NORMA


NORMA (Γωνία, γνώμων). — Le mot français « équerre » dérive du latin quadrare rendre carré. L'équerre connue des artisans grecs et romains était formée de lames ajustées à  angle droit, ordinairement deux règles plates, unies entre elles par leurs extrémités et présentant la forme de la lettre L en latin ou du Γ en grec. Elle servait à dresser régulièrement certaines pièces ; elle était indispensable aux maçons, aux tailleurs de pierre, aux marbriers, aux charpentiers et, en général, à tous les ouvriers qui travaillaient la pierre et le bois ou qui étaient employés dans la construction. Cet instrument remonte à une très haute antiquité : on a trouvé des équerres dans des tombes égyptiennes de la xx* dynastie. D'après Vitruve, tes équerres communes n’étaient pas toujours fabriquées avec une justesse absolue par les artisans qui en faisaient usage; Pythagore avait fait connaître un moyen de les établir avec une précision parfaite.

La forme adoptée dans l'antiquité s'est perpétuée jusqu'à nos jours; elle est encore la même aujourd'hui. De nombreux monuments funéraires, grecs et romains, offrent des représentations de l'équerre à deux branches. Sur la stèle d'un fabricant de lits, conservée au Louvre, l'équerre figure à côté d'un compas et de deux rabots; elle apparaît sur les tombeaux des architectes ou des maçons {strurtores), notamment à Pompéi  et à Narbonne; à Florence on la voit sur le monument funéraire d'un marchand de bois de construction (negotians materarius) ; on la remarque aussi quelquefois sur des tombes de soldats légionnaires appartenant sans doute à des corps d'ouvriers spéciaux.

L'équerre des menuisiers et des charpentiers était en bois, ce qui explique facilement la disparition des exemplaires antiques en cette matière. Les maçons cl les tailleurs de pierre se servaient, au contraire, d'une équerre en métal. On conserve au Musée des Antiquaires de Zurich une équerre en fer composée de quatre lames plates d'une largeur uniforme, ajustées entre elles pour servir à mesurer des angles; la partie triangulaire présente tout à fait l'apparence de l'instrument appelé « coupe » par nos marbriers modernes. Un rebord placé sur l'un des côtés permet de donner à l'outil une position verticale ; il 
pouvait être utilisé pour vérifier des angles de dimensions différentes. Le Musée du Louvre possède une équerre en bronze, trouvée en Syrie, près de Tyr, formée aussi de quatre lames plates, disposées d'une autre façon, mais de manière à servir au même usage ; elle offre certaines particularités : munie d'un fil à plomb, PERPENDICULUM pour lequel un trou a été percé dans la lame supérieure, et de rainures où ce 01 s'appliquait dans les James inférieures, elle pouvait être employée comme niveau [libella]; elle servait aussi comme mesure de longueur, la lame la plus grande ayant exactement la longueur du pied romain normal. Ce curieux outil, à plusieurs fins, porte gravé le nom de son propriétaire; on savait déjà, notamment par le tombeau de
P. Alfius Erasius, que les artisans romains gravaient parfois leurs noms ou leurs initiales sur leurs outils.

Sur un marbre publié par Gruter est représentée une équerre d'un autre genre : c'est une petite planchette, ou une lame de métal, dans laquelle est découpé un angle droit. Il faut probablement y reconnaître une équerre analogue à celle dont se servent encore les marbriers pour les petits ajustages.
Héron de Villefosse.


Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines