Comes


COMES. — Ce nom a été employé dans différentes acceptions aux diverses époques de l'histoire romaine.

I. Pendant la République, on le donnait déjà aux compagnons qui, avec ou sans fonctions officielles, entouraient un proconsul ou gouverneur de province. Cet usage se maintint auprès des magistrats impériaux, ainsi que cela résulte d'un grand nombre de textes.


II. L'empereur lui-même s'entoura d'un cercle d'amis, dont les rangs et les honneurs étaient déterminés par un règlement spécial, et nommés amici Augusti : parmi ceux-ci, ceux qui l'accompagnèrent dans ses voyages portèrent le titre de comites Augusti, salariés et employés à l'occasion comme conseil.

III. Enfin, par une dernière transformation, le nom de comes devint un titre honorifique attaché à certaines personnes, puis à certaines fonctions, lors de la réorganisation du gouvernement impérial sous Constantin le Grand, qui créa trois degrés de comtes ; ce titre ne désigna plus une catégorie de courtisans admis à former l'entourage de l'empereur, à titre de socii ou de comites, mais une distinction applicable même à des fonctionnaires résidant en province. Le sacratissimus comitatus ou la comitiva entraînait en outre pour plusieurs de ceux qui en étaient investis des prérogatives et des insignes spéciaux, notamment en ce qui concerne les comites consistoriani et les comites dispositionum. Ce titre de comes était fréquemment accordé par l'empereur à des chefs de division des bureaux, tels que les magistri memoriae, epistolarum, libellorum, à des magistri officiorum, aux recteurs des provinces, aux assesseurs des magistrats, aux professeurs, antecessores, et aux jurisconsultes, et même
à certains artistes ou mécaniciens habiles, aux curiales qui avaient rempli toutes les charges municipales.
Mais ce titre était surtout prodigué aux généraux en chef, magistri militum, magistri equitum peditumve, et aux duces qui commandaient en province des corps de troupes pour la défense des frontières. Suivant les usages de la hiérarchie nobiliaire, soigneusement organisée par Constantin, il existait trois catégories de comites. La première comprenait les comites primi ordinis ou de premier rang ; à un degré inférieur venaient les comites secundi ordinis ; en dernier lieu il y avait des comites tertii ordinis ou de troisième classe.


IV. Enfin il arriva que le titre de comes ayant fini par être constamment accordé en fait à certaines catégories de hauts fonctionnaires, l'habitude s'établit de les désigner par ce titre, au lieu de ceux de praepositus, magister, procurator, praefectus, en ajoutant seulement à comes l'indication des attributions du titulaire. C'est ainsi que les membres du conseil de l'empire prirent le nom de
comites consistoriani ; ils jouissaient de grands privilèges, tels que l'exemption des réquisitions d'hommes et de chevaux, des charges de la préture, des logements civils et militaires, et, en général, de toutes les charges réputées sordides. Le ministre des finances ou grand trésorier s'appela de même comes sacrarum largitionum, ou remunerationum, ou sacri aerarii et eut l'autorité sur les comites de province. Le comes rei privatae ou rerum privatarum, c'est-à-dire l'intendant du fisc, ou du domaine impérial, avait sous ses ordres, outre un nombreux personnel, des rationales et des procuratores dans les provinces et des comites domorum ou intendants des palais impériaux, de plus un comes patrimonii, ou intendant du domaine privé proprement dit, des comites commerciorum, metallorum, vestiarii, etc.
En outre, il y avait, près de la cour, un chef des gardes du corps, comes domesticorum equitum et peditum, du rang de clarissimus, un chef des écuries, grand écuyer, comes stabuli, également clarissimus, un comes protectorum, commandant les divers corps de la garde impériale, dont une partie était en garnison on province sous le magister militum. Enfin les textes mentionnent d'autres hauts fonctionnaires ayant le titre de comte, tels que le directeur des aqueducs, comes formarum, un contrôleur
pour la navigation et le curage du Tibre, comes riparum et alvei Tiberis, un comes portuum ou directeur des ports, un comes horreorum, contrôleur des greniers publics, un comes discussionum ou contrôleur dos travaux publics, un chef de division, proximus ou comes dispositionum, pour le bureau des requêtes. Un comes scholarum, ou chef des école; ou compagnies organisées pour le recrutement des bureaux, un comes castrensis ou majordome du palais, qu'il ne faut pas confondre avec un chef militaire nommé comes castrensis in Africa. On trouve encore un médecin en chef du palais, décoré du titre de comes archiatrorum sacri palatii, enfin des comites excubitorum ou des gardes, et des alliés, foederatorum.
Indépendamment de ces fonctionnaires se rattachant la cour ou à l'administration centrale, d'autres dignitaires portaient encore le même titre. Ainsi dans l'ordre civil, on distinguait d'abord le comes Orientis, qui exerçait relativement aux quinze provinces d'Orient les fonctions de vicarius en matière administrative ou financière, et qui avait la surveillance sur la flotte de Séleucie.
Plusieurs gouverneurs de province fréquemment mentionnés par Ammien Marcellin étaient aussi revêtus du titre de comes. En outre, on donnait quelquefois ce nom à des chefs militaires, placés à la tête des forces qui stationnaient près des frontières, surtout les plus menacées. Tels étaient les comites rei militaris, ou comites militum ou
militares dont parlent le code Théodosien et la Notitia dignitatum.
Le rang de ces généraux variait beaucoup; il y en avait notamment qui étaient comites primi ordinis, d'autres secundi ordinis, etc. L'un des plus élevés aux dignités était le comte d'Égypte, comes Aegypti; puis venaient parmi les plus considerables le comte du diocèse de Pont, comes ponticae dioeceseos, puis les comtes d'Afrique, d'Arménie, de Bretagne, d'Espagne, d'Isaurie, de Macédoine, de Phénicie, du Rhin et de Sidon. A ces chefs supérieurs étaient subordonnés des comtes des limites, comites limitarii. Du reste, il est à remarquer que tes rapports hiérarchiques entre les différents fonctionnaires décorés du titre de comte ont varié beaucoup sous les divers empereurs du Bas-Empire.

G. Humbert.

                 



Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines