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Mercurius Vt vos in vostris voltis mercimoniis emundis vendundisque me laetum lucris adficere, atque adjuvare in rebus omnibus, et ut res rationesque vostrorum omnium bene expedire voltis peregrique et domi bonoque atque amplo auctare perpetuo lucro, quasque incepistis, res quasque inceptabitis, et uti bonis vos vostrosque omneis nuntiis me adficere voltis, ea adferam, ea uti nuntiem, |
Mercure Vous voulez, n'est-ce pas, que je vous favorise dans votre commerce, soit pour les ventes, soit pour les achats, et que mon secours vous assure tous les gains possibles; que, grâce à moi, les affaires de toute votre famille s'arrangent bien chez vous et au dehors, que d'amples profits couronnent toujours vos entreprises présentes et futures : vous voulez encore que je ne cesse et vous réjouir vous et les vôtres par d'heureuses nouvelles, et que je vous apporte et vous annonce |
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10 | quae maxime
in rem vostram communem sient
(nam vos quidem id jam scitis concessum et datum mi esse ab dis aliis, nuntiis praesim et lucro); haec ut me voltis adprobare adnitier lucrum ut perenne vobis semper suppetat; ita huic facietis fabulae silentium, itaque aequi et justi heic eritis omneis arbitri. Nunc quojus jussu venio et quam ob rem venerim, dicam, simulque ipse eloquar nomen meum. Jovi' jussu venio; nomen Mercuri est mihi. |
les plus
beaux succès pour la république;
car, vous le savez, les autres dieux m'ont commis l'emploi de veiller aux messages et au commerce : eh bien, si vous voulez que je m'en acquitte à votre satisfaction, et que mes soins tendent constamment à vous enrichir, il faut que tous, vous écoutiez cette comédie en silence, et que vous soyez arbitres justes et équitables. Maintenant, de quelle part je viens, et quel est l'objet de ma venue, je vais vous le dire; je m'expliquerai aussi sur mon nom. C'est Jupiter qui m'envoie; je m'appelle Mercure. |
20 | Pater huc
me misit ad vos oratum meus,
tametsi, pro inperio vobis quod dictum foret, scibat facturos : quippe qui intellexerat vereri vos se et metuere, ita ut aequom 'st Jovem. Verum profecto hoc petere me precario a vobis jussit, leniter, dictis bonis. Etenim ille, quoju' huc jussu venio, Jupiter, non minu' quam vostrum quivis formidat malum. Humana matre natus, humano patre, mirari non est aequom, sibi si praetimet. |
Mon
père m'a chargé d'une requête auprès de vous,
quoiqu'il pensât qu'il n'avait qu'à commander, et que vous obéiriez; il sait que vous lui rendez l'hommage de respect et de crainte qui se doivent à Jupiter. Toutefois, il m'a bien recommandé de vous faire cette demande humblement, en termes fort polis et fort doux; car le Jupiter qui m'envoie redoute autant que n'importe lequel d'entre vous, les coups de bâton. Né de race humaine, tant par sa mère que par son père, faut-il s'étonner qu'il soit timide? |
30 | atque ego
quoque etiam, qui Jovis sum filius,
contagione mei patris metuo malum. Propterea pace advenio, et pacem ad vos adfero; justam rem et facilem esse oratum a vobis volo: nam juste ab justis justus sum orator datus; nam injusta ab justis impetrare non decet; Justa autem ab injustis petere, insipientia 'st; quippe olli iniqui jus ignorant neque tenent. Nunc jam huc animum ad ea quae loquar advortite. Debetis velle quae velimus: meruimus |
Et moi aussi,
moi, le fils de Jupiter,
à vivre avec mon père, j'ai appris à craindre les coups. Je viens donc pacifiquement, porteur de paroles de paix, vous demander une chose honnête et facile. On m'envoie, par un honnête motif, solliciter honnêtement une honnête assemblée. En effet, obtenir d'honnêtes gens une malhonnêteté, cela ne se doit pas; et faire à des gens malhonnêtes une honnête demande, c'est folie. Savent-ils seulement, comprennent-ils ce que c'est qu'honnêteté? Or, prêtez attention à mes discours. Vous devez vouloir tout ce que nous voulons, mon père et moi; |
40 | et ego et
pater de vobis et re publica;
nam quid ego memorem ut alios in tragoediis vidi, Neptunum, Virtutem, Victoriam Martem, Duellonam, commemorare quae bona vobis fecissent? Quis benefactis meus pater, deorum regnator, architectus omnibus! Sed mos illic numquam fuit patri meo, ut exprobraret quod bonis faceret boni. Gratum arbitratur esse id a vobis sibi, meritoque vobis bona se facere quae facit. |
c'est bien
le moins, après tout ce que nous avons fait
pour vous et pour la république. Mais que sert de nous en vanter, comme d'autres font dans les tragédies, comme j'ai vu faire à Neptune, à la Valeur, à la Victoire, à Mars, à Bellone? Se vanter de leurs bienfaits envers vous! Tous ces bienfaits, mon père, souverain des dieux, en est le premier auteur. Mais ce n'est pas son habitude de reprocher aux gens de bien le bien qu'il leur fait. Il est persuadé qu'il n'oblige pas des ingrats, et que vous êtes dignes de ses bontés. |
50 | Nunc,
quam rem oratum huc veni, primum proloquar,
post, hujus argumentum eloquar tragoediae. Quid contraxistis frontem, quia tragoediam dixi futuram hanc? Deus sum, commutavero eamdem hanc, si voltis; faciam, ex tragoedia comoedia ut sit omnibus isdem versibus. Utrum sit an non, voltis? Sed ego stultior, quasi nesciam vos velle, qui divos siem. Teneo quid animi vostri super hac re siet. Faciam, ut commista sit tragico-comoedia. |
Or
çà, je vais vous dire d'abord l'objet de mon ambassade,
je vous expliquerai ensuite le sujet de la tragédie. Vous froncez le sourcil? Parce que je vous annonce une tragédie? Je suis dieu; j'ai le pouvoir de la transformer, si vous le souhaitez. D'une tragédie je ferai une comédie, sans y changer un seul vers. Le voulez-vous, ou ne le voulez-vous pas? Mais quel étourdi je fais! Comme si je ne le savais pas de science divine! Oui, je connais votre désir à cet égard. Faisons un mélange, une tragi-comédie. |
60 | Nam me perpetuo
facere, ut sit comoedia,
reges quo veniant et di, non par arbitror. Quid igitur? Quoniam heic servos quoque parteis habet, faciam, sit, proinde ut dixi, tragi-comoedia. Nunc hoc me orare a vobis jussit Jupiter, conquisitores singuli in subsellia ut eant per totam caveam spectatoribus; si quoi fautores delegatos viderint, ut is in cavea pignus capiantur togae. Seu qui ambissent palmam histrionibus, |
Car, qu'une
pièce où figurent des princes et des dieux
soit tout à fait une comédie, c'est ce qui ne me paraît pas convenable. Eh bien! donc, puisqu'un esclave y joue son rôle, je la convertirai, comme je viens de vous le promettre, en une tragi-comédie. Voici maintenant ce que Jupiter m'a chargé de vous demander. Il faut que des inspecteurs, à chacun des gradins, surveillent dans toute l'enceinte les spectateurs. S'ils tombent sur une cabale montée, qu'ils saisissent ici même les toges des cabaleurs pour cautionnement. Si quelqu'un a sollicité la palme pour des acteurs |
70 | seu quoiquam
artifici (seu per scribtas literas
seu qui ipsi ambissent, seu per internuntium), sive adeo aedileis perfidiose quoi duint, sirempse legem jussit esse Juppiter, quasi magistratum sibi alterive ambiverit. Virtute dixit vos victores vivere, non ambitione neque perfidia. Qui minus eadem histrioni sit lex, quae summo viro? Virtute ambire oportet, non favitoribus; sat habet favitorum semper, qui recte facit; |
ou pour tout
autre artiste, soit par des missives, soit par ses
démarches personnelles, soit par des intermédiaires; ou si les édiles eux-mêmes prévariquent dans leur jugement, Jupiter ordonne qu'on poursuive les délinquants, comme ceux qui briguent une magistrature pour eux-mêmes ou au profit d'autrui. Il prétend, en effet, que c'est à la vertu que vous devez vos succès, et non à l'intrigue, à la mauvaise foi. Pourquoi donc un comédien ne serait-il pas soumis aux mêmes lois que les plus grands citoyens? Il faut se recommander par son mérite, sans cabale. On a toujours assez d'appui, quand on va son droit chemin, |
80 | si ollis
fides est, quibus est ea res in manu.
Hoc quoque etiam dedit mi in mandatis, uti conquisitores fierent histrionibus, qui sibi mandassent delegati ut plauderent, quive, quo placeret alter, fecissent, minus; eis ornamenta et corium uti conciderent. Mirari nolim vos quapropter Jupiter nunc histriones curet; ne miremini: ipse hanc acturu 'st Jupiter comoediam. Quid? admirati estis? quasi vero novom |
pourvu qu'on
ait affaire à des gens de bonne foi.
Encore une autre ordonnance de Jupiter : qu'il y ait aussi des surveillants auprès des acteurs; et si quelques-uns s'avisent de poster des amis pour les applaudir ou pour nuire à leurs rivaux, qu'on leur enlève leur costume, et qu'on leur tanne le cuir. Il n'est pas étonnant que Jupiter prenne intérêt aux comédiens. N'en soyez pas surpris, lui-même il va jouer cette pièce. Vous ouvrez de grands yeux? Comme si c'était la première fois |
90 | nunc proferatur,
Jovem facere histrioniam!
Etiam, histriones anno quom in proscenio heic Jovem invocarunt, venit; auxilio eis fuit. Praeterea certo prodit in tragoedia. Hanc fabulam, inquam, hic Jupiter hodie ipse aget, et ego una cum illo. Nunc animum advortite, dum hujus argumentum eloquar comoediae. Haec urbs est Thebae; in illisce habitat aedibus Amphitruo, natus Argus ex Argo patre, quicum Alcumena est nubta, Electri filia. |
qu'on vous
montrât Jupiter faisant le comédien!
Ici même, l'an dernier, lorsque les acteurs l'invoquèrent sur la scène, il vint et leur prêta son concours. Il est certain d'ailleurs qu'il paraît dans les tragédies. Ainsi Jupiter jouera lui-même aujourd'hui cette comédie, et je la jouerai avec lui. Maintenant, écoutez bien, je vais exposer le sujet de la pièce. Cette ville que vous voyez, c'est Thèbes. Cette maison est celle d'Amphitryon, né à Argos, d'un père argien, et mari d'Alcmène, fille d'Électryon. |
100 | Is nunc Amphitruo
praefectu 'st legionibus :
nam cum Telebois bellum 'st Thebano poplo. Is, priusquam hinc abiit ipsemet in exercitum, gravidam Alcumenam uxorem fecit suam. Nam ego vos gnovisse credo jam ut sit pater meus; quam liber harum rerum multarum siet, quantusque amator sit quod complacitum 'st semel. Is amare obcoepit Alcumenam clam virum, usuramque ejus corporis cepit sibi, et gravidam fecit is eam compressu suo. |
Il commande
à présent les armées,
car le peuple thébain est en guerre avec les Téléboens. En partant (lui-même, avant de partir d'ici pour rejoindre l'armée), il a laissé son épouse enceinte. Je n'ai pas besoin de vous dire de quel tempérament est mon père, et tout ce qu'il s'est permis en fait d'aventures galantes, et comme il se passionne pour les beautés qui lui ont tapé dans l'il. Il est devenu l'amant d'Alcmène à l'insu d'Amphitryon; il jouit de son corps, et l'a engrossée par ses embrassements. |
110 | Nunc, de
Alcumena ut rem teneatis rectius,
utrimque est gravida, et ex viro et ex summo Jove. Et meus pater nunc intus heic cum illa cubat; et haec ob eam rem nox est facta longior, dum ille, quacum volt, voluptatem capit: sed ita adsimulavit se quasi Amphitruo siet. Nunc ne hunc ornatum vos meum admiremini, quod ego huc processi sic eum servili schema; veterem atque antiquam rem novam ad vos proferam; propterea ornatus in novom incessi modum. |
Il faut que
vous sachiez au juste l'état d'Alcmène :
elle est doublement enceinte, du fait de son mari et de celui du grand Jupiter. En ce moment mon père est là dedans qui partage sa couche. Aussi, cette nuit a-t-elle été prolongée, tandis qu'il prend son plaisir à sa volonté : mais sous un déguisement; car il feint d'être Amphitryon. Quant à moi, ne soyez pas surpris de mon accoutrement et de cet habit d'esclave sous lequel je me présente. Il s'agit d'une vieille et ancienne histoire que je vous rajeunirai. Voilà pourquoi j'ai revêtu ce nouveau costume. |
120 | Nam
meus pater intus nunc est eccum Juppiter;
in Amphitruone vortit sese imaginem omneisque eum esse censent servi qui vident: Ita vorsipellem se facit, quando lubet. Ego servi sumsi Sosiae mihi imaginem, qui cum Amphitruone hinc abiit in exercitum, ut praeservire amanti meo possem patri, atque ut ne, qui essem, familiares quaererent, vorsari crebro heic quom viderent me domi; Nunc quom esse credent servom et conservom suum, |
Or donc,
mon père est là dans cette maison; c'est"-" Jupiter,
qui s'est transformé en la ressemblance d'Amphitryon, et tous les esclaves en le voyant croient voir leur maître. Voilà comme il se métamorphose, quand il lui plaît. Moi, j'ai pris la figure de l'esclave Sosie, qui a suivi Amphitryon à l'armée; il fallait bien que je pusse accompagner et servir mon père dans ses amours, sans que les gens de la maison vinssent me demander qui je suis, quand ils me verraient aller et venir à chaque instant, dans la maison. Ils me croiront un esclave, leur camarade, |
130 | haud quisquam
quaeret qui siem aut quid venerim.
Pater nunc intus suo animo morem gerit: cubat complexus quojus cupiens maxume 'st; Quae illei ad legionem facta sunt, memorat pater meus Alcumenae; at illa illum censet virum suum esse, quae cum moecho est; ibi nunc meus pater memorat, legiones hostium ut fugaverit, quo pacto sit donis donatus plurimis. Ea dona, quae illeic Amphitruoni sunt data, abstulimus: facile meus pater quod volt facit. |
et personne
ne lui dira : Qui es-tu? que veux-tu?
Mon père, à l'heure qu'il est, ne se fait faute de plaisir; il tient en même lit, dans ses bras, l'objet de son ardeur. Il lui raconte les événements de la guerre. Alcmène croit être auprès de son époux, elle se livre à un amant. Mon père lui dit comment il a défait les ennemis, quelles récompenses il a reçues. Ces récompenses décernées à Amphitryon, nous les avons dérobées : tout est possible à mon père. |
140 | Nunc
hodie Amphitruo veniet huc ab exercitu
et servos, quojus hanc ego fero imaginem. Nunc intergnosse ut nos possitis facilius, ego has habebo heic usque in petaso pinnulas; tum meo patri autem torulus inerit aureus sub petaso: id signum Amphitruoni non erit. Ea signa nemo horum familiarium videre poterit: verum vos videbitis. Sed Amphitruonis ille est servos Sosia: a portu illic nunc cum lanterna advenit. |
Aujourd'hui
Amphitryon va revenir de l'armée,
et avec lui, l'esclave dont vous voyez le portrait en ma personne. Mais, pour qu'on puisse facilement nous reconnaître, j'aurai toujours ce petit plumet sur mon chapeau; mon père portera sous le sien un cordon d'or, Amphitryon n'en portera pas. Ces signes ne seront visibles à personne de la maison, vous seuls pourrez les voir. Mais voici venir l'esclave d'Amphitryon, Sosie; il arrive du port avec sa lanterne |
150 | Abigam jam
ego illum advenientem ab aedibus.
Adest. Erit operae pretium heic spectantibus Jovem et Mercurium facere histrioniam. |
Je vais,
pour sa bienvenue, le chasser de ce logis.
Le voici. Regardez, vous serez récompensés de votre peine; Jupiter et Mercure joueront la comédie. |