Saint Jérôme
Lettre 22, 29

  Saint Jérôme met en garde une jeune chrétienne contre les pièges du démon



 
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[22,
29] Variis callidus hostis pugnat insidiis. Sapientior erat coluber omnibus bestiis, quas fecerat dominus Deus super terram. Unde et apostolus : "Non" inquit, "ignoramus eius astutias." Nec affectatæ sordes nec exquisitæ munditiæ conveniunt Christianis. Si quid ignoras, si quid de scripturis dubitas, interroga eum, quem vita commendat, excusat ætas, fama non reprobat, qui possit dicere : "Desponsavi enim vos uni viro, virginem castam exhibere Christo." Aut si non est, qui possit exponere, melius est aliquid nescire securam, quam cum periculo discere. Memento, quoniam in medio laqueorum ambulas et multæ veteranæ virgines castitatis indubitatam in ipso mortis limine coronam perdidere de manibus.



Si quæ ancillæ sunt comites propositi tui, ne erigaris adversus eas, ne infleris ut domina. Unum sponsum habere cœpistis, simul psallitis Christo, simul corpus accipitis, cur mensa diversa sit ? Provocentur et aliæ. Honor virginum sit invitatio ceterarum. Quodsi aliquam senseris infirmiorem in fide, suscipe, consolare, blandire et pudicitiam illius fac lucrum tuum. Si qua simulat fugiens servitutem, huic aperte apostolum lege : "Melius est nubere quam uri." Eas autem virgines viduasque, quæ otiosæ et curiosæ domus circumeunt matronarum, quæ rubore frontis adtrito parasitos vicere mimorum. quasi quasdam pestes abice. "Corrumpunt mores bonos confabulationes pessimæ." Nulla illis nisi ventris cura est et quæ ventri proxima. Istiusmodi hortari solent et dicere : "Mi catella, rebus tuis utere et vive, dum vivis," et : "Numquid filiis tuis servas ?" Vinosæ atque lascivæ quidvis mali insinuant, ac ferreas quoque mentes ad delicias molliunt, et "cum luxuriatæ fuerint in Christo, nubere volunt habentes damnationem, quia primam fidem inritam fecerunt."





Nec tibi diserta multum velis videri aut lyricis festiva carminibus metro ludere. Non delumbem matronarum salivam delicata secteris, quæ nunc strictis dentibus, nunc labiis dissolutis, balbutientem linguam in dimidiata verba moderantur,. rusticum putantes omne, quod nascitur. Adeo illis adulterium etiam linguæ placet. ‘Quæ enim communicatio luci ad tenebras, qui consensus Christo et Belial ? ’ Quid facit cum psalterio Horatius ? cum evangeliis Maro ? cum apostolo Cicero ? Nonne scandalizatur frater, si te viderit in idolio recumbentem ? Et licet ‘omnia munda mundis et nihil reiciendum sit, quod cum gratiarum actione percipitur,’ tamen simul bibere non debemus calicem Christi et calicem dæmoniorum.


 
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[22, 29] Bien divers sont les pièges par quoi nous combat un ennemi rusé. Le serpent était le plus intelligent de tous les animaux qu'avait créés le Seigneur Dieu sur la terre. D'où ce mot de l'Apôtre : "nous n'ignorons pas ses astuces." Ni la malpropreté, ni les recherches de la coquetterie ne conviennent  aux chrétiens. Si tu ne comprends pas ou si tu hésites sur un passage des Ecritures, interroge quelqu'un que recommande sa vie, que son âge met à l'abri du reproche, que ne disqualifie pas sa réputation, enfin qui puisse dire : "je vous ai fiancé à un seul homme, vierge chaste à présenter au Christ".  S'il n'y a personne qui soit capable d'expliquer, mieux vaut ignorer, pour rester en sûreté, que risquer pour apprendre. Souviens-t'en ! c'est au milieu des pièges que tu marches; pour beaucoup de vétérans de la virginité, cette couronne de la  chasteté  que nul ne mettait  en doute leur a échappé des mains au seuil même de la mort ! 

Si quelques servantes sont associées à ton ascèse, ne sois pas hautaine à leur égard, ni orgueilleuse parce que tu es leur maîtresse. Vous appartenez au même Epoux, ensemble vous chantez le Christ, ensemble vous recevez son Corps, pourquoi votre table serait-elle différente ? Qu'on amène de nouvelles compagnes ! Que les vierges se mettent à en attirer d'autres ! Si tu en sens une faiblir dans sa foi, prends-la en charge, console-la, caresse-la, que sa persévérance dans la chasteté soit ton gain personnel. Si quelqu'une dissimule, mais cherche à fuir la servitude de la continence, lis-lui carrément le mot de l'Apôtre : "Mieux vaut se marier que d'être consumée de désirs." Mais ces vierges ou veuves oisives, curieuses, qui font le tour des palais des matrones, dont le front ne sait plus rougir et qui dépassent en impudence les parasites des comédies, chasse-les comme des pestes : "les mœurs vertueuses sont corrompues par les conversations coupables." Elles n'ont qu'un souci : le ventre et ses environs ! Ces femmes ont coutume de prodiguer les conseils : "ma petite chienne, jouis de ta fortune et vis tant que tu es en vie" ou bien, "c'est pour tes enfants que tu la gardes ?" Ivrognes, lascives, par leurs insinuations de toute nature, elles amolliraient même des âmes de fer pour les porter au plaisir et "quand elles ont péché par luxure bien que chrétiennes, elles veulent se marier et encourent la damnation parce qu'elles ont violé leur premier engagement."

Ne te complais pas à être réputée très diserte ou à savoir tourner agréablement les vers d'amusants madrigaux. N'imite pas la prononciation mignarde et invertébrée des dames; tantôt parce qu'elles serrent les dents, tantôt parce que leurs lèvres sont trop peu fermes, elles gouvernent leur langue balbutiante de façon à n'émettre que la moitié des mots; elles estime grossier ce qui vient à terme; tant leur plaît l'adultère, même s'il ne s'agit que de la langue ! "Oui, quelle communauté y a-t-il entre la lumière et les ténèbres, quel accord entre le Christ et Bélial ?" Que fait Horace avec le psautier ? et Virgile avec l'Evangile, et Cicéron avec l'Apôtre ? N'est-il pas scandalisé, le frère,  s'il te voit prendre un repas dans un temple d'idoles ?  Sans doute,  "tout est pur aux purs", "il ne faut rien repousser de ce que l'on peut recevoir en rendant grâces", cependant nous ne devons pas boire en même temps la coupe du Christ et la coupe des démons.

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                                                trad. Jérôme Labourt; éd. les belles lettres