inglorius. Massiliae quippe morbo Lucius solvitur, in Syria Caius ex vulnere occubuit, quum Armeniam ad Parthos se subtrahentem recipit. Armenios victo rege Tigrane in hoc unum servitutis genus Pompeius assueverat, ut rectores a nobis acciperent. Intermissum ergo jus per hunc recuperatum non incruento, nec inulto tamen certamine. Quippe Domnes, quem rex Artaxatis praefecerat, simulata proditione adortus virum intentum libello, quem ut thesaurorum rationes continentem ipse porrexerat, strictus ac recreatus ex vulnere in tempus. Ceterum barbarus undique infesto exercitu oppressus, gladio et pyra, in quam se percussus immisit, superstiti etiamnum Caesari satisfecit. 
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En Orient, on eut plus de peine à soumettre les Arméniens. Auguste envoya contre eux l’un des Césars, ses petits-fils. Le destin ne leur accorda qu’une courte vie à tous deux; et celle de l’un fut sans gloire. Lucius mourut de maladie à Marseille, Caius, en Syrie, d’une blessure reçue en reconquérant l’Arménie qui venait de se livrer aux Parthes. Pompée, vainqueur du roi Tigrane, n’avait assujetti les Arméniens qu’à un seul genre de servitude; c’était de recevoir de nous leurs gouverneurs. Ce droit, dont l’usage avait été interrompu, Caius le recouvra par une victoire sanglante, mais qui ne resta pas sans vengeance. En effet, Domnès, à qui le roi avait confié le gouvernement d’Artaxate, feignant de trahir ce prince, et marchant avec effort, comme à peine guéri d’une blessure récente, remit à Caius un mémoire contenant, disait-il, l’état des trésors de Tigrane; et, tandis que ce général le lisait attentivement, il se jeta sur lui. Le Barbare, poursuivi et enveloppé par les soldats irrités, se perça de son glaive, et courant se jeter dans un bûcher, satisfit d’avance aux mânes de César qui lui survivait.
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 Sub occasu pacata erat fere omnis Hispania, nisi quam Pyrenaei desinentis scopulis inhaerentem citerior alluebat Oceanus. Hic duae validissime gentes, Cantabri et Astures, inmunes imperii agitabant. Cantabrorum et pejor et altior et magis pertinax in rebellando animus fuit : qui non contenti libertatem suam defendere, proximis etiam imperitare tentabant; Vaccaeosque et Curgionos et Autrigonas crebris incursionibus fatigabant. In hos igitur quia vehementius agere nuntiabantur, non mandata expeditio, sed sumpta est. Ipse venit Segisamam : castra posuit. Inde, tripertito exercitu, totam in diem amplexus Cantabriam, efferam gentem, ritu ferarum, quasi indagine, debellabat. Nec ab Oceano quies, quum infesta classe ipsa quoque terga hostium caederentur. Primum adversus Cantabros sub moenibus Vellicae proeliatus est. Hinc fuga in eminentissimum Vinnium montem, quem maria prius Oceani quam arma Romana adscensura esse crediderant. Tertio Arracillum oppidum magna vi repugnat. Captum tamen postremo fuit. In Aedulli montis obsidio, quem perpetua quindecim milium fossa comprehensum cinxit, undique simul adeunte Romano, postquam extrema barbari vident, certatim igne, ferro inter epulas venenoque, quod ibi vulgo ex arboribus taxeis exprimitur, praecepere mortem, seque pars major a captivitate, ***quae morte gravior ad id tempus indomitis videbatur, vindicavere.***
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 A l’Occident, presque toute l’Espagne était pacifiée; il ne restait à soumettre que la partie qui touche aux extrémités des Pyrénées et que baigne l’Océan citérieur. Là, deux puissantes nations, les Cantabres et les Astures, vivaient indépendantes de notre empire. Les Cantabres furent les plus dangereux, les plus fiers, les plus obstinés dans leur rébellion. Non contents de défendre leur liberté, ils tentaient encore d’asservir leurs voisins, et fatiguaient de leurs fréquentes incursions les Vaccéens, les Curgioniens et les Autrigones. A la nouvelle de ces mouvements et de ces violences, César, sans confier à d’autres cette expédition, l’entreprend lui-même. Il se rend à Ségisama, et y place son camp; puis, divisant son armée, il investit à un jour fixé toute la Cantabrie, et soumet cette nation farouche, en la cernant de toutes parts, comme des bêtes fauves qu’on veut prendre dans des toiles. Il ne leur laisse pas plus de repos du côté de l’Océan, et les attaque par derrière avec une flotte formidable. La première bataille contre ces Cantabres se livre sous les murs de Vellica, d’où ils s’enfuient sur le mont Vinnius, dont le sommet est si élevé qu’il leur semblait que les flots de l’Océan y monteraient plutôt que les armes romaines. Ils soutiennent vigoureusement un troisième assaut dans leur ville d’Arracillum; mais enfin cette place est emportée. Assiégés sur le mont Edule que les Romains avaient entouré d’une tranchée de quinze milles de circuit, et dont ils pressaient l’attaque de tous côtés, les Barbares, se voyant réduits aux dernières extrémités, avancent leur mort, au milieu d’un repas, par le feu, par le fer et par un poison qu’ils expriment communément de l’if : c’est ainsi que la plus grande partie de ce peuple se sauva de la captivité ***qui paraissait alors à des peuples indomptés plus pénible que la mort.***
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.Haec per Antistium Furnium, Agrippam, legatos, hibernans in Tarraconis maritimis Caesar accepit. Ipse praesens hos deduxit montibus, hos obsidibus adstrinxit, hos sub corona jure belli venundedit. Digna res lauro, digna curru senatui visa est; sed jam Caesar tantus erat ut posset triumphos contemnere. 
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 La nouvelle de ces succès, dus à Antistius, à Furnius et à Agrippa, lieutenants de César, lui parvint dans ses quartiers d’hiver à Tarragone, place maritime. Il alla tout régler en personne, fit descendre les uns de leurs montagnes, exigea des autres des otages, et vendit le reste à l’encan, selon le droit de la guerre. Ces exploits furent jugés, par le sénat, dignes du laurier, dignes du char triomphal; mais déjà César était assez grand pour pouvoir dédaigner ces honneurs.
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. Astures per idem tempus ingenti agmine a montibus suis descenderant. Nec temere sumptus, ut barbaris, impes; sed positis castris apud Asturam flumen trifariam diviso agmine, tria simul Romanorum castra aggredi parabant. Fuisset et anceps et cruentum et utinam mutua clade certamen! cunctis tam fortibus, tam subito, tam cum consilio venientibus, nisi Brigaecini prodidissent : ** a quibus praemonitus Carisius cum exercitu advenit. Pro ut victoria fuit oppressisse consilia, sic tamen quoque non incruento certamine.** Reliquias fusi exercitus validissima civitas Lancia excepit : ubi adeo certatum est, ut quum in captam urbem faces poscerentur, aegre dux impetrarit veniam, ut victoriae Romanae stans potius esset quam incensa monumentum.
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 En ce même temps, les Asturien, formant une armée considérable, étaient descendus de leurs montagnes. Leur mouvement n’eut pas la téméraire impétuosité qui caractérise les Barbares: campés près du fleuve Astura, et divisés en trois corps, ils se disposaient à attaquer les trois camps des Romains à la fois. Contre tant d’ennemis si courageux, et dont la marche était aussi inattendue que prudente, la lutte eût été douteuse et meurtrière : et plût aux dieux que la perte fût demeurée égale de part et d’autre! ** Mais les Asturiens furent trahis par les Brigécins. Averti par ces derniers, Carisius vint au-devant de l’ennemi avec son armée. C'était comme une victoire d'avoir détruit leurs projets, bien que ce fût encore au prix d'un combat sanglant.** Les débris de l’armée vaincue furent recueillis dans la très puissante ville de Lancia. On se battit sous les murs avec tant d’acharnement que nos soldats, maîtres de la place, demandaient des torches pour l’embraser; le général n’obtint qu’avec peine qu’ils épargnassent cette cité, qui, conservée, servirait bien mieux qu’incendiée de monument à leur victoire.
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.Hinc finis Augusto bellicorum certaminum fuit; idem rebellandi finis Hispaniae. Certa mox fides et aeterna pax; quum ipsorum ingenio in pacis artes promptiore, tum consilio Caesaris, qui fiduciam montium timens, in quos se recipiebant, castra sua, sed quae in plano erat, habitare et incolere jussit. Ingentis esse consilium illud observari ccoepit. Natura regionis circa omnis aurifera, miniique et chrysocollae, et aliorum colorum ferax; itaque exerceri solum jussit. Sic Astures et latens in profundo opes suas atque divitias, dum aliis quaerunt, nosse coeperunt. 
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 Tel fut le terme des exploits guerriers d’Auguste; tel fut celui des révoltes de l’Espagne. Cette province montra depuis une fidélité à toute épreuve et jouit d’une paix éternelle; effet, soit du caractère de ses habitants devenus plus amis du repos, soit de la politique de César qui, redoutant la confiance que leur donnaient les montagnes où ils trouvaient une retraite, les contraignit de fixer leurs habitations et leur séjour dans les cantonnements établis dans la plaine. On ne tarda pas à reconnaître la sagesse de ces mesures. Toute cette contrée est naturellement fertile en or, en vermillon, en chrysocolle et en autres matières dont on fait les couleurs. César obligea ces peuples à exploiter un sol aussi fécond; et ce fut, en cherchant pour les autres leurs propres trésors et leurs richesses, cachés dans les profondeurs de la terre, que les Asturiens commencèrent à les connaître.
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 Omnibus ad occasum et meridiem pacatis gentibus, ad septentrionem quoque, dumtaxat intra Rhenum atque Danubium, item ad orientem intra Cyrum et Euphratem, illi quoque reliqui, qui immunes imperii erant, sentiebant tamen magnitudinem et victorem gentium populum Romanum reverebantur. Nam et Scythae misere legatos et Sarmatae amicitiam petentes. Seres etiam habitantesque sub ipso sole Indi, cum gemmis et margaritis elephantes quoque inter munera trahentes, nihil magis quam longinquitatem viae imputabant, quam quadriennio inpleverant; et tamen ipse hominum color ab alio venire caelo fatebatur. Parthi quoque, quasi victoriae paeniteret, rapta clade Crassiana ultro signa retulere.  
 
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 Tous les peuples étaient en paix à l’occident et au midi; au septentrion, depuis le Rhin jusqu’au Danube; à l’orient, depuis le Cyrus jusqu’à l'Euphrate. Ceux même qui n’étaient pas soumis à notre empire sentaient cependant notre grandeur et révéraient, dans le peuple romain, le vainqueur des nations. Ainsi l’on vit les Scythes et les Sarmates nous envoyer des ambassadeurs pour nous demander notre amitié; et les Sères et les Indiens, qui habitent sous le Soleil même, nous apporter des perles et des diamants, et ajouter à ces dons des éléphants, qu’ils avaient traînés avec eux. Ils faisaient surtout valoir la longueur de leur voyage, qu’ils avaient mis quatre ans à achever. La couleur seule de ces hommes annonçait qu’ils venaient d’un autre hémisphère. Enfin les Parthes, comme s’ils se fussent repentis de leur victoire, rapportèrent d’eux-mêmes les étendards pris dans la défaite de Crassus.
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.Sic ubique certa atque continua totius generis humanis aut pax fuit aut pactio; aususque tandem Caesar Augustus septingentesimo ab Urbe condita anno, Janum geminum cludere, bis ante se clusum sub Numa rege et victa primum Carthagine. Hinc conversus ad pacem pronum in omnia mala et in luxuriam fluens saeculum, gravibus severisque legibus multis coercuit. Ob haec tot facta ingentia dictator perpetuus et pater patriae. Tractatum etiam in senatu an, quia condidisset imperium, Romulus vocaretur; sed sanctius et reverentius visum est nomen Augusti, ut scilicet jam tum, dum colit terras, ipso nomine et titulo consecraretur.
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 Ainsi tout le genre humain fut réuni par une paix ou une alliance universelle et durable; et César Auguste osa enfin, sept cents ans après la fondation de Rome, fermer le temple de Janus au double front; cérémonie qui n’avait eu lieu que deux fois avant lui, sous le roi Numa, et après notre première victoire sur Carthage. Tournant désormais ses soins vers la paix, il réprima, par un grand nombre de lois sages et sévères, un siècle enclin à tous les vices et porté à la mollesse. Pour prix de tant de grandes actions, il fut proclamé  Dictateur perpétuel et Père de la patrie. On délibéra même dans le sénat si, pour avoir fondé l’empire, il ne serait pas appelé Romulus; mais le nom d’Auguste, jugé plus saint et plus vénérable, fut préféré comme un titre qui devait, pendant son séjour sur la terre, le consacrer d’avance à l’immortalité.

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