Saint Jérôme
Epître 22, 27

  L'ostentation et l'orgueil peuvent se glisser dans les occupations les plus pieuses



 
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[22, 27] Cum facis elemosynam, Deus solus videat. Cum ieiunas, læta sit facies tua. Vestis nec satis munda nec sordida et nulla diversitate notabilis, ne ad te obvia prætereuntium turba consistat et digito demonstreris. Frater est mortuus, sororis est corpusculum deducendum : cave ne, dum hoc sæpius facis, ipsa moriaris. Ne satis religiosa velis videri nec plus humilis, quam necesse est, ne gloriam fugiendo quæras. Plures enim paupertatis, misericordiæ atque ieiunii arbitros declinantes in hoc ipso placere cupiunt, quod placere contemnunt;


et mirum in modum laus, dum vitatur, adpetitur. Ceteris perturbationibus, quibus mens hominis gaudet, ægrescit, sperat et metuit, plures invenio extraneos; hoc vitio pauci admodum sunt qui caruerint, et ille est optimus, qui quasi in pulchro corpore rara nævorum sorde respergitur.


Neque vero moneo, ne de divitiis glorieris, ne de generis nobilitate te iactes, ne te ceteris præferas : scio humilitatem tuam, scio te ex affectu dicere : "Domine, non est exaltatum cor meum neque elati sunt oculi mei". Novi et apud te et apud matrem tuam superbiam, per quam diabolus cecidit, locum penitus non habere. Unde et super ea scribere supersedi. Stultissimum quippe est docere, quod noverit ille, quem doceas.




 
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[22, 27] Quand tu fais l'aumône, que Dieu soit seul à le voir. Quand tu jeûnes, que soit gai ton visage. Ton vêtement, ni trop net ni malpropre; qu'aucune originalité ne le fasse remarquer, en sorte que les passants que tu croises ne s'arrêtent pas pour te montrer du doigt. Un frère est mort, tu auras à accompagner le cadavre d'une sœur, attention ! ne le fais pas trop souvent, tu finirais par mourir toi-même. Ne cherche pas à paraître trop pieuse ni plus effacée qu'il n'est nécessaire. Ne cherche pas la gloire en ayant l'air de la fuir. Plusieurs évitent qu'il y ait des témoins de leur pauvreté, de leur bienfaisance, de leur jeûne, mais ils désirent plaire, justement parce qu'ils méprisent de plaire.

O merveille ! on prétend éviter la louange pendant qu'on la recherche. Aux autres troubles de l'âme, la joie, le chagrin, l'espoir, la crainte, je trouve pas mal d'hommes qui savent échapper. Mais, de ce défaut-là, très peu sont exempts; or, celui-là est parfait qui, tel un beau corps, n'est entaché que de peu de verrues.

Je n'ai pas à t'avertir de ne pas te glorifier de ta fortune, ou de ne pas te vanter de ta noblesse, ou de ne pas te préférer à autrui : je sais ton humilité, je sais que tu peux dire de tout cœur : "Seignuer, mon cœur ne s'est pas exalté et mes yeux ne se sont pas orgueilleusement levés; je sais que, chez toi et chez ta mère, l'orgueil, qui causa la chute du diable, n'existe absolument pas. Aussi me suis-je dispensé d'écrire là-dessus. Il est tout à fait idiot d'enseigner à quelqu'un ce que sait parfaitement le prétendu disciple.

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                                                trad. Jérôme Labourt; éd. les belles lettres