PLINIUS CORNUTO SUO SALUTAT
7, 31

Claudius Pollion, un ami à ne pas dédaigner
 
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[7, 31] PLINIUS CORNUTO SUO SALUTAT

(1) Claudius Pollio amari a te cupit dignus hoc ipso quod cupit, deinde quod ipse te diligit; neque enim fere quisquam exigit istud nisi qui facit. Vir alioqui rectus integer quietus ac pæne ultra modum - si quis tamen ultra modum - uerecundus. (2) Hunc, cum simul militaremus, non solum ut commilito inspexi. Præerat alæ miliariæ; ego iussus a legato consulari rationes alarum et cohortium excutere, ut magnam quorundam fœdamque auaritiam, neglegentiam parem, ita huius summam integritatem, sollicitam diligentiam inueni.




(3) Postea promotus ad amplissimas procurationes, nulla occasione corruptus ab insito abstinentiæ amore deflexit; numquam secundis rebus intumuit; numquam officiorum uarietate continuam laudem humanitatis infregit, eademque firmitate animi laboribus suffecit, qua nunc otium patitur. (4) Quod quidem paulisper cum magna sua laude intermisit et posuit, a Corellio nostro ex liberalitate imperatoris Neruæ emendis diuidendisque agris adiutor assumptus. Etenim qua gloria dignum est, summo uiro in tanta eligendi facultate præcipue placuisse!




(5) Idem quam reuerenter, quam fideliter amicos colat, multorum supremis iudiciis, in his Anni Bassi grauissimi ciuis, credere potes, cuius memoriam tam grata prædicatione prorogat et extendit, ut librum de uita eius - nam studia quoque sicut alias bonas artes ueneratur - ediderit. (6) Pulchrum istud et raritate ipsa probandum, cum plerique hactenus defunctorum meminerint ut querantur.


(7) Hunc hominem appetentissimum tui, mihi crede, complectere apprehende, immo et inuita, ac sic ama tamquam gratiam referas. Neque enim obligandus sed remunerandus est in amoris officio, qui prior cœpit. Vale.




 
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[7, 31] Pline à son cher Cornutus.

(1) Claudius Pollion souhaite être ton ami, et il en est digne, précisément parce qu'il le désire, et puis parce qu'il a lui-même de l'affection pour toi. Car on ne demande pas généralement cette faveur sans l'accorder soi-même. C'est d'ailleurs un  homme droit, intègre, paisible et qui dépasse presque la mesure, si tant est que ce soit possible, dans la discrétion. (2) J'ai vu cet homme de près, à l'époque où nous servions aux armées, et pas seulement comme son compagnon d'armes. Il commandait une aile de cavalerie de mille homme. De mon côté, ayant reçu l'ordre du légat consulaire l'ordre d'éplucher les comptes des ailes et des cohortes, je découvris chez certains une grande et honteuse cupidité, une égale négligence; chez lui, au contraire, une honnêteté parfaite, un soin scrupuleux.

(3) Promu par la suite à de très importantes fonctions administratives, il ne se laissa en aucune occasion corrompre et détourner de son amour inné de la probité. Jamais les succès ne l'ont rempli d'orgueil, jamais la diversité de ses charges n'a introduit de faille dans une constante réputation de bonté, et il a assuré ses tâches avec la même force d'âme qu'il supporte aujourd'hui à la retraite. (4) Une retraite qu'il a, il est vrai, fort honorablement interrompue et quittée pendant quelque temps, quand notre cher Corellius, chargé de l'achat et de la distribution des terres dues à la générosité de l'empereur Nerva, l'eut choisi comme adjoint. Oui, vraiment quelle gloire on mérite quand on a eu la  préférence d'un éminent personnage auquel s'offrait une si large possibilité de choix !

(5) Quel respect, quelle fidélité il témoigne aussi à ses amis ! Tu peux en croire les dernières volontés de nombre d'entre eux, en particulier d'Asinus Bassus, un citoyen des plus dignes, dont il fait, avec tant de reconnaissance, un éloge qui en prolonge et perpétue le souvenir, au point d'avoir publié un livre sur sa vie (car il a pour la culture la même vénération que pour les autres activités nobles).  (6) C'est une belle conduite, et que sa rareté même  doit faire apprécier, quand la plupart des gens  ne se souviennent des morts que pour s'en plaindre.

(7) Tel est l'homme qui aspire tant à ton amitié. Crois-moi, ouvre lui les bras, saisis la main tendue; mieux, attire-le à toi et aime-le comme si tu lui devais de ta reconnaissance. Car, dans la relation d'amitié celui qui fait le premier pas ne doit pas être un obligé mais un créancier. Au revoir.
 



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                                                                           trad. Nicole Méthy; éd. les belles lettres