Versions grecques

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Honore ton âme




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αὐτίκα παῖς εὐθὺς γενόμενος ἄνθρωπος πᾶς ἡγεῖται πάντα ἱκανὸς εἶναι γιγνώσκειν, [727β] καὶ τιμᾶν οἴεται ἐπαινῶν τὴν αὑτοῦ ψυχήν, καὶ προθυμούμενος ἐπιτρέπει πράττειν ὅτι ἂν ἐθέλῃ· τὸ δὲ νῦν λεγόμενόν ἐστιν ὡς δρῶν ταῦτα βλάπτει καὶ οὐ τιμᾷ· δεῖ δέ, ὥς φαμεν, μετά γε θεοὺς δευτέραν. οὐδέ γε ὅταν ἄνθρωπος τῶν αὑτοῦ ἑκάστοτε ἁμαρτημάτων μὴ ἑαυτὸν αἴτιον ἡγῆται καὶ τῶν πλείστων κακῶν καὶ μεγίστων, ἀλλὰ ἄλλους, ἑαυτὸν δὲ ἀεὶ ἀναίτιον ἐξαιρῇ, τιμῶν τὴν αὑτοῦ ψυχήν, ὡς δὴ δοκεῖ, ὁ δὲ [727ξ] πολλοῦ δεῖ δρᾶν τοῦτο· βλάπτει γάρ. οὐδ᾽ ὁπόταν ἡδοναῖς παρὰ λόγον τὸν τοῦ νομοθέτου καὶ ἔπαινον χαρίζηται, τότε οὐδαμῶς τιμᾷ, ἀτιμάζει δὲ κακῶν καὶ μεταμελείας ἐμπιμπλὰς αὐτήν. οὐδέ γε ὁπόταν αὖ τἀναντία τοὺς ἐπαινουμένους πόνους καὶ φόϐους καὶ ἀλγηδόνας καὶ λύπας μὴ διαπονῇ καρτερῶν ἀλλὰ ὑπείκῃ, τότε οὐ τιμᾷ ὑπείκων· ἄτιμον γὰρ αὐτὴν ἀπεργάζεται δρῶν τὰ τοιαῦτα σύμπαντα. οὐδ᾽ ὁπόταν [727δ] ἡγῆται τὸ ζῆν πάντως ἀγαθὸν εἶναι, τιμᾷ, ἀτιμάζει δ᾽ αὐτὴν καὶ τότε· τὰ γὰρ ἐν Ἅιδου πράγματα πάντα κακὰ ἡγουμένης τῆς ψυχῆς εἶναι, ὑπείκει καὶ οὐκ ἀντιτείνει διδάσκων τε καὶ ἐλέγχων ὡς οὐκ οἶδεν οὐδ᾽ εἰ τἀναντία πέφυκεν μέγιστα εἶναι πάντων ἀγαθῶν ἡμῖν τὰ περὶ τοὺς θεοὺς τοὺς ἐκεῖ. οὐδὲ μὴν πρὸ ἀρετῆς ὁπόταν αὖ προτιμᾷ τις κάλλος, τοῦτ' ἔστιν οὐχ ἕτερον ἢ ἡ τῆς ψυχῆς ὄντως καὶ πάντως ἀτιμία. ψυχῆς γὰρ σῶμα ἐντιμότερον οὗτος ὁ λόγος φησὶν εἶναι, [727e] ψευδόμενος· οὐδὲν γὰρ γηγενὲς Ὀλυμπίων ἐντιμότερον, ἀλλ' ὁ περὶ ψυχῆς ἄλλως δοξάζων ἀγνοεῖ ὡς θαυμαστοῦ τούτου κτήματος ἀμελεῖ.
                                                                                                                                                                                Platon, les lois, 5, 727a, etc.



C'est ainsi que chaque homme dès l'enfance, se croyant capable de tout connaître et pensant honorer son âme en la louant, s'empresse de lui accorder la liberté de faire ce qu'elle veut. Mais nous, nous disons que se comporter ainsi, c'est nuire à son âme, au lieu de l'honorer, car il faut, disons-nous, lui accorder le premier rang après les dieux. Ce n'est pas non plus l'honorer de ne jamais reconnaître ses fautes et la plupart de ses défauts, même les plus considérables, d'en rendre les autres responsables, et de se tirer toujours du nombre des coupables, croyant par là honorer son âme, alors qu'il s'en faut de beaucoup, et qu'on ne fait que lui nuire. On ne l'honore pas du tout non plus, lorsqu'au mépris des prescriptions et des recommandations du législateur, on s'abandonne aux plaisirs; on la déshonore, au contraire, en la remplissant de maux et de remords. De même, lorsqu'on ne se donne pas la peine de surmonter les travaux loués au contraire par le législateur, les craintes, les douleurs et les chagrins, et qu'on y cède, on ne l'honore pas du tout, puisque en s'abandonnant à toutes ces faiblesses, on la rend indigne d'être honorée. On ne l'honore pas davantage, lorsqu'on se persuade que la vie est de toutes manières un bien; au contraire, on la déshonore par là; car, si l'âme se persuade qu'il n'y a que du mal dans l'Hadès, on cède à cette idée sans résister, et l'on fait voir et l'on démontre qu'on ne sait pas si les dieux de là-bas ne nous réservent pas au contraire les plus grands des biens. De même préférer la beauté à la vertu, ce n'est pas autre chose que déshonorer son âme réellement et entièrement; c'est, en effet, dire, contre toute vérité, que le corps est plus estimable que l'âme; car rien de ce qui est né de la terre n'est plus estimable que ce qui vient du ciel, et quiconque pense autrement de son âme ignore quel admirable bien il dédaigne.


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παῖς εὐθὺς γενόμενος : dès l'enfance.

τὸ δὲ νῦν λεγόμενόν : ce qui est dit maintenant.

καὶ οὐ τιμᾷ : et ne pas l'honorer (au lieu de l'honorer)
τιμάω-ῶ : évaluer; honorer, estimer; récompenser.
(τιμάομαι) τιμῶμαι : réclamer une pein de.
πολλοῦ τιμᾶσθαι : estimer haut, attribuer une grande valeur.
πλείονος τιμᾶσθαι, μείζονος τιμᾶσθαι : évaluer plus cher, estimer davantage.

δεῖ δέ (τιμᾷ), ὥς φαμεν, μετά γε θεοὺς δευτέραν : car il faut, disons-nous, lui accorder le *deuxième rang après celui des dieux.
πολὺ δεύτερος μετά τι : qui vient tout à fait en seconde ligne après quelque chose, de beaucoup inférieur à quelque chose.

ὁ δὲ πολλοῦ δεῖ δρᾶν τοῦτο : il s'en faut de beaucoup qu'il fasse cela.
δράω-ῶ (imparf. ἔδρων, futur δράσω ; aor. ἔδρασα, parf. δέδρακα; passif aor. ἐδράσθην, parf. δέδραμαι) : faire, exécuter.

βλάπτω (imparf. ἔϐλαπτον, futur βλάψω, aor. ἔϐλαψα, parf. βέϐλαφα; passif futur βλαϐήσομαι, aor.1 ἐϐλάφθην, aor.2 ἐϐλάϐην, parf. βέϐλαμμαι) : léser, endommager, nuire.


γηγενής, ής, ές : né de la terre; issu de la terre.
Ὀλύμπιος, α ou ος, ον : de l’Olympe, Olympien ou Olympique; par ext. du ciel.
memento o Ὀλύμπιος : l'Olympien, Zeus.
ἔντιμος, ος, ον : qui a de la valeur; estimé, considéré, honoré.
ἐντιμότερος : plus estimé.
θαυμαστός, ή, όν : étonnant, merveilleux, extraordinaire. --- cf. dico Bailly version établie par Gérard Gréco.
ἀμελέω, -ῶ (futur ἀμελήσω, aor. ἠμέλησα, parf. ἠμέληκα) : ne pas s’inquiéter, négliger.
οὐδὲν γὰρ γηγενὲς Ὀλυμπίων ἐντιμότερον, ἀλλ' ὁ περὶ ψυχῆς ἄλλως δοξάζων ἀγνοεῖ ὡς θαυμαστοῦ τούτου κτήματος ἀμελεῖ : car rien de ce qui est né de la terre n'est plus estimable que ce qui vient du ciel, et quiconque pense autrement de son âme ignore quel admirable bien il dédaigne.










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Le vrai Stoïcien




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Τηρεῖτε οὕτως ἑαυτοὺς ἐν οἷς ἐπράσσετε καὶ εὑρήσετε τίνος ἔσθ' αἱρέσεως. τοὺς πλείστους ὑμῶν Ἐπικουρείους εὑρήσετε ... Στωικὸν δὲ δείξατέ μοι, εἴ τινα ἔχητε. ποῦ ἢ πῶς; ἀλλὰ τὰ λογάρια τὰ Στωικὰ λέγοντας μυρίους. τὰ γὰρ Ἐπικούρεια αὐτοὶ οὗτοι χεῖρον λέγουσι; τὰ γὰρ Περιπατητικὰ οὐ καὶ αὐτὰ ὁμοίως ἀκριϐοῦσιν; τίς οὖν ἐστι Στωικός; ὡς λέγομεν ἀνδριάντα Φειδιακὸν τὸν τετυπωμένον κατὰ τὴν τέχνην τὴν Φειδίου, οὕτως τινά μοι δείξατε κατὰ τὰ δόγματα ἃ λαλεῖ τετυπωμένον. δείξατέ μοί τινα νοσοῦντα καὶ εὐτυχοῦντα, (κινδυνεύοντα καὶ εὐτυχοῦντα,) ἀποθνῄσκοντα καὶ εὐτυχοῦντα, πεφυγαδευμένον καὶ εὐτυχοῦντα, ἀδοξοῦντα καὶ εὐτυχοῦντα. δείξατ'· ἐπιθυμῶ τινα νὴ τοὺς θεοὺς ἰδεῖν Στωικόν. ἀλλ' οὐκ ἔχετε τὸν τετυπωμένον δεῖξαι· τόν γε τυπούμενον δείξατε, τὸν ἐπὶ ταῦτα κεκλικότα. εὐεργετήσατέ με· μὴ φθονήσητε ἀνθρώπῳ γέροντι ἰδεῖν θέαμα, ὃ μέχρι νῦν οὐκ εἶδον. οἴεσθε ὅτι τὸν Δία τὸν Φειδίου δείξετε ἢ τὴν Ἀθηνᾶν, ἐλεφάντινον καὶ χρυσοῦν κατασκεύασμα, ψυχὴν δειξάτω τις ὑμῶν ἀνθρώπου θέλοντος ὁμογνωμονῆσαι τῷ θεῷ καὶ μηκέτι μήτε θεὸν μήτ' ἄνθρωπον μέμφεσθαι, μὴ ἀποτυχεῖν τινος, (μὴ περιπεσεῖν τινι,) μὴ ὀργισθῆναι, μὴ φθονῆσαι, (μὴ ζηλοτυπῆσαι) .... θεὸν ἐξ ἀνθρώπου ἐπιθυμοῦντα γενέσθαι καὶ ἐν τῷ σωματίῳ τούτῳ τῷ νεκρῷ περὶ τῆς πρὸς τὸν Δία κοινωνίας βουλευόμενον.
                                                                                                                                                                            Epictète, Entretien, II, 19, 20-27



Observez vous-mêmes en tout ce que vous faites, et vous découvrirez de quelle école vous êtes. Vous découvrirez que la plupart d'entre vous sont Épicuriens. ... Mais montrez-moi un un Stoïcien, si vous en avez. Où et comment ? Oui, je sais, des gens qui récitent les maximes stoïciennes, vous en avez des milliers : au fait, ces mêmes gens récitent-ils plus pal les maximes épicuriennes ? Qu'est-ce donc qu'un Stoïcien ? De même que nous appelons "phidiaque" une statue qui porte la statue qui porte la marque de l'art de Phidias, ainsi montrez-moi un homme qui porte la marque des opinions qu'il proclame. Montrez-moi un homme malade et heureux, en danger et heureux, mourant et heureux, exilé et heureux, méprisé et heureux. Montrez-le : j'ai le désir, par les dieux, de voir un Stoïcien. Mais vous ne pouvez montrer l'homme qui porte cette marque; du moins celui qui se modèle, celui qui est déjà orienté dans cette direction. Faites-moi cette faveur : ne refusez pas à un vieil homme la vue d'un spectacle que je n'ai pas vu jusqu'ici. Vous vous imaginez que vous devez me montrer le Zeus de Phidias ou l'Athéna, une œuvre d'ivoire et d'or ? C'est une âme que l'un de vous doit me montrer, l'âme d'un homme qui veuille accorder sa volonté à celle de Dieu, ne plus récriminer ni contre Dieu ni contre un homme, ni plus se mettre en colère, ni plus envier, qui désire, d'homme qu'il est, devenir dieu et, dans ce misérable corps de mort, aspire à la société de Zeus.        
                                                                                                          trad. P. Poulain; éd. J. de Gigord (collection A. Dain)


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τηρέω-ῶ (futur τηρήσω, aor. ἐτήρησα, parf. τετήρηκα) : observer, épier, guetter; garder, avoir la garde de.
οὕτω, devant une voyelle, οὕτως, adv. : ainsi, de cette façon.
οὕτως  ... ὥστε : tellement.... que.
τηρεῖτε οὕτως ἑαυτοὺς ἐν οἷς ἐπράσσετε : ainsi donc observez vous-mêmes en tout ce que vous faites.

αἵρεσις, εως (ἡ) : choix, préférence; secte (philosophique); cf. hérésie.
εὑρήσετε τίνος ἔσθ' αἱρέσεως : vous découvrirez de quelle école vous êtes.
τοὺς πλείστους ὑμῶν Ἐπικουρείους εὑρήσετε : vous découvrirez que la plupart d'entre vous sont Épicuriens.
εὑρίσκω (imparf. ηὕρισκον, futur εὑρήσω, aor. 2 ηὗρον, parf. ηὕρηκα; passif futur εὑρεθήσομαι, aor. ηὑρέθην, parf. ηὕρημαι) : trouver, découvrir; obtenir, se procurer.

σωμάτιον, ου (τὸ) : petit corps; corpuscule; pauvre corps, corps misérable.
νεκρός, ά, όν : mort.
νεκρὴ θάλασσα : la mer Morte.
ἐν τῷ σωματίῳ τούτῳ τῷ νεκρῷ : dans ce misérable corps voué à la mort.

κοινωνία, ας (ἡ) : association, participation
περὶ τῆς πρὸς τὸν Δία κοινωνίας βουλευόμενος : qui désire s'associer avec Zeus.

μὴ ζηλοτυπῆσαι θεὸν ἐξ ἀνθρώπου ἐπιθυμοῦντα γενέσθαι καὶ ἐν τῷ σωματίῳ τούτῳ τῷ νεκρῷ περὶ τῆς πρὸς τὸν Δία κοινωνίας βουλευόμενον : ne plus récriminer ni contre Dieu ni contre un homme, ni plus se mettre en colère, ni plus envier, qui désire, d'homme qu'il est, devenir dieu et, dans ce misérable corps de mort, aspire à la société de Zeus.






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Un messager décrit à Clytemnestre le prodige qui s’est produit
au moment où les Grecs allaient sacrifier sa fille Iphigénie pour favoriser leur départ vers Ilion.





Ἐς γῆν δ’ Ἀτρεῖδαι πᾶς στρατός τ’ ἔστη βλέπων.
Ἱερεὺς δὲ φάσγανον λαϐὼν ἐπεύξατο
λαιμόν τ’ ἐπεσκοπεῖ θ’ ἵνα πλήξειεν ἄν.
Ἐμοὶ δέ τ’ ἄλγος  οὐ μικρὸν εἰσῄει φρενὶ
5. κἄστην νενευκώς· θαῦμα δ’ ἦν αἴφνης ὁρᾶν.
Πληγῆς κτύπον γὰρ πᾶς τις ᾔσθετ’ ἂν σαφῶς,
τὴν παρθένον δ’οὐκ εἶδενοὗ γῆς εἰσέδυ.
Βοᾷ δ’ ἱερεύς, ἅπας δ’ ἐπήχησε στρατός,
ἄελπτον εἰσιδόντες ἐκ θεῶν τινος
10. φάσμ’, οὗ γε μηδ’ὁρωμένου πίστις παρῆν·
ἔλαφος γὰρ ἀσπαίρουσ’ ἔκειτ’ ἐπὶ χθονὶ
ἰδεῖν μεγίστη διαπρεπής τε τὴν θέαν,
ἧς αἵματι βωμὸς ἐραίνετ’ ἄρδην τῆς θεοῦ.
Κἀν τῷδε Κάλχας – πῶς δοκεῖς; – χαίρων ἔφη·
15. « Ὦ τοῦδ’ Ἀχαιῶν κοίρανοι κοινοῦ στρατοῦ,
ὁρᾶτε τήνδεθυσίαν, ἣν ἡ θεὸς
προύθηκε βωμίαν, ἔλαφον ὀρειδρόμον;
Ταύτην μάλιστα τῆς κόρης ἀσπάζεται,
ὡς μὴ μιαίνῃ βωμὸν εὐγενεῖ φόνῳ.
20. Ἡδέως τε τοῦτ’ ἐδέξατο καὶ πλοῦν οὔριον
δίδωσιν ἡμῖν Ἰλίου τ’ ἐπιδρομάς. »
πρὸς ταῦτα πᾶς τις θάρσος αἶρε ναυϐάτης
χώρει τε πρὸς ναῦν.

                                                                                                                                                                                 Euripide, Iphigénie à Aulis, 1577-1599


ἵστημι (au sens tr., impf. ἵστην, f. στήσω, aor.1 ἔστησα, parf. inus. ; passif fut. σταθήσομαι; aor. ἐστάθην, parf. inus. ; au sens intr., ao.2 ἔστην, parf. ἕστηκα, ας, ε, plur. ἕσταμεν, ἕστατε, ἑστᾶσι ; impér. ἕσταθι, subj. ἑστῶμεν, opt. ἑσταίην, inf. ἑστάναι, part. ἑστώς, ῶσα, ός (non ώς) ; pl.q.pf. ἑστήκειν, att. εἱστήκη) : mettre debout, rester immobile.
Ἐς γῆν δ’ Ἀτρεῖδαι πᾶς στρατός τ’ ἔστη βλέπων : les Atrides et toute l'armée restent immobiles, les yeux baissés vers la terre.
βλέπω (impf. ἔϐλεπον, fut. βλέψομαι, postér. βλέψω, aor. ἔϐλεψα, parf. inus. ; parf. passif βέϐλεμμαι) : jouir de la vue, voir, regarder.

φάσγανον, ου (τὸ) : coutelas; épée; glaïeul.

ἐπεύχομαι : adresser une prière, prier, supplier.
ἱερεύς, έως (ὁ) : prêtre.
ἱερεύς ἐπεύξατο : le prêtre adressa une prière.

λαιμός, οῦ (ὁ) : gorge, gosier.

ἐπισκέπτομαι : aller examiner ou visiter.
πλήσσω, att. πλήττω (futur rare et poét. πλήξω, aor. ἔπληξα, parf.2 πέπληγα) : frapper.
ἐπεσκοπεῖ ἵνα πλήξειεν ἄν : il examina l'endroit où il devait frapper.





Les Atrides et toute l'armée restent immobiles, les yeux baissés vers la terre. Le prêtre saisit le glaive, dit une prière, et examine l'endroit de la gorge où il doit frapper à coup sûr. Et moi, j'avais le cœur serré d'une poignante angoisse j'étais là, baissant la tête. Soudain, ô miracle ! chacun entend distinctement le bruit du coup, et personne ne voit où a disparu la jeune fille. Le prêtre pousse un cri, que répète l'armée entière, au spectacle inattendu d'un prodige accompli par quelque dieu : on le voit, et l'on ne peut y croire. Sur le sol est étendue, palpitante, une biche de grande taille, d'une remarquable beauté, dont le sang arrosait à flots l'autel de la déesse. Alors Calchas s'écrie, je te laisse à penser avec quelle joie ! « Chefs de cette grande armée achéenne, et vous, peuples, vous voyez la victime que la déesse a fait apparaître sur son autel, cette biche des montagnes. Elle l'agrée de préférence à la jeune vierge, pour ne pas souiller l'autel d'un sang généreux. C'en est la rançon, qu'elle accepte avec faveur; et maintenant elle nous accorde un vent propice et l'assaut d'Ilion. Que tous les matelots reprennent donc courage et courent à leurs navires.


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Belles pensées à mon réveil.

  



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[1] Ὄρθρου, ὅταν δυσόκνως ἐξεγείρῃ, πρόχειρον ἔστω ὅτι ἐπὶ ἀνθρώπου ἔργον ἐγείρομαι. Ἔτι οὖν δυσκολαίνω, εἰ πορεύομαι ἐπὶ τὸ ποιεῖν, ὧν ἕνεκεν γέγονα καὶ ὧν χάριν προῆγμαι εἰς τὸν κόσμον; ἢ ἐπὶ τοῦτο κατεσκεύασμαι, ἵνα κατακείμενος ἐν στρωματίοις ἐμαυτὸν θάλπω ; [2] " Ἀλλὰ τοῦτο ἥδιον." Πρὸς τὸ ἥδεσθαι οὖν γέγονας, ὅλως δὲ πρὸς πεῖσιν, οὐ πρὸς ἐνέργειαν; Οὐ βλέπεις τὰ φυτάρια, τὰ στρουθάρια, τοὺς μύρμηκας, τοὺς ἀράχνας, τὰς μελίσσας τὸ ἴδιον ποιούσας, τὸ καθ᾽ αὑτὰς συγκοσμούσας κόσμον; [3] Ἔπειτα σὺ οὐ θέλεις τὰ ἀνθρωπικὰ ποιεῖν ; Οὐ τρέχεις ἐπὶ τὸ κατὰ τὴν σὴν φύσιν ; [4] " ἀλλὰ δεῖ καὶ ἀναπαύεσθαι." Δεῖ· φημὶ κἀγώ. Ἔδωκε μέντοι καὶ τούτου μέτρα ἡ φύσις, ἔδωκε μέντοι καὶ τοῦ ἐσθίειν καὶ πίνειν, καὶ ὅμως σὺ ὑπὲρ τὰ μέτρα, ὑπὲρ τὰ ἀρκοῦντα προχωρεῖς, ἐν δὲ ταῖς πράξεσιν οὐκ ἔτι, ἀλλ᾽ ἐντὸς τοῦ δυνατοῦ. [5] Οὐ γὰρ φιλεῖς σεαυτόν, ἐπεί τοι καὶ τὴν φύσιν ἄν σου καὶ τὸ βούλημα ταύτης ἐφίλεις. [6] Ἄλλοι δὲ τὰς τέχνας ἑαυτῶν φιλοῦντες συγκατατήκονται τοῖς κατ᾽ αὐτὰς ἔργοις ἄλουτοι καὶ ἄσιτοι· σὺ τὴν φύσιν τὴν σαυτοῦ ἔλασσον τιμᾷς ἢ ὁ τορευτὴς τὴν τορευτικὴν ἢ ὁ ὀρχηστὴς τὴν ὀρχηστικὴν ἢ ὁ φιλάργυρος τὸ ἀργύριον ἢ ὁ κενόδοξος τὸ δοξάριον ; [7] Καὶ οὗτοι, ὅταν προσπαθῶσιν, οὔτε φαγεῖν οὔτε κοιμηθῆναι θέλουσι μᾶλλον ἢ ταῦτα συναύξειν, πρὸς ἃ διαφέρονται· σοὶ δὲ αἱ κοινωνικαὶ πράξεις εὐτελέστεραι φαίνονται καὶ ἥσσονος σπουδῆς ἄξιαι;
                                                                                                                                     Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, V, 1-7.


[5,1] Le matin, quand il te coûte de te réveiller, que cette pensée te soit présente : c'est pour faire œuvre d'homme que je m'éveille. Vais-je donc être encore être de mauvaise humeur; parce que je pars accomplir ce à cause de quoi je suis fait, en vue de quoi j'ai été mis au monde ? Suis-je constitué à cet effet, de rester couché et de me tenir au chaud sous mes couvertures ? — [2] C'est plus agréable ! Es-tu donc fait pour l'agrément ? Et, en général, es-tu fait pour la passivité ou pour l'activité ? Ne vois-tu pas que les plantes, les passereaux, les fourmis, les araignées et les abeilles font leurs tâches propres et contribuent pour leur part au bon agencement du monde ? [3] Alors toi, tu ne veux pas faire ce qui convient à l'homme ? Tu ne cours pas à la tâche qui est conforme à ta nature ? --- [4] Il faut bien se reposer. ---- Oui, d'accord; mais la nature a donné des bornes au repos : mais elle en a donné pour le manger et le boire. Et toi cependant, tu vas au-delà des bornes, et tu dépasses ce qu’il te faut; au contraire, quand tu agis, tu n’en fais pas autant; et tu restes en deçà de ce que tu pourrais faire.  [5] C'est que tu ne te chéris pas toi-même. Sinon, tu chérirais ta nature et son dessein. [6] D'autres, qui aiment leur métier, se consument aux travaux qui s'y rapportent sans se baigner et sans manger. Toi, estimes-tu moins ta nature que le ciseleur son art, le danseur la danse, l'avare son argent, le vaniteux la gloriole ? [7] Ces gens-là, quand la passion les tient, ne veulent ni manger ni dormir, mais bien plutôt accroître à mesure l'objet de leurs efforts. Pour toi, les actions utiles à la communauté te paraissent-elles être inférieures et valoir moins de soin ?
      pour une grande partie trad. Trannoy; éd. les belles lettres


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ὄρθρος, ου (ὁ) : le point du jour, l’aurore.

δυσόκνως adv. : avec regret, avec peine

δυσκολαίνω : être chagrin, être mécontent, être bourru.

τρέχω (futur δραμοῦμαι, aor.2 ἔδραμον) : courir.
ἀναπαύω : faire cesser, arrêter, suspendre; faire se reposer; se reposer; moyen s’arrêter, cesser, se reposer,  être couché.
οὐ τρέχεις ἐπὶ τὸ κατὰ τὴν σὴν φύσιν ; ---  ἀλλὰ δεῖ καὶ ἀναπαύεσθαι : tu ne cours pas à la tâche qui est conforme à ta nature ? --- Il faut bien se reposer.
μέτρον, ου (τὸ) : mesure, juste mesure.
ὑπέρ adv. et prép. : au-dessus, au dessus de.

συγκατατήκομαι (seul. prés.)  : se consumer ou s’épuiser avec, + datif.
συγκατατήκονται τοῖς κατ᾽ αὐτὰς ἔργοις : ils s’épuisent dans les travaux qui les concernent.

προσπαθέω-ῶ : avoir un goût passionné pour, être pris par la passion.

διαφέρω : différer de, l'emporter sur.
διαφέρει, impers. : il importe.
διαφέρομαι (fut. διοίσομαι, aor. διηνέχθην) : différer d'avis, se disputer, se battre.
μᾶλλον ἢ ταῦτα συναύξειν, πρὸς ἃ διαφέρονται : plutôt accroître les biens pour lesquels ils se battent
memento διαφέρειν τῷ πλούτῳ : être supérieur par la richesse.
memento Κροῖσος ἁπάντων τῶν ἄλλων βασιλέων  διέφερε τῷ πλούτῳ : Crésus était supérieur par sa richesse à tous les autres rois.

κοινωνικός, ή, όν : disposé à partager, à donner une part de + gén.; qui communique volontiers avec d’autres, communicatif, sociable.
τῶν ὄντων κοινωνικός : toujours prêt à partager ce qu'il possède.
τὸ κοινωνικόν :  la sociabilité. --- voir dico Bailly; version établie par Gérard Gréco.
     
εὐτελής, ής, ές : voir Bailly
compar. εὐτελέστερος; superl. εὐτελέστατος.

σοὶ δὲ αἱ κοινωνικαὶ πράξεις εὐτελέστεραι φαίνονται καὶ ἥσσονος σπουδῆς ἄξιαι; : pour toi, les actions utiles à la communauté te paraissent-elles être inférieures et valoir moins de soin ?
     



 


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Plutarque rapporte un scandale qui eut lieu en 62 avant J.-C. : Publius Clodius, jeune aristocrate né dans l’illustre gens Claudia, profite de la célébration des Mystères consacrés à Cybèle, la Bona Dea, pour pénétrer dans la maison de sa maîtresse, l’épouse de Jules César.





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[28] Ἐκ τούτων ἐγίνετο πολλοῖς ἐπαχθής, καὶ οἱ μετὰ Κλωδίου συνέστησαν ἐπ´ αὐτόν, ἀρχὴν τοιαύτην λαϐόντες. Ἦν Κλώδιος ἀνὴρ εὐγενής, τῇ μὲν ἡλικίᾳ νέος, τῷ δὲ φρονήματι θρασὺς καὶ αὐθάδης. Οὗτος ἐρῶν Πομπηίας τῆς Καίσαρος γυναικός, εἰς τὴν οἰκίαν αὐτοῦ παρεισῆλθε κρύφα, λαϐὼν ἐσθῆτα καὶ σκευὴν ψαλτρίας· ἔθυον γὰρ ἐν τῇ Καίσαρος οἰκίᾳ τὴν ἀπόρρητον ἐκείνην καὶ ἀθέατον ἀνδράσι θυσίαν αἱ γυναῖκες, καὶ παρῆν ἀνὴρ οὐδείς· ἀλλὰ μειράκιον ὢν ἔτι καὶ μήπω γενειῶν ὁ Κλώδιος ἤλπιζε λήσεσθαι διαδὺς πρὸς τὴν Πομπηίαν διὰ τῶν γυναικῶν.  Ὡς δ´ εἰσῆλθε νυκτὸς εἰς οἰκίαν μεγάλην, ἠπόρει τῶν διόδων, καὶ πλανώμενον αὐτὸν ἰδοῦσα θεραπαινὶς Αὐρηλίας τῆς Καίσαρος μητρός, ᾔτησεν ὄνομα. φθέγξασθαι δ´ ἀναγκασθέντος αὐτοῦ καὶ φήσαντος ἀκόλουθον Πομπηίας ζητεῖν Ἄϐραν τοὔνομα, συνεῖσα τὴν φωνὴν οὐ γυναικείαν οὖσαν ἀνέκραγε καὶ συνεκάλει τὰς γυναῖκας. Αἱ δ´ ἀποκλείσασαι τὰς θύρας καὶ πάντα διερευνώμεναι, λαμϐάνουσι τὸν Κλώδιον, εἰς οἴκημα παιδίσκης ᾗ συνεισῆλθε καταπεφευγότα. τοῦ δὲ πράγματος περιϐοήτου γενομένου, Καῖσάρ τε τὴν Πομπηίαν ἀφῆκε, καὶ δίκην τις ἀσεϐείας ἐγράψατο τῷ Κλωδίῳ.

                                                                                                                                                                                           Plutarque, vie de Cicéron, 28



[28] Cette habitude de railler le rendit odieux à bien des gens, et souleva surtout contre lui Clodius et ses partisans. Je vais dire à quelle occasion. Clodius, jeune Romain d'une grande naissance, mais insolent et audacieux, aimait Pompéia, femme de César : déguisé en musicienne, il se glissa secrètement dans la maison de César, le jour que les femmes romaines y célébraient un sacrifice mystérieux, interdit à tous les hommes. Il n'en était pas resté un seul dans cette maison; mais Clodius, si jeune encore qu'il n'avait pas de barbe au menton, espéra qu'il pourrait se glisser, parmi les autres femmes, dans l'appartement de Pompéia, sans être reconnu. Entré de nuit dans une maison très vaste, il s'égara, et il errait de côté et d'autre, lorsqu'il fut rencontré par une des femmes d'Aurélia, mère de César, qui lui demanda son nom. Forcé de répondre, il dit qu'il cherchait une des femmes de Pompéia, qui se nommait Abra. La suivante, ayant reconnu aisément que ce n'était pas la voix d'une femme, appelle à grands cris les autres femmes, qui, étant accourues, ferment toutes les portes, et font de si exactes recherches qu'elles trouvent Clodius dans la chambre de l'esclave avec laquelle il était entré. Le bruit que fit cet événement obligea César de répudier Pompéia, et de citer Clodius devant les tribunaux, pour crime d'impiété.



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ἐπαχθής, ής, ές : lourd, pesant; qui est à charge, importun, insupportable, odieux.
τὸ ἐπαχθές :  caractère insupportable, caractère odieux.
compar. ἐπαχθέστερος; superl. ἐπαχθέστατος.
étym. ἐπί, ἄχθος, εος-ους (τὸ) : charge, fardeau.

γίγνομαι (imparf. ἐγιγνόμην, futur γενήσομαι, aor.2 ἐγενόμην, parf. γέγονα et γεγένημαι) : devenir, être fait; avec attrib. être (avec aor ou parf.).
έκ τούτων ἐγίνετο πολλοῖς ἐπαχθής : à la suite de ces propos il était devenu odieux pour bien des gens.

συνίστημι, anc. att. ξυνίστημι : réunir, rassembler; se réunir (contre), se concerter (contre), comploter.
imparf. συνίστην, futur συστήσω, aor.1 συνέστησα, parf. συνέστακα
οἱ μετὰ Κλωδίου συνέστησαν ἐπ´ αὐτόν : les partisans de Clodius se concertèrent contre lui.

λαμϐάνω (futur λήψομαι, aor.2 ἔλαϐον, parf. εἴληφα ; passif futur ληφθήσομαι, aor. ἐλήφθην, parf. εἴλημμαι) : prendre; prendre de force, saisir, arrêter; surprendre (à mal faire); recevoir; accueillir (bien ou mal).
οἱ μετὰ Κλωδίου : ceux avec Clodius = l’entourage de Clodius, voire simplement Clodius.
ἀρχὴν λαμϐάνειν est une périphrase pour ἄρχειν : commencer.
l’intérêt de la périphrase est de faire porter l’adjectif τοιαύτην sur le nom ἀρχὴν.
ἀρχὴν τοιαύτην λαμϐάνειν : prendre un tel commencement (de leur haine).   
οἱ μετὰ Κλωδίου ...  ἀρχὴν τοιαύτην λαϐόντες : ceux avec Clodius prenant un tel commencement (de leur haine).

ἡλικία, ας (ἡ) : âge; jeunesse; génération, époque.
νέος, α, ον : nouveau, jeune.
ἡλικίᾳ ἔτι τότε ὢν νέος, Thc. 5, 43 : étant alors encore jeune.

θρασύς, εῖα, ύ : hardi, résolu, courageux; arrogant, audacieux.
φρόνημα, ατος (τὸ) : sagesse, pensée profonde, sentiment; courage, grandeur d'âme, noblesse, sentiment élevé; orgueil, arrogance, fierté.
τῷ φρονήματι θρασὺς καὶ αὐθάδης : arrogant et audacieux.
 τὸ τῶν Αἰτωλῶν φρόνημα,  Pol. 4, 64, 8 : les fiers Étoliens.







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Hercule entre le vice et la vertu





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[2.1.21] καὶ Πρόδικος δὲ ὁ σοφὸς ἐν τῷ συγγράμματι τῷ περὶ Ἡρακλέους, ὅπερ δὴ καὶ πλείστοις ἐπιδείκνυται, ὡσαύτως περὶ τῆς ἀρετῆς ἀποφαίνεται, ὧδέ πως λέγων, ὅσα ἐγὼ μέμνημαι. φησὶν γὰρ Ἡρακλέα, ἐπεὶ ἐκ παίδων εἰς ἥϐην ὡρμᾶτο, ἐν ᾗ οἱ νέοι ἤδη αὐτοκράτορες γιγνόμενοι δηλοῦσιν εἴτε τὴν δι᾽ ἀρετῆς ὁδὸν τρέψονται ἐπὶ τὸν βίον εἴτε τὴν διὰ κακίας, ἐξελθόντα εἰς ἡσυχίαν καθῆσθαι ἀποροῦντα ποτέραν τῶν ὁδῶν τράπηται· [2.1.22] καὶ φανῆναι αὐτῷ δύο γυναῖκας προσιέναι μεγάλας, τὴν μὲν ἑτέραν εὐπρεπῆ τε ἰδεῖν καὶ ἐλευθέριον φύσει, κεκοσμημένην τὸ μὲν σῶμα καθαρότητι, τὰ δὲ ὄμματα αἰδοῖ, τὸ δὲ σχῆμα σωφροσύνῃ, ἐσθῆτι δὲ λευκῇ, τὴν δ᾽ ἑτέραν τεθραμμένην μὲν εἰς πολυσαρκίαν τε καὶ ἁπαλότητα, κεκαλλωπισμένην δὲ τὸ μὲν χρῶμα ὥστε λευκοτέραν τε καὶ ἐρυθροτέραν τοῦ ὄντος δοκεῖν φαίνεσθαι, τὸ δὲ σχῆμα ὥστε δοκεῖν ὀρθοτέραν τῆς φύσεως εἶναι, τὰ δὲ ὄμματα ἔχειν ἀναπεπταμένα, ἐσθῆτα δὲ ἐξ ἧς ἂν μάλιστα ὥρα διαλάμποι· κατασκοπεῖσθαι δὲ θαμὰ ἑαυτήν, ἐπισκοπεῖν δὲ καὶ εἴ τις ἄλλος αὐτὴν θεᾶται, πολλάκις δὲ καὶ εἰς τὴν ἑαυτῆς σκιὰν ἀποϐλέπειν. [2.1.23] ὡς δ᾽ ἐγένοντο πλησιαίτερον τοῦ Ἡρακλέους, τὴν μὲν πρόσθεν ῥηθεῖσαν ἰέναι τὸν αὐτὸν τρόπον, τὴν δ᾽ ἑτέραν φθάσαι βουλομένην προσδραμεῖν τῷ Ἡρακλεῖ καὶ εἰπεῖν· Ὁρῶ σε, ὦ Ἡράκλεις, ἀποροῦντα ποίαν ὁδὸν ἐπὶ τὸν βίον τράπῃ. ἐὰν οὖν ἐμὲ φίλην ποιησάμενος, [ἐπὶ] τὴν ἡδίστην τε καὶ ῥάιστην ὁδὸν ἄξω σε, καὶ τῶν μὲν τερπνῶν οὐδενὸς ἄγευστος ἔσει, τῶν δὲ χαλεπῶν ἄπειρος διαϐιώσῃ. [2.1.24] πρῶτον μὲν γὰρ οὐ πολέμων οὐδὲ πραγμάτων φροντιεῖς, ἀλλὰ σκοπούμενος διέσῃ τί ἂν κεχαρισμένον ἢ σιτίον ἢ ποτὸν εὕροις, ἢ τί ἂν ἰδὼν ἢ ἀκούσας τερφθείης ἢ τίνων ὀσφραινόμενος ἢ ἁπτόμενος, τίσι δὲ παιδικοῖς ὁμιλῶν μάλιστ᾽ ἂν εὐφρανθείης, καὶ πῶς ἂν μαλακώτατα καθεύδοις, καὶ πῶς ἂν ἀπονώτατα τούτων πάντων τυγχάνοις. [2.1.25] ἐὰν δέ ποτε γένηταί τις ὑποψία σπάνεως ἀφ᾽ ὧν ἔσται ταῦτα, οὐ φόϐος μή σε ἀγάγω ἐπὶ τὸ πονοῦντα καὶ ταλαιπωροῦντα τῷ σώματι καὶ τῇ ψυχῇ ταῦτα πορίζεσθαι, ἀλλ᾽ οἷς ἂν οἱ ἄλλοι ἐργάζωνται, τούτοις σὺ χρήσῃ, οὐδενὸς ἀπεχόμενος ὅθεν ἂν δυνατὸν ᾖ τι κερδᾶναι. πανταχόθεν γὰρ ὠφελεῖσθαι τοῖς ἐμοὶ συνοῦσιν ἐξουσίαν ἐγὼ παρέχω. [2.1.26] καὶ ὁ Ἡρακλῆς ἀκούσας ταῦτα, Ὦ γύναι, ἔφη, ὄνομα δέ σοι τί ἐστιν; ἡ δέ, Οἱ μὲν ἐμοὶ φίλοι, ἔφη, καλοῦσί με Εὐδαιμονίαν, οἱ δὲ μισοῦντές με ὑποκοριζόμενοι ὀνομάζουσι Κακίαν.                                                                                                                                           
                                                                                                                                                                    Xénophon, Mémorable, 2, 1, 21-26





Le sage Prodicus, dans son ouvrage sur Hercule, dont il a fait plusieurs lectures publiques, exprime les mêmes idées sur la vertu. Voici à peu près ce qu'il dit, autant que je me le rappelle. Il raconte qu'Hercule, à peine sorti de l'enfance, à cet âge où les jeunes gens, déjà maîtres d'eux-mêmes, laissent voir s'ils entreront dans la vie par le chemin de la vertu ou par celui du vice, se retira dans la solitude et s'assit incertain sur la route qu'il allait choisir. Deux femmes de haute taille se présentent à ses yeux : l'une décente et noble, le corps paré de sa pureté naturelle, les yeux pleins de pudeur, l'extérieur modeste, les vêtements blancs; l'autre chargée d'embonpoint et de mollesse, la peau fardée pour se donner une apparence de couleurs plus blanches et plus vermeilles, cherchant par son maintien à paraître plus droite qu'elle ne l'est naturellement, les yeux largement ouverts, une parure étudiée pour faire briller ses charmes, se contemplant sans cesse, observant si quelque autre la regarde, et tournant souvent la tête afin de voir son ombre. Arrivées plus près d'Hercule, tandis que la première conserve la même démarche, la seconde, voulant la prévenir, court vers le jeune héros et lui dit : " Je te vois, Hercule, incertain de la route que tu dois suivre dans la vie : si tu veux me prendre pour amie, je te conduirai par la route la plus agréable et la plus facile, tu goûteras tous les plaisirs, et tu vivras exempt de peine. D'abord tu ne t'occuperas ni de guerres, ni d'affaires, mais tu ne cesseras d'examiner quels mets et quelles boissons t'agréent le plus, les objets qui peuvent réjouir tes yeux et tes oreilles, flatter ton odorat ou ton toucher, quelles affections auront le plus de charmes pour toi, comment tu dormiras avec le plus de mollesse, comment avec le moins de peine tu pourras te procurer toutes ces jouissances. Si jamais le soupçon te vient de manquer de ce qui est nécessaire pour te donner des douceurs, ne crains pas que je t'engage à travailler et à peiner du corps et de l'esprit pour les acquérir; tu tireras profit du labeur des autres, et tu ne t'abstiendras de rien de ce qui pourra t'apporter quelque gain : car je donne à ceux qui me suivent la faculté de prendre leurs avantages partout." Hercule, après avoir entendu ces mots : "Femme, dit-il, quel est ton nom ? Mes amis, répond-elle, me nomment la Félicité, et mes ennemis, pour me donner un nom odieux, m'appellent la Perversité"


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ἐκ παίδων : au sortir de la catégorie des enfants, au moment d'entrer dans l'adolescence.
ἐκ παίδων εὐθύς, Plat. Leg. 694 d : dès la plus tendre enfance.

τοῦ ὄντος ... τῆς φύσεως : (plus que) la réalité, nature (complément de comparatifs).
ὥστε λευκοτέραν τε καὶ ἐρυθροτέραν τοῦ ὄντος δοκεῖν φαίνεσθαι, τὸ δὲ σχῆμα ὥστε δοκεῖν ὀρθοτέραν τῆς φύσεως εἶναι : pour se donner une apparence de couleurs plus blanches et plus vermeilles, cherchant par son maintien à paraître plus droite que nature.

ἡδύς, ἡδεῖα, ἡδύ, gén. ἡδέος, ἡδείας, ἡδέος : agréable, doux.
compar. ἡδίων, rarement ἡδύτερος; superl. ἥδιστος, rarement ἡδύτατος.
[ἐπὶ] τὴν ἡδίστην τε καὶ ῥάιστην ὁδὸν ἄξω σε : je te conduirai par la route la plus agréable et la plus facile.
ῥάϊστος, α, ον, superl. dorien de ῥᾴδιος.
ῥᾴδιος, α, ον : facile, aisé, commode; d'humeur facile, accommodant, complaisant.
compar. ῥᾴδιώτερος, ou ῥᾳδιέστερος; superl. ῥᾷστος.

χαλεπός, ή, όν : difficile; d'humeur difficile, emporté, hargneux.
τὰ χαλεπά : les difficultés (de la vie).
διαϐιόω-ῶ : passer sa vie.
ἄπειρος, ος, ον : sans expérience de, ignorant de,
τῶν χαλεπῶν ἄπειρος : sans expérience des difficultés (de la vie).

κοσμέω-ῶ : mettre en ordre; ordonner, gouverner, maintenir l'ordre; équiper, parer; louer, célébrer.
καθαρότης, ητος (ἡ) : pureté; netteté, limpidité; pureté morale; probité, désintéressement.
τὴν μὲν ... κεκοσμημένην τὸ μὲν σῶμα καθαρότητι, τὰ δὲ ὄμματα αἰδοῖ : l'une ... le corps paré de sa pureté naturelle, les yeux pleins de pudeur.
ὄμμα, ατος (τὸ) : œil, regard.
αἰδώς, όος-οῦς (ἡ) : sentiment de l’honneur, honneur, pudeur, honte (qui empêche de mal faire).
  
τὸν αὐτὸν τρόπον (acc. adverbial) : de la même façon.

Οἱ μὲν ἐμοὶ φίλοι, ἔφη, καλοῦσί με Εὐδαιμονίαν, οἱ δὲ μισοῦντές με ὑποκοριζόμενοι ὀνομάζουσι Κακίαν : mes amis, répond-elle, me nomment la Félicité, et mes ennemis, pour me donner un nom odieux, m'appellent la Perversité. .                                          







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Accusé pour refus de servir,
le fils d'Alcibiade ne saurait se prévaloir des mérites de son père.


   


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(16) Ἡγοῦμαι δέ, ὦ ἄνδρες δικασταί, περὶ μὲν τοῦ νόμου καὶ αὐτοῦ τοῦ πράγματος οὐχ ἕξειν αὐτοὺς ὅ τι λέξουσιν· ἀναϐαίνοντες δ' ὑμᾶς ἐξαιτήσονται καὶ ἀντιϐολήσουσιν, οὐκ ἀξιοῦντες τοῦ Ἀλκιϐιάδου ὑέος τοσαύτην δειλίαν καταγνῶναι, ὡς ἐκεῖνον πολλῶν ἀγαθῶν ἀλλ' οὐχὶ πολλῶν κακῶν αἴτιον γεγενημένον· (ὃν) εἰ τηλικοῦτον ὄντα ἀπεκτείνατε, ὅτε πρῶτον εἰς ὑμᾶς ἐλάϐετε ἐξαμαρτάνοντα, οὐκ ἂν ἐγένοντο συμφοραὶ τοσαῦται τῇ πόλει.

(17)
δεινὸν δέ μοι δοκεῖ, ὦ ἄνδρες δικασταί, εἶναι, εἰ αὐτοῦ μὲν ἐκείνου θάνατον κατέγνωτε, τοῦ δὲ ὑέος ἀδικοῦντος δι' ἐκεῖνον ἀποψηφιεῖσθε, ὃς αὐτὸς μὲν οὐκ ἐτόλμα μεθ' ὑμῶν μάχεσθαι, ὁ δὲ πατὴρ αὐτοῦ μετὰ τῶν πολεμίων ἠξίου στρατεύεσθαι. καὶ ὅτε μὲν παῖς ὢν οὔπω δῆλος ἦν ὁποῖός τις ἔσται, διὰ τὰ τοῦ πατρὸς ἁμαρτήματα ὀλίγου τοῖς ἕνδεκα παρεδόθη· ἐπειδὴ δὲ πρὸς τοῖς ἐκείνῳ πεπραγμένοις ἐπίστασθε καὶ τὴν τούτου πονηρίαν, διὰ τὸν πατέρα ἐλεεῖν αὐτὸν ἀξιώσετε;

(18) οὐκ οὖν δεινόν, ὦ ἄνδρες δικασταί, τούτους μὲν οὕτως εὐτυχεῖς εἶναι ὥστ', ἐπειδὰν ἐξαμαρτάνοντες ληφθῶσι, διὰ τὸ αὑτῶν γένος σῴζεσθαι, ἡμᾶς δέ, εἰ ἐδυστυχήσαμεν διὰ τοὺς οὕτως ἀτακτοῦντας, μηδένα ἂν δύνασθαι παρὰ τῶν πολεμίων ἐξαι τήσασθαι μηδὲ διὰ τὰς τῶν προγόνων ἀρετάς; 

(19)
καίτοι πολλαὶ καὶ μεγάλαι καὶ ὑπὲρ ἁπάντων τῶν Ἑλλήνων γεγόνασι, καὶ οὐδὲν ὅμοιαι τοῖς ὑπὸ τούτων περὶ τὴν πόλιν πεπραγμένοις, ὦ ἄνδρες δικασταί. εἰ δ' ἐκεῖνοι δοκοῦσι βελτίους εἶναι σῴζοντες τοὺς φίλους, δῆλον ὅτι καὶ ὑμεῖς ἀμείνους δόξετε εἶναι τιμωρούμενοι τοὺς ἐχθρούς.
                                                                                                                                       Lysias, contre Alcibiade, 14, 16-18



(16) Sur la loi, juges, et sur l'affaire même, je pense que mes adversaires n'auront rien à dire. Mais ils viendront à la tribune intercéder pour l'accusé et vous conjurer de lui faire grâce. Ils ne voudront pas qu'on reconnaisse coupable d'une telle lâcheté le fils d'Alcibiade, d'un homme à qui vous devez tant ! Comme si, au contraire, il ne vous avait pas fait beaucoup de mal ! Ah, si vous l'aviez exécuté la première fois que vous l'avez pris en faute, à l'âge où est son fils, vous auriez épargné bien des malheurs à la cité.

(17)  Il serait étrange, me semble-t-il, qu'après avoir condamné à mort son père, vous alliez, en souvenir de lui, acquitter son fils également coupable. Celui-ci n'a pas eu le courage de combattre à vos côtés; le père avait osé marcher contre vous aux côtés des ennemis. Tout enfant, quand on ne voyait pas encore ce qu'il serait un jour, cet homme a failli être livré aux Onze à cause des crimes paternels, et aujourd'hui, sachant qu'à ces crimes il a ajouté sa propre indignité, vous vous croirez tenus d'avoir pitié de lui en souvenir de son père !

(18) N'est-ce pas inadmissible, juges ? Ces gens-là, quand on les prend en faute, sont assez heureux pour se tirer d'affaire, grâce à leur naissance; mais vous autres, si leur indiscipline vous fait éprouver quelque revers, rien ne peut fléchir vos ennemis, pas même les exploits de vos ancêtres.

(19) Et pourtant ces exploits furent nombreux, éclatants, ils intéressaient tous les Grecs, et ils ne ressemblent pas du tout à la conduite de ces gens-là envers la cité, juges. Et, si eux, on les estime davantage de chercher à sauver leurs amis, il est évident qu'on aura aussi plus d'estime pour vous si vous punissez vos ennemis.
         trad. Gernet et Bizos; éd. les belles lettres




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οὐκ ἂν ἐγένοντο συμφοραὶ τοσαῦται τῇ πόλει : vous auriez épargné bien des malheurs à la cité.  
Ἡγοῦμαι ... οὐχ ἕξειν αὐτοὺς ὅ τι λέξουσιν : j'estime que ...  nos adversaires n'auront rien à dire (qu'ils ne sauront pas ce qu'ils diront).
ἔχω : tenir, avoir, garder; comprendre, connaître
imparf. εἶχον ; futur ἕξω ou σχήσω ; aor.2 ἔσχον, d’où impér. σχές, subj. σχῶ, opt. σχοίην, inf. σχεῖν, participe. σχών ; parf. ἔσχηκα ; pl.q.parf. ἐσχήκειν; passif prés. ἔχομαι, imparf. εἰχόμην, futur ἕξομαι, aor. ἐσχέθην, parf. ἔσχημαι.
explétivement au participe ληρεῖς ἔχων, AR. Av. 341 ; ἔχων ληρεῖς, Plat. Gorg. 497 a : tu plaisantes ; φλυαρεῖς ἔχων, Plat. Gorg. 490 e ; ἔχων φλυαρεῖς, Plat. Euthyd. 295 c, tu dis des sottises.
ἔχω + infinitif : je peux, j'ai à.
οὐδὲν εἰπεῖν ἔχω : je n'ai rien à dire.
avec inter. indirecte οὐκ ἔχω τί φῶ : je ne sais que dire.
voir hors site Bailly version établie par Gérard Gréco.

ἀξιόω-ῶ (imparf. ἤξιουν, futur ἀξιώσω, aor., ἠξίωσα, parf. ἠξίωκα) : juger digne de
καταγιγνώσκω (futur καταγνώσομαι, aor.2 κατέγνων, etc.) : remarquer, juger, connaître en observant; accuser, blâmer; condamner.
δειλία, ας (ἡ) : lâcheté.
οὐκ ἀξιοῦντες τοῦ Ἀλκιϐιάδου ὑέος τοσαύτην δειλίαν καταγνῶναι : ne jugeant pas digne de vous voir accuser d'une telle lâcheté le fils d'Alcibiade.












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Contre la loi sur l'ostracisme





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[3] Ἄξιον δὲ μέμψασθαι τὸν θέντα τὸν νόμον, ὃς ἐναντία τῷ ὅρκῳ τοῦ δήμου καὶ τῆς βουλῆς ἐνομοθέτησεν· ἐκεῖ μὲν γὰρ ὄμνυτε μηδένα μήτε ἐξελᾶν μήτε δήσειν μήτε ἀποκτενεῖν ἄκριτον, ἐν δὲ τῷδε τῷ καιρῷ οὔτε κατηγορίας γενομένης οὔτε ἀπολογίας ἀποδοθείσης {οὔτε} διαψηφισαμένων κρύϐδην τὸν ὀστρακισθέντα τοσοῦτον χρόνον δεῖ στερηθῆναι τῆς πόλεως.

[4] Εἶτα ἐν τοῖς τοιούτοις οἱ τοὺς ἑταίρους καὶ συνωμότας κεκτημένοι πλέον φέρονται τῶν ἄλλων· οὐ γὰρ ὥσπερ ἐν τοῖς δικαστηρίοις οἱ λαχόντες κρίνουσιν, ἀλλὰ τούτου τοῦ πράγματος ἅπασιν Ἀθηναίοις μέτεστι. Πρὸς δὲ τούτοις τῷ μὲν ἐλλείπειν τῷ δ' ὑπερϐάλλειν ὁ νόμος μοι δοκεῖ· τῶν μὲν γὰρ ἰδίων ἀδικημάτων μεγάλην τιμωρίαν ταύτην νομίζω, τῶν δὲ δημοσίων μικρὰν καὶ οὐδενὸς ἀξίαν ἡγοῦμαι ζημίαν, ἐξὸν κολάζειν χρήμασι καὶ δεσμῷ καὶ θανάτῳ.

[5] Ἔτι δ' εἴ τις διὰ τοῦτο μεθίσταται ὅτι πονηρὸς πολίτης ἐστίν, οὗτος οὐδ' ἀπελθὼν ἐνθένδε παύσεται, ἀλλ' ὅπου ἂν οἰκῇ, ταύτην τὴν πόλιν διαφθερεῖ, καὶ τῇδε οὐδὲν ἧττον ἐπιϐουλεύσει, ἀλλὰ καὶ μᾶλλον δικαιότερον ἢ πρὶν ἐκϐληθῆναι. Οἶμαι δὲ καὶ τοὺς φίλους ὑμῶν ἐν ταύτῃ μάλιστα τῇ ἡμέρᾳ λυπεῖσθαι καὶ τοὺς ἐχθροὺς ἥδεσθαι, συνειδότας ὡς ἂν ἀγνοήσαντες ἐξελάσητε τὸν βέλτιστον, δέκα ἐτῶν ἡ πόλις οὐδὲν ἀγαθὸν ὑπὸ6 τούτου τοῦ ἀνδρὸς πείσεται.

[6] Ῥᾴδιον δὲ καὶ ἐντεῦθεν γνῶναι τὸν νόμον πονηρὸν ὄντα· μόνοι γὰρ αὐτῷ τῶν Ἑλλήνων χρώμεθα, καὶ οὐδεμία τῶν ἄλλων πόλεων ἐθέλει μιμήσασθαι. Καίτοι ταῦτα διέγνωσται ἄριστα τῶν δογμάτων, ἃ καὶ τοῖς πολλοῖς καὶ τοῖς ὀλίγοις ἁρμόττοντα μάλιστα τυγχάνει καὶ πλείστους ἐπιθυμητὰς ἔχει.

[7] Περὶ μὲν οὖν τούτων οὐκ οἶδ' ὅ τι δεῖ μακρότερα λέγειν· πάντως γὰρ οὐδὲν ἂν πλεῖον εἰς τὸ παρὸν ποιήσαιμεν· δέομαι δ' ὑμῶν τῶν λόγων ἴσους καὶ κοινοὺς ἡμῖν ἐπιστάτας γενέσθαι, καὶ πάντας ἄρχοντας περὶ τούτων καταστῆναι, καὶ μήτε τοῖς λοιδορουμένοις μήτε τοῖς ὑπὲρ καιρὸν χαριζομένοις ἐπιτρέπειν, ἀλλὰ τῷ μὲν θέλοντι λέγειν καὶ ἀκούειν εὐμενεῖς εἶναι, τῷ δὲ ἀσελγαίνοντι καὶ θορυ
ϐοῦντι χαλεπούς. Ἀκούσαντες γὰρ ἕκαστον τῶν ὑπαρχόντων ἄμεινον βουλεύσεσθε περὶ ἡμῶν.
                                                                                                                                                                                         Andocide, contre Alcibiade, 3-7


[3] Il est juste de blâmer l'auteur de cette loi. Elle est contraire au serment du Peuple et du Conseil. Par ce serment vous jurez de n'exiler, de n'emprisonner, de ne faire mourir personne sans jugement; et, dans le cas présent, sans accusation préalable, sans qu'il ait été permis de se défendre, un vote secret condamne un citoyen frappé d'ostracisme à être, pour longtemps, privé de sa patrie.

[4] Ensuite, en pareille circonstance, ceux qui ont pour eux l'appoint de leurs hétairies et leurs affidés politiques ont l'vantage sur les autres, car il n'en va pas comme dans les tribunaux, où les juges sont désignés par le sort : ici, tous les Athéniens ont part à la décision. Au surplus, la loi, ce me semble, d'un côté reste en deçà de la mesure,  et, de l'autre, va bien au delà. S'il s'agit de torts faits aux particuliers, je trouve le châtiment bien rigoureux; s'il est question de délits envers l'Etat la peine me semble légère et insignifiante, quand on peut punir d'amende, de prison ou de mort.

[5] Et celui qu'on expulse comme étant un mauvais citoyen ne cessera pas de l'être pour avoir été banni : quelque cité qu'il habite, il lui causera du mal,et, contre la nôtre, il ne tramera pas moins d'intrigues, mais plutôt davantage, et plus justement qu'avant d'en avoir été chassé. Je crois qu'en ce jour, plus que jamais, vos amis s'affligent et vos ennemis se réjouissent, sachant bien que si, par méprise, vous chassez le meilleur, dix ans se passeront sans que la Cité reçoivent de cet homme aucun service.

[6] Et voici qui nous prouve encore que cette loi est mauvaise : nous sommes les seuls des Grecs à en user, et aucune des autres cités ne songe à nous l'emprunter : or, les institutions reconnues les meilleures sont celles qui se trouvent ajustées aussi bien au peuple qu'à l'aristocratie et qui sont les plus recherchées.

[7] Aussi bien je ne vois aucune nécessité d'en dire davantage : le débat présent n'y gagnerait absolument rien. Mais je vous prie d'être pour nos discours des épistates impartiaux et équitables, de prendre tous ici la charge d'archontes, de ne souffrir ni qu'on injurie ni qu'on flatte à l'excès, mais d'être bienveillants à qui veut parler et écouter, sévères pour les insolents et les perturbateurs. Car si vous écoutez chacun de ceux qui sont ici prêts à vous instruire, vous déciderez mieux de notre sort.
       trad. Georges Dalmeyda; éd. les belles lettres

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καίτοι ταῦτα διέγνωσται ἄριστα τῶν δογμάτων, ἃ καὶ τοῖς πολλοῖς καὶ τοῖς ὀλίγοις ἁρμόττοντα μάλιστα τυγχάνει καὶ πλείστους ἐπιθυμητὰς ἔχει : pourtant on reconnaît comme les meilleures institutions celles qui se trouvent convenir le mieux au peuple et à l'aristocratie et qui sont le plus recherchées.
μέμφω  d’ord. moy. μέμφομαι (f. μέμψομαι, aor. ἐμεμψάμην, aor. passif au sens actif ἐμέμφθην, parf. inus.) : blâmer, reprocher, se plaindre de.
Ἄξιον δὲ μέμψασθαι τὸν θέντα τὸν νόμον, ὃς : mais il est juste de blâmer celui qui a porté cette loi, qui (parce qu'il)

νομοθετέω-ῶ (futur νομοθετήσω, aor. ἐνομοθέτησα, parf. νενομοθέτηκα) : donner des lois; au moyen se donner des lois.
ἐναντία, adv. (cf. ἐναντίος) : contraire à, en désaccord avec.
ἐναντίος, α, ον : situé en face de; opposé à, contraire à.

συνωμότης, anc. att. ξυνωμότης ου (ὁ) : conjuré, complice.
κτάομαι-ῶμαι (futur κτήσομαι, aor. ἐκτησάμην, parf. κέκτημαι, d’où sbj. κέκτωμαι, opt. κεκτῄμην, ῇο, ῇτο : acquérir.
memento parf. κέκτημαι : je possède, j'ai (pour moi).
ὁ κεκτημένος : le maître (litt. celui qui possède)
ἑταῖρος, ου (ὁ) : ami, camarade, compagnon.
εἶτα ἐν τοῖς τοιούτοις οἱ τοὺς ἑταίρους καὶ συνωμότας κεκτημένοι πλέον φέρονται τῶν ἄλλων : ensuite, dans ces sortes de luttes, ceux qui ont pour eux les membres des associations l'emportent sur les autres.









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Un citoyen athénien traître à sa patrie






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[38] Ἐν οἷς Λεωκράτης οὑτοσὶ καὶ αὐτὸς ἐκ τῆς πόλεως ἀποδρὰς ᾤχετο, καὶ τὰ χρήματα τὰ ὑπάρχοντα ἐξεκόμισε, καὶ τὰ ἱερὰ τὰ πατρῷα μετεπέμψατο, καὶ εἰς τοσοῦτον προδοσίας ἦλθεν, ὥστε κατὰ τὴν τούτου προαίρεσιν ἔρημοι μὲν ἂν ἦσαν οἱ ναοί τῶν ἱερέων, ἔρημοι δ' αἱ φυλακαὶ τῶν τειχῶν, ἐξελέλειπτο δ' ἡ πόλις καὶ ἡ χώρα. [39] Καίτοι κατ' ἐκείνους τοὺς χρόνους ὦ ἄνδρες τίς οὐκ ἂν τὴν πόλιν ἠλέησεν, οὐ μόνον πολίτης, ἀλλὰ καὶ ξένος ἐν τοῖς ἔμπροσθεν χρόνοις ἐπιδεδημηκώς; Τίς δ' ἦν οὕτως ἢ μισόδημος τότ' ἢ μισαθήναιος, ὅστις ἐδυνήθη ἂν ἄτακτον τὸν αὑτὸν ὑπομεῖναι ἰδεῖν; Ἡνίκα ἡ μὲν ἧττα καὶ τὸ γεγονὸς πάθος τῷ δήμῳ προσηγγέλλετο, ὀρθὴ δ' ἦν ἡ πόλις ἐπὶ τοῖς συμϐεϐηκόσιν, αἱ δ' ἐλπίδες τῆς σωτηρίας τῷ δήμῳ ἐν τοῖς ὑπὲρ πεντήκοντ' ἔτη γεγονόσι καθειστήκεσαν, [40] ὁρᾶν δ' ἦν ἐπὶ μὲν τῶν θυρῶν γυναῖκας ἐλευθέρας, περιφόϐους κατεπτηχυίας καὶ πυνθανομένας, εἰ ζῶσιν, τὰς μὲν ὑπὲρ ἀνδρός, τὰς δ' ὑπὲρ πατρός, τὰς δ' ὑπὲρ ἀδελφῶν, ἀναξίως αὑτῶν καὶ τῆς πόλεως ὁρωμένας, τῶν δ' ἀνδρῶν τοὺς τοῖς σώμασιν ἀπειρηκότας καὶ ταῖς ἡλικίαις πρεσϐυτέρους καὶ ὑπὸ τῶν νόμων τοῦ στρατεύεσθαι ἀφειμένους ἰδεῖν ἦν καθ' ὅλην τὴν πόλιν τότ' ἐπὶ γήρως ὀδῷ περιφθειρομένους, διπλᾶ τὰ ἱμάτια ἐμπεπορπημένους.
                                                                                                                                                                          Lycurgue, contre Léocrate, 38-40



[38] C'est le moment que choisit Léocrate pour la quitter en fuyard : il s'échappe lui-même, il emporte ses biens, il se fait envoyer ses dieux domestiques, il pousse la trahison au point que, s'il n'eût tenu qu'à lui, les temples étaient déserts, les remparts dégarnis de leurs défenseurs, la ville et le pays laissés à l'abandon. [39] Et pourtant, juges, en ces temps dont je parle, qui n'aurait eu pitié de la ville, je ne dis pas quel citoyen, mais quel étranger, pour peu qu'il y eût autrefois séjourné ? Qui eût poussé assez loin la haine du peuple et d'Athènes pour refuser de prendre sa part de la défense, lorsqu'on nous annonce  la défaite et le récent désastre, que la ville s'était comme dressée d'effroi à la nouvelle des événements, que toutes les espérances de salut ne reposaient plus que sur des hommes âgés de plus de cinquante ans, [40] que l'on voyait se presser aux portes les femmes athéniennes, anxieuses, consternées, et demander : "Vivent-ils ?" en parlant d'un mari, d'un père, de leurs frères, donnant un spectacle indigne d'elles et de la république, que l'on voyait enfin les hommes au corps affaibli, avancés en âge, affranchis par les lois du service militaire, circuler dans toute la ville, tout fourbus qu'ils fussent et sur le seuil du tombeau, le manteau doublé et agrafé à l'épaule ?
                   trad. Félix Durrbach; éd. les belles lettres.




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ὅς, ἥ, ὅ  : qui, lequel (= qui, quæ, quod) --- voir hors site  pronom relatif
Ἐν οἷς : dans ces circonstances.
ὅπλα κτῶνται, οἷς ἀμυνοῦνται τοὺς ἀδικοῦντας, Xén. Mem. 2, 1, 14 : ils se procurent des armes, avec lesquelles ils puissent se défendre contre ceux qui leur feraient du mal.
καὶ ὁ ᾿Αριστοτέλης δὲ ἔφη τοὺς ἐραστὰς εἰς οὐδὲν ἄλλο τοῦ σώματος τῶν ἐρωμένων ἀποϐλέπειν ἢ τοὺς ὀφθαλμούς, ἐν οἷς τὴν αἰδῶ κατοικεῖν, Ath. Deips. 13, 16 : et Aristote affirme que les amoureux ne regardent du corps de leur bien-aimé que les yeux, là où se niche la pudeur.

εἰς τοσοῦτον προδοσίας ἦλθεν, ὥστε + indicatif (l'intention de Léocrate est considérée comme réalisée)
οἴχομαι (imparf. ᾠχόμην, futur οἰχήσομαι, aor. inus., parf. ᾤχημαι, parf. de forme active οἴχωκα et ᾤχωκα) : aller, venir; s'en aller, partir, se mettre en route.
οἴχεται φεύγων : il s’en va en fuyant.
ἀποδιδράσκω (futur ἀποδράσομαι, aor.2 ἀπέδραν, parf. ἀποδέδρακα) : s’enfuir secrètement.
αὐτὸς ἐκ τῆς πόλεως ἀποδρὰς ᾤχετο : il quitta la ville en fuyard.

ἔρημος, ος, ον, poét. ἐρῆμος, η, ον : désert, solitaire. --- cf. ermite.
ἔρημοι μὲν ἦσαν ... ἔρημοι δ' : étaient déserts ... étaient abandonnés.

Τίς δ' ἦν οὕτως ἢ μισόδημος τότ' ἢ μισαθήναιος, ὅστις ἐδυνήθη ἂν ἄτακτον τὸν αὑτὸν ὑπομεῖναι ἰδεῖν; : qui eût poussé assez loin la haine du peuple et d'Athènes pour refuser de prendre sa part de la défense, lorsqu'on nous annonce  la défaite et le récent désastre ?
ὅστις ἐδυνήθη ἂν ἄτακτον τὸν αὑτὸν ὑπομεῖναι ἰδεῖν : qui était assez hostile à la démocratie pour être capable de prendre sa part

ἐλεέω-ἐλεῶ (imparf. ἠλέουν, futur ἐλεήσω, aor. ἠλέησα, parf. inus. ; parf. passif ἠλέημαι) : s’apitoyer, avoir pitié.
τίς οὐκ ἂν τὴν πόλιν ἠλέησεν : qui n'aurait eu pitié de la ville ?
cf. Κύριε ἐλέησον : seigneur, prends pitié.
καίτοι κατ' ἐκείνους τοὺς χρόνους, ὦ ἄνδρες, τίς οὐκ ἂν τὴν πόλιν ἠλέησεν, οὐ μόνον πολίτης, ἀλλὰ καὶ ξένος ἐν τοῖς ἔμπροσθεν χρόνοις ἐπιδεδημηκώς; : et pourtant, juges, en ces temps dont je parle, qui n'aurait eu pitié de la ville, je ne dis pas quel citoyen, mais quel étranger, pour peu qu'il y eût autrefois séjourné ?
ἐπιδημέω-ῶ : résider dans le pays, séjourner.

φθείρω (futur φθερῶ, aor. ἔφθειρα, parf. ἔφθαρκα, parf.2 ἔφθορα : faire périr, détruire, ruiner.
moyen futur au sens passif φθεροῦμαι, futur 2 φθαροῦμαι.
ἐμπορπάω-ῶ (seul. au passif participe parfait ἐμπεπορπημένος, Lycurg. 153, 5 : agrafer.
περιφθειρομένους, διπλᾶ τὰ ἱμάτια ἐμπεπορπημένους : (hommes) sur le seuil du tombeau, le manteau doublé et agrafé à l'épaule.











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Léocrate déserteur a perdu tout droit à la pitié





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[143] Καὶ αὐτίκα μάλ' ὑμᾶς ἀξιώσει ἀκούειν αὐτοῦ ἀπολογουμένου κατὰ τοὺς νόμους· ὑμεῖς δ' ἐρωτᾶτε αὐτὸν ποίους; Οὓς ἐγκαταλιπὼν ᾤχετο; Καὶ ἐᾶσαι αὐτὸν οἰκεῖν ἐν τοῖς τείχεσι τῆς πατρίδος· ποίοις; Ἃ μόνος τῶν πολιτῶν οἷς οὐ συνδιεφύλαξε; Καὶ ἐπικαλέσεται τοὺς θεοὺς σώσοντας αὐτὸν ἐκ τῶν κινδύνων· τίνας; Οὐχ ὧν τοὺς νεὼς καὶ τὰ ἕδη καὶ τὰ τεμένη προὔδωκε; Καὶ δεήσεται καὶ ἱκετεύσει ἐλεῆσαι αὐτόν· τίνων; Οὐχ οἷς τὸν αὐτὸν ἔρανον εἰς τὴν σωτηρίαν εἰσενεγκεῖν οὐκ ἐτόλμησε; Ῥοδίους ἱκετευέτω· τὴν γὰρ ἀσφάλειαν [144] ἐν τῇ ἐκείνων πόλει μᾶλλον ἢ ἐν τῇ ἑαυτοῦ πατρίδι ἐνόμισεν εἶναι. Ποία δ' ἡλικία δικαίως ἂν τοῦτον ἐλεήσειε; Πότερον ἡ τῶν πρεσϐυτέρων; Ἀλλ' οὐδὲ γηροτροφηθῆναι, οὐδ' ἐν ἐλευθέρῳ τῷ ἐδάφει τῆς πατρίδος αὐτοῖς ταφῆναι τὸ καθ' αὑτὸν μέρος παρέδωκεν. Ἀλλ' ἡ τῶν νεωτέρων; Καὶ τίς ἂν ἀναμνησθεὶς τῶν ἡλικιωτῶν τῶν ἐν Χαιρωνείᾳ ἑαυτῷ συμπαραταξαμένων καὶ τῶν κινδύνων τῶν αὐτῶν μετασχόντων, σώσειεν τὸν τὰς ἐκείνων θήκας προδεδωκότα, καὶ τῇ αὐτῇ ψήφῳ τῶν μὲν ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας τελευτησάντων παράνοιαν καταγνοίη, τὸν δ' ἐγκαταλιπόντα τὴν πατρίδα ὡς εὖ φρονοῦντα ἀθῷον ἀφείη; [145] Ἐξουσίαν ἄρα δώσετε τῷ βουλομένῳ, καὶ λόγῳ καὶ ἔργῳ τὸν δῆμον καὶ ὑμᾶς κακῶς ποιεῖν. Οὐ γὰρ μόνον νῦν οἱ φεύγοντες κατέρχονται, ὅταν ὁ ἐγκαταλιπὼν τὴν πόλιν, καὶ φυγὴν αὐτὸς ἑαυτοῦ καταγνούς, καὶ οἰκήσας ἐν Μεγάροις ἐπὶ προστάτου πλείω πέντ' ἢ ἓξ ἔτη, ἐν τῇ χώρᾳ καὶ ἐν τῇ πόλει ἀναστρέφηται, ἀλλὰ καὶ ὁ μηλόϐοτον τὴν Ἀττικὴν ἀνεῖναι φανερᾷ τῇ ψήφῳ καταψηφισάμενος, οὗτος ἐν ταύτῃ τῇ χώρᾳ σύνοικος ὑμῶν γεγένηται.
                                                                                                                                                                       Lycurgue, contre Léocrate, 143-145



[143] Dans un instant, il va vous prier d'entendre sa défense, conformément aux lois. Demandez-lui donc au nom de quelles lois ? il les a répudiées par sa fuite. Il vous suppliera de l'admettre à vivre à l'abri  des murs de la patrie. Mais quoi ! seul de tous les concitoyens, il s'est refusé à les défendre avec vous. Il va invoquer le secours des dieux dans le péril. Mais quels dieux ? Ceux dont il a livré les temples, les autels, les enceintes sacrées ! Il vous demandera, il vous conjurera de le prendre en pitié. Votre pitié ? lui qui n'a pas eu le cœur de contribuer pour sa part avec vous au salut commun ! Qu'il aille implorer les Rhodiens, puisqu'il a pensé trouver chez eux plus de sécurité que dans son propre pays !   [144] Quel âge lui devrait la pitié ? Les vieillards ? Mais, autant qu'il dépendaient de lui, il les a privés des derniers soins que réclame la vieillesse et de la sépulture qu'il leur est réservée dans le sol libre de la patrie. Les jeunes gens ? Mais lesquels d'entre eux, au souvenir des camarades qui ont combattu à leurs côtés à Chéronée, et qui ont pris part aux mêmes dangers, voudraient sauver le lâche qui a livré le tombeau des braves, tandis que, par le même suffrage, ils taxeraient de démence ceux qui sont tombés pour la liberté, et absoudraient, justifieraient celui qui a déserté sa patrie ?  [145]  Ce serait donner licence  à qui voudrait,  par la parole  ou par les actes,  nuire à l'Etat et à vous-mêmes. Il ne s'agit pas aujourd'hui d'un simple retour d'exilés, mais d'un homme qui , après avoir abandonné la ville, après s'être condamné lui-même à l'exil et avoir  résidé pendant plus de cinq ou six ans à Mégare sous la tutelle d'un patron, s'en revient vivre dans le pays et à Athènes :  n'est-ce pas comme si l'ennemi qui vota à bulletin ouvert qu'on  ferait de l'Attique  un pâturage pour les troupeaux, venait dans ce pays cohabiter avec nous ?
           trad. Félix Durrbach; éd. les belles lettres.





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αὐτίκα adv. : à l’instant même, aussitôt, immédiatement; tout de même, pareillement, par exemple.
μάλ' αὐτίκα ou αὐτίκα μάλα : tout de suite.
αὐτίκα δὴ μάλα : par exemple maintenant.
μάλα : (compar. μᾶλλον et superl. μάλιστα) adv. : tout à fait, très, fort, beaucoup.
μάλ' εὖ : très bien, tout à fait.

ἀξιόω-ῶ (imparf. ἤξιουν, futur ἀξιώσω, aor. ἠξίωσα, parf. ἠξίωκα): évaluer, apprécier, juger digne.
ὑμᾶς ἀξιώσει ἀκούειν αὐτοῦ ἀπολογουμένου κατὰ τοὺς νόμους : il va vous prier d'entendre sa défense, conformément aux lois.
ὑμεῖς δ' ἐρωτᾶτε αὐτὸν ποίους; demandez-lui donc au nom de quelles lois ?
(τοὺς νόμους) Οὓς ἐγκαταλιπὼν ᾤχετο : (les lois) il les a répudiées par sa fuite.
οἴχομαι (imparf. ᾠχόμην, futur οἰχήσομαι, aor. inus., parf. ᾤχημαι, parf. de forme active οἴχωκα et ᾤχωκα) : aller, venir; s’en aller, partir, se mettre en route.
ἐγκαταλείπω (aor.2 ἐγκατέλιπον, parf. ἐγκαταλέλοιπα) : laisser dans; laisser derrière soi; abandonner, délaisser.

ἐάω-εῶ (imparf. εἴων, futur ἐάσω, aor. εἴασα, parf. εἴακα; passif aor. εἰάθην, parf. εἴαμαι) : laisser, souffrir, négliger; permettre.
ποῖος, α, ον ; (ὁποῖος) quel ? de quelle sorte ? (= qualis ?) --- voir hors site  ποῖος
ποίοις; : de quelle sorte (de dieux) ?

ἐλεέω-ἐλεῶ (imparf. ἠλέουν, futur ἐλεήσω, aor. ἠλέησα, parf. inus. ; parf. passif ἠλέημαι) : s’apitoyer, avoir pitié.
τίς οὐκ ἂν τὴν πόλιν ἠλέησεν : qui n'aurait eu pitié de la ville ?
cf. Κύριε ἐλέησον : seigneur, prends pitié.
Καὶ δεήσεται καὶ ἱκετεύσει ἐλεῆσαι αὐτόν : il vous demandera, il viendra vous supplier de le prendre en pitié.
δέω (imparf. ἔδεον, futur δεήσω, aor. ἐδέησα, parf. δεδέηκα) : manquer, avoir besoin de.
moyen δέομαι (futur δεήσομαι, aor. ἐδεήθην, parf. δεδέημαι) : avoir besoin; demander, prier.
ἱκετεύω (imparf. ἱκέτευον, futur ἱκετεύσω, aor. ἱκέτευσα, parf. inus.) : venir comme suppliant, venir supplier.

ἀσφάλεια, ας (ἡ) : le fait de ne pas glisser, allure ferme; stabilité; sûreté, sécurité.
νομίζω (futur νομίσω, att. νομίῶ, aor. ἐνόμισα, parf. νενόμικα) : avoir en usage, pratiquer; penser, croire, regarder comme; reconnaître (les dieux).
τούτους (τοὺς θεοὺς) πάντες οἱ Σκύθαι νενομίκασι : voilà les dieux que reconnaissent tous les Scythes.
Ῥοδίους ἱκετευέτω· τὴν γὰρ ἀσφάλειαν ἐν τῇ ἐκείνων πόλει μᾶλλον ἢ ἐν τῇ ἑαυτοῦ πατρίδι ἐνόμισεν εἶναι : qu'il aille implorer les Rhodiens, puisqu'il a pensé trouver chez eux plus de sécurité que dans son propre pays !












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Les juges ne doivent pas se laisser prendre à la comédie pseudo-démocratique de Démosthène






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Οὗτος κλάει μὲν ῥᾷον ἢ ἄλλοι γελῶσιν, ἐπιορκεῖ δὲ πάντων προχειρότατα ἀνθρώπων. Οὐκ ἂν θαυμάσαιμι δὲ εἰ, μεταϐαλλόμενος, τοῖς ἔξω περιεστηκόσι λοιδορήσεται, φάσκων τοὺς μὲν ὀλιγαρχικοὺς ὑπ' αὐτῆς τῆς ἀληθείας διηριθμημένους ἥκειν πρὸς τὸ τοῦ κατηγόρου βῆμα, τοὺς δὲ δημοτικοὺς πρὸς τὸ τοῦ φεύγοντος. (208) Ὅταν δὴ ταῦτα λέγῃ, πρὸς μὲν τοὺς στασιαστικοὺς λόγους ἐκεῖνο αὐτῷ ὑποϐάλλετε, ὅτι, Ὦ Δημόσθενες, εἰ σοὶ ἦσαν ὅμοιοι οἱ ἀπὸ Φυλῆς φεύγοντα τὸν δῆμον καταγαγόντες, οὐκ ἄν ποθ' ἡ δημοκρατία κατέστη· νῦν δὲ ἐκεῖνοι μὲν, μεγάλων κακῶν συμϐάντων, ἔσωσαν τὴν πόλιν, τὸ κάλλιστον ἐκ παιδείας ῥῆμα φθεγξάμενοι, Μὴ μνησικακεῖν· σὺ δὲ ἑλκοποιεῖς, καὶ μᾶλλόν σοι μέλει τῶν αὐθημερὸν λόγων, ἢ τῆς σωτηρίας τῆς πόλεως· ὅταν δ', ἐπίορκος ὢν, εἰς τὴν τῶν ὅρκων πίστιν καταφυγγάνῃ, ἐκεῖνο ἀπομνημονεύσατε αὐτῷ, ὅτι τῷ πολλάκις μὲν ἐπιορκοῦντι, ἀεὶ δὲ μεθ' ὅρκων ἀξιοῦντι πιστεύεσθαι, δυοῖν θάτερον ὑπάρξαι δεῖ, ὧν οὐδέτερόν ἐστι Δημοσθένει ὑπάρχον, ἢ τοὺς θεοὺς καινούς, ἢ τοὺς ἀκροατὰς μὴ τοὺς αὐτούς. (209) Περὶ δὲ τῶν δακρύων καὶ τοῦ τόνου τῆς φωνῆς, ὅταν ὑμᾶς ἐπερωτᾷ. Ποῖ καταφύγω, ἄνδρες Ἀθηναῖοι; Εἰ περιεγράψατέ με ἐκ τῆς πολιτείας, οὐκ ἔστιν ὅπη ἀναπτήσομαι· ἀνθυποϐάλλετε αὐτῷ. Ὁ δὲ δῆμος ὁ Ἀθηναίων ποῖ καταφύγῃ, Δημόσθενες; Πρὸς ποίαν συμμάχων παρασκευήν; Πρὸς ποῖα χρήματα; Τί προϐαλλόμενος ὑπὲρ τοῦ δήμου πεπολίτευσαι; Ἃ μὲν γὰρ ὑπὲρ σεαυτοῦ βεϐούλευσαι, ἅπαντες ὁρῶμεν. Ἐκλιπὼν μὲν τὸ ἄστυ, οὐκ οἰκεῖς, ὡς δοκεῖς, ἐν Πειραιεῖ, ἀλλ' ἐξορμεῖς ἐκ τῆς πόλεως, ἐφόδια δὲ πεπόρισαι τῇ σαυτοῦ ἀνανδρίᾳ τὸ βασιλικὸν χρυσίον, καὶ τὰ δημόσια δωροδοκήματα.
 [210] Ὅλως δὲ τί τὰ δάκρυα; Τίς ἡ κραυγή; Τίς ὁ τόνος τῆς φωνῆς; Οὐχ ὁ μὲν τὴν γραφὴν φεύγων ἐστὶ Κτησιφῶν; Ὁ δὲ ἀγὼν οὐκ ἀτίμητος· σὺ δ' οὔτε περὶ τοῦ σώματος, οὔτε περὶ τῆς ἐπιτιμίας ἀγωνίζῃ;
                                                                                                                                                          Eschine, contre Ctésiphon, 207-210



Celui-là pleure plus facilement que les autres ne rient pour se parjurer. Il n'a pas son pareil, et je ne serais pas étonné qu'il se retourne contre le cercle de l'auditoire pour l'invectiver, et prétende que les partisans de l'oligarchie se trouvent répartis comme le veut elle-même la vérité, en s'étant mis du côté de la tribune de l'accusateur, et ceux de la démocratie du côté de celle de l'accusé. (208) Quand il tiendra ce genre de propos, répliquez à son langage de division ceci : "Démosthène, si ceux qui ont rapatrié de Phylé les démocrates en exil avaient été semblables à toi, jamais la démocratie n'aurait été rétablie. Mais en fait ceux-là trouvèrent la cité qui avait connu de grands malheurs en prononçant la plus belle parole qui se puisse enseigner, de ne pas tenir rancune, alors que toi, tu envenimes les plaies, et tu te soucies plus de tes discours faits au jour le jour que du salut de la cité. Quand il se parjurera et se réfugiera derrière la confiance que procurent les serments, rappelez-lui alors que celui qui se parjure souvent et prétend chaque fois, serments à l'appui, obtenir la confiance doit avoir l'une des deux possibilités dont Démosthène n'a ni l'un ni l'autre, ou bien des dieux renouvelés ou bien des auditeurs qui ne soient pas les mêmes. (209) S'agissant de ses larmes et du ton de sa voix quand il demandera : "Où me réfugier, Athéniens ? Vous m'avez enfermé, je n'ai nulle part pour m'envoler", vous lui répondrez du tac au tac : "Et le peuple d'Athènes, où se réfugiera-t-il, Démosthène ? Vers quels alliés prêts à le secourir ? Vers quels biens ? Quel rempart pour protéger le peuple nous vaut ta politique ? Car tes résolutions pour protéger ta personne, nous les voyons tous. Si tu as quitté la Ville, ce n'est pas pour t'installer, il me semble, au Pirée, mais pour être sur ton départ d'Athènes, et pour payer le voyage tu réserves à ta lâcheté l'or du roi et le prix de tes malversations politiques".  [210] En somme pourquoi ces larmes ? Pourquoi ces cris ? Pourquoi ce ton de la voix ? N'est-il pas vrai que ce soit Ctésiphon l'accusé dans ce procès, sans que la peine en soit déterminée d'avance par une loi ? Au lieu que pour toi l'enjeu n'est ni ton argent, ni ta personne, ni tes droits de citoyen.
         trad. Lucien Pernée, cahiers 128, éd. Armand Colin.



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κλαίω, att. κλάω (imparf. ἔκλαιον, att. ἔκλαον, futur κλαύσομαι, att. κλαιήσω ou κλαήσω, aor. ἔκλαυσα, parf. inus. ; passif aor. ἐκλαύσθην, parf. κέκλαυμαι, postér. κέκλαυσμαι): pleurer; pleurer sur, déplorer.
γελάω-ῶ (imparf. ἐγέλων ; futur γελάσομαι, postér. γελάσω; aor. ἐγέλασα ; parf. inus. ; passif futur γελασθήσομαι, aor. ἐγελάσθην : briller; rire (qui illumine le visage)

ἐπιορκέω-ῶ (f. ἐπιορκήσω, aor. ἐπιώρκησα, parf. ἐπιώρκηκα) : faire un faux serment; jurer faussement.
πρόχειρος, ος, ον : devant la main, à la portée de tous, prêt, facile, naturel.
χείρ, gén. χειρός, dat. plur. χερσί (ἡ) : main.
ἐπιορκεῖ δὲ πάντων προχειρότατα ἀνθρώπων : il  fait un faux serment le plus naturellement du monde

θαυμάζω (futur θαυμάσομαι, rarement θαυμάσω, aor. ἐθαύμασα, parf. τεθαύμακα; passif aor. ἐθαυμάσθην, parf. τεθαύμασμαι) : s’étonner, voir avec étonnement ou admiration, admirer, vénérer, honorer.
λοιδορέω-ῶ : insulter, invectiver, injurier, gourmander durement; reprocher.
οὐκ ἂν θαυμάσαιμι δὲ εἰ, μεταϐαλλόμενος, τοῖς ἔξω περιεστηκόσι λοιδορήσεται : je ne serais pas étonné qu'il se retourne contre le cercle de l'auditoire pour l'invectiver.
περιΐστημι (aor.1 περιέστησα), parf. περιέστηκα, participe parfait περιέστηκῶς : placer autour, se placer autour.
ἔξω, adv. et prép. : au dehors, dehors, hors.

ἀτίμητος, ος, ον : non honoré, méprisé; non évalué, non estimé.
ἀγὼν ἀτίμητος : procès sans estimation.







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Démosthène, avant Chéronée, a empêché la paix






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(148) Φιλίππου γὰρ οὐ καταφρονοῦντος τῶν Ἑλλήνων, οὐδ' ἀγνοοῦντος (οὐ γὰρ ἦν ἀσύνετος) ὅτι περὶ τῶν ὑπαρχόντων ἀγαθῶν ἐν ἡμέρας μικρῷ μέρει διαγωνιεῖται, καὶ διὰ ταῦτα βουλομένου ποιήσασθαι εἰρήνην, καὶ πρεσϐείας ἀποστέλλειν μέλλοντος, καὶ τῶν ἀρχόντων τῶν ἐν Θήϐαις φοϐουμένων τὸν ἐπιόντα κίνδυνον εἰκότως (οὐ γὰρ ῥήτωρ ἀστράτευτος καὶ λιπὼν τὴν τάξιν αὐτοὺς ἐνουθέτησεν, ἀλλ' ὁ Φωκικὸς πόλεμος, δεκέτης γεγονὼς ἀείμνηστον παιδείαν αὐτοὺς ἐπαίδευσε)· (149) τούτων ἐχόντων οὕτως αἰσθόμενος Δημοσθένης καὶ τοὺς Βοιωτάρχας ὑποπτεύσας μέλλειν εἰρήνην ἰδίᾳ ποιεῖσθαι, χρυσίον ἄνευ αὑτοῦ παρὰ Φιλίππου λαβόντας, ἀβίωτον ἡγησάμενος εἶναι εἴ τινος ἀπολειφθήσεται δωροδοκίας, ἀναπηδήσας ἐν τῇ ἐκκλησίᾳ, οὐδενὸς ἀνθρώπων λέγοντος, οὔθ' ὡς δεῖ ποιεῖσθαι πρὸς Φίλιππον εἰρήνην, οὔθ' ὡς οὐ δεῖ, ἀλλ' ὡς ᾤετο, κήρυγμά τι τοῦτο τοῖς Βοιωτάρχαις προκηρύττων, ἀναφέρειν αὑτῷ τὰ μέρη τῶν λημμάτων, διώμνυτο τὴν Ἀθηνᾶν,
[150] ἣν, ὡς ἔοικε, Φειδίας ἐνεργολαϐεῖν ἠργάσατο καὶ ἐνεπιορκεῖν Δημοσθένει, ἦ μήν, εἴ τις ἐρεῖ ὡς χρὴ πρὸς Φίλιππον εἰρήνην ποιήσασθαι, ἀπάξειν εἰς τὸ δεσμωτήριον ἐπιλαϐόμενος τῶν τριχῶν, ἀπομιμούμενος τὴν Κλεοφῶντος πολιτείαν, ὃς, ἐπὶ τοῦ πρὸς Λακεδαιμονίους πολέμου, ὡς λέγεται, τὴν πόλιν ἀπώλεσεν. Ὡς δ' οὐ προσεῖχον αὐτῷ οἱ ἄρχοντες οἱ ἐν ταῖς Θήϐαις, ἀλλὰ καὶ τοὺς στρατιώτας τοὺς ὑμετέρους πάλιν ἀνέστρεψαν ἐξεληλυθότας, ἵνα βουλεύσησθε περὶ τῆς εἰρήνης, (151) ἐνταῦθ' ἤδη παντάπασιν ἔκφρων ἐγένετο, καὶ, παρελθὼν ἐπὶ τὸ βῆμα, προδότας τῶν Ἑλλήνων τοὺς Βοιωτάρχας ἀπεκάλεσε, καὶ γράψειν ἔφη ψήφισμα, ὁ τοῖς πολεμίοις οὐδεπώποτ' ἀντιβλέψας, πέμπειν ὑμᾶς πρέσβεις εἰς Θήϐας, αἰτήσοντας Θηϐαίους δίοδον ἐπὶ Φίλιππον. Ὑπεραισχυνθέντες δὲ οἱ ἐν Θήϐαις ἄρχοντες, μὴ δόξωσιν ὡς ἀληθῶς εἶναι προδόται τῶν Ἑλλήνων, ἀπὸ μὲν τῆς εἰρήνης ἀπετράποντο, ἐπὶ δὲ τὴν παράταξιν ὥρμησαν.
                                                                                                                                                                   Eschine, contre Ctésiphon, 148-151





(148) Philippe ne méprisait pas les Grecs; il n'était pas dénué de bon sens et n'ignorait pas qu'il allait risquer sa fortune présente dans le court espace d'une journée. Aussi désirait-il faire la paix, et se disposait à nous envoyer des ambassadeurs. A Thèbes, les magistrats étaient effrayés du péril menaçant :  à juste titre, car ce n'était pas un politicien étranger à la guerre et déserteur de son poste qui leur donnait des avertissements, mais la guerre de Phocide,qui avait duré dix ans, leur avait laissé un enseignement inoubliable.
(149) Démosthène que telle était la situation, il souçonna que les Béotarques allaient conclure une paix séparée, en touchant de l'argent de Philippe, sans qu'il en eût sa part, il pensa alors que la vie était intolérable s'il devait manquer un profit, et il bondit à la tribune. A ce moment personne ne parlait ni pour ni contre la paix avec Philippe, mais il pensait adresser par ce discours un avertissement solennel aux Béotarques de lui attribuer sa part du gain et il jura par Athéna,
[150]  --- cette déesse que Phidias avait sans doute sculptée pour qu'elle servît aux prévarications et aux faux serments d'un Démosthès, --- il jura de saisir par les cheveux et de traîner en prison quiconque viendrait dire qu'il fallait faire la paix avec Philippe. Il imitait en cela fidèlement la politique de ce Ctésiphon qui, à l'époque de la guerre avec Spartes, avait, dit-on, causé la ruine de la république. Mais les magistrats de Thèbes ne l'écoutèrent pas, et firent même volte-face à vos troupes qui étaient déjà en route, afin que vous délibériez sur la paix.
(151) Alors il perd tout à fait la raison, il monte à la tribune, il appelle les Béotarques traîtres aux Héllènes, et qui n'a jamais regardé l'ennemi en face, il déclare qu'il va vous faire décréter l'envoi d'une ambassade à Thèbes pour demander le libre passage des troupes contre Philippe. Accablés de honte à l'idée qu'ils pourraient réellement paraître trahir la cause des Grecs, les magistrats de Thèbes renoncent à la paix et s'empressent de préparer le combat.
        trad. Victor Martin et Guy de Budé; éd. les belles lettres


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ἀποτρέπω ((futur ἀποτρέψω, aor.2 ἀπἔτραπον) : détourner, écarter, dissuader.
moyen futur. ἀποτρέψομαι, futur 2 ἀποτραπήσομαι, aor.2 ἀπετραπόμην) : se détourner.
παράταξις, εως (ἡ) : action de ranger une armée en bataille.

Ὑπεραισχυνθέντες δὲ οἱ ἐν Θήϐαις ἄρχοντες, μὴ δόξωσιν ὡς ἀληθῶς εἶναι προδόται τῶν Ἑλλήνων, ἀπὸ μὲν τῆς εἰρήνης ἀπετράποντο, ἐπὶ δὲ τὴν παράταξιν ὥρμησαν : accablés de honte à l'idée qu'ils pourraient réellement paraître trahir la cause des Grecs, les magistrats de Thèbes renoncent à la paix et s'empressent de préparer le combat..







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 Un esprit sain dans un corps sain
 





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εὖ γὰρ ἴσθι ὅτι οὐδὲ ἐν ἄλλῳ οὐδενὶ ἀγῶνι οὐδὲ ἐν πράξει οὐδεμιᾷ μεῖον ἕξεις διὰ τὸ βέλτιον τὸ σῶμα παρεσκευάσθαι· πρὸς πάντα γὰρ ὅσα πράττουσιν ἄνθρωποι χρήσιμον τὸ σῶμά ἐστιν· ἐν πάσαις δὲ ταῖς τοῦ σώματος χρείαις πολὺ διαφέρει ὡς βέλτιστα τὸ σῶμα ἔχειν· ἐπεὶ καὶ ἐν ᾧ δοκεῖ ἐλαχίστη σώματος χρεία εἶναι, ἐν τῷ διανοεῖσθαι, τίς οὐκ οἶδεν ὅτι καὶ ἐν τούτῳ πολλοὶ μεγάλα σφάλλονται διὰ τὸ μὴ ὑγιαίνειν τὸ σῶμα; καὶ λήθη δὲ καὶ ἀθυμία καὶ δυσκολία καὶ μανία πολλάκις πολλοῖς διὰ τὴν τοῦ σώματος καχεξίαν εἰς τὴν διάνοιαν ἐμπίπτουσιν οὕτως ὥστε καὶ τὰς ἐπιστήμας ἐκϐάλλειν. τοῖς δὲ τὰ σώματα εὖ ἔχουσι πολλὴ ἀσφάλεια καὶ οὐδεὶς κίνδυνος διά γε τὴν τοῦ σώματος καχεξίαν τοιοῦτόν τι παθεῖν, εἰκὸς δὲ μᾶλλον πρὸς τὰ ἐναντία τῶν διὰ τὴν καχεξίαν γιγνομένων {καὶ} τὴν εὐεξίαν χρήσιμον εἶναι· καίτοι τῶν γε τοῖς εἰρημένοις ἐναντίων ἕνεκα τί οὐκ ἄν τις νοῦν ἔχων ὑπομείνειεν; αἰσχρὸν δὲ καὶ τὸ διὰ τὴν ἀμέλειαν γηρᾶναι, πρὶν ἰδεῖν ἑαυτὸν ποῖος ἂν κάλλιστος καὶ κράτιστος τῷ σώματι γένοιτο· ταῦτα δὲ οὐκ ἔστιν ἰδεῖν ἀμελοῦντα· οὐ γὰρ ἐθέλει αὐτόματα γίγνεσθαι.
                                                                                                                                                                                     Xénophon, Mémorables, 3, 12



Sache bien que, dans aucune autre lutte, dans aucun acte de la vie, tu ne te trouveras mal d'avoir bien exercé ton corps : en effet, dans toutes les actions que font les hommes, le corps a son utilité, et dans tous les usages où nous l'employons il est essentiel qu'il soit constitué le mieux possible. Il y a plus, dans les fonctions même où tu crois qu'il a le moins de part, je veux dire celles de l'intelligence, qui ne sait que la pensée commet souvent de grandes fautes, parce que le corps est mal disposé ? Le défaut de mémoire, la lenteur d'esprit, la paresse, la folie, sont souvent la suite d'une disposition vicieuse du corps, qui atteint l'intelligence, au point de nous faire perdre ce que nous savons. Si, au contraire, le corps est sain, il y a toute sûreté, et il n'y a pas de danger que l'homme en arrive là, faute d'une bonne constitution; il est même vraisemblable que la vigueur de son tempérament sera excellente pour produire en lui des effets contraires à ceux d'une constitution mauvaise. Et que ne fera pas un homme de bon sens pour arriver au contraire de ce qui vient d'être dit ? D'ailleurs, il est honteux de vieillir dans cette négligence, sans savoir jusqu'où pourraient s'étendre la beauté et la force de son corps : or c'est ce qu'on ne peut connaître sans exercice; car rien de cela ne vient de soi-même.



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οὐδέ : et ne, et non; et… non pas même, ni même (lat. ne… quidem)
μείων, ων, ον, gén. ονος : moindre, plus petit; inférieur ou moindre en force, en puissance, en crédit.
μεῖον ἕξεις : tu te trouveras en pire état (sans les négations).
παρασκευάζω (futur παρασκευάσω, aor. παρεσκεύασα, parf. παρεσκεύακα) : préparer, apprêter, disposer.

ταῦτα δὲ οὐκ ἔστιν ἰδεῖν ἀμελοῦντα : on ne peut le savoir si on le néglige.
ἀμελέω-ῶ (futur ἀμελήσω, aor. ἠμέλησα, parf. ἠμέληκα) : ne pas s’inquiéter, négliger.
ἐθέλω (imparf. ἤθελον, futur ἐθελήσω, aor. ἠθέλησα, parf. ἠθέληκα, pl.q.parf. ἠθελήκειν) : vouloir, vouloir bien, consentir à.
αὐτόματος, η, ον  : qui se meut de soi-même.
οὐ γὰρ ἐθέλει αὐτόματα γίγνεσθαι : car cela ne vient pas tout seul.
οὐ γὰρ ἐθέλει αὐτόματα γίγνεσθαι :  car cela ne vient pas de soi-même.











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Qualités militaires de Cléarque





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(1.3.17) ἐγὼ γὰρ ὀκνοίην μὲν ἂν εἰς τὰ πλοῖα ἐμβαίνειν ἃ ἡμῖν δοίη, μὴ ἡμᾶς αὐταῖς τριήρεσι καταδύσῃ, φοβοίμην δ' ἂν τῷ ἡγεμόνι ὃν δοίη ἕπεσθαι, μὴ ἡμᾶς ἀγάγῃ ὅθεν οὐκ ἔσται ἐξελθεῖν · βουλοίμην δ' ἂν ἄκοντος ἀπιὼν Κύρου λαθεῖν αὐτὸν ἀπελθών · ὃ οὐ δυνατόν ἐστιν.

 (2.1.14) ἄλλους δέ τινας ἔφασαν λέγειν ὑπομαλακιζομένους, ὡς καὶ Κύρῳ πιστοὶ ἐγένοντο καὶ βασιλεῖ ἂν πολλοῦ ἄξιοι γένοιντο, εἰ βούλοιτο φίλος γενέσθαι· καὶ εἴτε ἄλλο τι θέλοι χρῆσθαι εἴτ᾽ ἐπ᾽ Αἴγυπτον στρατεύειν, συγκαταστρέψαιντ᾽ ἂν αὐτῷ.

(2,1,20) Κλέαρχος δὲ πρὸς ταῦτα εἶπεν· -- ἀλλὰ ταῦτα μὲν δὴ σὺ λέγεις· παρ᾽ ἡμῶν δὲ ἀπάγγελλε τάδε, ὅτι ἡμεῖς οἰόμεθα, εἰ μὲν δέοι βασιλεῖ φίλους εἶναι, πλείονος ἂν ἄξιοι εἶναι φίλοι ἔχοντες τὰ ὅπλα ἢ παραδόντες ἄλλῳ, εἰ δὲ δέοι πολεμεῖν, ἄμεινον ἂν πολεμεῖν ἔχοντες τὰ ὅπλα ἢ ἄλλῳ παραδόντες.

(2.1.21) ὁ δὲ Φαλῖνος εἶπε· "ταῦτα μὲν δὴ ἀπαγγελοῦμεν· ἀλλὰ καὶ τάδε ὑμῖν εἰπεῖν ἐκέλευσε βασιλεύς, ὅτι μένουσι μὲν ὑμῖν αὐτοῦ σπονδαὶ εἴησαν, προϊοῦσι δὲ καὶ ἀπιοῦσι πόλεμος".  εἴπατε οὖν καὶ περὶ τούτου πότερα μενεῖτε καὶ σπονδαί εἰσιν ἢ ὡς πολέμου ὄντος παρ᾽ ὑμῶν ἀπαγγελῶ.

[2, 6, 1] οἱ μὲν δὴ στρατηγοὶ οὕτω ληφθέντες ἀνήχθησαν ὡς βασιλέα καὶ ἀποτμηθέντες τὰς κεφαλὰς ἐτελεύτησαν, εἷς μὲν αὐτῶν Κλέαρχος ὁμολογουμένως ἐκ πάντων τῶν ἐμπείρως αὐτοῦ ἐχόντων δόξας γενέσθαι ἀνὴρ καὶ πολεμικὸς καὶ φιλοπόλεμος ἐσχάτως. (2.6.2) καὶ γὰρ δὴ ἕως μὲν πόλεμος ἦν τοῖς Λακεδαιμονίοις πρὸς τοὺς Ἀθηναίους παρέμενεν, ἐπειδὴ δὲ εἰρήνη ἐγένετο, πείσας τὴν αὑτοῦ πόλιν ὡς οἱ Θρᾷκες ἀδικοῦσι τοὺς Ἕλληνας καὶ διαπραξάμενος ὡς ἐδύνατο παρὰ τῶν ἐφόρων ἐξέπλει ὡς πολεμήσων τοῖς ὑπὲρ Χερρονήσου καὶ Περίνθου Θρᾳξίν. (2.6.3) ἐπεὶ δὲ μεταγνόντες πως οἱ ἔφοροι ἤδη ἔξω ὄντος ἀποστρέφειν αὐτὸν ἐπειρῶντο ἐξ Ἰσθμοῦ, ἐνταῦθα οὐκέτι πείθεται, ἀλλ᾽ ᾤχετο πλέων εἰς Ἑλλήσποντον. (2.6.4) ἐκ τούτου καὶ ἐθανατώθη ὑπὸ τῶν ἐν Σπάρτῃ τελῶν ὡς ἀπειθῶν. ἤδη δὲ φυγὰς ὢν ἔρχεται πρὸς Κῦρον, καὶ ὁποίοις μὲν λόγοις ἔπεισε Κῦρον ἄλλῃ γέγραπται, δίδωσι δὲ αὐτῷ Κῦρος μυρίους δαρεικούς· (2.6.5) ὁ δὲ λαϐὼν οὐκ ἐπὶ ῥᾳθυμίαν ἐτράπετο, ἀλλ᾽ ἀπὸ τούτων τῶν χρημάτων συλλέξας στράτευμα ἐπολέμει τοῖς Θρᾳξί, καὶ μάχῃ τε ἐνίκησε καὶ ἀπὸ τούτου δὴ ἔφερε καὶ ἦγε τούτους καὶ πολεμῶν διεγένετο μέχρι Κῦρος ἐδεήθη τοῦ στρατεύματος· τότε δὲ ἀπῆλθεν ὡς ξὺν ἐκείνῳ αὖ πολεμήσων. (2.6.6) ταῦτα οὖν φιλοπολέμου μοι δοκεῖ ἀνδρὸς ἔργα εἶναι, ὅστις ἐξὸν μὲν εἰρήνην ἄγειν ἄνευ αἰσχύνης καὶ βλάϐης αἱρεῖται πολεμεῖν, ἐξὸν δὲ ῥᾳθυμεῖν βούλεται πονεῖν ὥστε πολεμεῖν, ἐξὸν δὲ χρήματα ἔχειν ἀκινδύνως αἱρεῖται πολεμῶν μείονα ταῦτα ποιεῖν· ἐκεῖνος δὲ ὥσπερ εἰς παιδικὰ ἢ εἰς ἄλλην τινὰ ἡδονὴν ἤθελε δαπανᾶν εἰς πόλεμον. (2.6.7) οὕτω μὲν φιλοπόλεμος ἦν· πολεμικὸς δὲ αὖ ταύτῃ ἐδόκει εἶναι ὅτι φιλοκίνδυνός τε ἦν καὶ ἡμέρας καὶ νυκτὸς ἄγων ἐπὶ τοὺς πολεμίους καὶ ἐν τοῖς δεινοῖς φρόνιμος, ὡς οἱ παρόντες πανταχοῦ πάντες ὡμολόγουν. (2.6.8) καὶ ἀρχικὸς δ᾽ ἐλέγετο εἶναι ὡς δυνατὸν ἐκ τοῦ τοιούτου τρόπου οἷον κἀκεῖνος εἶχεν. ἱκανὸς μὲν γὰρ ὥς τις καὶ ἄλλος φροντίζειν ἦν ὅπως ἔχοι ἡ στρατιὰ αὐτῷ τὰ ἐπιτήδεια καὶ παρασκευάζειν ταῦτα, ἱκανὸς δὲ καὶ ἐμποιῆσαι τοῖς παροῦσιν ὡς πειστέον εἴη Κλεάρχῳ. (2.6.9) τοῦτο δ᾽ ἐποίει ἐκ τοῦ χαλεπὸς εἶναι· καὶ γὰρ ὁρᾶν στυγνὸς ἦν καὶ τῇ φωνῇ τραχύς, ἐκόλαζέ τε ἰσχυρῶς, καὶ ὀργῇ ἐνίοτε, ὡς καὶ αὐτῷ μεταμέλειν ἔσθ᾽ ὅτε.
                                                                                                                                          Xénophon, Anabase, 1, 3, 17; 2, 1, 14, 20 et 21; 2, 6, 1-9




(1.3.17) Pour moi, ajouta-t-il, j'hésiterais à monter sur les bateaux qu'il nous donnerait, de peur qu'il ne nous envoyât au fond avec ses propres trières. Je craindrais aussi de suivre le guide qu'il fournirait : j'aurais peur qu'il ne nous menât en un lieu dont nous ne pourrions pas sortir. Je préférerais, puisque c'est malgré lui que je m'en vais, que mon départ lui restât caché. Or, cela est impossible.

(2.1.14) D'autres aussi, qui commençaient à faiblir, firent valoir, dit-on, qu'ils avaient été fidèles à Cyrus et qu'ils pourraient être d'une grande utilité au Roi, s'il consentait à leur accorder son amitié : qu'il eût d'autres projets, qu'il voulût marcher contre l'Egypte, ils l'aideraient à la lui soumettre.

 (2.1.20) Cléarque répliqua : "Voici donc ton opinion, à toi; pour nous, voici notre réponse : nous estimons, au cas où nous serions forcés de devenir les amis du Roi, que nous serions pour lui des amis plus efficaces avec nos armes, qu'en les ayant livrés à autrui; dans le cas, au contraire, où il nous faudrait combattre, que nous combattrions mieux avec nos armes que si quelque autre les avaient reçues de nous."

 (2.1.21) Phalinos reprit : " Nous rapporterons donc votre réponse, mais le Roi nous a aussi ordonné de vous prévenir que si vous restez où vous êtes, il y avait trêve, que si vous avancez ou reculez, c'était la guerre.  Dites-nous donc aussi à ce sujet si vous resterez et s'il y a trêve, ou si je vais annoncer de votre part que c'est la guerre."

 

[2, 6, 1] Les stratèges ainsi arrêtés furent conduits au Roi et on leur trancha la tête : telle fut leur fin. L'un d'eux, Cléarque, de l'assentiment de tous ceux qui le connaissaient bien, avait la science et la passion de la guerre au plus haut degré. (2.6.2) En effet, tant que Lacédémone fit la guerre contre Athènes, il resta en Grèce, mais du jour où la paix eut lieu, ayant persuadé à ses concitoyens que les Thraces faisaient tort aux Hellènes, et ayant obtenu, comme il put, le consentement des éphores, il s'embarqua pour faire la guerre aux Thraces qui habitent au-dessus de la Chersonèse et de Périnthe.  (2.6.3) Lui parti, quand les éphores eurent, on sait pourquoi, changé d'idée, et qu'ils essayaient de le faire revenir de l'Isthme, à ce moment-là il n'obéit plus et fit voile vers l'Hellespont. (2.6.4) Là dessus les magistrats de Sparte le condamnèrent à la peine capitale pour désobéissance. Dès lors, exilé, il va trouver Cyrus. Par quels discours il persuada Cyrus, c'est ce qui a été écrit ailleurs, et celui-ci lui donna dix mille dariques. (2.6.5) Il les prit et ne s'abandonna pas à une vie facile; au contraire, avec cet argent, il réunit une armée, fit la guerre aux Thraces, les vainquit dde vive force, puis ravagea, pilla leur pays et contunua à guerroyer, jusqu'à ce que Cyrus eût besoin de son armée. Alors il partit pour faire de nouveau la guerre avec ce prince. (2.6.6) Ce sont là, il me semble, les actes d'un homme qui a la passion de la guerre : il pouvait vivre dans la paix, sans honte, ni dommage, il choisit de faire la guerre; il pouvait mener une vie facile, il préfère se donner de la peine, pourvu qu'il fasse la guerre; il pouvait posséder une fortune sans courir aucun risque, il aime mieux, en faisant la guerre, la diminuer. Cet homme, comme fait un autre pour ses amours ou pour tout autre plaisir, voulait dépenser pour la guerre. (2.6.7) Voilà comme il avait la passion de la guerre. En outre, on voyait qu'il savait la faire, parce qu'il aimait le danger, que la nuit comme le jour il conduisait ses hommes contre l'ennemi et que, dans les moments difficiles, il était avisé, comme tous ceux qui partout l'avaient vu à l'œuvre le reconnaissaient. (2.6.8) Et on le disait apte  entre tous à commander, à cause de deux qualités que voici et qu'il possédait :  il savait comme personne à s'ingénier à ce que ses troupes eussent des vivres et à leur en procurer; il savait aussi imprimer en tous ceux qui l'entouraient la conviction qu'il fallait obéir à Cléarque.  (2.6.9) Il y arrivait par la sévérité : il avait l'air sombre, la voix rude et il punissait toujours fortement, à tel point qu'il lui arrivait de s'en repentir.
         trad. Masqueray; éd. les belles lettres



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ἀνάγω (imparf. ἀνῆγον, futur ἀνάξω, aor.2 ἀνήγαγον, etc.) : mener, amener.
ἀνάγειν ὡς βασιλέα : mener vers le grand roi.
ἀποτέμνω (futur ἀποτεμῶ, aor.2 ἀπέταμον, parf. ἀποτέτμηκα) : séparer en coupant, amputer.
τελευτάω-ῶ (imparf. ἐτελεύτων, futur τελευτήσω, aor. ἐτελεύτησα, parf. τετελεύτηκα, pl.q.pf. ἐτετελευτήκειν; passif aor. ἐτελευτήθην) : finir, achever; finir, prendre fin; mourir, périr, être tué.
ὁμολογέω-ῶ (imparf. ὡμολόγουν, futur ὁμολογήσω, aor. ὡμολόγησα, parf. ὡμολόγηκα; pl.q.parf. ὡμολογήκειν; passif futur ὁμολογηθήσομαι, aor. ὡμολογήθην, parf. ὡμολόγημαι, pl.q.parf. ὡμολογήμην) : être d’accord.
ὁμολογουμένως, adv. : d’un accord unanime, de l’aveu de tous; d’une manière conforme ou analogue à, d’accord avec.
(ὁμολογουμένως) ἐκ πάντων : de la part de tous, de l'aveu de tous.
ἀποτμηθέντες τὰς κεφαλὰς : amputés par la tête. --- acc. de relation; cf. gram. BCS.

πολεμέω-ῶ (futur πολεμήσω, aor. ἐπολέμησα, parf. πεπολέμηκα) : faire la guerre, guerroyer.
ἐκπλέω (futur ἐκπλεύσομαι, aor. ἐξέπλευσα) : sortir du port, lever l’ancre, mettre à la voile.
ἐκπλεῖν ὡς πολεμήσων τοῖς ὑπὲρ Χερρονήσου καὶ Περίνθου Θρᾳξίν :  mettre à la voile pour faire la guerre aux Thraces qui habitent au-dessus de la Chersonèse et de Périnthe.

δόξα, ης (ἡ) : opinion, jugement, avis, sentiment. cf. dico Bailly. version établie par Gérard Gréco.
ἐμπείρως, adv. : avec expérience.
ἐμπείρως ἔχειν τινός : avoir l’expérience de quelque chose.
φιλοπόλεμος, ος, ον : qui aime la guerre, belliqueux.
ἐσχάτως, adv. : extrêmement, au plus haut point.

ἔρχομαι (futur ἐλεύσομαι, att. εἶμι, aor.2 ἦλθον, parf. ἐλήλυθα : venir, aller, s'en aller.
φυγάς, άδος (ὁ, ἡ) : qui fuit; chassé de son pays, banni, exilé.
ἤδη δὲ φυγὰς ὢν ἔρχεται πρὸς Κῦρον, καὶ ὁποίοις μὲν λόγοις ἔπεισε Κῦρον ἄλλῃ γέγραπται, δίδωσι δὲ αὐτῷ Κῦρος μυρίους δαρεικούς : n'ayant plus de patrie, il vint trouver Cyrus; et j'ai indiqué ailleurs de quelle manière il gagna la confiance de ce prince; Cyrus lui donna dix mille dariques.
φιλοκίνδυνος, ος, ον : qui aime le danger, hardi, téméraire.
διάγω (imparf. διῆγον, futur διάξω, aor.2 διήγαγον) : écarter, séparer; différer, remettre; passer (son temps); conduire jusqu'au bout, faire durer, entretenir, faire vivre.
memento λέγων διῆγε : il ne cessait de parler de.
memento ἐπιμελόμενος διάξω : je continuerai de prendre soin de.
στράτευμα, ατος (τὸ) : expédition, campagne; troupes, armée en campagne.
δέω (imparf. ἔδεον, futur δεήσω, aor. ἐδέησα, parf. δεδέηκα) : manquer, avoir besoin de.
μάχῃ τε ἐνίκησε καὶ ἀπὸ τούτου δὴ ἔφερε καὶ ἦγε τούτους καὶ πολεμῶν διεγένετο μέχρι Κῦρος ἐδεήθη τοῦ στρατεύματος : il les vainquit en bataille rangée, puis pilla et ravagea leur pays; cette guerre l'occupa jusqu'à ce que ses troupes devinssent nécessaires à Cyrus.









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Vigueur du corps et santé de l'esprit




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οὔτοι χρή, ὅτι οὐκ ἀσκεῖ δημοσίᾳ ἡ πόλις τὰ πρὸς τὸν πόλεμον, διὰ τοῦτο καὶ ἰδίᾳ ἀμελεῖν, ἀλλὰ μηδὲν ἧττον ἐπιμελεῖσθαι. εὖ γὰρ ἴσθι ὅτι οὐδὲ ἐν ἄλλῳ οὐδενὶ ἀγῶνι οὐδὲ ἐν πράξει οὐδεμιᾷ μεῖον ἕξεις διὰ τὸ βέλτιον τὸ σῶμα παρεσκευάσθαι· πρὸς πάντα γὰρ ὅσα πράττουσιν ἄνθρωποι χρήσιμον τὸ σῶμά ἐστιν· ἐν πάσαις δὲ ταῖς τοῦ σώματος χρείαις πολὺ διαφέρει ὡς βέλτιστα τὸ σῶμα ἔχειν· ἐπεὶ καὶ ἐν ᾧ δοκεῖ ἐλαχίστη σώματος χρεία εἶναι, ἐν τῷ διανοεῖσθαι, τίς οὐκ οἶδεν ὅτι καὶ ἐν τούτῳ πολλοὶ μεγάλα σφάλλονται διὰ τὸ μὴ ὑγιαίνειν τὸ σῶμα; καὶ λήθη δὲ καὶ ἀθυμία καὶ δυσκολία καὶ μανία πολλάκις πολλοῖς διὰ τὴν τοῦ σώματος καχεξίαν εἰς τὴν διάνοιαν ἐμπίπτουσιν οὕτως ὥστε καὶ τὰς ἐπιστήμας ἐκβάλλειν. τοῖς δὲ τὰ σώματα εὖ ἔχουσι πολλὴ ἀσφάλεια καὶ οὐδεὶς κίνδυνος διά γε τὴν τοῦ σώματος καχεξίαν τοιοῦτόν τι παθεῖν, εἰκὸς δὲ μᾶλλον πρὸς τὰ ἐναντία τῶν διὰ τὴν καχεξίαν γιγνομένων καὶ τὴν εὐεξίαν χρήσιμον εἶναι· καίτοι τῶν γε τοῖς εἰρημένοις ἐναντίων ἕνεκα τί οὐκ ἄν τις νοῦν ἔχων ὑπομείνειεν; αἰσχρὸν δὲ καὶ τὸ διὰ τὴν ἀμέλειαν γηρᾶναι, πρὶν ἰδεῖν ἑαυτὸν ποῖος ἂν κάλλιστος καὶ κράτιστος τῷ σώματι γένοιτο· ταῦτα δὲ οὐκ ἔστιν ἰδεῖν ἀμελοῦντα· οὐ γὰρ ἐθέλει αὐτόματα γίγνεσθαι.
                                                                                                                                                                                   Xénophon, Mémorables, 3, 12




Ce n'est donc pas une raison, quand l'État n'ordonne pas publiquement de se livrer à des exercices en vue de la guerre, de les négliger en particulier, et l'on ne doit pas s'y appliquer avec moins de zèle. Sache bien que, dans aucune autre lutte, dans aucun acte de la vie, tu n'auras à te repentir d'avoir exercé ton corps : en effet, dans toutes les actions que font les hommes, le corps a son utilité, et dans tous les usages où nous l'employons il est essentiel qu'il soit constitué le mieux possible. Il y a plus, dans les fonctions même où tu crois qu'il a le moins de part, je veux dire celles de l'intelligence, qui ne sait que la pensée commet souvent de grandes fautes, parce que le corps est mal disposé ? Le défaut de mémoire, la lenteur d'esprit, la paresse, la folie, sont souvent la suite d'une disposition vicieuse du corps, qui atteint l'intelligence, au point de nous faire perdre ce que nous savons. Si, au contraire, le corps est sain, il y a toute sûreté, et ii n'y a pas de danger que l'homme en arrive là, faute d'une bonne constitution; il est même vraisemblable que la vigueur de son tempérament sera excellente pour produire en lui des effets contraires à ceux d'une constitution mauvaise. Et que ne fera pas un homme de bon sens pour arriver au contraire de ce qui vient d'être dit ? D'ailleurs, il est honteux de vieillir dans cette négligence, sans savoir jusqu'où pourraient s'étendre la beauté et la force de son corps : or c'est ce qu'on ne peut connaître sans exercice ; car rien de cela ne vient de soi-même."


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οὔτοι, adv. : non certes, non cependant, en vérité non.
ἀσκέω-ῶ (imparf. ἤσκουν, futur ἀσκήσω, aor. ἤσκησα, parf. ἤσκηκα; passif futur ἀσκηθήσομαι, aor. ἠσκήθην, parf. ἤσκημαι) : travailler avec art, façonner; exercer, pratiquer. --- cf. ascétisme.
δημόσιος, α, ον : de l’État, du peuple, officiel.
οὐκ ἀσκεῖ δημοσίᾳ ἡ πόλις τὰ πρὸς τὸν πόλεμον : l'État n'ordonne pas publiquement de se livrer à des exercices en vue de la guerre.

χρεία, ας (ἡ) : usage, emploi.
διαφέρω (futur διοίσω, aor.1 διήνεγκα, etc. ; passif aor. διηνέχθην) : différer, l'emporter sur.
impers. διαφέρει : il importe, il est essemtiel.
memento οὐδὲν διαφέρει : il n’importe en rien.
ἐν πάσαις δὲ ταῖς τοῦ σώματος χρείαις πολὺ διαφέρει ὡς βέλτιστα τὸ σῶμα ἔχειν : dans tous les usages où nous employons notre corps il est essentiel qu'il soit constitué le mieux possible.

ἐθέλω (imparf. ἤθελον, futur ἐθελήσω, aor. ἠθέλησα, parf. ἠθέληκα, pl.q.parf. ἠθελήκειν) : vouloir, vouloir bien, consentir à.
αὐτόματος, η, ον  : qui se meut de soi-même.
οὐ γὰρ ἐθέλει αὐτόματα γίγνεσθαι : car cela ne vient pas tout seul.
οὐ γὰρ ἐθέλει αὐτόματα γίγνεσθαι :  car cela ne vient pas de soi-même.








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Liberté du philosophe, servitude de l'orateur





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(ΣΩ.) Κινδυνεύουσιν οἱ ἐν δικαστηρίοις καὶ τοῖς τοιούτοις ἐκ νέων κυλινδούμενοι πρὸς τοὺς ἐν φιλοσοφίᾳ καὶ τῇ (172d) τοιᾷδε διατριϐῇ τεθραμμένους ὡς οἰκέται πρὸς ἐλευθέρους τεθράφθαι.
(ΘΕΟ.) Πῇ δή;

(ΣΩ.) Ἧι τοῖς μὲν τοῦτο ὃ σὺ εἶπες ἀεὶ πάρεστι, σχολή, καὶ τοὺς λόγους ἐν εἰρήνῃ ἐπὶ σχολῆς ποιοῦνται· ὥσπερ ἡμεῖς νυνὶ τρίτον ἤδη λόγον ἐκ λόγου μεταλαμϐάνομεν, οὕτω κἀκεῖνοι, ἐὰν αὐτοὺς ὁ ἐπελθὼν τοῦ προκειμένου μᾶλλον καθάπερ ἡμᾶς ἀρέσῃ· καὶ διὰ μακρῶν ἢ βραχέων μέλει οὐδὲν λέγειν, ἂν μόνον τύχωσι τοῦ ὄντος· οἱ δὲ ἐν ἀσχολίᾳ (172e) τε ἀεὶ λέγουσι—κατεπείγει γὰρ ὕδωρ ῥέον—καὶ οὐκ ἐγχωρεῖ περὶ οὗ ἂν ἐπιθυμήσωσι τοὺς λόγους ποιεῖσθαι, ἀλλ´ ἀνάγκην ἔχων ὁ ἀντίδικος ἐφέστηκεν καὶ ὑπογραφὴν παραναγιγνωσκομένην ὧν ἐκτὸς οὐ ῥητέον ἣν ἀντωμοσίαν καλοῦσιν· οἱ δὲ λόγοι ἀεὶ περὶ ὁμοδούλου πρὸς δεσπότην καθήμενον, ἐν χειρί τινα δίκην ἔχοντα, καὶ οἱ ἀγῶνες οὐδέποτε τὴν ἄλλως ἀλλ´ ἀεὶ τὴν περὶ αὐτοῦ, πολλάκις δὲ καὶ περὶ ψυχῆς (173a) ὁ δρόμος· ὥστ´ ἐξ ἁπάντων τούτων ἔντονοι καὶ δριμεῖς γίγνονται, ἐπιστάμενοι τὸν δεσπότην λόγῳ τε θωπεῦσαι καὶ ἔργῳ ὑπελθεῖν, σμικροὶ δὲ καὶ οὐκ ὀρθοὶ τὰς ψυχάς. τὴν γὰρ αὔξην καὶ τὸ εὐθύ τε καὶ τὸ ἐλευθέριον ἡ ἐκ νέων δουλεία ἀφῄρηται, ἀναγκάζουσα πράττειν σκολιά, μεγάλους κινδύνους καὶ φόϐους ἔτι ἁπαλαῖς ψυχαῖς ἐπιϐάλλουσα, οὓς οὐ δυνάμενοι μετὰ τοῦ δικαίου καὶ ἀληθοῦς ὑποφέρειν, εὐθὺς ἐπὶ τὸ ψεῦδός τε καὶ τὸ ἀλλήλους ἀνταδικεῖν τρεπόμενοι (173b) πολλὰ κάμπτονται καὶ συγκλῶνται, ὥσθ´ ὑγιὲς οὐδὲν ἔχοντες τῆς διανοίας εἰς ἄνδρας ἐκ μειρακίων τελευτῶσι, δεινοί τε καὶ σοφοὶ γεγονότες, ὡς οἴονται.
                                                                                                                                                                                          Platon, Thééthète, 172c-173b




Socrate
Il y a des chances que ceux qui fréquentent assidûment depuis la jeunesse tribunaux et ainsi de suite, par rapport à ceux qu'on a éduqués dans la philosophie et dans ce genre d'étude-ci, soient par leur éducation comme des esclaves par rapport à des hommes libres.
Théodore
En quel sens donc ?

Socrate
En ce sens que ces derniers ont toujours à disposition ce que tu dis : du loisirs; et qu'ils font leurs discours en paix, tout à loisir.  Regarde-nous maintenant : c'est déjà la troisième fois que nous passons d'un sujet à un autre; ceux-là aussi font de même, si le sujet qui vient de se présenter leur plaît plus, comme nous, que celui en cours de discussion. Et il ne leur importe nullement que le discours tienne en beaucoup de mots ou en peu, pourvu seulement qu'ils atteignent la réalité. Les autres au contraire manquent toujours de loisir pour faire leurs discours - car la clepsydre presse - et il n'y a pas place pour parler des sujets qu'ils désirent : la partie adverse a un moyen dee contrainte pour y faire obstacle, disposant d'un écrit lu devant le tribunal qui fixe les termes en dehors desquels il est interdit de parler (c'est ce qu'on appelle le serment réciproque). Leurs discours concernent toujours un compagnon d'esclavage face à un maître qui siège, ayant en main quelque châtiment, et les débats tournent  toujours autour de lui, exclusivement, avec pour enjeu final, souvent, sa vie. Il résulte de tout cela qu'ils deviennent tendus et rusés, experts à flatter le maître en paroles, et à le tromper en actes, mais l'âme petite et tordue. Car l'esclavage où on les tient depuis la jeunesse les empêche de grandir, et d'être droits et libres, les obligeant à une conduite tortueuse, imposant à des âmes encore tendres de grands dangers et de grandes craintes, qu'ils ne peuvent supporter avec le soutien de la justice et de la vérité, de sorte que, se tournant directemnt vers le mensonge et rendant injustice sur injustice, ils se tordent et se brisent en maints endroits. Aussi leur pensée n'a-t-elle rien de sain lorsque, enfin, ils parviennent de l'adolescence à l'âge adulte, tout habiles et malins qu'ils se croient devenus.
                       trad. Lucien Pernée, cahiers 128, éd. Armand Colin.




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κινδυνεύω (futur κινδυνεύσω, aor. ἐκινδύνευσα, parf. κεκινδύνευκα): être en danger, courir un danger; courir une chance, risquer, avoir chance de.
κυλίνδω (futur κυλίνδίσω aor. ἐκύλισα; passif aor. ἐκυλίσθην, parf. κεκύλισμαι) : rouler; rouler, aller et venir, fréquenter sans cesse (cf. lat. versari)
ἐν δικαστηρίοις καὶ τοῖς τοιούτοις : dans les tribunaux et les endroits de cette sorte.
διατριϐή, ῆς : usure par le frottement; déchirement, discorde; action de faire passer le temps; occupation sérieuse, travail, étude.
ἐν φιλοσοφίᾳ καὶ τῇ τοιᾷδε διατριϐῇ : dans la philosophie et dans les études de ce genre.
τρέφω (futur θρέψω, aor. ἔθρεψα, parf. τέτροφα; passif futur 2 τραφήσομαι, aor.1 ἐτρέφθην, aor.2 ἐτράφην, parf. τέθραμμαι): épaissir, rendre compact;  nourrir, élever (un enfant).











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La raison pour guide





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Ἐγὼ δὲ καὶ Διογένους ἄγαμαι τὴν πάντων ὁμοῦ τῶν ἀνθρωπίνων ὑπεροψίαν, ὅς γε καὶ βασιλέως τοῦ μεγάλου ἑαυτὸν ἀπέφηνε πλουσιώτερον, τῷ ἐλαττόνων ἢ ἐκεῖνος κατὰ τὸν βίον προσδεῖσθαι. Ἡμῖν δὲ ἄρα εἰ μὴ τὰ Πυθίου τοῦ Μυσοῦ προσείη τάλαντα, καὶ πλέθρα γῆς τόσα καὶ τόσα, καὶ βοσκημάτων ἐσμοὶ πλείους ἢ ἀριθμῆσαι, οὐδὲν ἐξαρκέσει; Ἀλλ´, οἶμαι, προσήκει ἀπόντα τε μὴ ποθεῖν τὸν πλοῦτον, καὶ παρόντος μὴ τῷ κεκτῆσθαι μᾶλλον φρονεῖν ἢ τῷ εἰδέναι αὐτὸν εὖ διατίθεσθαι. Τὸ γὰρ τοῦ Σωκράτους εὖ ἔχει· ὃς μέγα φρονοῦντος πλουσίου ἀνδρὸς ἐπὶ τοῖς χρήμασιν, οὐ πρότερον αὐτὸν θαυμάσειν ἔφη πρὶν ἂν καὶ ὅτι κεχρῆσθαι τούτοις ἐπίσταται πειραθῆναι. Ἢ Φειδίας μὲν καὶ Πολύκλειτος, εἰ τῷ χρυσίῳ μέγα ἐφρόνουν καὶ τῷ ἐλέφαντι ὧν ὁ μὲν Ἠλείοις τὸν Δία, ὁ δὲ τὴν Ἥραν Ἀργείοις ἐποιησάτην, καταγελάστω ἂν ἤστην ἀλλοτρίῳ πλούτῳ καλλωπιζόμενοι, ἀφέντες τὴν τέχνην, ὑφ´ ἧς καὶ ὁ χρυσὸς ἡδίων καὶ τιμιώτερος ἀπεδείχθη· ἡμεῖς δέ, τὴν ἀνθρωπείαν ἀρετὴν οὐκ ἐξαρκεῖν ἑαυτῇ πρὸς κόσμον ὑπολαμϐάνοντες, ἐλάττονος αἰσχύνης ἄξια ποιεῖν οἰόμεθα;

Ἀλλὰ δῆτα πλούτου μὲν ὑπεροψόμεθα, καὶ τὰς διὰ τῶν αἰσθήσεων ἡδονὰς ἀτιμάσομεν, κολακείας δὲ καὶ θωπείας διωξόμεθα, καὶ τῆς Ἀρχιλόχου ἀλώπεκος τὸ κερδαλέον τε καὶ ποικίλον ζηλώσομεν; Ἀλλ´ οὐκ ἔστιν ὃ μᾶλλον φευκτέον τῷ σωφρονοῦντι τοῦ πρὸς δόξαν ζῆν, καὶ τὰ τοῖς πολλοῖς δοκοῦντα περισκοπεῖν, καὶ μὴ τὸν ὀρθὸν λόγον ἡγεμόνα ποιεῖσθαι τοῦ βίου, ὥστε, κἂν πᾶσιν ἀνθρώποις ἀντιλέγειν, κἂν ἀδοξεῖν καὶ κινδυνεύειν ὑπὲρ τοῦ καλοῦ δέῃ, μηδὲν αἱρεῖσθαι τῶν ὀρθῶς ἐγνωσμένων παρακινεῖν. Ἢ τὸν μὴ οὕτως ἔχοντα τί τοῦ Αἰγυπτίου σοφιστοῦ φήσομεν ἀπολείπειν, ὃς φυτὸν ἐγίγνετο καὶ θηρίον, ὁπότε βούλοιτο, καὶ πῦρ καὶ ὕδωρ καὶ πάντα χρήματα; εἴπερ δὴ καὶ αὐτὸς νῦν μὲν τὸ δίκαιον ἐπαινέσεται παρὰ τοῖς τοῦτο τιμῶσι, νῦν δὲ τοὺς ἐναντίους ἀφήσει λόγους, ὅταν τὴν ἀδικίαν εὐδοκιμοῦσαν αἴσθηται, ὅπερ δίκης ἐστὶ κολάκων. Καὶ ὥσπερ φασὶ τὸν πολύποδα τὴν χρόαν πρὸς τὴν ὑποκειμένην γῆν, οὕτως αὐτὸς τὴν διάνοιαν πρὸς τὰς τῶν συνόντων γνώμας μεταϐαλεῖται.
                                                                                                                                        Basile de Césarée, aux jeunes gens, 9, 21-29


Pour ma part, chez Diogène aussi, j'admire le mépris de toutes les choses humaines, sans distinction. Diogène qui s'est déclaré plus riche que le Grand Roi lui-même, de ce que pour vivre, il avait moins besoin que lui. Et nous, donc, si nous ne pouvons pas posséder les talents de Pythios de Mysie, des arpents de terre tant et tant, et des essaims de bestiaux à ne plus savoir les compter, rien ne nous satisfera ? Mais, à mon avis, il ne faut pas désirer la richesse, quand elle est absente; et qand elle est présente, il faut moins s'enorgueillir de l'avoir acquise que d'en faire bon usage. Car l'attitude de Socrate est bonne, qui, alors qu'un homme riche s'enorgueillissait de ses biens, lui dit qu'il ne l'admirerait pas avant d'avoir éprouvé s'il savait en user. Et peut-on croire que, tandis que Phydias et Polyclète, s'ils s'en étaient enorgueillis de lor et de l'ivoire dont ils avaient fait l'un le Zeus pour les Eléens, l'autre l'Héra pour les Argiens, auraient été ridicules à se parer d'une richesse étrangère, en méprisant l'art grâce auquel. Et nous, si nous pensons que la veru humaine ne suffit pas en elle-même à nous parer,  notre conduite mérite moins de honte ?

Ainsi donc, nous méprisons la richesse,  nous ne ferons aucun cas des plaisirs des sens, mais, d'un autre côté, nous poursuivons la flatterie et l'adulation, et nous imiterons le caractère astucieux et rusé du renard d'Archiloque. Allons, il n'est rien que le sage doive fuir davantage que de vivre en fonction de l'opinion, d'examiner ce qui plaît au grand nombre, et de ne pas faire de la droite raison le guide de sa vie, de sorte que, même s'il faut contredire tous les hommes, être méprisé et se mettre en danger au nom de la vertu, il choisira de ne déroger en rien à la droiture de ses jugements. Et celui qui n'est pas ainsi, en quoi dirons-nous qu'il est différent du sophiste égyptien, qui devenait, à sa guise, plante, bête, feu, eau et toutes choses, s'il fait tantôt l'éloge de la justice devant ceux qui la prisent, et tient tantôt le langage inverse, chaque fois qu'il sent que l'on tient l'injustice en estime, ce qui est la manière de faire des flatteurs ? Et de même qu'on dit que le poulpe change de couleur en fonction du sol sur lequel il se trouve, de même il changera sa pensée en fonction des opinions de son milieu.
        trad. Arnaud Perrot; éd. les belles lettres


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ἄγαμαι (aor. ἠγάσθην plus usuel que ἠγασάμην : être étonné, s’étonner; admirer.
ὁμός, ή, όν : semblable, pareil.
ἀνθρώπινος, η, ον : d’homme, humain; qui concerne l’homme; qui convient à l’homme, propre à l’homme.
ὑπεροψία, ας (ἡ) : mépris, dédain de; hauteur, arrogance.

πρόσειμι (inf. προσεῖναι, imparf. προσῆν, futur προσέσομαι) : être le long ou auprès de; être attaché à.
πλέθρον, ου (τὸ)  : plèthre (100 pieds grecs ou 104 pieds romains, 6e partie du stade); arpent.
τόσος, η, ον : tel, aussi grand, aussi fort, aussi nombreux, ou aussi petit, aussi faible, aussi peu nombreux. --- voir dico Bailly. version établie par Gérard Gréco.
ἐξαρκέω-ῶ (imparf. ἐξήρκουν, futur ἐξαρκέσω, aor. ἐξήρκεσα) : suffire à.
Ἡμῖν δὲ ἄρα εἰ μὴ τὰ Πυθίου τοῦ Μυσοῦ προσείη τάλαντα, καὶ πλέθρα γῆς τόσα καὶ τόσα, καὶ βοσκημάτων ἐσμοὶ πλείους ἢ ἀριθμῆσαι, οὐδὲν ἐξαρκέσει;  : et nous, donc, si nous ne pouvons pas posséder les talents de Pythios de Mysie, des arpents de terre tant et tant, et des essaims de bestiaux à ne plus savoir les compter, rien ne nous satisfera ?



ὥσπερ φασὶ τὸν πολύποδα τὴν χρόαν πρὸς τὴν ὑποκειμένην γῆν, οὕτως αὐτὸς τὴν διάνοιαν πρὸς τὰς τῶν συνόντων γνώμας μεταϐαλεῖται : et de même qu'on dit que le poulpe change de couleur en fonction du sol sur lequel il se trouve, de même il changera sa pensée en fonction des opinions de son milieu.











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Tous les jours sont des jours de fête





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ἄγαμαι δὲ καὶ τοῦ Διογένους, ὃς τὸν ἐν Λακεδαίμονι, ξένον ὁρῶν παρασκευαζόμενον εἰς ἑορτήν τινα καὶ φιλοτιμούμενον ‘ἀνὴρ δ᾽εἶπεν ‘ἀγαθὸς οὐ πᾶσαν ἡμέραν ἑορτὴν ἡγεῖται καὶ πάνυ γε λαμπράν, εἰ σωφρονοῦμεν, ἱερὸν γὰρ ἁγιώτατον ὁ κόσμος ἐστὶ καὶ θεοπρεπέστατον· εἰς δὲ τοῦτον ὁ ἄνθρωπος εἰσάγεται διὰ τῆς γενέσεως οὐ χειροκμήτων. οὐδ᾽ ἀκινήτων ἀγαλμάτων θεατής, ἀλλ᾽ οἷα νοῦς θεῖος αἰσθητὰ νοητῶν μιμήματα, φησὶν ὁ Πλάτων, ἔμφυτον ἀρχὴν ζωῆς ἔχοντα καὶ κινήσεως ἔφηνεν, ἥλιον καὶ σελήνην καὶ ἄστρα καὶ ποταμοὺς νέον ὕδωρ ἐξιέντας ἀεὶ καὶ γῆν φυτοῖς τε καὶ ζῴοις τροφὰς ἀναπέμπουσαν. ὧν τὸν βίον μύησιν ὄντα καὶ τελετὴν τελειοτάτην εὐθυμίας δεῖ μεστὸν εἶναι καὶ γήθους.

οὐχ ὥσπερ οἱ πολλοὶ Κρόνια καὶ Διάσια καὶ Παναθήναια καὶ τοιαύτας ἄλλας ἡμέρας περιμένουσιν; ἵν᾽ ἡσθῶσι καὶ ἀναπέμψωσιν ὠνητὸν γέλωτα, μίμοις καὶ ὀρχησταῖς μισθοὺς τελέσαντες. εἶτ᾽ ἐκεῖ μὲν εὔφημοι καθήμεθα κοσμίως (οὐδεὶς γὰρ ὀδύρεται μυούμενος οὐδὲ θρηνεῖ Πύθια θεώμενος ἢ πίνων ἐν Κρονίοις)· ἃς δ᾽ ὁ θεὸς ἡμῖν ἑορτὰς χορηγεῖ καὶ μυσταγωγεῖ καταισχύνουσιν, ἐν ὀδυρμοῖς τὰ πολλὰ καὶ βαρυθυμίαις καὶ μερίμναις ἐπιπόνοις διατρίϐοντες.

καὶ τῶν μὲν ὀργάνων χαίρουσι, τοῖς ἐπιτερπὲς ἠχοῦσι καὶ τῶν ὀρνέων τοῖς ᾁδουσι, καὶ τὰ παίζοντα καὶ σκιρτῶντα τῶν ζῴων ἡδέως ὁρῶσι, καὶ τοὐναντίον ὠρυομένοις καὶ βρυχωμένοις καὶ σκυθρωπάζουσιν· ἀνιῶνται τὸν δ᾽ ἑαυτῶν βίον ἀμειδῆ καὶ κατηφῆ καὶ τοῖς ἀτερπεστάτοις καὶ πάθεσι καὶ πράγμασι καὶ φροντίσι μηδὲν πέρας ἐχούσαις πιεζόμενον ἀεὶ καὶ συνθλιϐόμενον ὁρῶντες, οὐχ ὅπως αὐτοὶ μὲν ἑαυτοῖς ἀναπνοήν τινα καὶ ῥᾳστώνην πορίζουσί ποθὲν, ἀλλ᾽ οὐδ᾽ ἑτέρων παρακαλούντων προσδέχονται λόγον, χρώμενοι καὶ τοῖς παροῦσιν ἀμέμπτως συνοίσονται καὶ τῶν γεγονότων εὐχαρίστως μνημονεύσουσι, καὶ πρὸς τὸ λοιπὸν ἵλεων τὴν ἐλπίδα καὶ φαιδρὰν ἔχοντες ἀδεῶς καὶ ἀνυπόπτως προσάξουσιν.
                                                                                                                                                                   Plutarque, de la tranquillité de l'âme



J'admire ce mot de Diogène à un étranger qui, se trouvant à Lacédémone, se préparait pour un jour de fête avec un soin extraordinaire. « Eh quoi ! lui dit ce philosophe, tous les jours ne sont-ils pas pour l'homme de bien des jours de fête? » Oui, sans doute, et même des plus solennels, si nous savons le bien prendre. Ce monde est le temple le plus saint et le plus digne de la majesté de Dieu. L'homme y est introduit à sa naissance, pour y contempler, non des statues immobiles, ouvrages de la main des hommes, mais celles que l'intelligence divine a créées, et qui, selon la pensée de Platon, sont les images sensibles des substances invisibles, et ont en elles-mêmes le principe de leur mouvement et de leur vie : je veux dire le soleil, la lune, les étoiles, les rivières, dont les eaux se renouvellent sans cesse, et la terre, qui fournit aux animaux et aux plantes une abondante nourriture. La contemplation de ces grands objets est pour nous l'initiation la plus parfaite, et doit répandre sur notre vie un calme et une joie inaltérables.

N'imitons pas cette foule qui, pour se réjouir, attend les fêtes de Saturne, de Bacchus et de Minerve, ou d'autres jours semblables, et qui paie des baladins et des farceurs pour rire à prix d'argent. Cependant nous assistons à ces fêtes avec beaucoup de recueillement et de modestie; on ne voit personne pleurer dans l'initiation aux mystères, ni s'affliger aux jeux pythiens, ni jeûner pendant les Saturnales; et ces mystères augustes, auxquels Dieu daigne nous initier, ces fêtes qu'il dirige lui-même, on les déshonore par des pleurs, des gémissements et des plaintes éternelles.

On écoute avec plaisir les sons agréables des instruments de musique et les chants harmonieux des oiseaux; on aime à voir des animaux pleins de gaieté qui sautent et qui bondissent; au contraire, les cris et les rugissements des animaux féroces nous inspirent de l'horreur. Mais quand nous voyons notre propre vie livrée à une sombre tristesse qui la consume, sans cesse déchirée par des passions affligeantes, par des soins et des sollicitudes qui n'ont pas de bornes, nous ne voulons ni chercher en nous-mêmes un soulagement à nos peines, ni recevoir les consolations que d'autres nous présentent. Si nous savions en faire usage, elles nous feraient jouir du présent d'une manière irréprochable; elles nous rappelleraient avec joie le souvenir du passé, et nous conduiraient à l'avenir avec cette douce espérance que la crainte et les soupçons ne nous enlèveraient jamais.



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ἄγαμαι (aor. ἠγάσθην plus usuel que ἠγασάμην) : s’étonner; admirer. 
παρασκευάζω (futur παρασκευάσω, aor. παρεσκεύασα, parf. παρεσκεύακα) : préparer, apprêter, disposer. 
φιλοτιμέομαι-οῦμαι (futur φιλοτιμήσομαι et au sens moyen. φιλοτιμηθήσομαι, aor. ἐφιλοτιμησάμην et au sens moyen. ἐφιλοτιμήθην, parf. πεφιλοτίμημαι) : aimer l’honneur,  aimer et chercher de l’honneur, avoir de l’ambition.


οἱ πολλοὶ : la foule, le vulgaire (= ceux qui ne sont pas des sages.)
Κρονιάς, άδος : de Saturne (à Rome)
memento Κρονιάδες ἡμέραι : les Saturnales.
Διάσια, ων (τὰ) : fêtes de Zeus μειλίχιος (= agréable, charmant), à Athènes.
Παναθήναια, ων (τὰ) : les Panathénées. --- voir dico Bailly version établie par Gérard Gréco.
περιμένω : attendre.
εὔφημος, ος, ον : qui prononce des paroles ou pousse des cris de bon augure (p. opp. à δύσφημος); qui prononce une parole favorable ou bienveillante; favorable, propice.

βαρυθυμία, ας (ἡ) : irritation, mécontentement.
μέριμνα, ης (ἡ) : soin, souci, sollicitude.
ἐπίπονος, ος, ον : qui coûte de la peine, difficile, pénible.
διατρίϐω (futur διατρίψω, aor.2 pass. διετρίϐην, parf. διατέτριμμαι) : frotter, user en frottant; passer le temps.

χαίρω (imparf. ἔχαιρον, futur χαιρήσω, parf. κεχάρηκα]) : se réjouir, être joyeux.
ὄργανον, ου (τὸ) : instrument, outil; instrument de musique; organe (du corps).








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L'honnête homme





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Τίνας οὖν καλῶ πεπαιδευμένους, ἐπειδὴ τὰς τέχνας καὶ τὰς ἐπιστήμας καὶ τὰς δυνάμεις ἀποδοκιμάζω; Πρῶτον μὲν τοὺς καλῶς χρωμένους τοῖς πράγμασι τοῖς κατὰ τὴν ἡμέραν ἑκάστην προσπίπτουσι, καὶ τὴν δόξαν ἐπιτυχῆ τῶν καιρῶν ἔχοντας καὶ δυναμένην ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ στοχάζεσθαι τοῦ συμφέροντος· ἔπειτα τοὺς πρεπόντως καὶ δικαίως ὁμιλοῦντας τοῖς ἀεὶ πλησιάζουσι, καὶ τὰς μὲν τῶν ἄλλων ἀηδίας καὶ βαρύτητας εὐκόλως καὶ ῥᾳδίως φέροντας, σφᾶς δ᾽ αὐτοὺς ὡς δυνατὸν ἐλαφροτάτους καὶ μετριωτάτους τοῖς συνοῦσι παρέχοντας· ἔτι τοὺς τῶν μὲν ἡδονῶν ἀεὶ κρατοῦντας, τῶν δὲ συμφορῶν μὴ λίαν ἡττωμένους, ἀλλ᾽ ἀνδρωδῶς ἐν αὐταῖς διακειμένους καὶ τῆς φύσεως ἀξίως ἧς μετέχοντες τυγχάνομεν· τέταρτον, ὅπερ μέγιστον, τοὺς μὴ διαφθειρομένους ὑπὸ τῶν εὐπραγιῶν μηδ᾽ ἐξισταμένους αὑτῶν μηδ᾽ ὑπερηφάνους γιγνομένους, ἀλλ᾽ ἐμμένοντας τῇ τάξει τῇ τῶν εὖ φρονούντων καὶ μὴ μᾶλλον χαίροντας τοῖς διὰ τύχην ὑπάρξασιν ἀγαθοῖς ἢ τοῖς διὰ τὴν αὑτῶν φύσιν καὶ φρόνησιν ἐξ ἀρχῆς γιγνομένοις. Τοὺς δὲ μὴ μόνον πρὸς ἓν τούτων, ἀλλὰ καὶ πρὸς ἅπαντα ταῦτα τὴν ἕξιν τῆς ψυχῆς εὐάρμοστον ἔχοντας, τούτους φημὶ καὶ φρονίμους εἶναι καὶ τελέους ἄνδρας καὶ πάσας ἔχειν τὰς ἀρετάς.
                                                                                                                                                                              Isocrate, Panathénaïque, 30-32





Quels sont donc les hommes que je considère comme vraiment instruits, puisque je réprouve les arts, les sciences, les talents ? Ce sont d'abord ceux qui assistent avec sagesse dans les affaires de chaque jour, et qui portent sur les événements un jugement éclairé et capable de les conduire la plupart du temps au but qu'il est utile d'atteindre. Ce sont ensuite les hommes qui se montrent fidèles à la justice et aux convenances avec leurs amis, qui supportent avec patience et avec douceur l'humeur chagrine des autres hommes et leurs importunités, qui sont, autant qu'ils le peuvent, indulgents et faciles dans l'habitude de la vie. Ce sont encore les hommes qui maîtrisent toujours les voluptés, qui ne se laissent point abattre sous les coups de la fortune, qui savent les supporter avec un noble courage et avec la dignité que comporte notre nature. Enfin, et c'est là surtout que se trouve la véritable grandeur, ce sont les hommes qui ne sont pas corrompus par les prospérités, ceux qu'elles ne font pas sortir de leur caractère, qu'elles ne rendent point orgueilleux, mais qui, sachant se maintenir dans les bornes de la modération, n'attachent pas plus de prix aux faveurs de la fortune qu'aux avantages qu'ils ont reçus de la nature ou de leur propre sagesse. Quant à ceux chez qui les facultés de l'âme sont dans une heureuse harmonie, non seulement avec une de ces qualités, mais avec toutes, je dis que ceux-là sont de vrais sages, des hommes complets, des hommes doués de toutes les vertus. Voilà quelle est mon opinion en ce qui concerne les hommes véritablement instruits.


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καλέω-ῶ (futur καλέσω, att. καλῶ, aor. ἐκάλεσα, parf. κέκληκα; passif futur κληθήσομαι, aor. ἐκλήθην, parf. κέκλημαι) : appeler.
παιδεύω (futur παιδεύσω, aor. ἐπαίδευσα, parf. πεπαίδευκα) : élever un enfant; élever, instruire, former.
ἐπιστήμη, ης (ἡ) : science.
ἀποδοκιμάζω (futur ἀποδοκιμάσω, aor. ἀπεδοκίμασα, parf. ἀποδεδοκίμακα; passif aor. ἀπεδοκιμάσθην, parf. ἀποδεδοκίμασμαι) : rejeter à l’essai, repousser après une épreuve; rejeter comme indigne, insuffisant ou peu convenable, réprouver.
τίνας οὖν καλῶ πεπαιδευμένους, ἐπειδὴ τὰς τέχνας καὶ τὰς ἐπιστήμας καὶ τὰς δυνάμεις ἀποδοκιμάζω; quels sont donc les hommes que je considère comme vraiment instruits, puisque je réprouve les arts, les sciences, les talents ?









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Le vaniteux





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Ἡ δὲ μικροφιλοτιμία δόξει εἶναι ὄρεξις τιμῆς ἀνελεύθερος, ὁ δὲ μικροφιλότιμος τοιοῦτός τις, οἷος σπουδάσαι ἐπὶ δεῖπνον κληθεὶς παρ´ αὐτὸν τὸν καλέσαντα κατακείμενος δειπνῆσαι. καὶ τὸν υἱὸν ἀποκεῖραι ἀπαγαγὼν εἰς Δελφούς, καὶ ἐπιμεληθῆναι δέ, ὅπως αὐτῷ ὁ ἀκόλουθος Αἰθίοψ ἔσται. καὶ ἀποδιδοὺς μνᾶν ἀργυρίου καινὸν ποιῆσαι ἀποδοῦναι. καὶ κολοιῷ δὲ ἔνδον τρεφομένῳ δεινὸς κλιμάκιον πρίασθαι καὶ ἀσπίδιον χαλκοῦν ποιῆσαι, ὃ ἔχων ἐπὶ τοῦ κλιμακίου ὁ κολοιὸς πηδήσεται. καὶ βοῦν θύσας τὸ προμετωπίδιον ἀπαντικρὺ τῆς εἰσόδου προσπατταλεῦσαι στέμμασι μεγάλοις περιδήσας, ὅπως οἱ εἰσιόντες ἴδωσιν, ὅτι βοῦν ἔθυσε. καὶ πομπεύσας δὲ μετὰ τῶν ἱππέων τὰ μὲν ἄλλα πάντα δοῦναι τῷ παιδὶ ἀπενεγκεῖν οἴκαδε, ἀναϐαλλόμενος δὲ θοἰμάτιον ἐν τοῖς μύωψι κατὰ τὴν ἀγορὰν περιπατεῖν. καὶ κυναρίου δὲ Μελιταίου τελευτήσαντος αὐτῷ, μνῆμα ποιῆσαι καὶ στηλίδιον, ποιήσας ἐπιγράψαι· Κλάδος Μελιταῖος. καὶ ἀναθεὶς δακτυλίδιον χαλκοῦν ἐν τῷ Ἀσκληπιείῳ τοῦτο ἐκτρίϐειν, στεφανοῦν, ἀλείφειν ὁσημέραι. ἀμέλει δὲ καὶ διοικήσασθαι παρὰ τῶν συμπρυτάνεων, ὅπως ἀπαγγείλῃ τῷ δήμῳ τὰ ἱερά, καὶ παρεσκευασμένος λαμπρὸν ἱμάτιον καὶ ἐστεφανωμένος παρελθὼν εἰπεῖν· Ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, ἐθύομεν οἱ πρυτάνεις τὰ ἱερὰ τῇ Μητρὶ τῶν θεῶν, τὰ γαλάξια, καὶ τὰ ἱερὰ καλά, καὶ ὑμεῖς δέχεσθε τὰ ἀγαθά. καὶ ταῦτα ἀπαγγείλας ἀπιὼν διηγήσασθαι οἴκαδε τῇ ἑαυτοῦ γυναικί, ὡς καθ´ ὑπερϐολὴν εὐημέρει.
                                                                                                                                                                                               Théophraste, 21





Ce type d'ambition apparaîtra comme un vil appétit d'honneurs, et le faiseur est du genre que voici. Est-il prié à dîner, il s'empresse de s'installer aux côtés de son hôte lui-même. Pour faire couper les cheveux à son fils, il le conduit à Delphes et veille à avoir dans sa suite un Éthiopien. A-t-il à rembourser une mine d'argent, il rembourse en monnaie toute neuve. Pour son geai apprivoisé, il est homme à acheter une échelle miniature et à faire fabriquer un petit bouclier de bronze, que l'oiseau porte pour sauter sur l'échelle. A-t-il sacrifié un bœuf, il cloue face à sa porte d'entrée la peau de la tête entourée de larges bandelettes, afin que ceux qui entrent chez lui voient bien qu'il a sacrifié un bœuf ! S'il a pris part à la procession avec les cavaliers, il donne à son esclave l'ensemble de son équipement à rapporter à la maison, mais garde tout de même son manteau retroussé et ses éperons pour déambuler sur le marché. Son bichon de Malte étant mort, il lui fait faire un monument et une petite stèle avec l'inscription "Greffon de Malte". A-t-il dédié, dans le sanctuaire d'Asclepios, un petit doigt de bronze, il l'astique, le couronne, l'oint chaque jour d'huile parfumée. À n'en pas douter, il s'arrange avec les prytanes ses collègues pour faire lui-même au peuple l'annonce du sacrifice et, s'étant procuré un manteau d'un blanc éclatant, la tête couronnée, il s'avance en disant : "Citoyens d'Athènes, nous, vos prytanes, avons offert à la Mère des dieux le sacrifice des Galaxies; le sacrifice est favorable, recevez-en, vous autres, le bienfait !". Après cette annonce, il se retire et rentre à la maison raconter à sa femme comme il a supérieurement bien réussi.



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μικροφιλοτιμία, ας (ἡ) : ambition des petites choses.
ὄρεξις, εως (ἡ) : action de tendre vers; appétit; désir de nourriture. --- cf. anorexie.
ἀνελεύθερος, ος, ον : indigne d’un homme libre; bas, grossier.
σπουδαῖος, α, ον : empressé, diligent; agile, rapide; actif, zélé.
δειπνέω-ῶ, futur δειπνήσω : prendre un repas, dîner, manger.
καλέω-ῶ (futur καλέσω, att. καλῶ, aor. ἐκάλεσα, parf. κέκληκα; passif futur κληθήσομαι, aor. ἐκλήθην, parf. κέκλημαι) : appeler, nommer, inviter; appeler en justice.

καὶ ταῦτα ἀπαγγείλας ἀπιὼν διηγήσασθαι οἴκαδε τῇ ἑαυτοῦ γυναικί, ὡς καθ´ ὑπερϐολὴν εὐημέρει : .










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Il faut voir Dieu dans ses œuvres





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Ὅτι δέ γε ἀληθῆ λέγω, καὶ σὺ γνώσῃ, ἂν μὴ ἀναμένῃς ἕως ἂν τὰς μορφὰς τῶν θεῶν ἴδῃς, ἀλλ᾽ ἐξαρκῇ σοι τὰ ἔργα αὐτῶν ὁρῶντι σέϐεσθαι καὶ τιμᾶν τοὺς θεούς. ἐννόει δὲ ὅτι καὶ αὐτοὶ οἱ θεοὶ οὕτως ὑποδεικνύουσιν· οἵ τε γὰρ ἄλλοι ἡμῖν τἀγαθὰ διδόντες οὐδὲν τούτων εἰς τὸ ἐμφανὲς ἰόντες διδόασι, καὶ ὁ τὸν ὅλον κόσμον συντάττων τε καὶ συνέχων, ἐν ᾧ πάντα καλὰ καὶ ἀγαθά ἐστι, καὶ ἀεὶ μὲν χρωμένοις ἀτριϐῆ τε καὶ ὑγιᾶ καὶ ἀγήρατα παρέχων, θᾶττον δὲ νοήματος ὑπηρετοῦντα ἀναμαρτήτως, οὗτος τὰ μέγιστα μὲν πράττων ὁρᾶται, τάδε δὲ οἰκονομῶν ἀόρατος ἡμῖν ἐστιν. [14] ἐννόει δ᾽ ὅτι καὶ ὁ πᾶσι φανερὸς δοκῶν εἶναι Ἥλιος οὐκ ἐπιτρέπει τοῖς ἀνθρώποις ἑαυτὸν ἀκριϐῶς ὁρᾶν, ἀλλ᾽, ἐάν τις αὐτὸν ἀναιδῶς ἐγχειρῇ θεάσασθαι, τὴν ὄψιν ἀφαιρεῖται. καὶ τοὺς ὑπηρέτας δὲ τῶν θεῶν εὑρήσεις ἀφανεῖς ὄντας· κεραυνός τε γὰρ ὅτι μὲν ἄνωθεν ἀφίεται, δῆλον, καὶ ὅτι οἷς ἂν ἐντύχῃ πάντων κρατεῖ, ὁρᾶται δ᾽ οὔτ᾽ἐπιὼν οὔτ᾽ ἐγκατασκήψας οὔτε ἀπιών· καὶ ἄνεμοι αὐτοὶ μὲν οὐχ ὁρῶνται, ἃ δὲ ποιοῦσι φανερὰ ἡμῖν ἐστι, καὶ προσιόντων αὐτῶν αἰσθανόμεθα. ἀλλὰ μὴν καὶ ἀνθρώπου γε ψυχή, ἥ, εἴπερ τι καὶ ἄλλο τῶν ἀνθρωπίνων, τοῦ θείου μετέχει, ὅτι μὲν βασιλεύει ἐν ἡμῖν, φανερόν, ὁρᾶται δὲ οὐδ᾽ αὐτή. ἃ χρὴ κατανοοῦντα μὴ καταφρονεῖν τῶν ἀοράτων, ἀλλ᾽ ἐκ τῶν γιγνομένων τὴν δύναμιν αὐτῶν καταμανθάνοντα τιμᾶν τὸ δαιμόνιον.

Ἐγὼ μέν, ὦ Σώκρατες, ἔφη ὁ Εὐθύδημος, ὅτι μὲν οὐδὲ μικρὸν ἀμελήσω τοῦ δαιμονίου, σαφῶς οἶδα· ἐκεῖνο δὲ ἀθυμῶ, ὅτι μοι δοκεῖ τὰς τῶν θεῶν εὐεργεσίας οὐδ´ ἂν εἷς ποτε ἀνθρώπων ἀξίαις χάρισιν ἀμείϐεσθαι. Ἀλλὰ μὴ τοῦτο ἀθύμει, ἔφη, ὦ Εὐθύδημε· ὁρᾷς γὰρ ὅτι ὁ ἐν Δελφοῖς θεός, ὅταν τις αὐτὸν ἐπερωτᾷ πῶς ἂν τοῖς θεοῖς χαρίζοιτο, ἀποκρίνεται· Νόμῳ πόλεως· νόμος δὲ δήπου πανταχοῦ ἐστι κατὰ δύναμιν ἱεροῖς θεοὺς ἀρέσκεσθαι.
                                                                                                                                                                 Xénophon, Mémorables, 4, 3



La vérité de mes paroles, tu la reconnaîtras toi-même, si tu n'attends pas que les dieux se montrent à toi sous une forme réelle, mais si tu te contentes de voir leurs ouvrages pour les révérer et les honorer. Songes-y bien; c'est ainsi que les dieux se manifestent. Les autres dieux, de qui nous recevons les biens, n'apparaissent pas à nos yeux pour répandre leurs bienfaits, et celui qui dispose et régit l'univers, où se réunissent toutes les beautés et tous les biens, qui, pour notre usage, maintient à l'univers une durée, une vigueur et une jeunesse éternelles, qui le force à une obéissance infaillible et plus prompte que la pensée, ce dieu se manifeste dans l'accomplissement de ses oeuvres les plus sublimes, tandis qu'il reste inaperçu dans le gouvernement du reste. Songe en outre que le soleil, qui frappe tous les yeux, ne permet pas aux hommes de le considérer attentivement, et que, quand on a l'audace d'attacher sur lui ses regards, il enlève la vue. Tu verras encore que les ministres des dieux sont invisibles : la foudre est lancée du haut du ciel, c'est évident, et elle brise tout ce qu'elle rencontre ; mais on ne peut la voir, ni quand elle tombe, ni quand elle frappe, ni quand elle se retire. Les vents aussi ne sont pas visibles, mais nous voyons leurs effets, nous sentons leur présence. Enfin l'âme humaine, plus que tout ce qui est de l'homme, participe de la divinité; elle règne en nous, c'est incontestable, mais on ne la voit point. En réfléchissant à tout cela, on ne doit point mépriser les forces invisibles, mais, par leurs effets, reconnaître leur puissance et honorer la divinité.
 
- Jamais, Socrate, reprit Euthydème, je ne serai coupable de la moindre négligence envers elle, j'en suis certain; mais je me décourage, en songeant que jamais aucun homme ne peut rendre assez de grâces aux dieux pour tant de bienfaits. - Ne te décourage pas, Euthydème; tu vois que le dieu de Delphes répond à celui qui lui demande le moyen d'être agréable aux dieux : "Suis la loi de ton pays.» Or, la loi commande partout que chacun honore les dieux suivant son pouvoir.




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ἀμελέω-ῶ (futur ἀμελήσω, aor. ἠμέλησα, parf. ἠμέληκα) : ne pas s’inquiéter, négliger.
Ἐγὼ μέν, ὦ Σώκρατες, ἔφη ὁ Εὐθύδημος, ὅτι μὲν οὐδὲ μικρὸν ἀμελήσω τοῦ δαιμονίου, σαφῶς οἶδα : jamais, Socrate, reprit Euthydème, je ne serai coupable de la moindre négligence envers la divinité, j'en suis certain.
 ἀθυμέω-ῶ : être découragé, préoccupé, inquiet.
εὐεργεσία, ας (ἡ) : bonne action, action honnête; bienfaisance, bienfait, service.
ἀξία, ας (ἡ) : prix ou valeur d’une chose; salaire, récompense ou châtiment.
χάρις, ιτος, acc. ιν (ἡ) : ce qui brille, ce qui réjouit; grâce, charme; joie, plaisir.
ἀμείϐω (futur ἀμείψω, aor. ἤμειψα; passif futur ἀμειφθήσομαι, ao. ἀμἠμείφθην, parf. ἤμειμμαι) : échanger.
ἐκεῖνο δὲ ἀθυμῶ, ὅτι μοι δοκεῖ τὰς τῶν θεῶν εὐεργεσίας οὐδ´ ἂν εἷς ποτε ἀνθρώπων ἀξίαις χάρισιν ἀμείϐεσθαι




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O morts pour mon pays, je suis votre envieux





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[2, 72] Πολλῶν δὲ καὶ δεινῶν ὑπαρχόντων τοὺς μὲν παῖδας αὐτῶν ζηλῶ, ὅτι νεώτεροί εἰσιν ἢ ὥστε εἰδέναι οἵων πατέρων ἐστέρηνται, ἐξ ὧν δ' οὗτοι γεγόνασιν, οἰκτίρω, ὅτι πρεσβύτεροι ἢ ὥστε ἐπιλαθέσθαι τῆς δυστυχίας τῆς ἑαυτῶν. τί γὰρ ἂν τούτων ἀνιαρότερον γένοιτο, ἢ τεκεῖν μὲν καὶ θρέψαι καὶ θάψαι τοὺς αὑτῶν, ἐν δὲ τῷ γήρᾳ ἀδυνάτους μὲν εἶναι τῷ σώματι, πασῶν δ' ἀπεστερημένους τῶν ἐλπίδων ἀφίλους καὶ ἀπόρους γεγονέναι, ὑπὲρ δὲ τῶν αὐτῶν πρότερον ζηλοῦσθαι καὶ νῦν ἐλεεῖσθαι, ποθεινότερον δ' αὐτοῖς εἶναι τὸν θάνατον τοῦ βίου; ὅσῳ γὰρ ἄνδρες ἀμείνους ἦσαν, τοσούτῳ τοῖς καταλειπομένοις τὸ πένθος μεῖζον. πῶς δ' αὐτοὺς χρὴ λῆξαι τῆς λύπης; πότερον ἐν ταῖς τῆς πόλεως συμφοραῖς; ἀλλὰ τότε αὐτῶν εἰκὸς καὶ τοὺς ἄλλους μεμνῆσθαι. ἀλλ' ἐν ταῖς εὐτυχίαις ταῖς κοιναῖς; ἀλλ' ἱκανὸν λυπῆσαι, τῶν μὲν σφετέρων τέκνων τετελευτηκότων, τῶν δὲ ζώντων ἀπολαυόντων τῆς τούτων ἀρετῆς. ἀλλ' ἐν τοῖς ἰδίοις κινδύνοις, ὅταν ὁρῶσι τοὺς μὲν πρότερον ὄντας φίλους φεύγοντας τὴν αὑτῶν ἀπορίαν, τοὺς δ' ἐχθροὺς μέγα φρονοῦντας ἐπὶ ταῖς δυστυχίαις ταῖς τούτων;

[2, 79] προσήκει τούτους εὐδαιμονεστάτους ἡγεῖσθαι, οἵτινες ὑπὲρ μεγίστων καὶ καλλίστων κινδυνεύσαντες οὕτω τὸν βίον ἐτελεύτησαν, οὐκ ἐπιτρέψαντες περὶ αὑτῶν τῇ τύχῃ οὐδ' ἀναμείναντες τὸν αὐτόματον θάνατον, ἀλλ' ἐκλεξάμενοι τὸν κάλλιστον. καὶ γάρ τοι ἀγήρατοι μὲν αὐτῶν αἱ μνῆμαι, ζηλωταὶ δὲ ὑπὸ πάντων ἀνθρώπων αἱ τιμαί·

[2,80] οἳ πενθοῦνται μὲν διὰ τὴν φύσιν ὡς θνητοί, ὑμνοῦνται δὲ ὡς ἀθάνατοι διὰ τὴν ἀρετήν. καὶ γάρ τοι θάπτονται δημοσίᾳ, καὶ ἀγῶνες τίθενται ἐπ' αὐτοῖς ῥώμης καὶ σοφίας καὶ πλούτου, ὡς ἀξίους ὄντας τοὺς ἐν τῷ πολέμῳ τετελευτηκότας ταῖς αὐταῖς τιμαῖς καὶ τοὺς ἀθανάτους τιμᾶσθαι. ἐγὼ μὲν οὖν αὐτοὺς καὶ μακαρίζω τοῦ θανάτου καὶ ζηλῶ, καὶ μόνοις τούτοις ἀνθρώπων οἶμαι κρεῖττον εἶναι γενέσθαι, οἵτινες, ἐπειδὴ θνητῶν σωμάτων ἔτυχον, ἀθάνατον μνήμην διὰ τὴν ἀρετὴν αὑτῶν κατέλιπον· ὅμως δ' ἀνάγκη τοῖς ἀρχαίοις ἔθεσι χρῆσθαι, καὶ θεραπεύοντας τὸν πάτριον νόμον ὀλοφύρεσθαι τοὺς θαπτομένους.
                                                                                                                  Lysias, oraison funèbre, 2, 72-80-81




[2, 72] J'envie leurs enfants, malgré tous les maux qui les accablent : ils sont trop jeunes pour savoir quels pères ils ont perdus. Mais je plains les parents, trop vieux pour oublier jamais leur infortune. Est-il un mal plus incurable, après avoir mis au monde et élevé ses enfants, que de les ensevelir, de se voir, dans la vieillesse, sans force, privé de toute espérance, sans amis, sans ressources, et, pour les mêmes raisons qui naguère provoquaient la jalousie, d'inspirer aujourd'hui la pitié ? de trouver enfin la mort plus désirable que la vie ? Le mérite même des disparus augmente la douleur de ceux qui restent. Qu'est-ce qui pourra mettre fin à leur affliction ? Les malheurs de la cité ? Mais alors le souvenir des morts s'offre même aux autres citoyens. Les prospérités publiques ? Mais c'est assez pour les affliger qu'après la mort de leurs enfants, les vivants recueillent les fruits de leur vertu. Leurs périls particuliers? lorsqu'ils voient leurs anciens amis les fuir à cause de leur pauvreté et leurs ennemis triompher de leur infortune ?

[2, 79] Aussi devons-nous estimer heureux entre tous les hommes ces héros qui ont fini leurs jours en luttant pour la plus grande et la plus noble des causes, et qui, sans attendre une mort naturelle, ont choisi le plus beau trépas : leur mémoire ne peut vieillir et leurs honneurs sont un objet d'envie pour tous les hommes.

[2,80] La nature veut qu'on les pleure comme mortels, mais leur vertu qu'on les chante comme immortels. On leur fait des funérailles publiques, on organise en leur honneur des fètes où l'on rivalise de force, de savoir et de richesse. Oui, ceux qui sont tombés à la guerre sont jugés dignes des mêmes honneurs que les immortels. Pour moi, je trouve leur mort heureuse et je les envie. S'il vaut la peine de naître, c'est pour ceux-là seuls d'entre nous qui, avec un corps mortel en partage, ont laissé l'immortel souvenir de leur vertu. Nous devons cependant, pour nous conformer à un usage antique, et par respect pour la loi de nos pères, accompagner de nos gémissements les funérailles de ces héros.
              trad. L. Gernet - M. Bizos, éd. les belles lettres.



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Le dauphin







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Τῶν δὲ θαλαττίων πλεῖστα λέγεται σημεῖα περὶ τοὺς δελφῖνας πραότητος καὶ ἡμερότητος, καὶ δὴ καὶ πρὸς παῖδας ἔρωτες καὶ ἐπιθυμίαι, καὶ περὶ Τάραντα καὶ Καρίαν καὶ ἄλλους τόπους. Καὶ περὶ Καρίαν δὲ ληφθέντος δελφῖνος καὶ τραύματα λαϐόντος ἀθρόον ἐλθεῖν λέγεται πλῆθος δελφίνων εἰς τὸν λιμένα, μέχριπερ ὁ ἁλιεὺς ἀφῆκεν· τότε δὲ πάλιν ἅμα πάντες ἀπῆλθον. Καὶ τοῖς μικροῖς δελφῖσιν ἀκολουθεῖ τις ἀεὶ τῶν μεγάλων φυλακῆς χάριν. Ἤδη δ᾽ ὦπται δελφίνων μεγάλων ἀγέλη ἅμα καὶ μικρῶν· τούτων δ᾽ ἀπολειπόμενοί τινες δύο οὐ πολὺ ἐφάνησαν δελφινίσκον μικρὸν τεθνηκότα, ὅτ᾽ εἰς βυθὸν φέροιτο, ὑπονέοντες καὶ μετεωρίζοντες τῷ νώτῳ οἷον κατελεοῦντες, ὥστε μὴ καταϐρωθῆναι ὑπό τινος τῶν ἄλλων θηρίων. Λέγεται δὲ καὶ περὶ ταχυτῆτος ἄπιστα τοῦ ζῴου· ἁπάντων γὰρ δοκεῖ εἶναι ζῴων τάχιστον, καὶ τῶν ἐνύδρων καὶ τῶν χερσαίων, καὶ ὑπεράλλονται δὲ πλοίων μεγάλων ἱστούς. Μάλιστα δὲ τοῦτ᾽ αὐτοῖς συμϐαίνει, ὅταν διώκωσί τινα ἰχθὺν τροφῆς χάριν· τότε γάρ, ἐὰν ἀποφεύγῃ, συνακολουθοῦσιν εἰς βυθὸν διὰ τὸ πεινῆν, ὅταν δ᾽ αὐτοῖς μακρὰ γίνηται ἡ ἀναστροφή, κατέχουσι τὸ πνεῦμα ὥσπερ ἀναλογισάμενοι, καὶ συστρέψαντες ἑαυτοὺς φέρονται ὥσπερ τόξευμα, τῇ ταχυτῆτι τὸ μῆκος διελθεῖν βουλόμενοι πρὸς τὴν ἀναπνοήν, καὶ ὑπεράλλονται τοὺς ἱστούς, ἐὰν παρατυγχάνῃ που πλοῖον. Ταὐτὸν δὲ ποιοῦσι καὶ οἱ κατακολυμϐηταί, ὅταν εἰς βυθὸν ἑαυτοὺς ἀφῶσιν· κατὰ τὴν ἑαυτῶν γὰρ δύναμιν καὶ οὗτοι ἀναφέρονται συστρέψαντες.

Διατρίϐουσι δὲ μετ᾽ ἀλλήλων κατὰ συζυγίας οἱ ἄρρενες ταῖς θηλείαις. Διαπορεῖται δὲ περὶ αὐτῶν διὰ τί ἐξοκέλλουσιν εἰς τὴν γῆν· ποιεῖν γάρ φασι τοῦτ᾽ αὐτοὺς ἐνίοτε, ὅταν τύχωσι, δι᾽ οὐδεμίαν αἰτίαν.
                                                                                                                                                        Aristote, histoire des animaux, 9, 30




Parmi les poissons de mer, le dauphin est celui dont ou cite le plus de traits de douceur et de docilité. On vante même ses affections et son amour pour ses enfants, à Tarente, en Carie, et dans d'autres pays. Ainsi, en Carie, on prétend qu'un dauphin ayant été pris et couvert de blessures, une foule de dauphins arrivèrent dans le port, et ne le quittèrent que quand le pêcheur eût lâché le dauphin blessé; alors seulement, tous s'en allèrent. Les petits dauphins sont toujours suivis de quelqu'un des gros, pour les défendre. On a observé une fois une troupe de grands dauphins et de petits dauphins réunis tous ensemble. Deux autres laissés en arrière parurent à peu de distance, nageant sous un petit dauphin mort, et le soutenant sur leur dos, quand il coulait à fond, comme si, dans leur pitié pour lui, ils voulaient empêcher que d'autres gros poissons ne le dévorassent. On raconte de la vitesse du dauphin des choses non moins incroyables; et on peut admettre que c'est le plus rapide de tous les animaux de mer et de terre, dans ses mouvements. On prétend que, dans ses bonds, il saute jusque par-dessus les voiles de grands bateaux. C'est ce qui leur arrive surtout quand ils poursuivent quelque poisson pour le manger. Ils plongent avec lui jusqu'au fond des mers, où il fuit, tant la faim les presse; mais quand le retour doit devenir par trop long, ils retiennent leur souffle, comme s'ils avaient calculé la distance; et se retournant alors, ils vont avec la rapidité d'une flèche, voulant franchir l'immense intervalle aussi vite que possible, afin de pouvoir respirer à la surface. C'est dans cet élan qu'ils bondissent par-dessus les voiles des bateaux qui se trouvent là. C'est d'ailleurs le même effet qu'éprouvent aussi les plongeurs, quand ils descendent au fond de l'eau ; en remontant, ils se sentent emportés aussi avec une énorme vitesse, proportionnée à leur propre force.



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σημεῖον, ου (τὸ) : signe; preuve.
δελφίς, ῖνος (ὁ) : dauphin.
πρᾳότης ou πραότης, ητος (ἡ) : douceur, bonté.
ἡμερότης, ητος (ἡ) : humeur douce, douceur; mansuétude, clémence.





 



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Le gouvernement de Pisistrate





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διῴκει δ´ ὁ Πεισίστρατος, ὥσπερ εἴρηται, τὰ περὶ τὴν πόλιν μετρίως καὶ μᾶλλον πολιτικῶς ἢ τυραννικῶς. ἔν τε γὰρ τοῖς ἄλλοις φιλάνθρωπος ἦν καὶ πρᾷος καὶ τοῖς ἁμαρτάνουσι συγγνωμονικός, καὶ δὴ καὶ τοῖς ἀπόροις προεδάνειζε χρήματα πρὸς τὰς ἐργασίας, ὥστε διατρέφεσθαι γεωργοῦντας. τοῦτο δ´ ἐποίει δυοῖν χάριν, ἵνα μήτε ἐν τῷ ἄστει διατρίϐωσιν, ἀλλὰ διεσπαρμένοι κατὰ τὴν χώραν, καὶ ὅπως εὐποροῦντες τῶν μετρίων καὶ πρὸς τοῖς ἰδίοις ὄντες, μήτ´ ἐπιθυμῶσι μήτε σχολάζωσιν ἐπιμελεῖσθαι τῶν κοινῶν. ἅμα δὲ συνέϐαινεν αὐτῷ καὶ τὰς προσόδους γίγνεσθαι μείζους, ἐξεργαζομένης τῆς χώρας. ἐπράττετο γὰρ ἀπὸ τῶν γιγνομένων δεκάτην. διὸ καὶ τοὺς κατὰ δήμους κατεσκεύασε δικαστάς, καὶ αὐτὸς ἐξῄει πολλάκις εἰς τὴν χώραν, ἐπισκοπῶν καὶ διαλύων τοὺς διαφερομένους, ὅπως μὴ καταϐαίνοντες εἰς τὸ ἄστυ παραμελῶσι τῶν ἔργων. τοιαύτης γάρ τινος ἐξόδου τῷ Πεισιστράτῳ γιγνομένης, συμϐῆναί φασι τὰ περὶ τὸν ἐν τῷ Ὑμηττῷ γεωργοῦντα τὸ κληθὲν ὕστερον χωρίον ἀτελές. ἰδὼν γάρ τινα παντελῶς πέτρας σκάπτοντα καὶ ἐργαζόμενον, διὰ τὸ θαυμάσαι τὸν παῖδα ἐκέλευσεν ἐρέσθαι, τί γίγνεται ἐκ τοῦ χωρίου. ὁ δ´ ‘ὅσα κακὰ καὶ ὀδύναι’ ἔφη, καὶ τούτων τῶν κακῶν καὶ τῶν ὀδυνῶν Πεισίστρατον δεῖ λαϐεῖν τὴν δεκάτην. ὁ μὲν οὖν ἄνθρωπος ἀπεκρίνατο ἀγνοῶν, ὁ δὲ Πεισίστρατος ἡσθεὶς διὰ τὴν παρρησίαν καὶ τὴν φιλεργίαν ἀτελῆ πάντων ἐποίησεν αὐτόν.
                                                                                                                                                                          Aristote, constitution d'Athènes


Pisistrate, comme nous l'avons dit, gouverna la cité moins en tyran qu'en citoyen respectueux de la Constitution. Il avait l'abord facile et plein de douceur, et se montrait indulgent à toutes les fautes. Il faisait aux pauvres, pour l'exploitation de leurs terres, des avances d'argent qui leur permettaient de ne pas interrompre leurs travaux de culture. Il agissait ainsi pour deux raisons : il voulait qu'au lieu de vivre à la ville, ils fussent dispersés dans la campagne, et que parvenant à l'aisance et préoccupés de leurs seuls intérêts, ils n'eussent ni le désir, ni le loisir de s'occuper des affaires publiques. En même temps, plus on cultivait la terre, plus ses propres revenus s'accroissaient : car Pisistrate percevait la dîme des fruits. Pour toutes ces raisons, il établit les juges des dèmes, et lui-même sortait souvent dans la campagne pour se rendre compte des choses et régler les différends, afin qu'on n'eût pas à négliger les champs pour venir à la ville. C'est dans une de ces tournées qu'il arriva à Pisistrate cette aventure bien connue : il vit, dans la région de l'Hymette, un paysan qui cultivait le champ appelé depuis le Champ-Franc. Le bonhomme ne remuait que des cailloux, et Pisistrate, surpris, fit demander par son esclave ce qu'on retirait du champ : « Dieu que maux et peines, répondit le paysan, et encore, faut-il que Pisistrate en prélève la dîme. » II avait répondu sans connaître Pisistrate, mais celui-ci, charmé de cette franchise en même temps que de cette ardeur au travail, l'exempta de tout impôt.





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Andocide demande qu'on lui tienne compte des mérites de ses aïeux







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[140] Καὶ μὲν δὴ καὶ τάδε ὑμῖν ἄξιον, ὦ ἄνδρες, ἐνθυμηθῆναι, ὅτι νυνὶ πᾶσι τοῖς Ἕλλησιν ἄνδρες ἄριστοι καὶ εὐϐουλότατοι δοκεῖτε γεγενῆσθαι, οὐκ ἐπὶ τιμωρίαν τραπόμενοι τῶν γεγενημένων, ἀλλ' ἐπὶ σωτηρίαν τῆς πόλεως καὶ ὁμόνοιαν τῶν πολιτῶν. Συμφοραὶ μὲν γὰρ ἤδη καὶ ἄλλοις πολλοῖς ἐγένοντο οὐκ ἐλάττους ἢ καὶ ἡμῖν· τὸ δὲ τὰς γενομένας διαφορὰς πρὸς ἀλλήλους θέσθαι καλῶς, τοῦτ' εἰκότως ἤδη δοκεῖ ἀνδρῶν ἀγαθῶν καὶ σωφρόνων ἔργον εἶναι. Ἐπειδὴ τοίνυν παρὰ πάντων ὁμολογουμένως ταῦθ' ὑμῖν ὑπάρχει, καὶ εἴ τις φίλος ὢν τυγχάνει καὶ εἴ τις ἐχθρός, μὴ μεταγνῶτε, μηδὲ βούλεσθε τὴν πόλιν ἀποστερῆσαι ταύτης τῆς δόξης, μηδὲ αὐτοὶ δοκεῖν τύχῃ ταῦτα μᾶλλον ἢ γνώμῃ ψηφίσασθαι.

[141] Δέομαι οὖν ἁπάντων περὶ ἐμοῦ τὴν αὐτὴν γνώμην ἔχειν, ἥνπερ καὶ περὶ τῶν ἐμῶν προγόνων, ἵνα κἀμοὶ ἐγγένηται ἐκείνους μιμήσασθαι, ἀναμνησθέντας αὐτῶν ὅτι ὅμοιοι τοῖς πλείστων καὶ μεγίστων ἀγαθῶν αἰτίοις τῇ πόλει γεγένηνται, πολλῶν ἕνεκα σφᾶς αὐτοὺς παρέχοντες τοιούτους, μάλιστα δὲ τῆς εἰς ὑμᾶς εὐνοίας, καὶ ὅπως, εἴ ποτέ τις αὐτοῖς ἢ τῶν ἐξ ἐκείνων τινὶ κίνδυνος γένοιτο ἢ συμφορά, σῴζοιντο συγγνώμης παρ' ὑμῶν τυγχάνοντες.

[142] Εἰκότως δ' ἂν αὐτῶν μεμνῇσθε· καὶ γὰρ τῇ πόλει ἁπάσῃ αἱ τῶν ὑμετέρων προγόνων ἀρεταὶ πλείστου ἄξιαι ἐγένοντο. Ἐπειδὴ γάρ, ὦ ἄνδρες, αἱ νῆες διεφθάρησαν, πολλῶν βουλομένων τὴν πόλιν ἀνηκέστοις συμφοραῖς περιϐαλεῖν, Λακεδαιμόνιοι ἔγνωσαν ὅμως τότε ἐχθροὶ ὄντες σῴζειν τὴν πόλιν διὰ τὰς ἐκείνων τῶν ἀνδρῶν ἀρετάς, οἳ ὑπῆρξαν τῆς ἐλευθερίας ἁπάσῃ τῇ Ἑλλάδι.

[143] Ἐπειδὴ τοίνυν καὶ ἡ πόλις ἐσώθη δημοσίᾳ διὰ τὰς τῶν προγόνων τῶν ὑμετέρων ἀρετάς, ἀξιῶ κἀμοὶ διὰ τὰς τῶν προγόνων τῶν ἐμῶν ἀρετὰς σωτηρίαν γενέσθαϊ. Καὶ γὰρ αὐτῶν τῶν ἔργων, δι' ἅπερ ἡ πόλις ἐσώθη, οὐκ ἐλάχιστον μέρος οἱ ἐμοὶ πρόγονοι συνεϐάλοντο· ὧν ἕνεκα καὶ ἐμοὶ δίκαιον ὑμᾶς μεταδοῦναι τῆς σωτηρίας, ἧσπερ καὶ αὐτοὶ παρὰ τῶν Ἑλλήνων ἐτύχετε.

[144] Σκέψασθε τοίνυν καὶ τάδε, ἄν με σῴσητε, οἷον ἕξετε πολίτην· ὃς πρῶτον μὲν ἐκ πολλοῦ πλούτου, ὅσον ὑμεῖς ἴστε, οὐ δι' ἐμαυτὸν ἀλλὰ διὰ τὰς τῆς πόλεως συμφορὰς εἰς πενίαν πολλὴν καὶ ἀπορίαν κατέστην, ἔπειτα δὲ καινὸν βίον ἠργασάμην ἐκ τοῦ δικαίου, τῇ γνώμῃ καὶ τοῖν χεροῖν τοῖν ἐμαυτοῦ . Ἔτι δὲ εἰδότα μὲν οἷόν ἐστι πόλεως τοιαύτης πολίτην εἶναι, εἰδότα δὲ οἷόν ἐστι ξένον εἶναι καὶ μέτοικον ἐν τῇ τῶν πλησίον, ἐπιστάμενον δὲ οἷον τὸ σωφρονεῖν καὶ ὀρθῶς βουλεύεσθαι. 
                                                                                                                                                                                     Andocide, sur les mystères





[140] Il vaut aussi la peine, citoyens, de vous souvenir qu'aujourd'hui tous les Grecs estiment que vous vous êtes montrés les meilleurs et les plus avisés des hommes, en songeant, non pas à la vengeance du passé mais à la sauvegarde de l'Etat et à la concorde des citoyens. Des malheurs, bien d'autres peuples en ont soufferts et qui ne le cédaient pas aux nôtres; mais réconcilier les citoyens voilà ce qu'on peut tenir à juste titre comme le fait de braves gens qui savent être maîtres d'eux-mêmes. Eh bien puisque tous, sans conteste, tant amis qu'ennemis, vous accordent ce mérite, ne vous déjugez pas, n'allez pas dépouiller la Cité de cette gloire, ni faire croire que si vous votez de la sorte ce fut hasard plutôt que réflexions.

[141] Je vous prie donc d'avoir pour moi les mêmes sentiments que pour vos ancêtres, afin qu'il me soit possible de les imiter; rappelez-vous qu'ils ont égalé ceux dont Athènes a reçu les plus nombreux et les plus grands services. Bien des motifs ont inspiré leur conduite, mais avant tout le patriotisme et aussi l'espoir que si quelque danger les menaçait un jour, eux ou un de leur descendants, votre indulgence les sauverait.

142] Et c'est avec justice que vous vous souviendrez d'eux. Car la Cité tout entière a éprouvé le bienfait des vertus de vos ancêtres : notre flotte était détruite et beaucoup voulaient infliger à la Cité des maux irrémédiables : les Lacédémoniens, quoiqu'étant nos ennemis, décidèrent de l'épargner en mémoire de ces vaillants hommes qui menèrent la Grèce à la liberté.

[143] Eh bien, puisque Athènes a dû son salut aux vertus de ses ancêtres, je demande à être sauvé moi aussi  par les mérites de mes aïeux. Car de ces exploits auxquels notre Cité doit son salut, une part, et non des moindres, revient à mes aïeux. En reconnaissance de ces services, en toute équité, m'épargner comme les Grecs vous ont épargnés vous-mêmes.

[144] Considérez encore, si je vous dois mon salut, quel citoyen vous aurez en moi. Très riche d'abord, vous savez, non point par ma faute, mais par les malheurs de la Cité, réduit à une grande pauvreté, au dénuement. Je me suis alors procuré de quoi vivre par des moyens légitimes, par mon intelligence et par mon travail. Puis je sais ce que c'est d'être citoyen d'une telle ville, ce que c'est que d'être étranger ou métèque dans quelque pays voisin;  je sais les avantages de la modération et d'une sage conduite.

     trad. Georges Dalmeyda; éd. les belles letres


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ἐνθυμέομαι-οῦμαι (imparf. ἐνεθυμούμην, futur ἐνθυμήσομαι, aor. ἐνεθυμήθην, parf. ἐντεθύμημαι, pl.q.parf. ἐνετεθυμήμην)  : se mettre dans l’esprit, réfléchir, penser.
ὑμῖν ἄξιον ἐνθυμηθῆναι : il vaut la peine de vous mettre dans l'esprit.
εὔϐουλος, ος, ον : de bon conseil.
γίγνομαι (imparf. ἐγιγνόμην, futur γενήσομαι, aor.2 ἐγενόμην, parf. γέγονα et γεγένημαι): devenir, être fait, être.
ὁμόνοια, ας (ἡ) : conformité de sentiments, unanimité, union, concorde.
σωτηρία, ας (ἡ) : salut.

συμφορά, anc. att. ξυμφορά, ᾶς (ἡ) : malheur. --- voir Bailly version établie par Gérard Gréco.
συμφοραὶ μὲν γὰρ ἤδη καὶ ἄλλοις πολλοῖς ἐγένοντο οὐκ ἐλάττους ἢ καὶ ἡμῖν : beaucoup d'autres peuples avaient eu déjà des malheurs, non moindres que les vôtres.

μεταγιγνώσκω (futur μεταγνώσομαι, etc.) : comprendre ou reconnaître ensuite; changer de projet, revenir sur une résolution.
ἀποστερέω-ῶ : priver de, dépouiller de.
ψηφίζω (futur ψηφίσω, att. ψηφιῶ, aor. ἐψήφισα; passif futur ψηφισθήσομαι, aor. ἐψηφίσθην, parf. ἐψήφισμαι) : compter avec des cailloux; voter (avec des cailloux); décider, décider ou attribuer par un vote.
ὑπάρχω : commencer.
impers. ὑπάρχει : il est possible à, il dépend de.
ὑπάρχω + participe au sens de τυγχάνω.
memento ἐχθρὸς ὑπῆρχεν ὤν : il se trouvait avoir des sentiments d’inimitié.
ἐπειδὴ τοίνυν παρὰ πάντων ὁμολογουμένως ταῦθ' ὑμῖν ὑπάρχει, καὶ εἴ τις φίλος ὢν τυγχάνει καὶ εἴ τις ἐχθρός, μὴ μεταγνῶτε, μηδὲ βούλεσθε τὴν πόλιν ἀποστερῆσαι ταύτης τῆς δόξης, μηδὲ αὐτοὶ δοκεῖν τύχῃ ταῦτα μᾶλλον ἢ γνώμῃ ψηφίσασθαι : puisque donc tous, amis et ennemis, vous reconnaissent ce mérite, ne vous déjugez pas, n'allez pas priver la cité de cette gloire, comme si vous aviez voté ces mesures au hasard plutôt que par réflexion.














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Jalousie barbare







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σὺ δ´ οὖσα δούλη καὶ δορίκτητος γυνὴ
δόμους κατασχεῖν ἐκϐαλοῦς´ ἡμᾶς θέλεις
τούσδε, στυγοῦμαι δ´ ἀνδρὶ φαρμάκοισι σοῖς,
νηδὺς δ´ ἀκύμων διὰ σέ μοι διόλλυται·
δεινὴ γὰρ ἠπειρῶτις εἰς τὰ τοιάδε
ψυχὴ γυναικῶν· ὦν ἐπισχήσω σ´ ἐγώ,
κοὐδέν σ´ ὀνήσει δῶμα Νηρῆιδος τόδε,
οὐ βωμὸς οὐδὲ ναός, ἀλλὰ κατθανῇ.
ἢν δ´ οὖν βροτῶν τίς σ´ ἢ θεῶν σῶσαι θέλῃ,
δεῖ σ´ ἀντὶ τῶν πρὶν ὀλϐίων φρονημάτων
πτῆξαι ταπεινὴν προσπεσεῖν τ´ ἐμὸν γόνυ
σαίρειν τε δῶμα τοὐμὸν ἐκ χρυσηλάτων
τευχέων χερὶ σπείρουσαν Ἀχελώιου δρόσον
γνῶναί θ´ ἵν´ εἶ γῆς. οὐ γάρ ἐσθ´ Ἕκτωρ τάδε,
οὐ Πρίαμος οὐδὲ χρυσός, ἀλλ´ Ἑλλὰς πόλις.
ἐς τοῦτο δ´ ἥκεις ἀμαθίας, δύστηνε σύ,
ἣ παιδὶ πατρὸς ὃς σὸν ὤλεσεν πόσιν
τολμᾷς ξυνεύδειν καὶ τέκν´ αὐθεντῶν πάρα
τίκτειν. τοιοῦτον πᾶν τὸ βάρϐαρον γένος·
πατήρ τε θυγατρὶ παῖς τε μητρὶ μείγνυται
κόρη τ´ ἀδελφῷ, διὰ φόνου δ´ οἱ φίλτατοι
χωροῦσι, καὶ τῶνδ´ οὐδὲν ἐξείργει νόμος.

                                                                                                                                                                 Euripide, Andromaque, 155-176



Et toi, esclave et captive, tu voudrais me chasser de ce palais, pour y être maîtresse; tu me rends par tes maléfices odieuse à mon époux, et tu as frappé mon sein de stérilité. L'esprit des femmes de l'Asie est habile dans ces arts funestes; mais je réprimerai ton audace. Ni la demeure de la Néréide, ni ce temple, ni cet autel, ne te protégeront; mais tu mourras. Et si quelqu'un des mortels ou des dieux veut sauver tes jours, il te faudra, au lieu de cet ancien orgueil si hautain, prendre des sentiments plus humbles, trembler, tomber à mes genoux, balayer ma maison, répandre des vases d'or la rosée d'Achéloüs, et connaître où tu es : car il n'y a plus ici ni Hector, ni Priam, ni opulence, mais une ville grecque. Malheureuse, tu en viens à ce point d'égarement, d'oser entrer dans le lit de celui dont le père a tué ton époux, et avoir des enfants d'un meurtrier ! Telles sont les mœurs des Barbares : le père couche avec la fille, le fils avec la mère, le frère avec la sœur ; les plus chers amis s'entre-égorgent; la loi ne défend aucun de ces crimes.

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δορίκτητος, ος, ον : conquis à la pointe de la lance, par le droit de la guerre.
δούλη καὶ δορίκτητος γυνὴ : femme esclave et captive de guerre.
φάρμακον, ου (τὸ) : drogue médicinale, médicament, remède.
φαρμάκοισι σοῖς : à cause de tes drogues.
στυγέω-ῶ (futur στυγήσω, aor.1 ἐστύγησα et ἔστυξα, aor.2 ἔστυγον, parf. ἐστύγηκα; passif futur στυγηθήσομαι et στυγήσομαι, aor. ἐστυγήθην, parf. ἔστυγμαι) : haïr, avoir en horreur.
passif στυγοῦµαι : je suis haï, je suis odieux.



ἐξείργω : écarter, exclure, repousser.
καὶ τῶνδ´ οὐδὲν ἐξείργει νόμος : et la loi ne défend aucun de ces crimes.







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De l'utilité du poète comique, en général, et d'Aristophane, en particulier





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ἐξ οὗ γε χοροῖσιν ἐφέστηκεν τρυγικοῖς ὁ διδάσκαλος ἡμῶν,
οὔπω παρέϐη πρὸς τὸ θέατρον λέξων ὡς δεξιός ἐστιν·
630 διαϐαλλόμενος δ᾽ ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν ἐν Ἀθηναίοις ταχυϐούλοις,
ὡς κωμῳδεῖ τὴν πόλιν ἡμῶν καὶ τὸν δῆμον καθυϐρίζει,
ἀποκρίνασθαι δεῖται νυνὶ πρὸς Ἀθηναίους μεταϐούλους.
φησὶν δ᾽ εἶναι πολλῶν ἀγαθῶν ἄξιος ὑμῖν ὁ ποιητής,
παύσας ὑμᾶς ξενικοῖσι λόγοις μὴ λίαν ἐξαπατᾶσθαι,
635 μήθ᾽ ἥδεσθαι θωπευομένους, μήτ᾽ εἶναι χαυνοπολίτας.
πρότερον δ᾽ ὑμᾶς ἀπὸ τῶν πόλεων οἱ πρέσϐεις ἐξαπατῶντες
πρῶτον μὲν ἰοστεφάνους ἐκάλουν· κἀπειδὴ τοῦτό τις εἴποι,
εὐθὺς διὰ τοὺς στεφάνους ἐπ᾽ ἄκρων τῶν πυγιδίων ἐκάθησθε.
εἰ δέ τις ὑμᾶς ὑποθωπεύσας λιπαρὰς καλέσειεν Ἀθήνας,
640 ηὕρετο πᾶν ἂν διὰ τὰς λιπαράς, ἀφύων τιμὴν περιάψας.
ταῦτα ποιήσας πολλῶν ἀγαθῶν αἴτιος ὑμῖν γεγένηται,
καὶ τοὺς δήμους ἐν ταῖς πόλεσιν δείξας ὡς δημοκρατοῦνται.
τοιγάρτοι νῦν ἐκ τῶν πόλεων τὸν φόρον ὑμῖν ἀπάγοντες
ἥξουσιν ἰδεῖν ἐπιθυμοῦντες τὸν ποιητὴν τὸν ἄριστον,
645 ὅστις παρεκινδύνευσ᾽ εἰπεῖν ἐν Ἀθηναίοις τὰ δίκαια.
οὕτω δ᾽ αὐτοῦ περὶ τῆς τόλμης ἤδη πόρρω κλέος ἥκει,
ὅτε καὶ βασιλεὺς Λακεδαιμονίων τὴν πρεσϐείαν βασανίζων
ἠρώτησεν πρῶτα μὲν αὐτοὺς πότεροι ταῖς ναυσὶ κρατοῦσιν,
εἶτα δὲ τοῦτον τὸν ποιητὴν ποτέρους εἴποι κακὰ πολλά·
650 τούτους γὰρ ἔφη τοὺς ἀνθρώπους πολὺ βελτίους γεγενῆσθαι
καὶ τῷ πολέμῳ πολὺ νικήσειν τοῦτον ξύμϐουλον ἔχοντας.
                                                                                                                                                       Aristophane, les Acharniens, 628-651




Depuis que notre directeur préside à des chœurs tragiques, il ne s'est point encore avancé sur le théâtre pour parler de
son talent. Mais diffamé par ses ennemis auprès des Athéniens au jugement hâtif, comme ridiculisant la ville et
630 outrageant le peuple, il faut qu'il se disculpe maintenant auprès des Athéniens au jugement réfléchi. Notre poète dit
donc qu'il est digne de tous biens, en vous empêchant d'être trop dupés par les discours des étrangers ou séduits par la
flatterie, vrais citoyens de la ville des sots. Jadis les envoyés des villes commençaient, afin de vous tromper, par
vous appeler les gens aux couronnes de violettes. Et aussitôt que le mot de couronnes était prononcé, vous
n'étiez plus assis que du bout des fesses. Si un autre, d'un ton flatteur, parlait de la « grasse Athènes », il obtenait
tout pour ce mot « grasse », dont il vous honorait comme des anchois. En agissant de la sorte, le poète a été pour
vous là cause de grands biens, ainsi qu'en faisant voir au peuple des autres villes ce qu'est une démocratie. Voilà
pourquoi, lorsque les envoyés de ces villes viendront vous apporter leur tribut, ils désireront voir le poète éminent qui
ne craint pas de dire aux Athéniens ce qui est juste. Aussi le bruit de son audace s'est-il déjà répandu si loin, que le Roi,
questionnant un jour les envoyés de Lacédémone, après leur avoir demandé quel était le peuple le plus puissant par ses
vaisseaux, les interrogea ensuite sur ce poète et sur ceux dont il disait tant de mal.
650 et il ajouta que ces hommes étaient devenus de beaucoup meilleurs, et qu'à la guerre, ils seraient tout à fait victorieux,
en ayant un tel conseiller.

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ἐξ οὗ γε χοροῖσιν ἐφέστηκεν : depuis qu'il (= notre directeur) est à la tête des chœurs.
ἐφίστημι (futur ἐπιστήσω, aor.1 ἐπέστησα, parf. ἐφέστηκα) : placer sur ou auprès, asseoir sur; imposer, arrêter, appliquer; être préposé à.
memento οἱ ἐφεστηκότες : ceux qui sont à la tête de.
διαϐάλλω (futur διαϐαλῶ) : séparer; brouiller; décrier, calomnier.
ταχύϐουλος, ος, ον : aux résolutions précipitées ou qui change promptement de résolution, au jugement hâtif.
διαϐαλλόμενος δ᾽ ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν ἐν Ἀθηναίοις ταχυϐούλοις : diffamé par ses ennemis auprès des Athéniens au jugement hâtif.

αἴτιος, α, ον : qui est la cause ou l’auteur de, responsable de.
δείκνυμι (impf. ἐδείκνυν, futur δείξω, aor. ἔδειξα, parf. δέδειχα; passif futur δειχθήσομαι, aor. ἐδείχθην, parf. δέδειγμαι) : montrer, faire voir.
δημοκρατέω-ῶ : être un chef démocratique.
au passif δημοκρατέομαι-οῦμαι : être gouverné démocratiquement, avoir une constitution démocratique.
ταῦτα ποιήσας πολλῶν ἀγαθῶν αἴτιος ὑμῖν γεγένηται, καὶ τοὺς δήμους ἐν ταῖς πόλεσιν δείξας ὡς δημοκρατοῦνται : en agissant de la sorte, le poète a été pour vous là cause de grands biens, ainsi qu'en faisant voir au peuple des autres villes ce qu'est une démocratie.

νικάω-ῶ (futur νικήσω, aor. ἐνίκησα, parf. νενίκηκα) : vaincre, être vainqueur.
σύμϐουλος, anc. att. ξύμϐουλος, ου (ὁ, ἡ) : qui donne un conseil, conseiller. --- cf. dico Bailly. version établie par Gérard Gréco.
τούτους γὰρ ἔφη τοὺς ἀνθρώπους πολὺ βελτίους γεγενῆσθαι καὶ τῷ πολέμῳ πολὺ νικήσειν τοῦτον ξύμϐουλον ἔχοντας : (le Roi) ajouta que ces hommes étaient devenus de beaucoup meilleurs et qu'à la guerre, ils seraient tout à fait victorieux, en ayant un tel conseiller.





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Un marché de dupes




Alcibiade explique à Socrate pourquoi il juge que le célèbre philosophe est seul digne de devenir son éraste. Mais la réponse qu'il reçoit n'est pas celle qu'il attendait.



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(218c) Σὺ ἐμοὶ δοκεῖς, ἦν δ᾽ ἐγώ, ἐμοῦ ἐραστὴς ἄξιος γεγονέναι μόνος, καί μοι φαίνει ὀκνεῖν μνησθῆναι πρός με· ἐγὼ δὲ οὑτωσὶ ἔχω· πάνυ ἀνόητον ἡγοῦμαι εἶναι σοὶ μὴ οὐ καὶ τοῦτο χαρίζεσθαι καὶ εἴ τι ἄλλο ἢ τῆς οὐσίας τῆς ἐμῆς δέοιο ἢ τῶν φίλων τῶν ἐμῶν. ἐμοὶ μὲν γὰρ οὐδέν ἐστι πρεσϐύτερον τοῦ ὡς ὅ τι βέλτιστον ἐμὲ γενέσθαι, τούτου δὲ οἶμαί μοι συλλήπτορα οὐδένα κυριώτερον εἶναι σοῦ. ἐγὼ δὴ τοιούτῳ ἀνδρὶ πολὺ μᾶλλον ἂν μὴ χαριζόμενος αἰσχυνοίμην τοὺς φρονίμους, ἢ χαριζόμενος τούς τε πολλοὺς καὶ ἄφρονας...

(218d) καὶ οὗτος ἀκούσας μάλα εἰρωνικῶς καὶ σφόδρα ἑαυτοῦ τε καὶ εἰωθότως ἔλεξεν· Ὦ φίλε Ἀλκιϐιάδη, κινδυνεύεις τῷ ὄντι οὐ φαῦλος εἶναι, εἴπερ ἀληθῆ τυγχάνει ὄντα ἃ λέγεις περὶ ἐμοῦ, καί τις ἔστ᾽ ἐν ἐμοὶ δύναμις δι᾽ ἧς ἂν σὺ γένοιο ἀμείνων· ἀμήχανόν τοι κάλλος ὁρῴης ἂν ἐν ἐμοὶ καὶ τῆς παρὰ σοὶ εὐμορφίας πάμπολυ διαφέρον. εἰ δὴ καθορῶν αὐτὸ κοινώσασθαί τέ μοι ἐπιχειρεῖς καὶ ἀλλάξασθαι κάλλος ἀντὶ κάλλους, οὐκ ὀλίγῳ μου πλεονεκτεῖν διανοεῖ, ἀλλ᾽ ἀντὶ δόξης ἀλήθειαν καλῶν κτᾶσθαι ἐπιχειρεῖς καὶ τῷ ὄντι χρύσεα χαλκείων διαμείϐεσθαι νοεῖς. ἀλλ᾽, ὦ μακάριε, ἄμεινον σκόπει, μή σε λανθάνω οὐδὲν ὤν. ἥ τοι τῆς διανοίας ὄψις ἄρχεται ὀξὺ βλέπειν ὅταν ἡ τῶν ὀμμάτων τῆς ἀκμῆς λήγειν ἐπιχειρῇ· σὺ δὲ τούτων ἔτι πόρρω...

(219a) κἀγὼ ἀκούσας· Τὰ μὲν παρ᾽ ἐμοῦ, ἔφην, ταῦτά ἐστιν, ὧν οὐδὲν ἄλλως εἴρηται ἢ ὡς διανοοῦμαι· σὺ δὲ αὐτὸς οὕτω βουλεύου ὅτι σοί τε ἄριστον.
                                                                                                                                                                                   Platon, le Banquet, 218c-219a



(218c) Je pense, dis-je, que tu es, toi, un amant de moi, le seul qui le soit, et je vois bien que tu hésites à en parler. Pour moi, voici mon sentiment : il est tout à fait stupide, à mon avis, de ne pas te faire plaisir en ceci, comme en toute chose où tu aurais besoin de ma fortune ou de mes amis. Rien en effet ne compte à mes yeux de devenir le meilleur possible, et je pense que dans cette voix personne ne peut m'aider avec plus de maîtrise que toi. Dès lors je rougirais bien plus devant les sages de ne point faire plaisir à un homme tel que toi, que je ne rougirais, devant la foule des imbéciles, de te faire plaisir.


(218d) Il m'écouta, prit son air de faux naïf, tout à fait dans son style habituel, et me dit : "Mon cher Alcibiade, tu ne dois pas être trop maladroit en réalité, si ce que tu dis sur mon compte est vrai, et si j'ai quelque pouvoir de te rendre meilleur. Tu vois sans doute en moi une beauté peu commune et bien différente de la grâce qui est la tienne. Si donc cette observation t'engage à partager avec moi et à échanger beauté contre beauté, le profit que tu penses faire à mes dépens n'est pas mince. Tu n'essaies pas de posséder l'apparence de la beauté, mais sa réalité, et tu songes à troquer, en fait,  le cuivre contre de l'or. Eh bien, mon ami,  regarde mieux, de peur de t'illusionner sur mon compte : je ne suis rien. La vision de l'esprit ne commence  à être pénétrante que quand celle des yeux se met à perdre dee son acuité : tu en es encore loin.


(219a) A quoi je répondis : "En ce qui me concerne, je me suis expliqué tout à l'heure : je n'ai rien dit que je ne pense. A toi de décider ce que tu juges le meilleur pour toi comme pour moi."
      trad. Paul Vicaire et Jean Laborderie; éd. les belles lettres.

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ἐραστής, οῦ (ὁ, rarement ἡ) : qui aime passionnément.
ὀκνέω-ῶ : être lent, paresseux, tarder, différer; hésiter, craindre.

χαρίζομαι (imparf. ἐχαριζόμην, futur att. χαριοῦμαι, postér. χαρίσομαι et χαρισθήσομαι, aor. ἐχαρισάμην, postér. ἐχαρίσθην, parf. κεχάρισμαι) : être agréable, faire plaisir à.
αἰσχύνω (imparf. ᾔσχυνον, futur. αἰσχυνῶ, aor. ᾔσχυνα) : enlaidir, défigurer.
passif-moyen. (futur αἰσχυνοῦμαι; aor. ᾐσχύνθην) : avoir le sentiment de l’honneur; avoir honte.
φρόνιμος, ος, ον : sensé, qui a sa raison, qui est dans son bon sens.
ἄφρων, ων, ον, gén. ονος : privé de sentiment; qui a perdu la raison, furieux, fou; insensé, déraisonnable.
ἐγὼ δὴ τοιούτῳ ἀνδρὶ πολὺ μᾶλλον ἂν μὴ χαριζόμενος αἰσχυνοίμην τοὺς φρονίμους, ἢ χαριζόμενος τούς τε πολλοὺς καὶ ἄφρονας : je serais en conséquence infiniment plus honteux, devant des gens intelligents, de ne pas avoir de complaisances pour un pareil homme, que je ne le serais,  devant la foule des imbéciles, de les avoir eues.

ἐπιχειρέω-ῶ : mettre la main à ou sur; entreprendre; commencer à.
λήγω (futur λήξω, aor. ἔληξα) : faire cesser; cesser, finir, se terminer.
πόρρω, adv. : en avant, en continuant; fort avant, loin, tard.
βλέπω (imparf. ἔϐλεπον, futur βλέψομαι, aor. ἔϐλεψα, parf. passif βέϐλεμμαι) : voir.
ὀξύς, εῖα, ύ, aigu : aigu, pointu.
ὄψις, εως (ἡ) : action de voir, la vue.
ἥ τοι τῆς διανοίας ὄψις ἄρχεται ὀξὺ βλέπειν : en vérité l'œil de la pensée ne commence d'avoir le regard pénétrant
ὅταν ἡ τῶν ὀμμάτων τῆς ἀκμῆς λήγειν ἐπιχειρῇ : que quand la vision des yeux commence à perdre de son acuité.
σὺ δὲ τούτων ἔτι πόρρω : mais toi, tu en es encore loin.













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La force des discours





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[1] Σωκράτους δὲ ἄξιόν μοι δοκεῖ εἶναι μεμνῆσθαι καὶ ὡς ἐπειδὴ ἐκλήθη εἰς τὴν δίκην ἐϐουλεύσατο περί τε τῆς ἀπολογίας καὶ τῆς τελευτῆς τοῦ βίου. γεγράφασι μὲν οὖν περὶ τούτου καὶ ἄλλοι καὶ πάντες ἔτυχον τῆς μεγαληγορίας αὐτοῦ · ᾧ καὶ δῆλον ὅτι τῷ ὄντι οὕτως ἐρρήθη ὑπὸ Σωκράτους. ἀλλ' ὅτι ἤδη ἑαυτῷ ἡγεῖτο αἱρετώτερον εἶναι τοῦ βίου θάνατον, τοῦτο οὐ διεσαφήνισαν· ὥστε ἀφρονεστέρα αὐτοῦ φαίνεται εἶναι ἡ μεγαληγορία.

[2] Ἑρμογένης μέντοι ὁ Ἱππονίκου ἑταῖρός τε ἦν αὐτῷ καὶ ἐξήγγειλε περὶ αὐτοῦ τοιαῦτα ὥστε πρέπουσαν φαίνεσθαι τὴν μεγαληγορίαν αὐτοῦ τῇ διανοίᾳ. ἐκεῖνος γὰρ ἔφη ὁρῶν αὐτὸν περὶ πάντων μᾶλλον διαλεγόμενον ἢ περὶ τῆς δίκης εἰπεῖν·

[3] Οὐκ ἐχρῆν μέντοι σκοπεῖν, ὦ Σώκρατες, καὶ ὅ τι ἀπολογήσῃ; τὸν δὲ τὸ μὲν πρῶτον ἀποκρίνασθαι· οὐ γὰρ δοκῶ σοι ἀπολογεῖσθαι μελετῶν διαϐεϐιωκέναι; ἐπεὶ δ' αὐτὸν ἐρέσθαι· πῶς; ὅτι οὐδὲν ἄδικον διαγεγένημαι ποιῶν· ἥνπερ νομίζω μελέτην εἶναι καλλίστην ἀπολογίας.

[4] Ἐπεὶ δὲ αὐτὸν πάλιν λέγειν· οὐχ ὁρᾷς τὰ Ἀθηναίων δικαστήρια ὡς πολλάκις μὲν οὐδὲν ἀδικοῦντας λόγῳ παραχθέντες ἀπέκτειναν, πολλάκις δὲ ἀδικοῦντας ἢ ἐκ τοῦ λόγου οἰκτίσαντες ἢ ἐπιχαρίτως εἰπόντας ἀπέλυσαν; ἀλλὰ ναὶ μὰ Δία, φάναι αὐτόν, καὶ δὶς ἤδη ἐπιχειρήσαντός μου σκοπεῖν περὶ τῆς ἀπολογίας ἐναντιοῦταί μοι τὸ δαιμόνιον.

[5] Ὡς δὲ αὐτὸν εἰπεῖν · θαυμαστὰ λέγεις, τὸν δ' αὖ ἀποκρίνασθαι  · ἦ θαυμαστὸν νομίζεις εἰ καὶ τῷ θεῷ δοκεῖ ἐμὲ βέλτιον εἶναι ἤδη τελευτᾶν; οὐκ οἶσθα ὅτι μέχρι μὲν τοῦδε οὐδενὶ ἀνθρώπων ὑφείμην βέλτιον ἐμοῦ βεϐιωκέναι; ὅπερ γὰρ ἥδιστόν ἐστιν, ᾔδειν ὁσίως μοι καὶ δικαίως ἅπαντα τὸν βίον βεϐιωμένον · ὥστε ἰσχυρῶς ἀγάμενος ἐμαυτὸν ταὐτὰ ηὕρισκον καὶ τοὺς ἐμοὶ συγγιγνομένους γιγνώσκοντας περὶ ἐμοῦ.
                                                                                                                                                      Xénophon, Apologie de Socrate, 1-4



[1] Il me semble qu'il vaut la peine de rappeler quelle fut l'attitude délibérée de Socrate, après qu'il eut été cité en justice, à l'égard de sa défense et de sa mort. D'autres sans doute ont déjà écrit sur ce sujet, et tous ont reproduit la hauteur de son langage; ce qui prouve que Socrate s'est bien exprimé ainsi. mais ils n'ont pas montré suffisamment qu'il considérait désormais la mort comme plus souhaitable pour lui que la vie. Il en résulte que la fierté de son langage paraît assez inconsidérée.

[2] Mais ce qu'a rapporté à son sujet Hermogène, fils d'Hipponicos, son disciple, met en lumière l'accord de cette fierté de langage avec sa façon de penser. Comme il le voyait, racontait-il, parler de toute espèce de choses plutôt que de son procès, il lui dit :

[3] «Ne faudrait-il donc pas, Socrate,  que tu penses aussi à ce que tu vas dire pour te défendre ? Socrate lui répondit tout d'abord : "Ne te semble-t-il donc pas que j'ai passé ma vie entière à préparer ma défense ?" "Comment cela ?" demanda  Hermogénès -- "Parce que de toute ma vie, je n'ai commis aucun acte injuste. Voilà, je pense, la meilleure façon de préparer sa défense."

[4] "Ne vois-tu pas, reprit alors Hermogène, que les tribunaux d'Athènes ont souvent, séduits par d'habiles propos, fait périr des innocents, alors que souvent aussi ils ont acquitté des coupables dont les discours les avaient apitoyés ou charmés " ? -- "Eh ! par Zeus, répondit Socrate,  par deux fois déjà, j'ai voulu songer à ma défense, mais le signe divin s'y oppose."

[5] "L'étonnant propos", s'écria Hermogène. Socrate alors de répliquer : "Il est donc étonnant à ton sens que le divinité même estime qu'il vaut mieux que je meure à présent. Ne sais-tu pas que jusqu'à ce jour je n'aurais pu concéder à personne d'avoir vécu mieux que moi ? J'avais conscience en effet -- quoi de plus agréable --  d'avoir toujours vécu  dans la piété et dans la justice. Je m'estimais donc beaucoup moi-même et je me rendais compte que ceux qui me fréquentaient  éprouvaient pour moi le même sentiment."
       trad. François Ollier; éd. les belles lettres




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Femme fatale






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(48) Θαυμάζω δ' εἴ τις οἴεται κακῶς βεϐουλεῦσθαι τὸν μετὰ ταύτης ζῆν ἑλόμενον, ἧς ἕνεκα πολλοὶ τῶν ἡμιθέων ἀποθνῄσκειν ἠθέλησαν. Πῶς δ' οὐκ ἂν ἦν ἀνόητος, εἰ τοὺς θεοὺς εἰδὼς περὶ κάλλους φιλονικοῦντας αὐτὸς κάλλους κατεφρόνησε, καὶ μὴ ταύτην ἐνόμισε μεγίστην εἶναι τῶν δωρεῶν, περὶ ἧς κἀκείνας ἑώρα μάλιστα σπουδαζούσας;

(49) Τίς δ' ἂν τὸν γάμον τὸν Ἑλένης ὑπερεῖδεν, ἧς ἁρπασθείσης οἱ μὲν Ἕλληνες οὕτως ἠγανάκτησαν ὥσπερ ὅλης τῆς Ἑλλάδος πεπορθημένης, οἱ δὲ βάρϐαροι τοσοῦτον ἐφρόνησαν, ὅσον περ ἂν εἰ πάντων ἡμῶν ἐκράτησαν. Δῆλον δ' ὡς ἑκάτεροι διετέθησαν· πολλῶν γὰρ αὐτοῖς πρότερον ἐγκλημάτων γενομένων περὶ μὲν τῶν ἄλλων ἡσυχίαν ἦγον, ὑπὲρ δὲ ταύτης τηλικοῦτον συνεστήσαντο πόλεμον οὐ μόνον τῷ μεγέθει τῆς ὀργῆς ἀλλὰ καὶ τῷ μήκει τοῦ χρόνου καὶ τῷ πλήθει τῶν παρασκευῶν ὅσος οὐδεὶς πώποτε γέγονεν.

[50] Ἐξὸν δὲ τοῖς μὲν ἀποδοῦσιν Ἑλένην ἀπηλλάχθαι τῶν παρόντων κακῶν, τοῖς δ' ἀμελήσασιν ἐκείνης ἀδεῶς οἰκεῖν τὸν ἐπίλοιπον χρόνον, οὐδέτεροι ταῦτ' ἠθέλησαν· ἀλλ' οἱ μὲν περιεώρων καὶ πόλεις ἀναστάτους γιγνομένας καὶ τὴν χώραν πορθουμένην, ὥστε μὴ προέσθαι τοῖς Ἕλλησιν αὐτήν, οἱ δ' ᾑροῦντο μένοντες ἐπὶ τῆς ἀλλοτρίας καταγηράσκειν καὶ μηδέποτε τοὺς αὑτῶν ἰδεῖν μᾶλλον ἢ 'κείνην καταλιπόντες εἰς τὰς αὑτῶν πατρίδας ἀπελθεῖν.
                                                                                                                                                                               Isocrate, Eloge d'Hélène, 48-50



(48) Je m'étonne que l'on ose critiquer la décision de celui qui choisit de vivre dans la compagnie d'une femme pour qui nombre de demi-dieux acceptèrent de mourir. Comment n'eût-il pas été insensé, connaissant la rivalité que la beauté avait fait naître  parmi les dieux, lui-même avait méprisé la beauté et s'il n'avait pas tenu pour le plus précieux des dons, celui que, sous ses yeux, les déesses en personnes recherchaient si avidement.

(49) Qui donc aurait rejeté un mariage avec Hélène quand après son rapt les Grecs furent saisis d'indignation, comme si toute la Grèce eût été  dévastée, et les barbares d'orgueil, comme s'ils nous avaient tous soumis à leur puissance ? Leurs sentiments, aux uns comme aux autres, étaient clairs; auparavant, de nombreuses contestations s'étaient élevées entre eux, mais ils étaient toujours restés en paix; pour cette femme, ils engagèrent une guerre, qui, non seulement par la violence des passions, mais encore par la durée de la lutte et l'ampleur des préparatifs, ne peut être comparée à aucune autre.

[50] Les uns avaient la possibilité, en rendant Hélène, de se débarrasser de leurs maux; les autres, en se désistant de son sort, de vivre le restant de leurs jours dans la sécurité. Ni les uns ni les autres n'acceptèrent ces solutions : les premiers voyaient sans émotion leurs villes détruites, leur territoire bouleversé, pourvu qu'ils ne fussent pas contraints d'abandonner Hélène aux Grecs; les Grecs aimaient mieux vieillir en restant sur la terre étrangère et ne jamais revoir leur famille que de rentrer dans leur patrie en abandonnant Hélène.
        trad. Georges Mathieu et Emile Brémond; éd. les belles lettres

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θαυμάζω δ' εἴ τις οἴεται κακῶς βεϐουλεῦσθαι τὸν μετὰ ταύτης ζῆν ἑλόμενον, ἧς ἕνεκα πολλοὶ τῶν ἡμιθέων ἀποθνῄσκειν ἠθέλησαν : je m'étonne que l'on ose critiquer la décision de celui qui choisit de vivre dans la compagnie d'une femme pour qui nombre de demi-dieux acceptèrent de mourir.
βουλεύω (futur βουλεύσω, aor. ἐϐούλευσα, parf. βεϐούλευκα) : tenir conseil, délibérer.
αἱρέω-ῶ (impf. ᾕρουν, futur αἱρήσω; aor.2 εἷλον, d’où impér. ἕλε, sbj. ἕλω, opt. ἕλοιμι, inf. ἑλεῖν, part. ἑλών) : prendre, saisir; moyen prendre pour soi, choisir.
ἡμίθεος, ου (ὁ) : demi-dieu.
ἐθέλω (imparf. ἤθελον, futur ἐθελήσω, aor. ἠθέλησα, parf. ἠθέληκα, pl.q.parf. ἠθελήκειν) ou θέλω (en poésie, dans la langue familière) : vouloir bien, consentir à; vouloir, désirer. 


γάμος, ου (ὁ) : union légitime, mariage.
ἁρπάζω (imparf. ἥρπαζον, futur ἁρπάσομαι, aor. ἥρπασα, parf. ἥρπακα; passif futur ἁρπασθήσομαι, aor. ἡρπάσθην, parf. ἥρπασμαι, pl.q.parf. ἡρπάσμην) : enlever de force, ravir.
ἀγανακτέω-ῶ (imparf. ἠγανάκτουν, futur ἀγανακτήσω, aor. ἠγανάκτησα) : litt. s’emporter;  bouillonner, fermenter; être vivement excité ou irrité; s’indigner, s’irriter.
ὑπεροράω (imparf. ὑπερεώρων, futur ὑπερόψομαι, aor.2 ὑπερεῖδον, parf. ὑπερεόρακα) : regarder de haut, avec fierté ou dédain, mépriser, dédaigner.
πορθέω-ῶ : saccager, piller, dévaster, ravager; outrager, maltraiter, ruiner.
φρονέω-ῶ (futur φρονήσω, aor. ἐφρόνησα, parf. πεφρόνηκα : avoir la faculté de penser et de sentir, vivre; être dans son bon sens.
κρατέω-ῶ (futur κρατήσω, aor. ἐκράτησα, parf. κεκράτηκα) : être fort, puissant; être le maître, dominer, régner.

impers. ἔξεστι : il est permis.
ἐξόν : alors qu'il (est) était permis
ἐξόν : voir gram. UCL
ἀποδίδωμι (imparf. ἀπεδίδουν, futur ἀποδώσω, aor. ἀπέδωκα) : rendre, restituer.
(ἀμελέω), ἀμελῶ (futur ἀμελήσω, aor. ἠμέλησα, parf. ἠμέληκα) : ne pas s’inquiéter, négliger.
ἐπίλοιπος, ος, ον : qui reste, restant.








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Un amour honnête





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(135) κἀνταῦθα δή τινα καταδρομήν, ὡς ἀκούω, μέλλει ποιεῖσθαι περὶ ἐμοῦ, ἐπερωτῶν εἰ οὐκ αἰσχύνομαι αὐτὸς μὲν ἐν τοῖς γυμνασίοις ὀχληρὸς ὢν καὶ πλείστων ἐραστὴς γεγονώς, τὸ δὲ πρᾶγμα εἰς ὄνειδος καὶ κινδύνους καθιστάς. καὶ τὸ τελευταῖον, ὡς ἀπαγγέλλουσί τινές μοι, εἰς γέλωτα καὶ λῆρόν τινα προτρεπόμενος ὑμᾶς, ἐπιδείξεσθαί μου φησὶν ὅσα πεποίηκα ἐρωτικὰ εἴς τινας ποιήματα, καὶ λοιδοριῶν τινων καὶ πληγῶν ἐκ τοῦ πράγματος, αἳ περὶ ἐμὲ γεγένηνται, μαρτυρίας φησὶ παρέξεσθαι.

(136) ἐγὼ δὲ οὔτε ἔρωτα δίκαιον ψέγω, οὔτε τοὺς κάλλει διαφέροντάς φημι πεπορνεῦσθαι, οὔτ᾽ αὐτὸς ἐξαρνοῦμαι μὴ οὐ γεγονέναι τ᾽ ἐρωτικός, καὶ ἔτι καὶ νῦν εἶναι, τάς τε ἐκ τοῦ πράγματος γιγνομένας πρὸς ἑτέρους φιλονικίας καὶ μάχας οὐκ ἀρνοῦμαι μὴ οὐχὶ συμϐεϐηκέναι μοι. περὶ δὲ τῶν ποιημάτων ὧν φασιν οὗτοί με πεποιηκέναι, τὰ μὲν ὁμολογῶ, τὰ δὲ ἐξαρνοῦμαι μὴ τοῦτον ἔχειν τὸν τρόπον ὃν οὗτοι διαφθείροντες παρέξονται.

(137) ὁρίζομαι δ᾽ εἶναι τὸ μὲν ἐρᾶν τῶν καλῶν καὶ σωφρόνων φιλανθρώπου πάθος καὶ εὐγνώμονος ψυχῆς, τὸ δὲ ἀσελγαίνειν ἀργυρίου τινὰ μισθούμενον ὑϐριστοῦ καὶ ἀπαιδεύτου ἀνδρὸς ἔργον· καὶ τὸ μὲν ἀδιαφθόρως ἐρᾶσθαί φημι καλὸν εἶναι, τὸ δ᾽ ἐπαρθέντα μισθῷ πεπορνεῦσθαι αἰσχρόν. ὅσον δ᾽ ἑκάτερον τούτων ἀπ᾽ ἀλλήλων διέστηκε καὶ ὡς πολὺ διαφέρει, ἐν τοῖς ἐφεξῆς ὑμᾶς πειράσομαι λόγοις διδάσκειν.
                                                                                                                                                               Eschine, contre Timarque, 135-137




(135) Ici même, à ce que j'apprends, il doit faire une incursion contre moi, et me demander si je ne rougis pas de faire un crime à d'autres de certaines liaisons, de leur susciter des procès, et de chercher à les couvrir d'opprobre, lorsque, moi-même, je vis habituellement dans les gymnases, avec les jeunes gens, et que je me suis permis d'aimer plusieurs d'entre eux. Enfin, à ce qu'on me rapporte, pour vous faire prendre la chose en plaisanterie et comme une bagatelle, il vous montrera, dit-il, les pièces de vers que j'ai composées pour les objets de ma passion, et produira les témoins des injures et des coups que j'ai reçus à ce sujet.

(136) Pour moi, je suis loin de blâmer un amour honnête, et d'attaquer les mœurs de quiconque est doué d'une belle figure. Je ne nie pas avoir aimé autrefois, et aimer encore des jeunes gens, et je conviens que ce mode particulier m'a occasionné des querelles avec des rivaux par rapport aux vers qu'on m'attribue, je reconnais une partie de ceux qu'on me donne ; mais je désavoue les autres comme étant supposés.

(137) Aimer des jeunes gens distingués par leur beauté et par leur sagesse, c'est, selon moi, la marque d'une âme honnête et sensible : acheter et payer quelqu'un par libertinage, c'est, à mon avis, le fait d'un cœur vil et corrompu. Il est beau d'être aimé, sans se prêter au crime; se prostituer pour la débauche, est une chose infâme. Combien ces deux amours sont distingués l'un de l'autre, et combien ils diffèrent entre eux. Je vais essayer de vous le prouver.

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ἐνταῦθα, adv. : là, là même; à ce moment-là, alors.
κἀνταῦθα δή : à ce moment-là, alors.
καταδρομή, ῆς (ἡ) : incursion. --- voir dico Bailly version établie par Gérard Gréco.
τινα καταδρομήν .... μέλλει ποιεῖσθαι περὶ ἐμοῦ : il va faire une incursion contre moi.
ἐπερωτάω-ῶ : aller interroger un oracle; interroger, demander.
ἐπερωτῶν εἰ οὐκ αἰσχύνομαι : demandant si je ne rougis pas.

διΐστημι (aux temps suivant prés., imparf., futur διαστήσω, aor.1 διέστησα, et parf. διέστηκα) : établir de côté et d’autre; séparer; distinguer.
ὅσον δ᾽ ἑκάτερον τούτων ἀπ᾽ ἀλλήλων διέστηκε : combien ces deux amours sont distingués l'un de l'autre.
ἐφεξῆς, adv. : de suite; avec suite, en ordre; successivement, l’un après l’autre, l'un de l'autre.
ὡς πολὺ διαφέρει ἐν τοῖς ἐφεξῆς ὑμᾶς πειράσομαι λόγοις διδάσκειν : je vais essayer de vous prouver combien ils diffèrent entre eux. 










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Etre dieu n'est pas une sinécure






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[1] ΖΕΥΣ. Ἀλλ´ ἐπιτριϐεῖεν ὁπόσοι τῶν φιλοσόφων παρὰ μόνοις τὴν εὐδαιμονίαν φασὶν εἶναι τοῖς θεοῖς. εἰ γοῦν ᾔδεσαν ὁπόσα τῶν ἀνθρώπων ἕνεκα πάσχομεν, οὐκ ἂν ἡμᾶς τοῦ νέκταρος ἢ τῆς ἀμϐροσίας ἐμακάριζον Ὁμήρῳ πιστεύσαντες ἀνδρὶ τυφλῷ καὶ γόητι, μάκαρας ἡμᾶς καλοῦντι καὶ τὰ ἐν οὐρανῷ διηγουμένῳ, ὃς οὐδὲ τὰ ἐν τῇ γῇ καθορᾶν ἐδύνατο. αὐτίκα γέ τοι ὁ μὲν Ἥλιος οὑτοσὶ ζευξάμενος τὸ ἅρμα πανήμερος τὸν οὐρανὸν περιπολεῖ πῦρ ἐνδεδυκὼς καὶ τῶν ἀκτίνων ἀποστίλϐων, οὐδ´ ὅσον κνήσασθαι τὸ οὖς, φασί, σχολὴν ἄγων· ἢν γάρ τι κἂν ὀλίγον ἐπιρρᾳθυμήσας λάθῃ, ἀφηνιάσαντες οἱ ἵπποι καὶ τῆς ὁδοῦ παρατραπόμενοι κατέφλεξαν τὰ πάντα. ἡ Σελήνη δὲ ἄγρυπνος καὶ αὐτὴ περίεισιν φαίνουσα τοῖς κωμάζουσιν καὶ τοῖς ἀωρὶ ἀπὸ τῶν δείπνων ἐπανιοῦσιν. ὁ Ἀπόλλων τε αὖ πολυπράγμονα τὴν τέχνην ἐπανελόμενος ὀλίγου δεῖν τὰ ὦτα ἐκκεκώφηται πρὸς τῶν ἐνοχλούντων κατὰ χρείαν τῆς μαντικῆς, καὶ ἄρτι μὲν αὐτῷ ἐν Δελφοῖς ἀναγκαῖον εἶναι, μετ´ ὀλίγον δὲ εἰς Κολοφῶνα θεῖ, κἀκεῖθεν εἰς Ξάνθον μεταϐαίνει καὶ δρομαῖος αὖθις εἰς Δῆλον ἢ εἰς Βραγχίδας· καὶ ὅλως ἔνθα ἂν ἡ πρόμαντις πιοῦσα τοῦ ἱεροῦ νάματος καὶ μασησαμένη τῆς δάφνης καὶ τὸν τρίποδα διασείσασα κελεύῃ παρεῖναι, ἄοκνον χρὴ αὐτίκα μάλα παρεστάναι συνείροντα τοὺς χρησμοὺς ἢ οἴχεσθαί οἱ τὴν δόξαν τῆς τέχνης. [...]  τί γὰρ ἂν ἢ τοὺς Ἀνέμους φυτουργοῦντας λέγοιμι καὶ παραπέμποντας τὰ πλοῖα καὶ τοῖς λικμῶσιν ἐπιπνέοντας, ἢ τὸν Ὕπνον ἐπὶ πάντας πετόμενον, ἢ τὸν Ὄνειρον μετὰ τοῦ Ὕπνου διανυκτερεύοντα καὶ ὑποφητεύοντα αὐτῷ; πάντα γὰρ ταῦτα ὑπὸ φιλανθρωπίας οἱ θεοὶ πονοῦσιν, πρὸς τὸν ἐπὶ τῆς γῆς βίον ἕκαστος συντελοῦντες.

[2] Καίτοι τὰ μὲν τῶν ἄλλων μέτρια· ἐγὼ δὲ αὐτὸς ὁ πάντων βασιλεὺς καὶ πατὴρ ὅσας μὲν ἀηδίας ἀνέχομαι, ὅσα δὲ πράγματα ἔχω πρὸς τοσαύτας φροντίδας διῃρημένος·
                                                                                                                                   Lucien, la double accusation, 1 et 2 (début)




[1] Ah ! puissent-ils crever, tous ceux des philosophes qui prétendent qu'on ne trouve le bonheur que chez les dieux. S'ils savaient tout ce que les hommes nous font subir, ils ne nous jugeraient pas heureux d'avoir le droit au nectar et à l'ambroisie. Ils se fient à un Homère, un aveugle et un imposteur, qui nous nomme bienheureux et raconte ce qui arrive dans le ciel, lui qui ne pouvait même pas voir ce qui se déroule en bas, sur la terre. Prenez Hélios que voici : dès qu'il a attelé son char, il passe toute la journée à faire le tour du ciel, revêtu de feu, étincelant de rayons, sans avoir même le temps de se gratter l'oreille, comme on dit. Car, si par mégarde il se relâche si peu que ce soit, les chevaux échappent aux rênes, s'écartent de leur route et voilà le feu mis à l'univers. Quant à Séléné, elle ne peut dormir : elle fait le tour du ciel, elle aussi, brillant pour les fêtards et ceux qui rentrent des banquets à des heures indues. De son côté, Apollon a choisi un métier qui exige de nombreux efforts et il a presque été rendu sourd par ceux qui l'importunent en réclamant des oracles. Tantôt il doit être à Delphes; peu après il court à Colophon; de là, il se rend à Xanthos, puis revient à toutes jambes à Délos ou chez les Branchides. Bref, partout où la prophétesse, après avoir bu l'eau sacrée, mâché le laurier et secoué le trépied, lui ordonne de se présenter, il lui faut aussitôt être là pour débiter ses oracles, sinon c'en est fait de la réputation de son art. [...] A quoi bon parler des Vents qui font pousser les plantes, escortent les navires et soufflent pour les vanneurs ? De Sommeil qui vole vers tous ? De Songe qui accompagne Sommeil pendant la nuit et interprète ses oracles ? Tels sont tous les travaux que les dieux assument par amour de l'humanité, chacun d'eux apportant son aide à la vie sur la terre.

[2] Pour les tâches des autres, passe encore. Mais moi, le roi et père de l'univers, combien j'endure de désagréments ! Combien j'ai de tracas, partagé que je suis entre tant de préoccupations !
            trad. Anne-Marie Ozanam; éd. les belles lettres

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μέτριος, α ou ος, ον : mesuré, modéré, moyen.
τὰ τῶν ἄλλων μέτρια : les travaux modérés des autres (dieux)
διαιρέω-ῶ (futur διαιρήσω, aor.2 διεῖλον, parf. διῄρηκα) : diviser, séparer, partager.









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Héraclès et Thésée




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(23) Κάλλιστον μὲν οὖν ἔχω περὶ Θησέως τοῦτ' εἰπεῖν, ὅτι κατὰ τὸν αὐτὸν χρόνον Ἡρακλεῖ γενόμενος ἐνάμιλλον τὴν αὑτοῦ δόξαν πρὸς τὴν ἐκείνου κατέστησεν. Οὐ γὰρ μόνον τοῖς ὅπλοις ἐκοσμήσαντο παραπλησίοις, ἀλλὰ καὶ τοῖς ἐπιτηδεύμασιν ἐχρήσαντο τοῖς αὐτοῖς, πρέποντα τῇ συγγενείᾳ ποιοῦντες. Ἐξ ἀδελφῶν γὰρ γεγονότες, ὁ μὲν ἐκ Διός, ὁ δ' ἐκ Ποσειδῶνος, ἀδελφὰς καὶ τὰς ἐπιθυμίας ἔσχον. Μόνοι γὰρ οὗτοι τῶν προγεγενημένων ὑπὲρ τοῦ βίου τοῦ τῶν ἀνθρώπων ἀθληταὶ κατέστησαν.

(24) Συνέϐη δὲ τὸν μὲν ὀνομαστοτέρους καὶ μείζους, τὸν δ' ὠφελιμωτέρους καὶ τοῖς Ἕλλησιν οἰκειοτέρους ποιήσασθαι τοὺς κινδύνους. Τῷ μὲν γὰρ Εὐρυσθεὺς προσέταττε τάς τε βοῦς τὰς ἐκ τῆς Ἐρυθείας ἀγαγεῖν καὶ τὰ μῆλα τὰ τῶν Ἑσπερίδων ἐνεγκεῖν καὶτὸν Κέρϐερον ἀναγαγεῖν καὶ τοιούτους ἄλλους πόνους, ἐξ ὧν ἤμελλεν οὐ τοὺς ἄλλους ὠφελήσειν ἀλλ' αὐτὸς κινδυνεύσειν·

(25) ὁ δ' αὐτὸς αὑτοῦ κύριος ὢν τούτους προῃρεῖτο τῶν ἀγώνων ἐξ ὧν ἤμελλεν ἢ τῶν Ἑλλήνων ἢ τῆς αὑτοῦ πατρίδος εὐεργέτης γενήσεσθαι. Καὶ τόν τε ταῦρον τὸν ἀνεθέντα μὲν ὑπὸ Ποσειδῶνος, τὴν δὲ χώραν λυμαινόμενον, ὃν πάντες οὐκ ἐτόλμων ὑπομένειν, μόνος χειρωσάμενος μεγάλου φόϐου καὶ πολλῆς ἀπορίας τοὺς οἰκοῦντας τὴν πόλιν ἀπήλλαξεν·

(26) καὶ μετὰ ταῦτα Λαπίθαις σύμμαχος γενόμενος, στρατευσάμενος ἐπὶ Κενταύρους τοὺς διφυεῖς, οἳ καὶ τάχει καὶ ῥώμῃ καὶ τόλμῃ διενεγκόντες τὰς μὲν ἐπόρθουν, τὰς δ' ἤμελλον, ταῖς δ' ἠπείλουν τῶν πόλεων, τούτους μάχῃ νικήσας εὐθὺς μὲν αὐτῶν τὴν ὕϐριν ἔπαυσεν, οὐ πολλῷ δ' ὕστερον τὸ γένος ἐξ ἀνθρώπων ἠφάνισεν.                                                                                                                                                                                                                                                       Isocrate, Eloge d'Hélène, 23-26




(23) Le titre le plus beau que je puisse invoquer en faveur de Thésée, c'est, étant né dans le même temps qu'Héraclès, d'avoir acquis une gloire capable de rivaliser avec la sienne. Non seulement, ils s'équipèrent avec des armes semblables, mais ils adoptèrent le même genre de vie et pratiquèrent une conduite digne de leur commune origine. Nés de deux frères, l''un de Zeus, l'autre de Poseidon, ils eurent des passions qui, elles aussi, furent sœurs. Seuls, en effet, au cours de toutes les générations antérieures, ils se sont faits les champions de la civilisation humaine.

(24) Le sort voulût que l'un affrontât les dangers les plus célèbres et les plus graves, l'autre les plus utiles et les plus étroitements liés  à la vie des Grecs. Eurysthée donna l'ordre à Héraclès d'amener devant lui les boeufs d'Héristheia, de cueillir les pommes des Hespérides, de faire remonter Cerbère des Enfers, et autres labeurs du même genre qui étaient sans utilité pour autrui et ne comportaient de risque que pour lui seul.

(25) Thésée qui, lui, était son maître, choisit pour les luttes à soutenir celles qui devaient en faire le bienfaiteur de la Grèce et de sa patrie. Le taureau, lâché par Poséidon, qui dévastait le pays et que personne n'osait affronter, lui seul osa le réduire; par cet exploit, il délivra ses compatriotes d'une terrible angoisse  et de graves embarras.

(26) Ensuite, devenu l'allié des Lapithes, il engagea la lutte contre les Centaures, des êtres à double nature, doués d'une rapidité, d'une force et d'une audace exceptionnelles, qui dévastaient les villes ou s'apprêtaient alors à les dévaster ou lançaient contre elles des menaces de mort. Il les vainquit, ruina d'un seul coup leur insolence, et peu après fit disparaître leur race de la société humaine.
           trad. Georges Mathieu et Emile Brémond; éd. les belles lettres











s..



                                          

καλός, ή, όν : beau
superl. κάλλιστος.
ἐνάμιλλος, ος, ον : qui le dispute à, égal ou comparable à.
καθίστημι (imparf. καθίστην, futur. καταστήσω, aor. κατέστησα, parf. καθέστακα) : placer devant, présenter, établir.
ἀθλητής, οῦ (ὁ) : lutteur, athlète; homme exercé à, qui a l’expérience de.










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Andocide ne saurait faire oublier sa jeunesse impie

 


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<2> Δίκαιον οὖν μοι δοκεῖ εἶναι νῦν ἐπὶ τούτῳ τὰ τότε λεχθέντα ἀναμνῆσαι, καὶ μὴ μόνον τοὺς τούτου φίλους ὑπὸ τούτου καὶ τῶν τούτου λόγων ἀπόλλυσθαι, ἀλλὰ καὶ αὐτὸν τοῦτον ὑφ´ ἑτέρου. <3> Ἀδύνατον δὲ καὶ ὑμῖν ἐστι, περὶ τοιούτου πράγματος φέρουσι τὴν ψῆφον, ἢ κατελεῆσαι ἢ καταχαρίσασθαι Ἀνδοκίδῃ, ἐπισταμένοις ὅτι ἐναργῶς τὼ θεὼ τούτω τιμωρεῖτον τοὺς ἀδικοῦντας· ἐλπίσαι οὖν χρὴ πάντα ἄνθρωπον ταὐτὰ καὶ ἑαυτῷ καὶ ἑτέρῳ ἔσεσθαι. <4> Φέρε γάρ, ἐὰν νυνὶ Ἀνδοκίδης ἀθῷος ἀπαλλαγῇ 〈δι´〉 ὑμᾶς ἐκ τοῦδε τοῦ ἀγῶνος καὶ ἔλθῃ κληρωσόμενος τῶν ἐννέα ἀρχόντων καὶ λάχῃ βασιλεύς, ἄλλο τι ἢ ὑπὲρ ὑμῶν καὶ θυσίας θύσει καὶ εὐχὰς εὔξεται κατὰ τὰ πάτρια, τὰ μὲν ἐν τῷ ἐνθάδε Ἐλευσινίῳ, τὰ δὲ ἐν τῷ Ἐλευσῖνι ἱερῷ, καὶ τῆς ἑορτῆς ἐπιμελήσεται μυστηρίοις, ὅπως ἂν μηδεὶς ἀδικῇ μηδὲ ἀσεϐῇ περὶ τὰ ἱερά; <5> Καὶ τίνα γνώμην οἴεσθε ἕξειν τοὺς μύστας τοὺς ἀφικνουμένους, ἐπειδὰν ἴδωσι τὸν βασιλέα ὅστις ἐστὶ καὶ ἀναμνησθῶσι πάντα τὰ ἠσεϐημένα αὐτῷ, ἢ τοὺς ἄλλους Ἕλληνας, οἳ ἕνεκα ταύτης τῆς ἑορτῆς 〈δεῦρο ἔρχονται〉 ἢ θύειν εἰς ταύτην τὴν πανήγυριν βουλόμενοι ἢ θεωρεῖν; <6> Οὐδὲ γὰρ ἀγνὼς ὁ Ἀνδοκίδης οὔτε τοῖς ἔξω οὔτε τοῖς ἐνθάδε διὰ τὰ ἠσεϐημένα. Ἀναγκαίως γὰρ ἔχει ἀπὸ τῶν πολὺ διαφερόντων ἢ κακῶν ἢ ἀγαθῶν ἔργων τοὺς ποιήσαντας γιγνώσκεσθαι. Ἔπειτα δὲ καὶ διώχληκε πόλεις πολλὰς ἐν τῇ ἀποδημίᾳ, Σικελίαν, Ἰταλίαν, Πελοπόννησον, Θετταλίαν, Ἑλλήσποντον, Ἰωνίαν, Κύπρον· βασιλέας πολλοὺς κεκολάκευκεν, ᾧ ἂν ξυγγένηται, πλὴν τοῦ Συρακοσίου Διονυσίου. <7> Οὗτος δὲ ἢ πάντων εὐτυχέστατός ἐστιν ἢ πλεῖστον γνώμῃ διαφέρει τῶν ἄλλων, ὃς μόνος τῶν συγγενομένων Ἀνδοκίδῃ οὐκ ἐξηπατήθη ὑπ´ ἀνδρὸς τοιούτου, ὃς τέχνην ταύτην ἔχει, τοὺς μὲν ἐχθροὺς μηδὲν ποιεῖν κακόν, τοὺς δὲ φίλους ὅ τι ἂν δύνηται κακόν. Ὥστε μὰ τὸν Δία οὐ ῥᾴδιόν ἐστιν ὑμῖν αὐτῷ οὐδὲν χαρισαμένοις παρὰ τὸ δίκαιον λαθεῖν τοὺς Ἕλληνας.
                                                                                                                                                                             Lysias, contre Andocide, 6, 2-7




<2> Il me paraît donc bon de rappeler à propos d'Andocide ce qui fut dit alors; il ne faut pas seulement que ses amis périssent par son fait et par ses dénonciations, mais que lui aussi périsse par l'accusation d'autrui. <3> Il est impossible qu'en portant votre suffrage sur une pareille affaire, vous ayez quelque pitié ou quelque faveur pour Androcide; car vous savez que les deux déesses punissent les impies de façon éclatante : tout homme doit donc s'attendre au même sort pour lui-même et pour autrui.  <4> Pensez donc : si, par votre fait, Androcide sort aujourd'hui impuni de ce procès, qu'il se présente au tirage au sort des neuf archontes et qu'il soit désigné comme archonte-roi, que se passera-t-il ? En votre nom, il offrira les scrrifices, il prononcera les prières conformément aux usages des ancêtres, aussi bien dans l'Eleusinion de la ville que dans le sanctuaire d'Eleusis, il présidera à la fête des mystères et veillera à ce que personne ne commette ni délit ni impiété à l'égard des objets sacrés ! <5> Et quels seront, croyez-vous, les sentiments des mystes venus à la fête quand ils verront quel homme est l'archonte-roi, et qu'ils se rappelleront toutes ses impiétés ? Et ceux de tous les autres Grecs qui se rendent ici à l'occasion de cette fête, soit pour y sacrifier, soit comme théores. <6> Car, à la suite de ses impiétés, Androcide n'est un inconnu, ni pour les étrangers, ni pour les Athéniens : à se distinguer hautement soit dans le bien soit dans le mal, on devient forcément célèbre; sans compter que, pendant son absence, il a porté le trouble dans maintes cités, en Sicile, en Italie, dans le Péloponnèse, en Thessalie, dans l'Hellespont, en Ionie, à Chypre; il a été le courtisan de bien des rois -- de tous ceux avec qui il a eu commerce, sauf de Denys de Syracuse  : <7> celui-là eut plus de chance que les autres -- ou beaucoup plus d'esprit -- car, seul de tous ceux que rencontre Androcide, il ne fut pas dupé par l'homme qui possède le talent de ne faire aucun mal aux ennemis, mais d'en faire le plus possible aux amis. Ainsi, par Zeus, il ne vous est pas facile de faire la moindre grâce à Androcide au dépens de la justice sans que les Grecs le sachent.
     trad. Gernet et Bizos; éd. les belles lettres



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Οὗτος δὲ ἢ πάντων εὐτυχέστατός ἐστιν ἢ πλεῖστον γνώμῃ διαφέρει τῶν ἄλλων : celui-là eut plus de chance que les autres -- ou beaucoup plus d'esprit.
οὐ ῥᾴδιόν ἐστιν ὑμῖν αὐτῷ οὐδὲν χαρισαμένοις παρὰ τὸ δίκαιον λαθεῖν τοὺς Ἕλληνας : il ne vous est pas facile de faire la moindre grâce à Androcide au dépens de la justice sans que les Grecs le sachent.










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Eschine et ses complices, vendus à Philippe,ont trompé les Phocidiens et les Athéniens
sur ses véritables intentions et ont perdu la Phocide





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(63) Διὰ τί; Ὅτι Φίλιππος ἀπηγγέλλετο πρὸς ὑμᾶς ὑπὸ τούτου ἐπὶ τῇ τῶν Φωκέων σωτηρίᾳ παρεληλυθέναι. Τούτῳ δὴ πάντ' ἐπίστευον, καὶ πρὸς τοῦτον πάντ' ἐσκόπουν, πρὸς τοῦτον ἐποιοῦντο τὴν εἰρήνην. Λέγε δὴ τἀπίλοιπα. Καὶ σκοπεῖτε τί πιστεύσαντες τί ἔπασχον. Ἆρά γ' ὅμοι' ἢ παραπλήσι' οἷς οὗτος ἀπήγγελλεν; Λέγε. Δόγματα Ἀμφικτυόνων. (64) Τούτων, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, δεινότερ' οὐ γέγονεν οὐδὲ μείζω πράγματ' ἐφ' ἡμῶν ἐν τοῖς Ἕλλησιν, οἶμαι δ' οὐδ' ἐν τῷ πρόσθεν χρόνῳ. Τηλικούτων μέντοι καὶ τοιούτων πραγμάτων κύριος εἷς ἀνὴρ (Φίλιππος) γέγονεν διὰ τούτους, οὔσης τῆς Ἀθηναίων πόλεως, ᾗ προεστάναι τῶν Ἑλλήνων πάτριον καὶ μηδὲν τοιοῦτον περιορᾶν γιγνόμενον. Ὃν μὲν τοίνυν τρόπον οἱ ταλαίπωροι Φωκεῖς ἀπολώλασιν, οὐ μόνον ἐκ τῶν δογμάτων τούτων ἔστιν ἰδεῖν, (65) ἀλλὰ καὶ ἐκ τῶν ἔργων ἃ πέπρακται, θέαμα δεινόν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, καὶ ἐλεινόν· ὅτε γὰρ νῦν ἐπορευόμεθ' εἰς Δελφούς, ἐξ ἀνάγκης ἦν ὁρᾶν ἡμῖν πάντα ταῦτα, οἰκίας κατεσκαμμένας, τείχη περιῃρημένα, χώραν ἔρημον τῶν ἐν ἡλικίᾳ, γύναια δὲ καὶ παιδάρι' ὀλίγα καὶ πρεσϐύτας ἀνθρώπους οἰκτρούς· οὐδ' ἂν εἷς δύναιτ' ἐφικέσθαι τῷ λόγῳ τῶν ἐκεῖ κακῶν νῦν ὄντων. Ἀλλὰ μὴν ὅτι τὴν ἐναντίαν ποτὲ Θηϐαίοις ψῆφον ἔθενθ' οὗτοι περὶ ἡμῶν ὑπὲρ ἀνδραποδισμοῦ προτεθεῖσαν, ὑμῶν ἔγωγ' ἀκούω πάντων. (66) Τίν' ἂν οὖν οἴεσθ', ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τοὺς προγόνους ὑμῶν, εἰ λάϐοιεν αἴσθησιν, ψῆφον ἢ γνώμην θέσθαι περὶ τῶν αἰτίων τοῦ τούτων ὀλέθρου; Ἐγὼ μὲν γὰρ οἶμαι κἂν καταλεύσαντας αὐτοὺς ταῖς ἑαυτῶν χερσὶν καθαροὺς ἔσεσθαι νομίζειν. Πῶς γὰρ οὐκ αἰσχρόν, μᾶλλον δ' εἴ τις ἔστιν ὑπερϐολὴ τούτου, τοὺς σεσωκότας ἡμᾶς τότε καὶ τὴν σῴζουσαν περὶ ἡμῶν ψῆφον θεμένους, τούτους τῶν ἐναντίων τετυχηκέναι διὰ τούτους, καὶ περιῶφθαι τοιαῦτα πεπονθότας οἷ' οὐδένες ἄλλοι τῶν Ἑλλήνων; Τίς οὖν ὁ τούτων αἴτιος; Τίς ὁ ταῦτα φενακίσας; Οὐχ οὗτος; (67) Πολλὰ τοίνυν ἄν τις, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, Φίλιππον εὐδαιμονίσας τῆς τύχης εἰκότως, τοῦτο μάλιστ' ἂν εὐδαιμονίσειεν ἁπάντων, ὃ μὰ τοὺς θεοὺς καὶ τὰς θεὰς οὐκ ἔχω λέγειν ἔγωγ' ἄλλον ὅστις ηὐτύχηκεν ἐφ' ἡμῶν. Τὸ μὲν γὰρ πόλεις μεγάλας εἰληφέναι καὶ χώραν πολλὴν ὑφ' ἑαυτῷ πεποιῆσθαι καὶ πάντα τὰ τοιαῦτα ζηλωτὰ μέν ἐστιν, οἶμαι, καὶ λαμπρά· πῶς γὰρ οὔ; Ἔχοι δ' ἄν τις εἰπεῖν πεπραγμένα καὶ ἑτέροις πολλοῖς. (68) Ἀλλ' ἐκεῖν' ἴδιον καὶ οὐδενὶ τῶν πάντων ἄλλῳ γεγονὸς εὐτύχημα. Τὸ ποῖον; Τὸ ἐπειδὴ πονηρῶν ἀνθρώπων εἰς τὰ πράγματ' αὐτῷ ἐδέησεν, πονηροτέρους εὑρεῖν ἢ ἐβούλετο.
                                                                                                                                                                    Démosthène, Ambassade, 63-68



(63) Pourquoi ? parce que d'après le rapport que faisait cet individu (= Eschine), c'était pour sauver les Phocidiens que Philippe était intervenu. Aussi, tous avaient foi en Philippe; c'est vers lui que se tournaient tous leurs regards; c'est avec lui qu'ils faisaient la paix. Que l'on continue la lecture; et vous, Athéniens, comparez leurs espérances avec leur sort. Est-il tel, ou à peu près tel que l'accusé l'annonçait ? Lis. Décision des Amphictyons. (64) Jamais, ô Athéniens ! il n'y eut de nos jours, parmi les Hellènes, ni peut-être dans les âges précédents, d'événements plus graves, plus cruels, ces faits cependant, avec leur caractère et leur portée, un seul homme, Philippe, en est devenu le moteur suprême, grâce à ces perfides; et il y avait encore une Athènes, protectrice héréditaire de la Grèce, et opposée, par tradition, à de pareilles tyrannies ! La connaissance de la catastrophe des infortunés Phocidiens résulte non seulement de cette décision, (65) mais surtout des événements qui l'ont suivie. Spectacle affreux et déchirant, ô Athéniens ! que celui dont nos yeux furent témoins, malgré nous, en allant dernièrement à Delphes : des maisons renversées, des remparts détruits, des campagnes privées de leurs jeunes hommes, quelques pauvres femmes, quelques faibles enfants, de misérables vieillards ! Non, aucun langage ne pourrait égaler les calamités qui pèsent sur ces contrées. Toutefois, je vous entends dire à tous que jadis, sur la question de réduire les Athéniens en esclavage, le vote de la Phocide fut opposé à celui de Thèbes. (66) Si donc vos ancêtres revenaient à la vie, quelles seraient, ô Athéniens ! leur opinion et leur sentence sur les meurtriers de la Phocide ? Ah ! je n'en doute point : après les avoir lapidés de leurs propres mains, ils croiraient ces mains pures encore. N'est-il pas honteux, en effet, ou plutôt n'est-ce pas le comble de la honte, qu'un peuple, qui alors nous sauva par un suffrage protecteur, ait rencontré un sort tout différent, grâce à nos députes, et subisse, sous nos yeux, des douleurs que ne connurent jamais les autres Hellènes ? Qui donc est la cause de ces maux ? quel fut l'artisan de ces impostures ? N'est-ce pas Eschine ? (67) Que de motifs, ô Athéniens! d'appeler Philippe heureux ! heureux surtout d'un avantage dont je ne trouve pas d'autre exemple (j'en atteste tous les Dieux !) parmi les hautes fortunes de notre siècle. Avoir pris de grandes villes, avoir soumis à son sceptre de vastes contrées, s'être signalé par mille succès, ce sont là des prospérités brillantes et dignes d'envie : qui en doute ? Mais combien d'autres on pourrait citer qui en ont joui ! (68) Il est un bonheur qui lui fut propre, et qu'il n'a partagé avec personne. Quel bonheur ? sa politique avait besoin de s'aider d'hommes pervers, et la perversité de ceux qu'il a trouvés a passé ses souhaits. Peut-on, à ces traits, ne pas reconnaître nos députés ? Les mensonges que Philippe, ayant à débattre de si grands intérêts, n'osait ni vous présenter pour lui-même, ni écrire dans une seule de ses lettres, ni communiquer par aucune ambassade, ces hommes, pour un salaire, en ont séduit votre crédulité !


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παρέρχομαι (futur παρελεύσομαι, aor.2 παρῆλθον, parf. παρελήλυθα : passer à côté ou devant; dépasser, surpasser; transgresser, enfreindre.
ἀπαγγέλλω (futur ἀπαγγελῶ, aor. ἀπήγγειλα, parf. ἀπήγγελκα) : apporter une réponse.
σωτηρία, ας (ἡ) : salut, préservation ou conservation des personnes.
Φίλιππος ἀπηγγέλλετο πρὸς ὑμᾶς ὑπὸ τούτου ἐπὶ τῇ τῶν Φωκέων σωτηρίᾳ παρεληλυθέναι : d'après le rapport de cet individu ( = Eschine), c'était pour sauver les Phocidiens que Philippe était intervenu.

πιστεύω : croire en, se confier à, se fier à ou dans.
σκοπεῖτε τί πιστεύσαντες τί ἔπασχον : voyez à quelle chose ils se sont fiés et quelle chose ils ont endurée.  --- (double inerrogation)





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Controverse autour d'une agression à domicile

L'origine de la querelle entre le plaideur et son adversaire, Simon, est une rivalité amoureuse pour un jeune homme





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[3,28] Λέγει δ' ὡς ἡμεῖς ἤλθομεν ἐπὶ τὴν οἰκίαν τὴν τούτου ὄστρακον ἔχοντες, καὶ ὡς ἠπείλουν αὐτῷ ἐγὼ ἀποκτενεῖν, καὶ ὡς τοῦτό ἐστιν ἡ πρόνοια. ἐγὼ δ' ἡγοῦμαι, ὦ βουλή, ῥᾴδιον εἶναι γνῶναι ὅτι ψεύδεται, οὐ μόνον ὑμῖν τοῖς εἰωθόσι σκοπεῖσθαι περὶ τῶν τοιούτων, ἀλλὰ καὶ τοῖς ἄλλοις ἅπασι. [3,29] τῷ γὰρ ἂν δόξειε πιστὸν ὡς ἐγὼ προνοηθεὶς καὶ ἐπιϐουλεύων ἦλθον ἐπὶ τὴν Σίμωνος οἰκίαν μεθ' ἡμέραν, μετὰ τοῦ μειρακίου, τοσούτων ἀνθρώπων παρ' αὐτῷ συνειλεγμένων, εἰ μὴ εἰς τοῦτο μανίας ἀφικόμην ὥστε ἐπιθυμεῖν εἷς ὢν πολλοῖς μάχεσθαι, ἄλλως τε καὶ εἰδὼς ὅτι ἀσμένως ἄν με εἶδεν ἐπὶ ταῖς θύραις ταῖς αὑτοῦ, ὃς καὶ ἐπὶ τὴν ἐμὴν οἰκίαν φοιτῶν εἰσῄει βίᾳ, καὶ οὔτε τῆς ἀδελφῆς οὔτε τῶν ἀδελφιδῶν φροντίσας ζητεῖν με ἐτόλμα, καὶ ἐξευρὼν οὗ δειπνῶν ἐτύγχανον, ἐκκαλέσας ἔτυπτέ με.

[3,30] καὶ τότε μὲν ἄρα, ἵνα μὴ περιϐόητος εἴην, ἡσυχίαν ἦγον, συμφορὰν ἐμαυτοῦ νομίζων τὴν τούτου πονηρίαν· ἐπειδὴ δὲ χρόνος διεγένετο, πάλιν, ὡς οὗτός φησιν, ἐπεθύμησα περιϐόητος γενέσθαι; καὶ εἰ μὲν ἦν παρὰ τούτῳ τὸ μειράκιον, εἶχεν ἄν τινα λόγον τὸ ψεῦδος αὐτῷ ὡς ἐγὼ διὰ τὴν ἐπιθυμίαν ἠναγκαζόμην ἀνοητότερόν τι ποιεῖν τῶν εἰκότων νῦν δὲ τούτῳ μὲν οὐδὲ διελέγετο.  ἀλλ' ἐμίσει πάντων ἀνθρώπων μάλιστα.
                                                                                                                                                                                    Lysias, contre Simon, 3, 28-30





[3,28] Il prétend que nous sommes allés chez lui armés de tessons, que je le menaçai de le tuer, et que c'est cela la préméditation. Mais, citoyens du Conseil, il y a là un mensonge facile, je crois, à reconnaître, je ne dis pas seulement pour vous, qui avez l'habitude des cas de ce genre, mais pour n'importe qui. [3,29] A qui fera-t-on croire en effet que, de dessein prémédité, en vue d'un guet-apens, je sois allé trouver Simon près de sa propre demeure, en plein jour, avec le jeune garçon, quand il y avait un tas de gens autour de lui ? Aurais-je été assez fou pour avoir envie de me battre seul contre cette foule, sachant surtout que Simon serait enchanté de me voir à la porte de sa maison, lui qui avait rôdé autour de la mienne et y avait pénétré de force, qui, sans se soucier de la présence de ma sœur et de mes nièces, avait eu l'impudence de me relancer et, après avoir découvert l'endroit où nous dînions, de m'appeler dehors pour me frapper ?

 [3,30] Comment ! A ce moment-là j'ai voulu éviter le scandale, et je me suis tenu tranquille, pensant que ses violences me mettaient moi-même dans une fâcheuse situation, et dans la suite, à l'en croire, ce scandale je l'aurais recherché ! 31 Si encore le jeune garçon avait vécu chez mon adversaire, ce mensonge aurait une apparence de raison : c'est la passion qui m'eût poussé à cette invraisemblable folie. Mais en réalité, il n’adressait même pas la parole à cet individu; il le détestait plus que personne au monde.

 
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ὄστρακον, ου (τὸ) :  coquille, coquille d’œuf; tesson (semblable à une coquille sur lequel on écrivait le nom de ceux qu’on bannissait).
ἀπειλέω-ῶ (imparf. ἠπείλουν, futur ἀπειλήσω, aor. ἠπείλησα, parf. ἠπείληκα) : repousser, acculer; repousser avec menace, menacer.
λέγει δ' ὡς ἡμεῖς ἤλθομεν ἐπὶ τὴν οἰκίαν τὴν τούτου ὄστρακον ἔχοντες, καὶ ὡς ἠπείλουν αὐτῷ ἐγὼ ἀποκτενεῖν : il prétend que nous sommes allés chez lui armés de tessons, que je le menaçai de le tuer.


μισέω, -ῶ (futur μισήσω, aor. ἐμίσησα, parf. μεμίσηκα) : haïr, détester.






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Une définition de la philosophie






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[266] Φιλοσοφίαν μὲν οὖν οὐκ οἶμαι δεῖν προσαγορεύειν τὴν μηδὲν ἐν τῷ παρόντι μήτε πρὸς τὸ λέγειν μήτε πρὸς τὸ πράττειν ὠφελοῦσαν, γυμνασίαν μέντοι τῆς ψυχῆς καὶ παρασκευὴν φιλοσοφίας καλῶ τὴν διατριϐὴν τὴν τοιαύτην, ἀνδρικωτέραν μὲν ἧς οἱ παῖδες ἐν τοῖς διδασκαλείοις ποιοῦνται, τὰ δὲ πλεῖστα παραπλησίαν· [267] καὶ γὰρ ἐκείνων οἱ περὶ τὴν γραμματικὴν καὶ τὴν μουσικὴν καὶ τὴν ἄλλην παιδείαν διαπονηθέντες πρὸς μὲν τὸ βέλτιον εἰπεῖν ἢ βουλεύσασθαι περὶ τῶν πραγμάτων οὐδεμίαν πω λαμϐάνουσιν ἐπίδοσιν, αὐτοὶ δ' αὑτῶν εὐμαθέστεροι γίγνονται πρὸς τὰ μείζω καὶ σπουδαιότερα τῶν μαθημάτων. [268] Διατρῖψαι μὲν οὖν περὶ τὰς παιδείας ταύτας χρόνον τινὰ συμϐουλεύσαιμ' ἂν τοῖς νεωτέροις, μὴ μέντοι περιιδεῖν τὴν αὑτῶν κατασκελετευθεῖσαν ἐπὶ τούτοις, μηδ' ἐξοκείλασαν εἰς τοὺς λόγους τοὺς τῶν παλαιῶν σοφιστῶν, ὧν ὁ μὲν ἄπειρον τὸ πλῆθος ἔφησεν εἶναι τῶν ὄντων, Ἐμπεδοκλῆς δὲ τέτταρα, καὶ νεῖκος καὶ φιλίαν ἐν αὐτοῖς, Ἴων δ' οὐ πλείω τριῶν, Ἀλκμαίων δὲ δύο μόνα, Παρμενίδης δὲ καὶ Μέλισσος ἕν, Γοργίας δὲ παντελῶς οὐδέν.[269] Ἡγοῦμαι γὰρ τὰς μὲν τοιαύτας περιττολογίας ὁμοίας εἶναι ταῖς θαυματοποιίαις, ταῖς οὐδὲν μὲν ὠφελούσαις ὑπὸ δὲ τῶν ἀνοήτων περιστάτοις γιγνομέναις, δεῖν δὲ τοὺς προὔργου τι ποιεῖν βουλομένους καὶ τῶν λόγων τοὺς ματαίους καὶ τῶν πράξεων τὰς μηδὲν πρὸς τὸν βίον φερούσας ἀναιρεῖν ἐξ ἁπασῶν τῶν διατριϐῶν.

[270] Περὶ μὲν οὖν τούτων ἀπόχρη μοι τὸ νῦν εἶναι ταῦτ' εἰρηκέναι καὶ συμϐεϐουλευκέναι· περὶ δὲ σοφίας καὶ φιλοσοφίας τοῖς μὲν περὶ ἄλλων τινῶν ἀγωνιζομένοις οὐκ ἂν ἁρμόσειε λέγειν περὶ τῶν ὀνομάτων τούτων ̔ἔστι γὰρ ἀλλότρια πάσαις ταῖς πραγματείαις*̓, ἐμοὶ δ' ἐπειδὴ καὶ κρίνομαι περὶ τῶν τοιούτων καὶ τὴν καλουμένην ὑπό τινων φιλοσοφίαν οὐκ εἶναι φημί, προσήκει τὴν δικαίως ἂν νομιζομένην ὁρίσαι καὶ δηλῶσαι πρὸς ὑμᾶς. Ἁπλῶς δέ πως τυγχάνω γιγνώσκων περὶ αὐτῶν. [271] Ἐπειδὴ γὰρ οὐκ ἔνεστιν ἐν τῇ φύσει τῇ τῶν ἀνθρώπων ἐπιστήμην λαϐεῖν ἣν ἔχοντες ἂν εἰδεῖμεν ὅ τι πρακτέον ἤ λεκτέον ἐστίν, ἐκ τῶν λοιπῶν σοφοὺς μὲν νομίζω τοὺς ταῖς δόξαις ἐπιτυγχάνειν ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τοῦ βελτίστου δυναμένους, φιλοσόφους δὲ τοὺς ἐν τούτοις διατρίϐοντας ἐξ ὧν τάχιστα λήψονται τὴν τοιαύτην φρόνησιν.
                                                                                                                                                                                  Isocrate, sur l'échange, 266-271




[266] La philosophie, à mon avis, n'est pas digne de ce nom, qui n'est d'aucune aide immédiate pour parler ou pour agir : une gymnastique de l'âme et une préparation à la vraie philosophie, voilà comment j'appelle une telle étude, qui, si elle convient mieux à des hommes que celles auxquelles se livrent les enfants dans les écoles, leur ressemble pourtant beaucoup. En effet, les enfants qui s'appliquent à apprendre les lettres, la musique et les autres matières de l'éducation, n'ont encore fait aucun progrès en ce qui concerne le talent de bien dire et de juger sainement dans la vie pratique, mais ils se rendent ainsi plus capables qu'ils n'étaient de recevoir des connaissances plus élevées et plus sérieuses.
[268] Je conseillerais donc volontiers aux jeunes gens de consacrer quelque temps à ces études, mais sans laisser leurs esprits s'y dessécher ni s'enliser dans les théories des anciens sophistes. Parmi ceux-là, l'un a  prétendu que le nombre des éléments est infini, tandis qu'Empédocle n'en admettait que quatre, qui se combattent ou s'allient entre eux. Ion, pas plus de trois, Alcméon, deux seulement, Parménide et Mélissos, un seul; quant à Gorgias,  il n'en reconnaissait absolument aucun.
[269]
De telles imaginations ressemblent, je crois, à ces jongleries qui ne servent à rien et rassemblent pourtant les sots autour d'elles.
[270]  Là-dessus, je me content pour l'instant de ces paroles et de ces conseils, mais il convient que je définisse que je définisse et que j'expose devant vous la sagesse et la philosophie qui pourraient être reconnues à bon droit ccomme telles. Mon opinion sur elles se trouve être assez simple : puisqu'il n'est pas dans la nature des hommes d'acquérir une science qui nous donnerait, si nous la possédions,  la connaissance de  ce qu'il faut faire ou dire, cela étant exclu, je considère comme sages ceux dont les opinions sont capables de rencontrer le plus souvent ce qui est le meilleur, et comme philosophes ceux qui s'adonnent aux études grâce auxquelles ils acquerront le plus vite possible un tel discernement.
           trad. Bizos et Flacelière; versions grecques, éd. Vuibert

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θαυματοποιΐα, ας (ἡ) : art de faire des tours d’adresse; miracle.
περίστατος, ος, ον : autour de qui l’on se tient, qui attire la foule autour de soi, entouré.
περισσολογία, att. περιττολογία, ας (ἡ)  : redondance, verbosité, subtilité.
Ἡγοῦμαι γὰρ τὰς μὲν τοιαύτας περιττολογίας ὁμοίας εἶναι ταῖς θαυματοποιίαις, ταῖς οὐδὲν μὲν ὠφελούσαις ὑπὸ δὲ τῶν ἀνοήτων περιστάτοις γιγνομέναις : de telles subtilités ressemblent, je crois, à ces jongleries qui ne servent à rien et rassemblent pourtant les sots autour d'elles.






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L'orateur propose, la fortune dispose
 




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[1] εἰ μετὰ τῆς αὐτῆς γνώμης, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τούς τε λόγους ἠκούετε τῶν συμϐουλευόντων καὶ τὰ πράγματ᾽ ἐκρίνετε, πάντων ἀσφαλέστατον ἦν ἂν τὸ συμϐουλεύειν. καὶ γὰρ εὐτυχῶς καὶ ἄλλως πράξασι (λέγειν γὰρ εὐφήμως πάντα δεῖ) κοίν᾽ ἂν ἦν τὰ τῆς αἰτίας ὑμῖν καὶ τῷ πείσαντι. νῦν δ᾽ ἀκούετε μὲν τῶν ἃ βούλεσθε λεγόντων ἥδιστα, αἰτιᾶσθε δὲ πολλάκις ἐξαπατᾶν ὑμᾶς αὐτούς, ἐὰν μὴ πάνθ᾽ ὃν ἂν ὑμεῖς τρόπον βούλησθε γένηται, [2] οὐ λογιζόμενοι τοῦθ᾽ ὅτι τοῦ μὲν ζητῆσαι καὶ λογίσασθαι τὰ βέλτιστα, ὡς ἄνθρωπος, καὶ πρὸς ὑμᾶς εἰπεῖν αὐτὸς ἕκαστός ἐστιν κύριος, τοῦ δὲ πραχθῆναι ταῦτα καὶ συνενεγκεῖν ἐν τῇ τύχῃ τὸ πλεῖστον μέρος γίγνεται. ἔστιν δ᾽ ἄνθρωπον ὄντ᾽ ἀγαπητὸν τῆς αὑτοῦ διανοίας λόγον ὑπέχειν· τῆς δὲ τύχης πρὸς ὑποσχεῖν ἕν τι τῶν ἀδυνάτων. [3] εἰ μὲν οὖν ηὑρημένον ἦν πῶς ἄν τις ἀσφαλῶς ἄνευ κινδύνου δημηγοροίη, μανί' ἂν παραλείπειν τοῦτον ἦν τὸν τρόπον· ἐπεὶ δ᾽ ἀνάγκη τὸν περὶ τῶν μελλόντων πραγμάτων γνώμην ἀποφαινόμενον κοινωνεῖν τοῖς ἀπ᾽ αὐτῶν γενομένοις καὶ μετέχειν τῆς ἀπὸ τούτων αἰτίας, αἰσχρὸν ἡγοῦμαι λέγειν μὲν ὡς εὔνους, μὴ ὑπομένειν δέ, εἴ τις ἐκ τούτου κίνδυνος ἔσται.

εὔχομαι δὲ τοῖς θεοῖς, ἃ καὶ τῇ πόλει κἀμοὶ συμφέρειν μέλλει, ταῦτ᾽ ἐμοί τ᾽ εἰπεῖν ἐλθεῖν ἐπὶ νοῦν καὶ ὑμῖν ἑλέσθαι. τὸ γὰρ πάντα τρόπον ζητεῖν νικῆσαι, δυοῖν θάτερον, ἢ μανίας ἢ κέρδους ἕνεκ᾽ ἐσπουδακότος φήσαιμ᾽ ἂν εἶναι.
                                                                                                                                                                                   Démosthène, prologue 25




[1]Athéniens, si vous apportiez les mêmes dispositions pour écouter les discours de vos conseillers et pour juger les faits, rien ne serait moins périlleux que la tâche du conseiller. Que les choses tournent bien ou autrement (car il faut parler toujours avec euphémisme), la responsabilité serait partager entre vous et votre guide. Malheureusement vous écoutez avec délices ceux qui flattent vos désirs, quittes à les accuser souvent de vous tromper si tout ne va pas comme vous le désirez :  [2] vous ne réfléchissez pas à une chose, c'est que, s'il ne s'agit que de chercher et de peser le parti le meilleur (humainement parlant), s'il ne s'agit que de vous l'exposer, chaque orateur reste le maître souverain; mais l'exécution de ces idées, mais leur efficacité, tout cela incombe essentiellement à la Fortune. Il faut se contenter, comme homme, de rendre compte de sa propre pensée : quant à rendre compte aussi de la Fortune, c'est une tâche impossible. Si l'on avait trouvé le moyen de vous faire des discours sans rique et sans péril, ce serait folie de renoncer à ce procédé; mais puisque fatalement celui qui expose son opinion sur les faits à venir est associé aux conséquences qui en découlent et se trouve enveloppé dans les accusations qui en résultent, je trouve honteux de parler comme un bon patriote, sans faire front devant tout péril qui peut naître de là.


Je prie les dieux de nous inspirer à moi de dire et à vous de choisir ce qui doit servir les intérêts de la Cité et les miens. Mais de choisir coûte que coûte à triompher, je serais tenté de dire que c'est la marque d'un homme passionné qui obéit, de deux choses l'une, ou bien à la folie ou bien à la vénalité.
      trad. Robert Clavaud; éd. les belles lettres


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ἀκούω (futur ἀκούσομαι, aor. ἤκουσα, parf. ἀκήκοα) : entendre, écouter.
συμϐουλεύω : donner un conseil, conseiller.
λέγειν γὰρ εὐφήμως πάντα δεῖ : car il faut parler toujours avec euphémisme.
ἡδύς, ἡδεῖα, ἡδύ, gén. ἡδέος, ἡδείας, ἡδέος : agréable.
superl. ἥδιστος
νῦν δ᾽ ἀκούετε μὲν τῶν ἃ βούλεσθε λεγόντων ἥδιστα : en réalité vous écoutez avec délices ceux qui flattent vos désirs



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L'épisode de Nausicaa, jeune princesse,  évoqué par un père de l'Eglise






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[5, 7] Ὡς δ´ ἐγώ τινος ἤκουσα δεινοῦ καταμαθεῖν ἀνδρὸς ποιητοῦ διάνοιαν, πᾶσα μὲν ἡ ποίησις τῷ Ὁμήρῳ ἀρετῆς ἐστιν ἔπαινος, καὶ πάντα αὐτῷ πρὸς τοῦτο φέρει, ὅ τι μὴ πάρεργον· οὐχ ἥκιστα δὲ ἐν οἷς τὸν στρατηγὸν τῶν Κεφαλλήνων πεποίηκε, γυμνὸν ἐκ τοῦ ναυαγίου περισωθέντα, πρῶτον μὲν αἰδέσαι τὴν βασιλίδα φανέντα μόνον, τοσούτου δεῖν αἰσχύνην ὀφλῆσαι γυμνὸν ὀφθέντα, ἐπειδήπερ αὐτὸν ἀρετῇ ἀντὶ ἱματίων κεκοσμημένον ἐποίησε· ἔπειτα μέντοι καὶ τοῖς λοιποῖς Φαίαξι τοσούτου ἄξιον νομισθῆναι ὥστε ἀφέντας τὴν τρυφὴν ᾗ συνέζων, ἐκεῖνον ἀποϐλέπειν καὶ ζηλοῦν ἅπαντας, καὶ μηδένα Φαιάκων ἐν τῷ τότε εἶναι ἄλλο τι ἂν εὔξασθαι μᾶλλον ἢ Ὀδυσσέα γενέσθαι, καὶ ταῦτα ἐκ ναυαγίου περισωθέντα. Ἐν τούτοις γὰρ ἔλεγεν ὁ τοῦ ποιητοῦ τῆς διανοίας ἐξηγητὴς μονονουχὶ βοῶντα λέγειν τὸν Ὅμηρον ὅτι· Ἀρετῆς ὑμῖν ἐπιμελητέον, ὦ ἄνθρωποι, ἣ καὶ ναυαγήσαντι συνεκνήχεται καὶ ἐπὶ τῆς χέρσου γενόμενον γυμνὸν τιμιώτερον ἀποδείξει τῶν εὐδαιμόνων Φαιάκων.  Καὶ γὰρ οὕτως ἔχει. Τὰ μὲν ἄλλα τῶν κτημάτων οὐ μᾶλλον τῶν ἐχόντων ἢ καὶ οὑτινοσοῦν τῶν ἐπιτυχόντων ἐστίν, ὥσπερ ἐν παιδιᾷ κύϐων τῇδε κἀκεῖσε μεταϐαλλόμενα· μόνη δὲ κτημάτων ἡ ἀρετὴ ἀναφαίρετον, καὶ ζῶντι καὶ τελευτήσαντι παραμένουσα. Ὅθεν δὴ καὶ Σόλων μοι δοκεῖ πρὸς τοὺς εὐπόρους εἰπεῖν τό· Ἀλλ´ ἡμεῖς αὐτοῖς οὐ διαμειψόμεθα τῆς ἀρετῆς τὸν πλοῦτον· ἐπεὶ τὸ μὲν ἔμπεδον αἰεί, χρήματα δ´ ἀνθρώπων ἄλλοτε ἄλλος ἔχει. Παραπλήσια δὲ τούτοις καὶ τὰ Θεόγνιδος, ἐν οἷς φησι τὸν θεόν, ὅντινα δὴ καί φησι, τοῖς ἀνθρώποις τὸ τάλαντον ἐπιρρέπειν ἄλλοτε ἄλλως, "ἄλλοτε μὲν πλουτεῖν, ἄλλοτε δὲ μηδὲν ἔχειν".
                                                                                                                                       
Basile de Césarée, discours aux jeunes gens, 5, 7-





[5, 7] J'ai d'ailleurs entendu dire par un homme habile à interpréter la pensée des poètes, que pour Homère toute la poésie est un éloge de la vertu, et que tout chez lui, sauf accessoirement, tend à cette fin; plus que tout, les vers où le poète nous montre le chef des Céphaléniens sauvé nu du naufrage, inspirant dès l'abord du respect à la princesse par sa seule présence, bien loin de devoir rougir d'être vu nu, le poète lui ayant donné en guise de manteau la vertu pour parure; mais, par la suite, jusqu'aux autres Phéaciens reçoivent de lui une telle estime, qu'ils renoncent à la mollesse où il passaient leur vie, les yeux fixés sur lui pour l'imiter tous, et pas un des Phéaciens, à ce moment, n'aurait rien tant souhaité que d'être Ulysse et Ulysse survivant d'un naufrage. Car dans ces vers, disait l'interprète de la pensée du poète, Homère nous dit en quelque sorte à grands cris : "Vous devez cultiver, hommes, une vertu qui surnage avec le naufragé, et, dès qu'il a pris terre,  le fera paraître plus honorable dans sa nudité que les heureux Phéaciens. C'est bien cela. Les autres biens ne sont plus à leurs possesseurs qu'au premier venu; comme au jeu de dés, ils sont jetés tantôt ici tantôt là; seule entre les biens, la vertu est chose imprenable : pendant la vie et après la mort, elle demeure. C'est, il me semble, ce qui faisait dire aussi à Solon, à l'adresse des riches, cette parole : "De nous à eux, il n'y aura pas échange de notre vertu contre leur fortune, car la première est constante toujours. Mais les richesses sont tantôt à un homme tantôt à un autre". C'est une idée semblable à celle-ci qu'exprime encore Théognis, quand il dit que le dieu, quelque soit le dieu dont il parle, pour les hommes fait pencher le plateau tantôt d'un côté tantôt d'un autre; tantôt ils sont riches tantôt ils n'ont rien.
                                     trad. Fernand Boulanger; éd. les belles lettres

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ἔπαινος, ου (ὁ) : approbation, louange, éloge.
πᾶσα μὲν ἡ ποίησις τῷ Ὁμήρῳ ἀρετῆς ἐστιν ἔπαινος : pour Homère toute la poésie est un éloge de la vertu.
πάρεργος, ος, ον : qui est hors d’œuvre, accessoire, secondaire.
ἥκιστα, adv. : très peu, le moins, pas du tout.
οὐχ ἥκιστα : surtout.
περισῴζω : sauver la vie de, assurer le salut de; sauver sa vie en s'échappant (du naufrage).
ναυάγιον, ου (τὸ) : débris d’un naufrage; naufrage.
οὐχ ἥκιστα δὲ ἐν οἷς τὸν στρατηγὸν τῶν Κεφαλλήνων πεποίηκε, γυμνὸν ἐκ τοῦ ναυαγίου περισωθέντα : surtout dans les vers où le poète nous montre le chef des Céphaléniens sauvé nu du naufrage.

ἐπιμελέομαι-οῦμαι (futur ἐπιμελήσομαι, aor. ἐπεμελήθην) : avoir soin de, s’occuper de, veiller à.
ναυαγέω, -ῶ : faire naufrage.
part. aor. masc. ναυαγήσας, αντος.
συνεκνήχομαι : se sauver à la nage avec.
Ἀρετῆς ὑμῖν ἐπιμελητέον, ὦ ἄνθρωποι, ἣ καὶ ναυαγήσαντι συνεκνήχεται καὶ ἐπὶ τῆς χέρσου γενόμενον γυμνὸν τιμιώτερον ἀποδείξει τῶν εὐδαιμόνων Φαιάκων : vous devez cultiver, hommes, une vertu qui surnage avec le naufragé, et, dès qu'il a pris terre,  le fera paraître plus honorable dans sa nudité que les heureux Phéaciens.

ἐπιρρέπω : pencher sur ou vers; faire pencher.
ἐπιρρέπειν τάλαντον : faire pencher le plateau de la balance.
ἄλλοτε, adv. : une autre fois, d’autres fois.
ἄλλοτε μὲν…, ἄλλοτε δέ : tantôt ... tantôt.
ἄλλοτε ἄλλως : tantôt d'un côté tantôt d'un autre.
ἄλλοτε μὲν πλουτεῖν, ἄλλοτε δὲ μηδὲν ἔχειν : (il dit que) tantôt ils sont riches et tantôt ils n'ont rien.








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Un gué salvateur







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[4,3,10] καὶ ἀριστῶντι τῷ Ξενοφῶντι προσέτρεχον δύο νεανίσκω· ᾔδεσαν γὰρ πάντες ὅτι ἐξείη αὐτῷ καὶ ἀριστῶντι καὶ δειπνοῦντι προσελθεῖν καὶ εἰ καθεύδοι ἐπεγείραντα εἰπεῖν, εἴ τίς τι ἔχοι τῶν πρὸς τὸν πόλεμον. (4.3.11) καὶ τότε ἔλεγον ὅτι τυγχάνοιεν φρύγανα συλλέγοντες ὡς ἐπὶ πῦρ, κἄπειτα κατίδοιεν ἐν τῷ πέραν ἐν πέτραις καθηκούσαις ἐπ᾽ αὐτὸν τὸν ποταμὸν γέροντά τε καὶ γυναῖκα καὶ παιδίσκας ὥσπερ μαρσίπους ἱματίων κατατιθεμένους ἐν πέτρᾳ ἀντρώδει. (4.3.12) ἰδοῦσι δὲ σφίσι δόξαι ἀσφαλὲς εἶναι διαϐῆναι· οὐδὲ γὰρ τοῖς πολεμίοις ἱππεῦσι προσϐατὸν εἶναι κατὰ τοῦτο. ἐκδύντες δ᾽ ἔφασαν ἔχοντες τὰ ἐγχειρίδια γυμνοὶ ὡς νευσόμενοι διαϐαίνειν· πορευόμενοι δὲ πρόσθεν διαϐῆναι πρὶν βρέξαι τὰ αἰδοῖα· (4.3.13) καὶ διαϐάντες, λαϐόντες τὰ ἱμάτια πάλιν ἥκειν. εὐθὺς οὖν Ξενοφῶν αὐτός τε ἔσπενδε καὶ τοῖς νεανίσκοις ἐγχεῖν ἐκέλευε καὶ εὔχεσθαι τοῖς φήνασι θεοῖς τά τε ὀνείρατα καὶ τὸν πόρον καὶ τὰ λοιπὰ ἀγαθὰ ἐπιτελέσαι. σπείσας δ᾽ εὐθὺς ἦγε τοὺς νεανίσκους παρὰ τὸν Χειρίσοφον, καὶ διηγοῦνται ταὐτά. (4.3.14) ἀκούσας δὲ καὶ ὁ Χειρίσοφος σπονδὰς ἐποίει. σπείσαντες δὲ τοῖς μὲν ἄλλοις παρήγγελλον συσκευάζεσθαι, αὐτοὶ δὲ συγκαλέσαντες τοὺς στρατηγοὺς ἐϐουλεύοντο ὅπως ἂν κάλλιστα διαϐαῖεν καὶ τούς τε ἔμπροσθεν νικῷεν καὶ ὑπὸ τῶν ὄπισθεν μηδὲν πάσχοιεν κακόν. (4.3.15) καὶ ἔδοξεν αὐτοῖς Χειρίσοφον μὲν ἡγεῖσθαι καὶ διαϐαίνειν ἔχοντα τὸ ἥμισυ τοῦ στρατεύματος, τὸ δ᾽ ἥμισυ ἔτι ὑπομένειν σὺν Ξενοφῶντι, τὰ δὲ ὑποζύγια καὶ τὸν ὄχλον ἐν μέσῳ τούτων διαϐαίνειν. (4.3.16) ἐπεὶ δὲ ταῦτα καλῶς εἶχεν ἐπορεύοντο· ἡγοῦντο δ᾽ οἱ νεανίσκοι ἐν ἀριστερᾷ ἔχοντες τὸν ποταμόν· ὁδὸς δὲ ἦν ἐπὶ τὴν διάϐασιν ὡς τέτταρες στάδιοι. (4.3.17) πορευομένων δ᾽ αὐτῶν ἀντιπαρῇσαν αἱ τάξεις τῶν ἱππέων. ἐπειδὴ δὲ ἦσαν κατὰ τὴν διάϐασιν καὶ τὰς ὄχθας τοῦ ποταμοῦ, ἔθεντο τὰ ὅπλα, καὶ αὐτὸς πρῶτος Χειρίσοφος στεφανωσάμενος καὶ ἀποδὺς ἐλάμϐανε τὰ ὅπλα καὶ τοῖς ἄλλοις πᾶσι παρήγγελλε, καὶ τοὺς λοχαγοὺς ἐκέλευεν ἄγειν τοὺς λόχους ὀρθίους, τοὺς μὲν ἐν ἀριστερᾷ τοὺς δ᾽ ἐν δεξιᾷ ἑαυτοῦ. (4.3.18) καὶ οἱ μὲν μάντεις ἐσφαγιάζοντο εἰς τὸν ποταμόν· οἱ δὲ πολέμιοι ἐτόξευον καὶ ἐσφενδόνων· (4.3.19) ἀλλ᾽ οὔπω ἐξικνοῦντο· ἐπεὶ δὲ καλὰ ἦν τὰ σφάγια, ἐπαιάνιζον πάντες οἱ στρατιῶται καὶ ἀνηλάλαζον, συνωλόλυζον δὲ καὶ αἱ γυναῖκες ἅπασαι. πολλαὶ γὰρ ἦσαν ἑταῖραι ἐν τῷ στρατεύματι.
                                                                                                                                                                      Xénophon, Anabase, 4, 3, 10-19.




[4,3,10] Pendant que Xénophon dînait, deux jeunes Grecs accoururent à lui; car tout le monde savait qu'il était permis de l'aborder pendant ses repas, et de le réveiller même lorsqu'il dormait pour lui parler de ce qui concernait la guerre. (4.3.11) Ces jeunes gens lui dirent qu'en ramassant des broussailles sèches pour faire du feu, ils avaient vu au-delà du Centrite, entre des rochers qui descendaient jusqu'à son lit, un vieillard, sa femme et de jeunes filles déposer, dans une caverne qui formait le roc, des espèces de sacs qui paraissaient contenir des habits; (4.3.12) qu'ils avaient cru pouvoir y passer en sûreté, parce que le sol ne permettait pas à la cavalerie ennemie d'en approcher; qu'ils avaient dépouillé leurs vêtements, et, n'ayant qu'un poignard nu à la main, s'étaient jetés dans le fleuve comme pour nager, mais qu'ils l'avaient traversé sans avoir de l'eau, jusqu'à la ceinture; qu'ils avaient pris les habits cachés, par les Arméniens, et étaient revenus. Aussitôt Xénophon fit lui-même des libations; il ordonna qu'on versât du vin à ces jeunes gens pour qu'ils en fissent aussi, et conjurassent les dieux qui lui avaient envoyé le songe et fait connaître un gué, de confirmer, par des succès, de si heureux présages. Après cet acte de religion, il les mena aussitôt à Chirisophe : ils lui répétèrent le même récit. (4.3.14) Chirisophe, quand il eut entendu leur rapport, fit à son tour des libations; puis ayant donné ordre à toute l'armée de plier ses équipages, on assembla les autres généraux, et l'on délibéra sur les meilleures dispositions à faire pour passer le fleuve sans perte, repousser les ennemis qui étaient sur l'autre rive, et n'être pas entamés par ceux qu'on laissait derrière soi. On décida que Chirisophe marcherait à la tête, et traverserait le Centrite, suivi de la moitié de l'armée; que Xénophon resterait en deçà avec l'autre moitié; et que les équipages et les esclaves passeraient le gué entre ces deux corps. (4.3.16) Après avoir bien arrêté ce projet, on se mit en marche. Les jeunes gens, servaient de guides; l'armée longeait le fleuve et l'avait à sa gauche : elle fit ainsi à peu près quatre stades pour arriver au gué. (4.3.17) Pendant la marche la cavalerie ennemie se portait toujours à la hauteur des Grecs sur la rive opposée. Quand on fut vis-à-vis du gué, on posa les armes à terre, en ordre, sur le bord du fleuve. Puis Chirisophe, le premier, la tête ceinte d'une couronne, quitta ses habits, reprit ses armes et donna ordre aux troupes d'en faire autant. Il dit aux chefs de former l'armée en colonnes par lochos, et de marcher à la même hauteur, les uns à sa droite, les autres à sa gauche. (4.3.18) Les sacrificateurs immolèrent des victimes sur le bord du fleuve. Les ennemis se servirent en vain de leurs arcs et de leurs frondes; (4.3.19)
les Grecs étaient hors de portée. Quand les entrailles eurent été jugées favorables, toute l'armée chanta le péan et poussa des cris de guerre. Toutes les femmes y joignirent leurs voix; car beaucoup de Grecs avaient des maîtresses à leur suite.


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κατατίθημι : déposer; moyen  déposer, quitter.                                              
παιδίσκη, ης (ἡ) : petite fille, jeune fille. 

προσϐατός, ή, όν : accessible à.
ἰδοῦσι δὲ σφίσι δόξαι ἀσφαλὲς εἶναι διαϐῆναι· οὐδὲ γὰρ τοῖς πολεμίοις ἱππεῦσι προσϐατὸν εἶναι κατὰ τοῦτο : à cette vue ils avaient estimé qu'il n'y avait aucun danger à passer, car en face il n'y avait même pas d'accès pour la cavalerie ennemie.
αἰδοῖος, α, ον : vénérable, digne de respect; honteux, vil; qui marque du respect, respectueux, déférent.
τὰ αἰδοῖα : les organes génitaux.
βρέχω (imparf. ἔϐρεχον, futur réc. βρέξω, aor. ἔϐρεξα; passif futur réc. βραχήσομαι, aor. ἐϐρέχθην, aor.2 ἐϐράχην, parf. βέϐρεγμαι) : mouiller.
ἐκδύντες δ᾽ ἔφασαν ἔχοντες τὰ ἐγχειρίδια γυμνοὶ ὡς νευσόμενοι διαϐαίνειν· πορευόμενοι δὲ πρόσθεν διαϐῆναι πρὶν βρέξαι τὰ αἰδοῖα : ils se déshabillent et, disent-ils, un poignard à la main, nus, comme s'ils allaient nager, ils se mettent à traverser, et tout en s'avançant, ils franchissent la rivière sans se mouiller les organes génitaux.

καλῶς : voir dico Bailly version établie par Gérard Gréco.
ἐπεὶ δὲ ταῦτα καλῶς εἶχεν ἐπορεύοντο : ces dispositions une fois bien arrêtées, on se mit en marche.

ἀντιπάρειμι (imparf. ἀντιπαρῇν) : s’avancer parallèlement.
ἀντιπαρῇσαν : ils marchaient en se maintenant à leur hauteur sur la rive opposée.
ἀντιπαρῇσαν αἱ τάξεις τῶν ἱππέων : pendant la marche la cavalerie ennemie se portait toujours à la hauteur des Grecs sur la rive opposée.
ἡγοῦντο δ᾽ οἱ νεανίσκοι ἐν ἀριστερᾷ ἔχοντες τὸν ποταμόν· ὁδὸς δὲ ἦν ἐπὶ τὴν διάϐασιν ὡς τέτταρες στάδιοι : on se mit en marche sous la conduite des jeunes gens, en ayant le cours d'eau à gauche; on fit ainsi à peu près quatre stades pour arriver au gué.

ἐξικνέομαι, -οῦμαι (futur ἐξίξομαι, aor.2 ἐξικόμην) : dépasser, s’étendre, parvenir à, atteindre.
σφάγιον, ου (τὸ) : victime (pour un sacrifice); sacrifice.
καὶ οἱ μὲν μάντεις ἐσφαγιάζοντο εἰς τὸν ποταμόν· οἱ δὲ πολέμιοι ἐτόξευον καὶ ἐσφενδόνων : cependant les devins égorgèrent les victimes sur le bord du fleuve, tandis que les ennemis tiraient avec leurs arcs, leurs frondes.
ἀλλ᾽ οὔπω ἐξικνοῦντο· ἐπεὶ δὲ καλὰ ἦν τὰ σφάγια, ἐπαιάνιζον πάντες οἱ στρατιῶται καὶ ἀνηλάλαζον, συνωλόλυζον δὲ καὶ αἱ γυναῖκες ἅπασαι : mais les projectiles n'atteignaient pas les Grecs; quand les entrailles eurent été jugées favorables, toute l'armée chanta le péan et poussa des cris de guerre; toutes les femmes y joignirent leurs voix.

στράτευμα, ατος (τὸ) : expédition, campagne.
ἑταίρα, ας (ἡ) : maîtresse, courtisane.
πολλαὶ γὰρ ἦσαν ἑταῖραι ἐν τῷ στρατεύματι : car beaucoup de Grecs à l'armée avaient des maîtresses.


                                              




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Combat des Lacédémoniens et des Thébains
à Coronée








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(12) ἀντιμέτωπος συνέρραξε τοῖς Θηϐαίοις, καὶ συμϐαλόντες τὰς ἀσπίδας ἐωθοῦντο, ἐμάχοντο, ἀπέκτεινον, ἀπέθνηισκον. καὶ κραυγὴ μὲν οὐδεμία παρῆν, οὐ μὴν οὐδὲ σιγή, φωνὴ δέ τις ἦν τοιαύτη οἵαν ὀργή τε καὶ μάχη παράσχοιτ᾽ ἄν. τέλος δὲ τῶν Θηϐαίων οἱ μὲν διαπίπτουσι πρὸς τὸν Ἑλικῶνα, πολλοὶ δ᾽ ἀποχωροῦντες ἀπέθανον. (13) ἐπειδὴ δὲ ἡ μὲν νίκη σὺν Ἀγησιλάῳ ἐγένετο, τετρωμένος δ᾽ αὐτὸς προσηνέχθη πρὸς τὴν φάλαγγα, προσελάσαντές τινες τῶν ἱππέων λέγουσιν αὐτῷ ὅτι τῶν πολεμίων ὀγδοήκοντα σὺν τοῖς ὅπλοις ὑπὸ τῷ ναῷ εἰσι, καὶ ἠρώτων τί χρὴ ποιεῖν. ὁ δὲ καίπερ πολλὰ τραύματα ἔχων πάντοσε καὶ παντοίοις ὅπλοις ὅμως οὐκ ἐπελάθετο τοῦ θείου, ἀλλ᾽ ἐᾶν τε ἀπιέναι ὅποι βούλοιντο ἐκέλευε καὶ ἀδικεῖν οὐκ εἴα, καὶ προπέμψαι ἐπέταξε τοὺς ἀμφ᾽ αὐτὸν ἱππεῖς ἔστε ἐν τῶι ἀσφαλεῖ ἐγένοντο. (14) ἐπεί γε μὴν ἔληξεν ἡ μάχη, παρῆν δὴ θεάσασθαι ἔνθα συνέπεσον ἀλλήλοις τὴν μὲν γῆν αἵματι πεφυρμένην, νεκροὺς δὲ κειμένους φιλίους καὶ πολεμίους μετ᾽ ἀλλήλων, ἀσπίδας δὲ διατεθρυμμένας, δόρατα συντεθραυσμένα, ἐγχειρίδια γυμνὰ κολεῶν, τὰ μὲν χαμαί, τὰ δ᾽ ἐν σώματι, τὰ δ᾽ ἔτι μετὰ χεῖρας. (15) τότε μὲν οὖν (καὶ γὰρ ἦν ἤδη ὀψέ) συνελκύσαντες τοὺς τῶν πολεμίων νεκροὺς εἴσω φάλαγγος ἐδειπνοποιήσαντο καὶ ἐκοιμήθησαν· πρῲ δὲ Γῦλιν τὸν πολέμαρχον παρατάξαι τε ἐκέλευσε τὸ στράτευμα καὶ τρόπαιον ἵστασθαι καὶ στεφανοῦσθαι πάντας τῷ θεῷ καὶ τοὺς αὐλητὰς πάντας αὐλεῖν. (16) καὶ οἱ μὲν ταῦτ᾽ ἐποίουν· οἱ δὲ Θηϐαῖοι ἔπεμψαν κήρυκα, ὑποσπόνδους τοὺς νεκροὺς αἰτοῦντες θάψαι. καὶ οὕτως δὴ αἵ τε σπονδαὶ γίγνονται καὶ ὁ Ἀγησίλαος οἴκαδε ἀπεχώρει, ἑλόμενος ἀντὶ τοῦ μέγιστος εἶναι ἐν τῇ Ἀσίᾳ οἴκοι τὰ νόμιμα μὲν ἄρχειν, τὰ νόμιμα δὲ ἄρχεσθαι.
                                                                                                                                                             Xénophon, Agésilas, 2, 12-16



Il fondit sur les Thébains front contre front. Dès lors, heurtant bouclier contre bouclier, on pousse, on combat, on tue, on meurt. On n'entend aucun cri, et pourtant ce n'est pas le silence, mais un bruit comme celui que produisent la colère et la lutte. A la fin, les Thébains se frayèrent un passage vers l'Hélicon, mais beaucoup périrent dans la retraite. (13) Quand la victoire se fut déclarée pour Agésilas, comme on le rapportait, blessé, vers sa ligne de bataille, quelques cavaliers accoururent lui dire que quatre-vingts soldats ennemis s'étaient réfugiés dans le temple avec leurs armes et ils demandèrent ce qu'il fallait faire. Bien qu'il eût été blessé en maint endroit et par des armes de toute sorte, il n'oublia pas ce qu'il devait aux dieux et donna l'ordre de les laisser partir où ils voudraient, sans leur faire de mal. Il ordonna même aux cavaliers de son escorte de les accompagner jusqu'à ce qu'ils fussent en lieu sûr. (14) Le combat fini, on put voir sur le lieu de la rencontre la terre teinte de sang, les morts, amis et ennemis, gisant pêle-mêle, des boucliers en pièces, des lances brisées, des poignards sans fourreau, les uns à terre, les autres enfoncés dans les corps, les autres restés dans les mains des combattants. Comme il était déjà tard, les Lacédémoniens ramassèrent les cadavres des ennemis à l'intérieur de la phalange, puis dînèrent et se couchèrent. Le lendemain matin, Agésilas ordonna au polémarque Gylis de mettre les troupes sous les armes et de dresser un trophée, et à tous ses soldats de se couronner en l'honneur du dieu et à tous les joueurs de flûte de jouer de leurs instruments.(16) Tandis qu'on exécutait ces ordres, les Thébains envoyèrent un héraut demander une trêve pour ensevelir leurs morts. Elle leur fut accordée, et Agésilas partit pour son pays, ayant préféré, au lieu d'être le plus grand en Asie, commander et obéir en son pays conformément aux lois.    
                        

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ἀντιμέτωπος, ος, ον : opposés front contre front, de front.
ὠθέω, ὠθῶ (imparf. ἐώθουν, futur ὤσω, aor. ἔωσα, parf. ἔωκα) : pousser, pousser en avant.
λήγω (futur λήξω, aor. ἔληξα) : faire cesser; cesser, finir, se terminer.
συμπίπτω, ancien att. ξυμπίπτω (futur συμπεσοῦμαι, aor.2 συνέπεσον, parf. συμπέπτωκα) :  tomber sur, se heurter contre, être aux prises avec.
(12) ἀντιμέτωπος συνέρραξε τοῖς Θηϐαίοις, καὶ συμϐαλόντες τὰς ἀσπίδας ἐωθοῦντο, ἐμάχοντο, ἀπέκτεινον, ἀπέθνηισκον : il fondit sur les Thébains front contre front; dès lors, heurtant bouclier contre bouclier, on pousse, on combat, on tue, on meurt.

(14) ἐπεί γε μὴν ἔληξεν ἡ μάχη, παρῆν δὴ θεάσασθαι ἔνθα συνέπεσον ἀλλήλοις τὴν μὲν γῆν αἵματι πεφυρμένην, νεκροὺς δὲ κειμένους φιλίους καὶ πολεμίους μετ᾽ ἀλλήλων, ἀσπίδας δὲ διατεθρυμμένας, δόρατα συντεθραυσμένα, ἐγχειρίδια γυμνὰ κολεῶν, τὰ μὲν χαμαί, τὰ δ᾽ ἐν σώματι, τὰ δ᾽ ἔτι μετὰ χεῖρας : le combat fini, on put voir sur le lieu de la rencontre la terre teinte de sang, les morts, amis et ennemis, gisant pêle-mêle, des boucliers en pièces, des lances brisées, des poignards sans fourreau, les uns à terre, les autres enfoncés dans les corps, les autres restés dans les mains des combattants.

                                             



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Une maladie qui envahit la Grèce







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[259] Νόσημα γάρ, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, νόσημα δεινὸν ἐμπέπτωκεν εἰς τὴν Ἑλλάδα, καὶ χαλεπὸν καὶ πολλῆς τινὸς εὐτυχίας καὶ παρ’ ὑμῶν ἐπιμελείας δεόμενον. Οἱ γὰρ ἐν ταῖς πόλεσι γνωριμώτατοι καὶ προεστάναι τῶν κοινῶν ἀξιούμενοι, τὴν αὑτῶν προδιδόντες ἐλευθερίαν οἱ δυστυχεῖς, αὐθαίρετον αὑτοῖς ἐπάγονται δουλείαν, Φιλίππῳ ξενίαν καὶ ἑταιρίαν καὶ φιλίαν καὶ τοιαῦθ’ ὑποκοριζόμενοι· οἱ δὲ λοιποὶ καὶ τὰ κύρι’ ἅττα ποτ’ ἔστ’ ἐν ἑκάστῃ τῶν πόλεων, οὓς ἔδει τούτους κολάζειν καὶ παραχρῆμ’ ἀποκτιννύναι, τοσοῦτ’ ἀπέχουσι τοῦ τοιοῦτόν τι ποιεῖν ὥστε θαυμάζουσι καὶ ζηλοῦσι καὶ βούλοιντ’ ἂν αὐτὸς ἕκαστος τοιοῦτος εἶναι. [260] Καίτοι τοῦτο τὸ πρᾶγμα καὶ τὰ τοιαῦτα ζηλώματα Θετταλῶν μέν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, μέχρι μὲν χθὲς ἢ πρώην τὴν ἡγεμονίαν καὶ τὸ κοινὸν ἀξίωμ’ ἀπωλωλέκει, νῦν δ’ ἤδη καὶ τὴν ἐλευθερίαν παραιρεῖται· τὰς γὰρ ἀκροπόλεις αὐτῶν ἐνίων Μακεδόνες φρουροῦσιν· εἰς Πελοπόννησον δ’ εἰσελθὸν τὰς ἐν Ἤλιδι σφαγὰς πεποίηκε, καὶ τοσαύτης παρανοίας καὶ μανίας ἐνέπλησε τοὺς ταλαιπώρους ἐκείνους ὥσθ’, ἵν’ ἀλλήλων ἄρχωσι καὶ Φιλίππῳ χαρίζωνται, συγγενεῖς αὑτῶν καὶ πολίτας μιαιφονεῖν. [261] Καὶ οὐδ’ ἐνταῦθ’ ἕστηκεν, ἀλλ’ εἰς Ἀρκαδίαν εἰσελθὸν πάντ’ ἄνω καὶ κάτω τἀκεῖ πεποίηκε, καὶ νῦν Ἀρκάδων πολλοί, προσῆκον αὐτοῖς ἐπ’ ἐλευθερίᾳ μέγιστον φρονεῖν ὁμοίως ὑμῖν (μόνοι γὰρ πάντων αὐτόχθονες ὑμεῖς ἐστε κἀκεῖνοι), Φίλιππον θαυμάζουσι καὶ χαλκοῦν ἱστᾶσι καὶ στεφανοῦσι, καὶ τὸ τελευταῖον, ἂν εἰς Πελοπόννησον ἴῃ, δέχεσθαι ταῖς πόλεσίν εἰσιν ἐψηφισμένοι. [262] Ταὐτὰ δὲ ταῦτ’ Ἀργεῖοι. Ταῦτα νὴ τὴν Δήμητρα, εἰ δεῖ μὴ ληρεῖν, εὐλαϐείας οὐ μικρᾶς δεῖται, ὡς βαδίζον γε κύκλῳ καὶ δεῦρ’ ἐλήλυθεν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τὸ νόσημα τοῦτο. Ἕως οὖν ἔτ’ ἐν ἀσφαλεῖ, φυλάξασθε καὶ τοὺς πρώτους εἰσαγαγόντας ἀτιμώσατε· εἰ δὲ μή, σκοπεῖθ’ ὅπως μὴ τηνικαῦτ’ εὖ λέγεσθαι δόξει τὰ νῦν εἰρημένα ὅτ’ οὐδ’ ὅ τι χρὴ ποιεῖν ἕξετε. [263] Οὐχ ὁρᾶθ’ ὡς ἐναργές, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, καὶ σαφὲς παράδειγμ’ οἱ ταλαίπωροι γεγόνασιν Ὀλύνθιοι ; Οἳ παρ’ οὐδὲν οὕτως ὡς τὸ τοιαῦτα ποιεῖν ἀπολώλασιν οἱ δείλαιοι. Ἔχοιτε δ' ἂν ἐξετάσαι καθαρῶς ἐκ τῶν συμβεβηκότων αὐτοῖς. Ἐκεῖνοι γάρ, ἡνίκα μὲν τετρακοσίους ἱππέας ἐκέκτηντο μόνον καὶ σύμπαντες οὐδὲν ἦσαν πλείους πεντακισχιλίων τὸν ἀριθμόν, οὔπω Χαλκιδέων πάντων εἰς ἓν συνῳκισμένων.
                                                                                                                Démosthène, sur les forfaitures de l’ambassade, 259-263



[259] En effet, une maladie, Athéniens, une maladie redoutable s'est abattue sur la Grèce, terrible, exigeant chez vous beaucoup de chance et beaucoup d'attention. Les plus notables dans chaque cité, ceux qui étaient jugés dignes de diriger l'Etat, livrant leur propre liberté (les malheureux !) attirent sur eux-mêmes une servitude volontaire et parlent gentiment, en faveur de Philippe, d'hospitalité, de camaraderie, d'amitié, etc... Les autres, tout ce qui a de l'autorité dans chaque pays, eux qui devraient châtier ces gens-là et les mettre à mort sur le champ, bien loin d'agir ainsi, les admirent, les envient et voudraient chacun personnellement, être comme eux. [260] Or, ces actes, les rivalités de cet ordre, jusqu'à hier ou avant-hier, avaient détruit chez les Thessaliens leur hégémonie et leur honneur national; maintenant cela leur enlève encore la liberté; car les Lacédémoniens ont des garnisons  dans certaines de leurs citadelles.  Pénétrant  dans le Péloponnèse, cela a provoqué le massacre d'Elis et a rempli les malheureux habitants de ce pays d'une telle folie et d'une telle fureur que, pour se commander mutullement et faire plaisir à Philippe, ils se souillent du sang de parents et de concitoyens.  [261]  Cela ne s'est même pas arrêté là. Pénétrant en Arcadie, cela a mis là-bas tout sens dessus dessous; maintenant beaucoup d'Arcadiens, qui devraient être fiers de leur liberté tout autant que vous (seuls au monde, eux et vous êtes autochtones), admirent Philippe, lui dressent une statue de bronze, le couronnent, et enfin ils ont voté, au cass où il viendrait dans le Péloponnèse, de l'accueillir dans leurs villes. De même les Argiens.  [262] Par Déméter, ce mal, pour parler sérieusement, exige les plus grandes précautions; car, en nous encerclant, il a même pénétré ici, Athéniens. Donc, tant que vous êtes encore en sûreté, tenez-vous sur vos gardes, et privez de leurs droits les premiers qui l'ont introduit; sinon, prenez garde que les paroles dites maintenant ne paraissent justifiées au moment même où vous n'aurez plus rien à faire. [263] Ne voyez-vous pas, Athéniens,  comme les pauvres Olynthiens ont donné un exemple clair et éclatant ? Eux qui n'ont pas succombé pour autre chose que pour avoir agi ainsi, les infortunés. Vous pourrez vous en rendre un compte exact d'après ce qui leur est arrivé. Quand ils avaient seulement quatre cents cavaliers et n'étaient pas au total plus de cinq mille, alors que les gens de Chalcidique n'étaient pas encore réunis en un seul Etat.
       trad. Georges Matthieu; éd. les belles lettres.




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συνοικέω, ancien att. ξυνοικέω-ῶ : habiter ensemble ou avec;  vivre avec, former une communauté avec.
οὔπω Χαλκιδέων πάντων εἰς ἓν συνῳκισμένων : alors que les gens de Chalcidique n'étaient pas encore réunis en un seul Etat.










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Les devoirs d'un ambassadeur






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(3) Τὸ μὲν οὖν ἐξελέγξειν πολλὰ καὶ δεινὰ πεποιηκότα τουτονὶ καὶ τῆς ἐσχάτης ὄντα τιμωρίας ἄξιον θαρρῶ καὶ πάνυ πιστεύω· ὃ δὲ καίπερ ὑπειληφὼς ταῦτα φοϐοῦμαι, φράσω πρὸς ὑμᾶς καὶ οὐκ ἀποκρύψομαι, ὅτι μοι δοκοῦσιν ἅπαντες οἱ παρ' ὑμῖν ἀγῶνες οὐχ ἧττον, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τῶν καιρῶν ἢ τῶν πραγμάτων εἶναι, καὶ τὸ χρόνον γεγενῆσθαι μετὰ τὴν πρεσϐείαν πολὺν δέδοικα, μή τινα λήθην ἢ συνήθειαν τῶν ἀδικημάτων ὑμῖν ἐμπεποιήκῃ.
(4) Ὡς δή μοι δοκεῖτ' ἂν ὅμως ἐκ τούτων καὶ γνῶναι τὰ δίκαια καὶ δικάσαι νυνί, τοῦθ' ὑμῖν λέξω· εἰ σκέψαισθε παρ' ὑμῖν αὐτοῖς, ὦ ἄνδρες δικασταί, καὶ λογίσαισθε τίνων προσήκει λόγον παρὰ πρεσϐευτοῦ λαϐεῖν. Πρῶτον μὲν τοίνυν ὧν ἀπήγγειλε, δεύτερον δ' ὧν ἔπεισε, τρίτον δ' ὧν προσετάξατ' αὐτῷ, μετὰ ταῦτα τῶν χρόνων, ἐφ' ἅπασι δὲ τούτοις, εἰ ἀδωροδοκήτως ἢ μὴ πάντα ταῦτα πέπρακται. (5) Τί δήποτε τούτων; Ὅτι ἐκ μὲν τῶν ἀπαγγελιῶν τὸ βουλεύσασθαι περὶ τῶν πραγμάτων ὑμῖν ἐστίν· ἂν μὲν οὖν ὦσιν ἀληθεῖς, τὰ δέοντ' ἔγνωτε, ἂν δὲ μὴ τοιαῦται, τἀναντία. Τὰς δὲ συμϐουλίας πιστοτέρας ὑπολαμϐάνετ' εἶναι τὰς τῶν πρέσϐεων· ὡς γὰρ εἰδότων περὶ ὧν ἐπέμφθησαν ἀκούετε· οὐδὲν οὖν ἐξελέγχεσθαι δίκαιός ἐστιν ὁ πρεσβευτὴς φαῦλον οὐδ' ἀσύμφορον ὑμῖν συμϐεϐουλευκώς.
(6)
Καὶ μὴν περὶ ὧν γε προσετάξατ' εἰπεῖν ἢ πρᾶξαι καὶ διαρρήδην ἐψηφίσασθε ποιῆσαι, προσήκει διῳκηκέναι. Εἶεν· τῶν δὲ δὴ χρόνων διὰ τί; Ὅτι πολλάκις, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, συμϐαίνει πολλῶν πραγμάτων καὶ μεγάλων καιρὸν ἐν βραχεῖ χρόνῳ γίγνεσθαι, ὃν ἄν τις ἑκὼν καθυφῇ τοῖς ἐναντίοις καὶ προδῷ, οὐδ' ἂν ὁτιοῦν ποιῇ πάλιν οἷός τ' ἔσται σῶσαι.
(7)
Ἀλλὰ μὴν ὑπέρ γε τοῦ προῖκ' ἢ μή, τὸ μὲν ἐκ τούτων λαμϐάνειν, ἐξ ὧν ἡ πόλις βλάπτεται, πάντες οἶδ' ὅτι φήσαιτ' ἂν εἶναι δεινὸν καὶ πολλῆς ὀργῆς ἄξιον· ὁ μέντοι τὸν νόμον τιθεὶς οὐ διώρισεν τοῦτο, ἀλλ' ἁπλῶς εἶπε μηδαμῶς δῶρα λαμϐάνειν, ἡγούμενος, ὡς ἐμοὶ δοκεῖ, τὸν ἅπαξ λαϐόντα καὶ διαφθαρένθ' ὑπὸ χρημάτων οὐδὲ κριτὴν ἔτι τῶν συμφερόντων ἀσφαλῆ μένειν τῇ πόλει.
                                                                                                                                                                        Démosthène, sur l'ambassade, 3-7




(3) Démontrer dans un instant que cet individu a commis bien des forfaits et mérite les derniers châtiments, j'en ai la pleine et ferme confiance.  Mais ce que je crains, malgré cette persuasion, je vais vous le dire : je ne vous dissimulerai pas que, selon moi, tous les débats qui ont lieu devant vous, Athéniens, portent tout autant sur les conjectures que sur les faits; or je crains que le long temps qui s'est écoulé depuis l'ambassade ne vous ait fait oublier ou rendu trop familières les fautes commises.
(4) La façon dont, à mon avis, vous pourriez malgré tout reconnaître la justice en cette affaire et pronocer aujourd'hui votre verdict, je vais vous le dire : ce serait d'examiner en vous mêmes, juges, et de calculer  de quoi l'on doit rendre responsable un ambassadeur. Tout d'abord de ses rapports; en second lieu de ses conseils; en troisième,  des instructions reçues de vous;  puis du temps employé; enfin, et par dessus tout,  de la façon intègre ou non dont il a agi en tout cela.
(5) Pourquoi est-il responsable de tout cela ? Parce ce que ses rapports vous permettent d'examiner la situation : s'ils sont véridiques, vous décidez ce qu'il faut; sinon, c'est le contraire. D'autre part vous jugez que les meilleurs conseils sont ceux des ambassadeurs; car, en les écoutant, vous vous dites qu'ils sont instruits de l'objet de leur mission; il est donc juste qu'on ne puisse convaincre l'ambassadeur de vous avoir conseillé rien de mauvais ni de désavantageux.
(6) En outre, il convient qu'il ait agi selon ce que vous lui avez ordonné de dire ou de faire et ce que vos votes lui ont explicitement ordonné d'exécuter. Et ensuite ? Pourquoi est-il  responsable du temps employé ? Parce que souvent, Athéniens, il arrive que l'occasion favorable à beaucoup de grandes actions dure peu; si quelqu'un abandonne volontairement  ou livre à l'adversaire cette occasion, quoi qu'il fasse, il ne pourra à nouveau la recouvrer.
(7) En ce qui concerne l'intégrité ou son contraire, recevoir de l'argent pour ce qui nuit à l'Etat, tous, je le sais, vous diriez que c'est un crime qui mérite la plus juste indignation. Mais celui qui a établi la loi n'a pas fait cette distinction; il a dit simplement qu'on ne reçoive de présents en aucun cas; il pensait (à ce que je crois) que quiconque a touché une fois et a été corrompu par l'argent ne reste plus pour l'Etat un sûr juge de ce qui est utile.
     trad. Geoges Mathieu; éd. les belles lettres.


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ἐξελέγχω (parf. passif ἐξελήλεγμαι ou ἐξήλεγμαι) : réfuter, confondre; fournir une preuve, démontrer.
ποιέω -ῶ (imparf. ἐποίουν, futur ποιήσω, aor. ἐποίησα, parf. πεποίηκα) : faire, fabriquer, exécuter, confectionner, produire, causer.
δεινός, ή, όν : qui inspire la crainte, et, par la suite, l’étonnement. --- cf. dico Bailly version établie par Gérard Gréco.
ἔσχατος, η, ον : qui est à l’extrémité, extrême, dernier.
ἄξιος, α, ον : qui entraîne par son poids, qui est de poids; qui vaut, qui a la valeur de.
τὸ μὲν οὖν ἐξελέγξειν πολλὰ καὶ δεινὰ πεποιηκότα τουτονὶ καὶ τῆς ἐσχάτης ὄντα τιμωρίας ἄξιον θαρρῶ καὶ πάνυ πιστεύω : démontrer dans un instant que cet individu a commis bien des forfaits et mérite les derniers châtiments, j'en ai la pleine et ferme confiance.


διαφθείρω (futur διαφθερῶ, aor. διέφθειρα, parf.1 διέφθαρκα, parf.2 διέφθορα) : détruire; mettre à mal, corrompre.
ἅπαξ adv. : une fois, une seule fois.
ἡγούμενος, ὡς ἐμοὶ δοκεῖ, τὸν ἅπαξ λαϐόντα καὶ διαφθαρένθ' ὑπὸ χρημάτων οὐδὲ κριτὴν ἔτι τῶν συμφερόντων ἀσφαλῆ μένειν τῇ πόλει : pensant, (à ce que je crois) que quiconque a touché une fois et a été corrompu par l'argent ne reste plus pour l'Etat un sûr juge de ce qui est utile.






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La vocation de Lucien






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[10] Ἤν δ᾿ ἐμοὶ πείθῃ, πρῶτον μὲν σοι πολλὰ ἐπιδείξω παλαιῶν ἀνδρῶν ἔργα καὶ πράξεις θαυμαστὰς, καὶ λόγους αὐτῶν ἀπαγγέλουσα καὶ πάντων ὡς εἰπεῖν ἔμπειρον ἀποφαίνουσα, καὶ τὴν ψυχὴν, ὅπερ σου κυριώτατόν ἐστι, κατακοσμήσῳ πολλοῖς καὶ ἀγαθοῖς κοσμήμασι, σωφροσύνῃ, δικαιοσύνῃ, εὐσεϐείᾳ, πρᾳότητι, ἐπιεικίᾳ, συνέσει, καρτερίᾳ, τῷ τῶν καλῶν ἔρωτι, τῇ πρὸς τὰ σεμνότατα ὁρμῇ· ταῦτα γὰρ ἐστιν ὁ τῆς ψυχῆς ἀκήρατος ὡς ἀληθῶς κόσμος. Λήσει δὲ σε οὔτε νῦν γενέσθαι δέον, ἀλλὰ καὶ τὰ μέλλοντα πρόψει μετ᾿ ἐμοῦ, καὶ ὅλως ἅπαντα, ὁπόσα ἐστὶ, τά τε θεῖα τά τ᾿ ἀνθρώπινα, οὐκ εἰς μακράν σε διδάξομαι.

[11] Καὶ ὁ νῦν πένης ὁ τοῦ δεῖνος, ὁ βουλευσάμενός τι περὶ ἀγεννοῦς οὕτω τέχνης, μετ᾿ ὀλίγον ἅπασι ζηλωτὸς καὶ ἐπίφθονος ἔσῃ, τιμώμενος καὶ ἐπαινούμενος καὶ ἐπὶ τοῖς ἀρίστοις εὐδοκιμῶν καὶ ὑπὸ τῶν γένει καὶ πλούτῳ προὐχόντων ἀποϐλεπόμενος, ἐσθῆτα μὲν τοιαύτην ἀμπεχόμενος, δείξασα τὴν ἑαυτῆς· πάνυ δὲ λαμπρὰν ἐφόρει- ἀρχῇς δὲ καὶ προεδρίας ἀξιούμενος· κἄν που ἀποδημῇς, οὐδ᾿ ἐπὶ τῆς ἀλλοδαπῆς ἀγνὼς καὶ ἀφανὴς ἔσῃ· τοιαῦτα σοι περιθήσω τὰ γνωρίσματα, ὥστε τῶν ὁρώντων ἕκαστος τὸν πλησίον κινήσας δεει σε τῷ δακτύλῳ "οὖτος ἐκεῖνος" λέγων.

[12] Ἄν δὲ τι σπουδῆς ἄξιον ᾖ καὶ τοὺς φίλους ἢ καὶ τὴν πόλιν ὅλην καταλαμϐάνῃ, εἰς σὲ πάντες ἀποϐλέψονται• κἄν πού τι λέγων τύχῃς, κεχηνότες οἱ πολλοὶ ἀκούσονται, θαυμάζοντες καὶ εὐδαιμονίζοντές σε τῆς δυνάμεως τῶν λόγων καὶ τὸν πατέρα τῆς εὐποτμίας ὅ δὲ λέγουσιν, ὡς ἄρα καὶ ἀθάνατοι τινες γίγνονται ἐξ ἀνθρώπων, τοῦτό σοι περιποιήσω καὶ γὰρ ἤν αὐτὸς ἐκ τ0ῦ βίου ἀπέλθῃς, οὔποτε παύσῃ συνὼν τοῖς πεπαιδευμένοις καὶ προσομιλῶν τοῖς ἀρίστοις. Ὁρᾷς τὸν Δημοσθένην ἐκεῖνον, τίνος υἱὸν ὄντα ἐγὼ ἡλίκον ἐποίησα; Ὁρᾷς τὸν Αἰσχίνην, ὅς τυμπανιστρίας υἱὸς ἦν; Ἀλλ᾿ ὅμως αὐτὸν δι᾿ ἐμὲ Φίλιππος ἐθεράπευσεν.
Ὁ δὲ Σωκράτης καὶ αὐτὸς ὑπὸ τῇ ἑρμογλυφικῇ ταύτῃ τραφεὶς ἐπειδὴ τάχιστα συνῆκε τοῦ κρείττονος καὶ δραπετεύσας παρ᾿ αὐτῆς ηὐτομόλησεν ὡς ἐμὲ, ἀκούεις ὡς παρὰ πάντων ᾄδεται.

[13] Ἀφεὶς δὲ αὐτοὺς τηλικούτους καὶ τοιούτους ἄνδρας καὶ πράξεις λαμπρὰς καὶ λόγους σεμνοὺς καὶ σχήμα εὐπρεπὲς καὶ τιμὴν καὶ δόξαν καὶ ἔπαινον καὶ προεδρίας καὶ δυνάμεις καὶ ἀρχὰς καὶ τὸ ἐπὶ λόγοις εὐδοκιμεῖν καὶ τὸ ἐπὶ συνέσει εὐδαιμονίζεσθαι χιτώνιον τὶ πιναρὸν ἐνδύσῃ καὶ σχήμα δουλοπρεπὲς ἀναλήψῃ καὶ μοχλία καὶ γλυφεῖα καὶ κοπέας καὶ κολαπτῆρας ἐν ταῖν χεροῖν ἕξεις κάτω νενευκὼς εἰς τὸ ἔργον, χαμαιπετὴς καὶ χαμαίζηλος καὶ πάντα τρόπον ταπεινὸς, ἀνακύπτων δὲ οὐδέποτε οὐδὲ ἀνδρῶδες οὐδὲ ἐλεύθερον οὐδὲν ἐπινοῶν, ἀλλὰ τὰ μὲν ἔργα ὅπως εὔρυθμα καὶ εὐσχήμονα ἔσται σοι προνοῶν, ὅπως δὲ αὐτὸς εὔρυθμος καὶ κόσμιος ἔσῃ, ἥκιστα πεφροντικώς, ἀλλ᾿ ἀτιμότερον ποιῶν σεαυτὸν λίθων.
                                                                                                                                                                               Lucien, le songe, 10-13





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πείθω (futur πείσω, aor.1 ἔπεισα, parf. πέπεικα) : persuader, convaincre.
moyen πείθομαι (futur πείσομαι, aor.2 ἐπιθόμην; passif futur πεισθήσομαι, aor. ἐπείσθην, parf. πέπεισμαι) : se laisser persuader; croire, obéir. 
memento πέποιθα : j'ai confiance.
Ἤν δ᾿ ἐμοὶ πείθῃ, πρῶτον μὲν σοι πολλὰ ἐπιδείξω παλαιῶν ἀνδρῶν ἔργα καὶ πράξεις θαυμαστὰς : en revanche, si tu me fais confiance, je te montrerai d'abord beaucoup d'œuvres des hommes de l'antiquité.

ἀφίημι (imparf. ἀφίην ou ἠφίην, futur ἀφήσω, aor.1 ἀφῆκα, aor.2 *ἀφῆν) : laisser aller, lâcher, lancer, abandonner; négliger, se détourner de.
τηλικοῦτος, -αύτη, -οῦτο ou -οῦτον : de cet âge; aussi âgé; aussi jeune; aussi grand, aussi puissant, aussi important.
εὐπρεπής, ής, ές : de belle apparence, convenable, décent.
λαμπρός, ά, όν : brillant, splendide, magnifique.
σεμνός, ή, όν : vénérable, auguste, saint.
ἀφεὶς δὲ αὐτοὺς τηλικούτους καὶ τοιούτους ἄνδρας καὶ πράξεις λαμπρὰς καὶ λόγους σεμνοὺς καὶ σχήμα εὐπρεπὲς : si tu te détournes de ces hommes si grands et si remarquables, des actions éclatantes, des nobles discours, d'une tenue pleine de décence.












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Cruauté des Trente





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6 Θέογνις γὰρ καὶ Πείσων ἔλεγον ἐν τοῖς τριάκοντα περὶ τῶν μετοίκων, ὡς εἶέν τινες τῇ πολιτείᾳ ἀχθόμενοι· καλλίστην οὖν εἶναι πρόφασιν τιμωρεῖσθαι μὲν δοκεῖν, τῷ δ' ἔργω χρηματίζεσθαι· πάντως δὲ τὴν μὲν πόλιν πένεσθαι τὴν δ' ἀρχὴν δεῖσθαι χρημάτων. 7 Καὶ τοὺς ἀκούοντας οὐ χαλεπῶς ἔπειθον· ἀποκτιννύναι μὲν γὰρ ἀνθρώπους περὶ οὐδενὸς ἡγοῦντο, λαμϐάνειν δὲ χρήματα περὶ πολλοῦ ἐποιοῦντο. Ἔδοξεν οὖν αὐτοῖς δέκα συλλαϐεῖν, τούτων δὲ δύο πένητας, ἵνα αὐτοῖς ᾖ πρὸς τοὺς ἄλλους ἀπολογία, ὡς οὐ χρημάτων ἕνεκα ταῦτα πέπρακται, ἀλλὰ συμφέροντα τῇ πολιτεία γεγένηται, ὥσπερ τι τῶν ἄλλων [εὐλόγως πεποιηκότες].

8 Διαλαϐόντες δὲ τὰς οἰκίας ἐϐάδιζον· καὶ ἐμὲ μὲν ξένους ἑστιῶντα κατέλαϐον, οὓς ἐξελάσαντες Πείσωνί με παραδιδόασιν· οἱ δὲ ἄλλοι εἰς τὸ ἐργαστήριον ἐλθόντες τὰ ἀνδράποδα ἀπεγράφοντο. 9 Ἐγὼ δὲ Πείσωνα μὲν ἠρώτων εἰ βούλοιτό με σῶσαι χρήματα λαϐών. Ὁ δ' ἔφασκεν, εἰ πολλὰ εἴη. Εἶπον ὅτι τάλαντον ἀργυρίου ἕτοιμος εἴην δοῦναι· ὁ δ' ὡμολόγησε ταῦτα ποιήσειν. Ἠπιστάμην μὲν οὖν ὅτι οὔτε θεοὺς οὔτ' ἀνθρώπους νομίζει, ὅμως δ' ἐκ τῶν παρόντων ἐδόκει μοι ἀναγκαιότατον εἶναι πίστιν παρ' αὐτοῦ λαϐεῖν. 10 Ἐπειδὴ δὲ ὤμοσεν, ἐξώλειαν ἑαυτῷ καὶ τοῖς παισὶν ἐπαρώμενος, λαϐὼν τὸ τάλαντόν με σώσειν, εἰσελθὼν εἰς τὸ δωμάτιον τὴν κιϐωτὸν ἀνοίγνυμι. Πείσων δ' αἰσθόμενος εἰσέρχεται, καὶ ἰδὼν τὰ ἐνόντα καλεῖ τῶν ὑπηρετῶν δύο, καὶ τὰ ἐν τῇ κιϐωτῷ λαϐεῖν ἐκέλευσεν. 11 Ἐπεὶ δὲ οὐχ ὅσον ὡμολόγητο εἶχεν, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἀλλὰ τρία τάλαντα ἀργυρίου καὶ τετρακοσίους κυζικηνοὺς καὶ ἑκατὸν δαρεικοὺς καὶ φιάλας ἀργυρᾶς τέτταρας, ἐδεόμην αὐτοῦ ἐφόδιά μοι δοῦναι. 
(12) ὁ δ' ἀγαπήσειν με ἔφασκεν, εἰ τὸ σῶμα σώσω.

17 Πολεμάρχῳ δὲ παρήγγειλαν οἱ τριάκοντα τοὐπ' ἐκείνων εἰθισμένον παράγγελμα, πίνειν κώνειον, πρὶν τὴν αἰτίαν εἰπεῖν δι' ἥντινα ἔμελλεν ἀποθανεῖσθαι· οὕτω πολλοῦ ἐδέησε κριθῆναι καὶ ἀπολογήσασθαι. 18 Καὶ ἐπειδὴ ἀπεδέρετο ἐκ τοῦ δεσμωτηρίου τεθνεώς, τριῶν ἡμῖν οἰκιῶν οὐσῶν ἐξ οὐδεμιᾶς εἴασαν ἐξενεχθῆναι, ἀλλὰ κλεισίον μισθωσάμενοι προὔθεντο αὐτόν. Καὶ πολλῶν ὄντων ἱματίων αἰτοῦσιν οὐδὲν ἔδοσαν εἰς τὴν ταφήν, ἀλλὰ τῶν φίλων ὁ μὲν ἱμάτιον, ὁ δὲ προσκεφάλαιον, ὁ δὲ ὅ τι ἕκαστος ἔτυχεν ἔδωκεν εἰς τὴν ἐκείνου ταφήν. 19 Καὶ ἔχοντες μὲν ἑπτακοσίας ἀσπίδας τῶν ἡμετέρων, ἔχοντες δὲ ἀργύριον καὶ χρυσίον τοσοῦτον, χαλκὸν δὲ καὶ κόσμον καὶ ἔπιπλα καὶ ἱμάτια γυναικεῖα ὅσα οὐδεπώποτε ᾤοντο κτήσεσθαι, καὶ ἀνδράποδα εἴκοσι καὶ ἑκατόν, ὧν τὰ μὲν βέλτιστα ἔλαϐον, τὰ δὲ λοιπὰ εἰς τὸ δημόσιον ἀπέδοσαν, εἰς τοσαύτην ἀπληστίαν καὶ αἰσχροκέρδειαν ἀφίκοντο καὶ τοῦ τρόπου τοῦ αὑτῶν ἀπόδειξιν ἐποιήσαντο· τῆς γὰρ Πολεμάρχου γυναικὸς χρυσοῦς ἑλικτῆρας, οὓς ἔχουσα ἐτύγχανεν, ὅτε [τὸ] πρῶτον ἦλθεν εἰς τὴν οἰκίαν Μηλόϐιος ἐκ τῶν ὤτων ἐξείλετο.
                                                                                                                                                           Lysias, contre Eratosthène, 6-11; 17-19




6 Théognis et Pison déclarèrent dans le Conseil des Trente que, parmi les métèques, il y en avait d'hostiles à la constitution : "excellent prétexte pour se procurer de l'argent, sous couleur de faire un exemple; la ville était sans ressources et le pouvoir avait besoin de fonds. 7 Ils n'eurent pas de peine à persuader des auditeurs qui comptaient pour rien la vie des gens, et pour beaucoup l'argent qu'ils en tireraient. On décida d'arrêter dix métèques, et, dans le groupe, deux pauvres, afin de pouvoir protester auprès du public que la mesure avait été dicté non par la cupidité, mais par l'intérêt de l'Etat, comme tout le reste.

8 Ils se partageaient donc les maisons, et les voilà en route. Pour moi, ils me trouvent à table avec des hôtes; ils les chassent et me livrent à Pison. Le reste de la bande entre dans l'atelier et dresse la liste des esclaves. Je dis à Pison : "Veux-tu me sauver pour de l'argent" ?  9 "Oui", répond-il, "si la somme est forte". Je me déclarai prêt à lui donner un talent. "Entendu", fit-il. Je le connaissais pour n'avoir ni foi ni loi; pourtant, dans ma situation, il me parut indispensable d'exiger de lui un serment.  10 Il jura sur la tête de ses enfants et sur la sienne de me sauver la vie pour un talent. J'entre alors dans ma chambre, et j'ouvre mon coffre. Pison s'en aperçoit, entre à son tour, et, voyant le contenu, il appelle deux de ses aides et leur ordonne de s'en saisir. 11 Ce n'était plus seulement la somme convenu, juges, mais trois talents d'argent, quatre cents cyzicènes, cent dariques et quatre coupes d'argent : je lui demandai de me laisser au moins de quoi voyager. (12) "Tu devras t'estimer heureux, me répondit-il,  si tu as la vie sauve". 

17 Quant à Polémarque, les Trente lui envoyèrent leur ordre habituel, celui de boire la ciguë, sans lui faire connaître le motif de sa condamnation, à plus forte raison sans le juger ni le laisser se défendre. 18 Une fois mort, ils l'emportèrent hors de la prison; mais au lieu de laisser le convoi partir d'une des trois maisons qui nous appartenaient, ils louèrent un hangar pour y exposer le corps. Nous avions beaucoup de manteaux, mais quand on en demanda, ils n'en donnèrent pas un seul pour les funérailles; mais ce furent nos amis qui fournirent, l'un un manteau, l'autre un coussin, chacun enfin ce qu'il pouvait avoir, pour l'ensevelir. 19 Ils avaient à nous sept cents boucliers, ils avaient de l'argent et de l'or en quantité, du cuivre, des bijoux, des meubles, des vêtements de femmes plus qu'ils  n'avaient jamais espéré en prendre, sans parler de cent vingt esclaves, dont ils gardèrent les meilleurs pour eux, abandonnant le reste au trésor. Voyez pourtant jusqu'où alla leur insatiable cupidité et comment ils montrèrent ce qu'ils étaient. La femme de Polémarque avait des pendants d'or qu'elle possédait lorsqu'elle entra dans la maison : Mélibios les lui arracha des oreilles.
       trad. Louis Gernet et Marcel Bizos; éd. les belles lettres




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ἄχθομαι (futur ἀχθέσομαι ou ἀχθεσθήσομαι, aor. ἠχθέσθην) : être chargé; être accablé, souffrir; supporter.
Θέογνις γὰρ καὶ Πείσων ἔλεγον ἐν τοῖς τριάκοντα περὶ τῶν μετοίκων, ὡς εἶέν τινες τῇ πολιτείᾳ ἀχθόμενοι : Théognis et Pison déclarèrent dans le Conseil des Trente que, parmi les métèques, il y en avait d'hostiles à la constitution.


διαλαμϐάνω (futur διαλήψομαι, aor.2 διέλαϐον, parf. διείληφα, etc.) : prendre ou recevoir séparément;  diviser, séparer, se répartir.
ἑστιάω, -ῶ (imparf. εἱστίων, futur ἑστιάσω, aor. εἱστίασα) : recevoir à son foyer, donner l’hospitalité à; recevoir à sa table.
ἐξελαύνω (futur ἐξελάσω, att. et ion. ἐξελῶ, aor. ἐξήλασα, parf. ἐξελήλακα) : pousser hors de; expulser, chasser.
παραδίδωμι (futur παραδώσω, etc.) : remettre de la main à la main; livrer, remettre.
διαλαϐόντες δὲ τὰς οἰκίας ἐϐάδιζον· καὶ ἐμὲ μὲν ξένους ἑστιῶντα κατέλαϐον, οὓς ἐξελάσαντες Πείσωνί με παραδιδόασιν : ils se partageaient donc les maisons, et les voilà en route; pour moi, ils me trouvent à table avec des hôtes; ils les chassent et me livrent à Pison.

ἑλικτήρ, ῆρος (ὁ) : objet enroulé ou recourbé; boucle de cheveux; pendant d’oreilles.
ἐξαιρέω-ῶ (futur ἐξαιρήσω, aor.2 ἐξεῖλον, parf. ἐξῄρηκα) : extraire, retrancher; ôter, enlever.

οὖς, gén. ὠτός (τὸ) : oreille.
τῆς γὰρ Πολεμάρχου γυναικὸς χρυσοῦς ἑλικτῆρας, οὓς ἔχουσα ἐτύγχανεν, ὅτε [τὸ] πρῶτον ἦλθεν εἰς τὴν οἰκίαν Μηλόϐιος ἐκ τῶν ὤτων ἐξείλετο : la femme de Polémarque avait des pendants d'or qu'elle possédait lorsqu'elle entra dans la maison : Mélibios les lui arracha des oreilles.













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La morale de Calliclès   






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  (Καλλίκλης)
 
πάνυ γε σφόδρα, ὦ Σώκρατες. ἐπεὶ πῶς ἂν εὐδαίμων γένοιτο ἄνθρωπος δουλεύων ὁτῳοῦν; ἀλλὰ τοῦτ' ἐστὶν τὸ κατὰ φύσιν καλὸν καὶ δίκαιον, ὃ ἐγώ σοι νῦν παρρησιαζόμενος λέγω, ὅτι δεῖ τὸν ὀρθῶς βιωσόμενον τὰς μὲν ἐπιθυμίας τὰς ἑαυτοῦ ἐᾶν ὡς μεγίστας εἶναι καὶ μὴ κολάζειν. (492a) ταύταις δὲ ὡς μεγίσταις οὔσαις ἱκανὸν εἶναι ὑπηρετεῖν δι' ἀνδρείαν καὶ φρόνησιν, καὶ ἀποπιμπλάναι ὧν ἂν ἀεὶ ἡ ἐπιθυμία γίγνηται.

ἀλλὰ τοῦτ' οἶμαι τοῖς πολλοῖς οὐ δυνατόν· ὅθεν ψέγουσιν τοὺς τοιούτους δι' αἰσχύνην, ἀποκρυπτόμενοι τὴν αὑτῶν ἀδυναμίαν, καὶ αἰσχρὸν δή φασιν εἶναι τὴν ἀκολασίαν, ὅπερ ἐν τοῖς πρόσθεν ἐγὼ ἔλεγον, δουλούμενοι τοὺς βελτίους τὴν φύσιν ἀνθρώπους, καὶ αὐτοὶ οὐ δυνάμενοι ἐκπορίζεσθαι ταῖς ἡδοναῖς πλήρωσιν (492b) ἐπαινοῦσιν τὴν σωφροσύνην καὶ τὴν δικαιοσύνην διὰ τὴν αὑτῶν ἀνανδρίαν. ἐπεὶ ὅσοις ἐξ ἀρχῆς ὑπῆρξεν ἢ βασιλέων ὑέσιν εἶναι ἢ αὐτοὺς τῇ φύσει ἱκανοὺς ἐκπορίσασθαι ἀρχήν τινα ἢ τυραννίδα ἢ δυναστείαν, τί τῇ ἀληθείᾳ αἴσχιον καὶ κάκιον <ἂν> εἴη σωφροσύνης καὶ δικαιοσύνης τούτοις τοῖς ἀνθρώποις, οἷς ἐξὸν ἀπολαύειν τῶν ἀγαθῶν καὶ μηδενὸς ἐμποδὼν ὄντος, αὐτοὶ ἑαυτοῖς δεσπότην ἐπαγάγοιντο τὸν τῶν πολλῶν ἀνθρώπων νόμον τε καὶ λόγον καὶ ψόγον ; ἢ πῶς οὐκ ἂν ἄθλιοι γεγονότες (492c) εἶεν ὑπὸ τοῦ καλοῦ τοῦ τῆς δικαιοσύνης καὶ τῆς σωφροσύνης, μηδὲν πλέον νέμοντες τοῖς φίλοις τοῖς αὑτῶν ἢ τοῖς ἐχθροῖς, καὶ ταῦτα ἄρχοντες ἐν τῇ ἑαυτῶν πόλει; ἀλλὰ τῇ ἀληθείᾳ, ὦ Σώκρατες, ἣν φῂς σὺ διώκειν, ὧδ' ἔχει· τρυφὴ καὶ ἀκολασία καὶ ἐλευθερία, ἐὰν ἐπικουρίαν ἔχῃ, τοῦτ' ἐστὶν ἀρετή τε καὶ εὐδαιμονία, τὰ δὲ ἄλλα ταῦτ' ἐστὶν τὰ καλλωπίσματα, τὰ παρὰ φύσιν συνθήματα ἀνθρώπων, φλυαρία καὶ οὐδενὸς ἄξια.

 (Σωκράτης)

(492d) οὐκ ἀγεννῶς γε, ὦ Καλλίκλεις, ἐπεξέρχῃ τῷ λόγῳ παρρησιαζόμενος· σαφῶς γὰρ σὺ νῦν λέγεις ἃ οἱ ἄλλοι διανοοῦνται μέν, λέγειν δὲ οὐκ ἐθέλουσιν.
                                                                                                                                                                                 Platon, Gorgias, 491e-492d



CALLICLÈS.
Tu parles d'eux très expressément, Socrate. Qui donc, en effet, peut être heureux, s'il est esclave de qui que ce soit ? Non; le beau et le juste, selon la nature, c'est ce que je suis en train de t'expliquer sans déguisement : à savoir, que pour bien vivre, il faut entretenir en soi-même les plus fortes passions au lieu de les réprimer, (492a) et qu'à ces passions, quelles que fortes qu'elles soient, il faut se mettre en état de donner satisfaction par son courage et son intelligence, en leur prodiguant tout ce qu'elles désirent.

Mais cela, sans doute,  n'est pas à la portée du vulgaire; de là vient que la foule blâme ceux qu'elle rougit de ne pouvoir imiter, dans l'espoir de cacher par là sa propre faiblesse; elle déclare que l'intempérance est honteuse, s'appliquant, comme je le disais précédemment, à asservir les hommes mieux doués par la nature, et, faute de pouvoir elle-même procurer à ses passions une satisfaction complète, (492b) elle vante la tempérance et la justice à cause de sa propre lâcheté. Quand un homme est né de roi ou trouve d'abord en lui-même la force nécessaire pour conquérir un commandement, une tyrannie, un pouvoir suprême, que pourrait-il, en vérité, y avoir de plus honteux et de plus funeste pour un homme qu'une sage tempérance ? Quand on peut jouir de tous les biens sans que personne y fasse obstacle, on se donnerait pour maître à soi-même la loi de la foule, ses propos et son blâme ? Et comment cet homme ne serait-il pas malheureux, du fait de la morale, selon la justice et la tempérance, lorsqu'il ne pourrait rien donner de plus à ses amis qu'à ses ennemis, et cela dans sa propre cité, où il serait le maître ?

La vérité, Socrate, que tu prétends chercher, la voici : la vie facile, l'intempérance, la licence, quand elles sont favorisées, font la vertu et le bonheur; le reste, toutes ces fantasmagories qui reposent sur les conventions humaines contraires à la nature, n'est que sottise et néant.

SOCRATE.
(492d) Ton exposé, Calliclès, ne manque ni de bravoure ni de  franchise : tu as exprimé clairement ce que les autres pensent, mais n'osent pas dire.
                    trad. Alfred Croiset et Jean-François Pradeau; éd. les belles lettres



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ὑπηρετέω, -ῶ (futur ὑπηρετήσω, aor. ὑπηρέτησα, parf. ὑπηρέτηκα) : servir comme rameur ou comme matelot; servir, aider, assister, se mettre à la disposition de.
ἀνδρεία, ας (ἡ) : virilité, énergie, bravoure, courage.
φρόνησις, εως (ἡ) : pensée, dessein; intelligence raisonnable, raison, sagesse.
ἀποπίμπλημι (futur ἀποπλήσω, etc.) : remplir complètement.
ἀποπιμπλάναι ἐπιθυμίας : satisfaire ses désirs.
ἐπιθυμία, ας (ἡ) : désir, souhait.
ἐν ἐπιθυμίᾳ εἶναί τινος, PLAT. Prot. 318a, ou γίγνεσθαι, PLAT. Leg. 841c : avoir le désir de quelque chose.
γίγνομαι (imparf. ἐγιγνόμην, futur γενήσομαι, aor.2 ἐγενόμην) : devenir; naître. --- voir conj. subjonctif.
ταύταις δὲ ὡς μεγίσταις οὔσαις ἱκανὸν εἶναι ὑπηρετεῖν δι' ἀνδρείαν καὶ φρόνησιν, καὶ ἀποπιμπλάναι ὧν ἂν ἀεὶ ἡ ἐπιθυμία γίγνηται : lorsqu'elles sont ainsi parvenues à leur plus grand développement, il faut être en état de les satisfaire par son courage et son intelligence, et de remplir chaque désir à mesure qu'il naît.


                                             










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  L'œil du maître





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(12, 17) ἴθι, ἐγὼ ἔφην, ὦ Ἰσχόμαχε, καὶ τόδε μοι παρατραπόμενος τοῦ λόγου περὶ τῶν παιδευομένων εἰς τὴν ἐπιμέλειαν δήλωσον περὶ τοῦ παιδεύεσθαι, εἰ οἷόν τέ ἐστιν ἀμελῆ αὐτὸν ὄντα ἄλλους ποιεῖν ἐπιμελεῖς. (18) οὐ μὰ Δί', ἔφη ὁ Ἰσχόμαχος, οὐδέν γε μᾶλλον ἢ ἄμουσον ὄντα αὐτὸν ἄλλους μουσικοὺς ποιεῖν. χαλεπὸν γὰρ τοῦ διδασκάλου πονηρῶς τι ὑποδεικνύοντος καλῶς τοῦτο ποιεῖν μαθεῖν, καὶ ἀμελεῖν γε ὑποδεικνύοντος τοῦ δεσπότου χαλεπὸν ἐπιμελῆ θεράποντα γενέσθαι.

(19) ὡς δὲ συντόμως εἰπεῖν, πονηροῦ μὲν δεσπότου οἰκέτας οὐ δοκῶ χρηστοὺς καταμεμαθηκέναι · χρηστοῦ μέντοι πονηροὺς ἤδη εἶδον, οὐ μέντοι ἀζημίους γε. τὸν δὲ ἐπιμελητικοὺς βουλόμενον ποιήσασθαί τινας καὶ ἐφορατικὸν δεῖ εἶναι τῶν ἔργων καὶ ἐξεταστικὸν καὶ χάριν θέλοντα τῶν καλῶς τελουμένων ἀποδιδόναι τῷ αἰτίῳ, καὶ δίκην μὴ ὀκνοῦντα τὴν ἀξίαν ἐπιθεῖναι τῷ ἀμελοῦντι.

(20) καλῶς δέ μοι δοκεῖ ἔχειν, ἔφη ὁ Ἰσχόμαχος, καὶ ἡ τοῦ βαρϐάρου λεγομένη ἀπόκρισις, ὅτε βασιλεὺς ἄρα ἵππου ἐπιτυχὼν ἀγαθοῦ παχῦναι αὐτὸν ὡς τάχιστα βουλόμενος ἤρετο τῶν δεινῶν τινα ἀμφ' ἵππους δοκούντων εἶναι τί τάχιστα παχύνει ἵππον  · τὸν δ' εἰπεῖν λέγεται ὅτι δεσπότου ὀφθαλμός. οὕτω δ', ἔφη, ὦ Σώκρατες, καὶ τἆλλα μοι δοκεῖ δεσπότου ὀφθαλμὸς τὰ καλά τε κἀγαθὰ μάλιστα ἐργάζεσθαι.
                                                                                                                                                                                         Xénophon, Economique 12, 17-20





(12, 17)
 Allons, dis-je, Ischomaque, laisse de côté la question du choix des hommes que l'on forme à ses soins, et explique-moi plutôt au sujet de cette formation même s'il est possible quand on est soi-même négligent de rendre d'autres capables de prendre soin de quelque chose. (18) Non, par Zeus,  dit Ischomaque, pas plus que d'enseigner la musique à autrui quand on n'est pas musicien soi-même. Il est bien difficile, quand le professeur donne de mauvais exemples, d'apprendre soi-même à bien faire; de même si le maître donne l'exemple de la négligence, il est difficile que le serviteur devienne soigneux.

(19) Pour tout dire en un mot, je ne crois pas avoir jamais découvert chez un mauvais maître de bons domestiques; en revanche, j'ai déjà vu chez un bon maître de mauvais serviteurs, et cela en dépit des punitions. Si quelqu'un veut former des gens aptes à veiller avec soin à ses affaires, il faut qu'il soit lui-même apte à surveiller et à examiner les travaux, qu'il soit décidé quand un travail est bien exécuté à en témoigner sa reconnaissance à celui qui en est responsable, et qu'il n'hésite pas à châtier la négligence qomme elle le mérite.

(20) J'approuve, a ajouté Ischomaque, la réponse qu'on attribue à ce barbare : le grand roi était justement tombé sur un bon cheval et désirait le faire forcir aussi vite que possible, il demanda à l'un de ceux qui passaient pour s'y connaître en chevaux ce qui faisait forcir un cheval le plus rapidement : l'autre a répondu, dit-on, "l'œil du maître". De même en tout affaire, c'est surtout l'œil du maître  qui peut tout mener à bien.
                                                               trad. Pierre Chantraine; éd. les belles lettres


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παρατρέπω : détourner.
moyen παρατρέπομαι : se détourner; s'écarter.
παρατραπόμενος τοῦ λόγου : s'étant écarté de l’objet de son discours.

τἄλλα, crase pour τὰ ἄλλα, voir ἄλλος.
κἀγαθός, crase pour καὶ ἀγαθός.
τὰ καλά τε κἀγαθὰ = τὰ καλά τε καὶ ἀγαθὰ








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Quelle belle chose que l'ordre !





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8, 3) ἔστι δ' οὐδὲν οὕτως, ὦ γύναι, οὔτ' εὔχρηστον οὔτε καλὸν ἀνθρώποις ὡς τάξις. καὶ γὰρ χορὸς ἐξ ἀνθρώπων συγκείμενός ἐστιν · ἀλλ' ὅταν μὲν ποιῶσιν ὅ τι ἂν τύχῃ ἕκαστος, ταραχή τις φαίνεται καὶ θεᾶσθαι ἀτερπές, ὅταν δὲ τεταγμένως ποιῶσι καὶ φθέγγωνται, ἅμα οἱ αὐτοὶ οὗτοι καὶ ἀξιοθέατοι δοκοῦσιν εἶναι καὶ ἀξιάκουστοι. (4) καὶ στρατιά γε, ἔφην ἐγώ, ὦ γύναι, ἄτακτος μὲν οὖσα ταραχωδέστατον, καὶ τοῖς μὲν πολεμίοις εὐχειρωτότατον, τοῖς δὲ φίλοις ἀκλεέστατον ὁρᾶν καὶ ἀχρηστότατον, ὄνος ὁμοῦ, ὁπλίτης, σκευοφόρος, ψιλός, ἱππεύς, ἅμαξα. πῶς γὰρ ἂν πορευθείησαν, ἔχοντες οὕτως ἐπικωλύσωσιν ἀλλήλους, ὁ μὲν βαδίζων τὸν τρέχοντα, ὁ δὲ τρέχων τὸν ἑστηκότα, ἡ δὲ ἅμαξα τὸν ἱππέα, ὁ δὲ ὄνος τὴν ἅμαξαν, ὁ δὲ σκευοφόρος τὸν ὁπλίτην; (5) εἰ δὲ καὶ μάχεσθαι δέοι, πῶς ἂν οὕτως ἔχοντες μαχέσαιντο; οἷς γὰρ ἀνάγκη αὐτῶν τοὺς ἐπιόντας φεύγειν, οὗτοι ἱκανοί εἰσι φεύγοντες καταπατῆσαι τοὺς ὅπλα ἔχοντας. (6) τεταγμένη δὲ στρατιὰ κάλλιστον μὲν ἰδεῖν τοῖς φίλοις, δυσχερέστατον δὲ τοῖς πολεμίοις. τίς μὲν γὰρ οὐκ ἂν φίλος ἡδέως θεάσαιτο ὁπλίτας πολλοὺς ἐν τάξει πορευομένους, τίς δ' οὐκ ἂν θαυμάσειεν ἱππέας κατὰ τάξεις ἐλαύνοντας, τίς δὲ οὐκ ἂν πολέμιος φοϐηθείη ἰδὼν διηυκρινημένους ὁπλίτας, ἱππέας, πελταστάς, τοξότας, σφενδονήτας, καὶ τοῖς ἄρχουσι τεταγμένως ἑπομένους; (7) ἀλλὰ καὶ πορευομένων ἐν τάξει, κἂν πολλαὶ μυριάδες ὦσιν, ὁμοίως ὥσπερ εἷς ἕκαστος καθ' ἡσυχίαν πάντες πορεύονται: εἰς γὰρ τὸ κενούμενον ἀεὶ ὄπισθεν ἐπέρχονται. (8) καὶ τριήρης δέ τοι ἡ σεσαγμένη ἀνθρώπων διὰ τί ἄλλο φοϐερόν ἐστι πολεμίοις ἢ φίλοις ἀξιοθέατον ἢ ὅτι ταχὺ πλεῖ; διὰ τί δὲ ἄλλο ἄλυποι ἀλλήλοις εἰσὶν οἱ ἐμπλέοντες ἢ διότι ἐν τάξει μὲν κάθηνται, ἐν τάξει δὲ προνεύουσιν, ἐν τάξει δ' ἀναπίπτουσιν, ἐν τάξει δ' ἐμϐαίνουσι καὶ ἐκϐαίνουσιν; (9) ἡ δ' ἀταξία ὅμοιόν τί μοι δοκεῖ εἶναι οἷόνπερ εἰ γεωργὸς ὁμοῦ ἐμϐάλοι κριθὰς καὶ πυροὺς καὶ ὄσπρια, κἄπειτα, ὁπότε δέοι ἢ μάζης ἢ ἄρτου ἢ ὄψου, διαλέγειν δέοι αὐτῷ ἀντὶ τοῦ λαϐόντα διηυκρινημένοις χρῆσθαι.
                                                                                                                                                                         Xénophon, Economique, 8, 3-9






(8, 3) Or il n'est rien au monde, ma femme, d'aussi utile que l'ordre, ni d'aussi beau. Un chœur est composé d'hommes, mais s'ils font chacun n'importe quel geste, c'est un spectacle confus et désagréable à voir; au contraire, lorsque leurs  gestes et leurs chants sont bien ordonnés, ces mêmes hommes  nous semblent vraiment mériter d'être vus et entendus. (4) Il en va de même, dis-je, ma femme, d'une armée : est-elle en désordre ? C'est une affreuse cohue, une proie bien facile pour l'ennemi, mais rien n'est plus pénible à voir pour des amis, ni plus inutile : pêle-mêle les ânes, les hoplites, les valets d'armée, les troupes légères, les cavaliers, les chariots. Comment pourraient-ils avancer en pareil désordre ? Ils se barreront la route les uns aux autres, celui qui marche à celui qui court, celui qui court à celui qui est arrêté, le chariot au cavalier, l'âne au chariot, le valet d'armée à l'hoplite. (5) Et s'il fallait se battre, comment pourraient-ils livrer bataille dans un tel désordre ? Car ceux dont la mission est de  se replier rapidement devant une attaque sont bien capables dans leur repli de piétiner les hoplites. (6) Au contraire une armée en bon ordre est le plus beau des spectacles pour les amis, le plus désagréable pour les ennemis. Quel ami ne prendrait pas plaisir à regarder une grands troupe d'hoplites marchant en bon ordre ? Qui n'admirerait des cavaliers qui s'avancent formés en escadrons ? Quel ennemi, en revanche, ne prendrait pas peur en voyant hoplites, cavaliers, peltastes, archers, frondeurs rangés en corps distincts et suivant en bon ordre leurs officiers ? (7) Quand ils s'avancent en ordre, même s'ils sont des milliers et des milliers, tous les soldats s'avancent sans encombre comme un seul homme, ceux qui sont derrière emboîtent régulièrement le pas à ceux qui les précèdent. (8)(9) Voici ce qui donne, à mon avis, une idée  du désordre : un agriculteur qui verserait pêle-mêle de l'orge, du froment, des légumes secs, ensuite, chaque fois qu'il lui faudrait galette, pain ou plat de légumes il devrait les trier au lieu de n'avoir à puiser qu'à des tas bien distincts.
                                    trad. Pierre Chantraine; éd. les belles lettres


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πῶς γὰρ ἂν πορευθείησαν, ἔχοντες οὕτως ἐπικωλύσωσιν ἀλλήλους, ὁ μὲν βαδίζων τὸν τρέχοντα, ὁ δὲ τρέχων τὸν ἑστηκότα, ἡ δὲ ἅμαξα τὸν ἱππέα, ὁ δὲ ὄνος τὴν ἅμαξαν, ὁ δὲ σκευοφόρος τὸν ὁπλίτην : comment pourraient-ils avancer en pareil désordre ? Ils se barreront la route les uns aux autres, celui qui marche à celui qui court, celui qui court à celui qui est arrêté, le chariot au cavalier, l'âne au chariot, le valet d'armée à l'hoplite.

εἰ δὲ καὶ μάχεσθαι δέοι, πῶς ἂν οὕτως ἔχοντες μαχέσαιντο; et s'il fallait se battre, comment pourraient-ils livrer bataille dans un tel désordre ?

διευκρινέω ῶ : séparer avec soin, disposer séparément en bon ordre; distinguer, discerner; examiner en détail, avec soin.









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Rendre les gens zélés, ardents au travail




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(6) ἀλλ' ὥσπερ ἰδιώταις ἔστιν οἷς ἐγγίγνεται φιλοπονία τις, οὕτω καὶ ὅλῳ τῷ στρατεύματι ὑπὸ τῶν ἀγαθῶν ἀρχόντων ἐγγίγνεται καὶ τὸ φιλοπονεῖν καὶ τὸ φιλοτιμεῖσθαι ὀφθῆναι καλόν τι ποιοῦντας ὑπὸ τοῦ ἄρχοντος. (7) πρὸς ὅντινα δ' ἂν ἄρχοντα διατεθῶσιν οὕτως οἱ ἑπόμενοι, οὗτοι δὴ ἐρρωμένοι γε ἄρχοντες γίγνονται, οὐ μὰ Δί' οὐχ οἳ ἂν αὐτῶν ἄριστα τὸ σῶμα τῶν στρατιωτῶν ἔχωσι καὶ ἀκοντίζωσι καὶ τοξεύωσιν ἄριστα καὶ ἵππον ἄριστον ἔχοντες ὡς ἱππικώτατα ἢ πελταστικώτατα προκινδυνεύωσιν, ἀλλ' οἳ ἂν δύνωνται ἐμποιῆσαι τοῖς στρατιώταις ἀκολουθητέον εἶναι καὶ διὰ πυρὸς καὶ διὰ παντὸς κινδύνου.

(8) τούτους δὴ δικαίως ἄν τις καλοίη μεγαλογνώμονας, ᾧ ἂν ταῦτα γιγνώσκοντες πολλοὶ ἕπωνται, καὶ μεγάλῃ χειρὶ εἰκότως οὗτος λέγοιτο πορεύεσθαι οὗ ἂν τῇ γνώμῃ πολλαὶ χεῖρες ὑπηρετεῖν ἐθέλωσι, καὶ μέγας τῷ ὄντι οὗτος ἁνὴρ ὃς ἂν μεγάλα δύνηται γνώμῃ διαπράξασθαι μᾶλλον ἢ ῥώμῃ. (9) οὕτω δὲ καὶ ἐν τοῖς ἰδίοις ἔργοις, ἄν τε ἐπίτροπος ᾖ ὁ ἐφεστηκὼς ἄν τε καὶ ἐπιστάτης, ὃς ἂν δύνηται προθύμους καὶ ἐντεταμένους παρέχεσθαι εἰς τὸ ἔργον καὶ συνεχεῖς, οὗτοι δὴ οἱ ἁνύτοντές εἰσιν ἐπὶ τἀγαθὰ καὶ πολλὴν τὴν περιουσίαν ποιοῦντες.

(10) τοῦ δὲ δεσπότου ἐπιφανέντος, ὦ Σώκρατες, ἔφη, ἐπὶ τὸ ἔργον, ὅστις δύναται καὶ μέγιστα βλάψαι τὸν κακὸν τῶν ἐργατῶν καὶ μέγιστα τιμῆσαι τὸν πρόθυμον, εἰ μηδὲν ἐπίδηλον ποιήσουσιν οἱ ἐργάται, ἐγὼ μὲν αὐτὸν οὐκ ἂν ἀγαίμην, ἀλλ' ὃν ἂν ἰδόντες κινηθῶσι καὶ μένος ἑκάστῳ ἐμπέσῃ τῶν ἐργατῶν καὶ φιλονικία πρὸς ἀλλήλους καὶ φιλοτιμία κρατιστεῦσαι ἑκάστῳ, τοῦτον ἐγὼ φαίην ἂν ἔχειν τι ἤθους βασιλικοῦ.
                                                                                                                                                                  Xénophon, Economique, 21, 6-10


(6) Comme on voit parfois chez de simples soldats une ardeur innée à se donner de la peine, de même de bons officiers font naître dans toute leur armée tout entière l'ardeur à se donner de la peine, l'ardeur à mériter des récompenses sous les yeux du chef en accomplissant quelque exploit. (7) Que les hommes de troupe se trouvent dans de telles dispositions à l'égard de leur chef, voilà qui fait des chefs puissants; non, par Zeus, ce ne sont pas ceux dont le corps est plus robuste que celui de leurs soldats ou ceux qui tirent le mieux à l'arc ou au javelot, ni ceux qui, montant le meilleur cheval, affrontent les dangers au premier rang en se montrant les meilleurs cavaliers ou les meilleurs peltastes,  mais ceux qui inspirent à leurs soldats la volonté de les suivre à travers le feu et à travers n'importe quel danger.

(8) Voilà ceux que l'on a le droit d'appeler des chefs au grand caractère, ceux que suivent avec le même cœur beaucoup de soldats, et on peut bien dire qu'il est terrible le bras du guerrier qui s'avance avec tant de bras tout disposés à lui obéir; il est véritablement grand cet homme capable d'accomplir de grandes choses par la force de son caractère plutôt que par la vigueur de son corps. (9) De même, quand il s'agit des affaires d'un particulier : lorsque celui qui y est préposé, intendant ou surveillant, est capable de rendre ses gens zélés, ardents au travail, persévérants, voilà les hommes qui ont vite fait de vous mener au succès et de vous faire acquérir une belle fortune.

(10) Mais, Socrate, ajoutait-il, quand le maître se montre sur le lieu de travail, lui qui a le pouvoir d'infliger les plus grands châtiments au mauvais ouvrier comme d'accorder  les plus grandes récompenses à celui qui fait preuve de zèle, si les ouvriers ne manfestent pas de leur mieux leur ardeeur, vraiment je ne saurais éprouver pour lui la moindre admiration;  lorsqu'au contraire, la vue du maître les stimule et leur inspire à chacun du courage, une émulation mutuelle, cette ambition en chacun de semontrer le meilleur, alors je suis prêt à reconnaître dans le caractère de cet homme quelque chose de royal.

                       trad. Pierre Chantraine; éd. les belles lettres

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ἐγγίγνομαι (futur ἐγγενήσομαι, aor. ἐνεγενόμην) : naître dans; être inné, être naturel à; se produire.
impers. ἐγγίγνεται : se produire; être possible.
φιλοπονία, ας (ἡ) : amour du travail, habitudes laborieuses.
φιλοτιμέομαι, -οῦμαι (futur φιλοτιμήσομαι et au sens moyen φιλοτιμηθήσομαι, ao. ἐφιλοτιμησάμην et au sens moyen ἐφιλοτιμήθην, parf. πεφιλοτίμημαι) : litt. aimer l’honneur; aimer et chercher de l’honneur, avoir de l’ambition.
μεγαλογνώμων, ων, ον, gén. ονος : qui a de grands sentiments, magnanime.
τὸ μεγαλογνῶμον : la magnanimité.









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Tout le monde n'est pas apte à commander

 



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(21, 3) οἷον καὶ ἐν τριήρει, ἔφη, ὅταν πελαγίζωσι, καὶ δέῃ περᾶν ἡμερινοὺς πλοῦς ἐλαύνοντας, οἱ μὲν τῶν κελευστῶν δύνανται τοιαῦτα λέγειν καὶ ποιεῖν ὥστε ἀκονᾶν τὰς ψυχὰς τῶν ἀνθρώπων ἐπὶ τὸ ἐθελοντὰς πονεῖν, οἱ δὲ οὕτως ἀγνώμονές εἰσιν ὥστε πλέον ἢ ἐν διπλασίῳ χρόνῳ τὸν αὐτὸν ἁνύτουσι πλοῦν. καὶ οἱ μὲν ἱδροῦντες καὶ ἐπαινοῦντες ἀλλήλους, ὅ τε κελεύων καὶ οἱ πειθόμενοι, ἐκϐαίνουσιν, οἱ δὲ ἀνιδρωτὶ ἥκουσι, μισοῦντες τὸν ἐπιστάτην καὶ μισούμενοι.

(4) καὶ τῶν στρατηγῶν ταύτῃ διαφέρουσιν, ἔφη, οἱ ἕτεροι τῶν ἑτέρων · οἱ μὲν γὰρ οὔτε πονεῖν ἐθέλοντας οὔτε κινδυνεύειν παρέχονται, πείθεσθαί τε οὐκ ἀξιοῦντας οὐδ' ἐθέλοντας ὅσον ἂν μὴ ἀνάγκη ᾖ, ἀλλὰ καὶ μεγαλυνομένους ἐπὶ τῷ ἐναντιοῦσθαι τῷ ἄρχοντι · οἱ δὲ αὐτοὶ οὗτοι οὐδ' αἰσχύνεσθαι ἐπισταμένους παρέχουσιν, ἄν τι τῶν αἰσχρῶν συμϐαίνῃ.

(5) οἱ δ' αὖ θεῖοι καὶ ἀγαθοὶ καὶ ἐπιστήμονες ἄρχοντες τοὺς αὐτοὺς τούτους, πολλάκις δὲ καὶ ἄλλους παραλαμϐάνοντες, αἰσχυνομένους τε ἔχουσιν αἰσχρόν τι ποιεῖν καὶ πείθεσθαι οἰομένους βέλτιον εἶναι, καὶ ἀγαλλομένους τῷ πείθεσθαι ἕνα ἕκαστον καὶ σύμπαντας, πονεῖν ὅταν δεήσῃ, οὐκ ἀθύμως πονοῦντας.

(6)
ἀλλ' ὥσπερ ἰδιώταις ἔστιν οἷς ἐγγίγνεται φιλοπονία τις, οὕτω καὶ ὅλῳ τῷ στρατεύματι ὑπὸ τῶν ἀγαθῶν ἀρχόντων ἐγγίγνεται καὶ τὸ φιλοπονεῖν καὶ τὸ φιλοτιμεῖσθαι ὀφθῆναι καλόν τι ποιοῦντας ὑπὸ τοῦ ἄρχοντος.
                                                                                                                                                                          Xénophon, Economique, 21, 3-6





(21, 3) Par exemple, dans une trière, ajoutait-il, lorsqu'on navigue en  pleine mer et qu'il faut faire à la rame des traversées qui durent un jour entier, certains chefs de nage trouvent ce qu'il faut dire et ce qu'il faut faire pour stimuler l'ardeur des rameurs et les faire peiner de bon cœur, mais d'autres savent tellement mal s'y prendre qu'il faut plus du double de temps pour accomplir la même traversée. Les uns sont couverts de sueur mais se félicitent mutuellement, chef et équipage, lorsqu'ils débarquent; les autres arrivent le corps bien sec, mais ils en veulent à leur officier et leur officier leur en veut.

(4) Les généraux diffèrent aussi les uns les autres à cet égard.  Les uns font de leurs hommes des gens qui ne sont  disposés ni à se donner de la peine, ni à s'exposer au danger,  qui ne daignent et ne consentent à obéir que contraints par la nécessité, qui même sont tout fiers de tenir tête à leur chef. Ce sont ces mêmes généraux qui ne leur apprennent pas non plus à avoir le sens de l'honneur si quelque affaire peu honorable survient.

(5) Au contraire, les chefs qui sont inspirés des dieux, qui sont braves, qui sont capables, donnez-leur à commander ces mêmes soldats, confiez-leur en n'importe quels autres encore si vous voulez, ils ont des hommes que leur sens de l'honneur empêche de commettre un acte contraire aux lois de l'honneur, qui comprennent les avantages de l'obéissance et qui, mettant leur fierté à obéir chacun pour son compte et tous ensemble, quand il faut se donner de la peine, se donnent de la peine de bon cœur. 

(6)
Comme on voit parfois chez de simples soldats une ardeur innée à se donner de la peine, de même de bons officiers font naître dans leur armée tout entière à se donner de la peine, l'ardeur à mériter des récompenses sous les yeux du chef en accomplissant quelque exploit.
         trad. Pierre Chantraine; éd. les belles lettres


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πελαγίζω : naviguer en pleine mer.
ἡμερινός, ή, όν : du jour, qui se fait pendant le jour.
πλόος -οῦς, όου-οῦ (ὁ) : navigation, traversée.
ἀκονάω, -ῶ (futur ἀκονήσω, aor. ἠκόνησα) : aiguiser (une arme).
fig. ἀκονᾶν τὴν ψυχὴν ἐπί τι : exciter les âmes ou l’âme en vue de quelque chose.
διπλάσιος, α, ον : double.
ἐκϐαίνω (futur ἐκϐήσομαι, aor. ἐξέϐην, parf. ἐκϐέϐηκα) : sortir; débarquer.
μισέω, -ῶ (futur μισήσω, aor. ἐμίσησα, pf. μεμίσηκα) : haïr, détester, en vouloir à.




ἐγγίγνομαι (futur ἐγγενήσομαι, aor. ἐνεγενόμην) : naître dans; être inné, être naturel à; se produire.
impers. avec datif ἐγγίγνεται : il est naturel à, il est inné à.
φιλοπονία, ας (ἡ) : amour du travail, habitudes laborieuses.
φιλοπονέω, -ῶ : aimer le travail, être laborieux.
ἄρχων, οντος (ὁ) : chef.










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Pourquoi nous avons la vue et l'ouïe






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[47] Ὄψις δὴ κατὰ τὸν ἐμὸν λόγον αἰτία τῆς μεγίστης ὠφελίας γέγονεν ἡμῖν, ὅτι τῶν νῦν λόγων περὶ τοῦ παντὸς λεγομένων οὐδεὶς ἄν ποτε ἐρρήθη μήτε ἄστρα μήτε ἥλιον μήτε οὐρανὸν ἰδόντων.

νῦν δ᾽ ἡμέρα τε καὶ νὺξ ὀφθεῖσαι μῆνές τε καὶ ἐνιαυτῶν περίοδοι καὶ ἰσημερίαι καὶ τροπαὶ μεμηχάνηνται μὲν ἀριθμόν, χρόνου δὲ ἔννοιαν περί τε τῆς τοῦ παντὸς φύσεως ζήτησιν ἔδοσαν· ἐξ ὧν (47b) ἐπορισάμεθα φιλοσοφίας γένος, οὗ μεῖζον ἀγαθὸν οὔτ᾽ ἦλθεν οὔτε ἥξει ποτὲ τῷ θνητῷ γένει δωρηθὲν ἐκ θεῶν. λέγω δὴ τοῦτο ὀμμάτων μέγιστον ἀγαθόν· τἆλλα δὲ ὅσα ἐλάττω τί ἂν ὑμνοῖμεν, ὧν ὁ μὴ φιλόσοφος τυφλωθεὶς ὀδυρόμενος ἂν θρηνοῖ μάτην; ἀλλὰ τούτου λεγέσθω παρ᾽ἡμῶν αὕτη ἐπὶ ταῦτα αἰτία, θεὸν ἡμῖν ἀνευρεῖν δωρήσασθαί τε ὄψιν, ἵνα τὰς ἐν οὐρανῷ τοῦ νοῦ κατιδόντες περιόδους χρησαίμεθα ἐπὶ τὰς περιφορὰς τὰς τῆς παρ᾽ ἡμῖν διανοήσεως, συγγενεῖς (47c) ἐκείναις οὔσας, ἀταράκτοις τεταραγμένας, ἐκμαθόντες δὲ καὶ λογισμῶν κατὰ φύσιν ὀρθότητος μετασχόντες, μιμούμενοι τὰς τοῦ θεοῦ πάντως ἀπλανεῖς οὔσας, τὰς ἐν ἡμῖν πεπλανημένας καταστησαίμεθα.

Φωνῆς τε δὴ καὶ ἀκοῆς πέρι πάλιν ὁ αὐτὸς λόγος, ἐπὶ ταὐτὰ τῶν αὐτῶν ἕνεκα παρὰ θεῶν δεδωρῆσθαι. λόγος τε γὰρ ἐπ᾽ αὐτὰ ταῦτα τέτακται, τὴν μεγίστην συμϐαλλόμενος εἰς αὐτὰ μοῖραν, ὅσον τ᾽ αὖ μουσικῆς (47d) φωνῇ χρήσιμον πρὸς ἀκοὴν ἕνεκα ἁρμονίας ἐστὶ δοθέν. ἡ δὲ ἁρμονία, συγγενεῖς ἔχουσα φορὰς ταῖς ἐν ἡμῖν τῆς ψυχῆς περιόδοις, τῷ μετὰ νοῦ προσχρωμένῳ Μούσαις οὐκ ἐφ᾽ ἡδονὴν ἄλογον καθάπερ νῦν εἶναι δοκεῖ χρήσιμος, ἀλλ᾽ ἐπὶ τὴν γεγονυῖαν ἐν ἡμῖν ἀνάρμοστον ψυχῆς περίοδον εἰς κατακόσμησιν καὶ συμφωνίαν ἑαυτῇ σύμμαχος ὑπὸ Μουσῶν δέδοται· καὶ ῥυθμὸς αὖ διὰ τὴν ἄμετρον ἐν ἡμῖν καὶ χαρίτων (47e) ἐπιδεᾶ γιγνομένην ἐν τοῖς πλείστοις ἕξιν ἐπίκουρος ἐπὶ ταὐτὰ ὑπὸ τῶν αὐτῶν ἐδόθη.
                                                                                                                                                                                    Platon, Timée, 47, a-e


[47] La vue nous est de la plus grande utilité : des propos que nous tenons en ce moment sur l'univers, aucun n'aurait jamais été tenu si nous n'avions vu ni les astres ni le soleil ni le ciel.

Mais la vue du jour, de la nuit, des mois, du cycle des années, des équinoxes, des solstices a engendré la science des nombres, nous donné la notion du temps et la possibilité de spéculer sur la nature du tout. Nous en avons tiré ce genre de spéculation dont la valeur dépasse celle de tous les biens que les dieux ont envoyés et enverront jamais à la race humaine. Je dis donc que c'est là la plus grande utilité des yeux; leurs autres moindres avantages, pourquoi les célébrer ? L'homme qui n'est pas philosophe peut bien, privé de la vue, pousser sur cette perte des gémissements et de vaines lamentations, nous dirons, nous, que la cause et la fin de la vision sont les suivantes : la divinité l'a inventée et nous en a fait présent afin que, voyant les mouvements périodiques de l'intelligence dans le ciel, nous en tirions parti pour les démarches de notre pensée,  qui sont de même espèce, mais troublées, tandis que les mouvements du ciel sont sans trouble, et que, après en avoir fait une étude approfondie, participant à la rigueur des calculs qu'on voit dans la nature, imitant les mouvements du dieu, qui se font sans aucune erreur, nous rectifions ceux qui s'égarent en nous.

Pour la voix et l'ouïe, nous pouvons redire la même chose : les dieux nous en ont fait présent dans la même intention et pour les mêmes rasons. Le langage a été institué en vue des mêmes fins et y contribue pour la plus grande part, et, de même, tout ce qui, dans la musique, a des accents utiles à entendre en vue de l'harmonie : l'harmonie, en effet, est faite de mouvements dont la nature est la même que celle des démarches de notre âme, et quiconque a un commerce intelligents avec les Muses, ne pense pas, comme on le fait aujourd'hui, que son utilité soit de nous procurer un plaisir irrationnel, mais qu'elle nous a été donnée par les Muses comme une aide pour que les mouvements périodiques de l'âme, qui sont en nous dissonants, se résolvent en un accord de cette âme avec elle-même. Quant au rythme, c'est à cause de la tendance que nous avons pour la plupart à manquer de mesure et de grâce que les mêmes Muses, pour les mêmes fins, nous ont donné son assistance.
    trad. Bizos et Flacelière; éd. Vuibert







ὄψις, εως (ἡ) : voir dico Bailly, version établie par Gérard Gréco.
ψις δὴ κατὰ τὸν ἐμὸν λόγον αἰτία τῆς μεγίστης ὠφελίας γέγονεν ἡμῖν, ὅτι τῶν νῦν λόγων περὶ τοῦ παντὸς λεγομένων οὐδεὶς ἄν ποτε ἐρρήθη μήτε ἄστρα μήτε ἥλιον μήτε οὐρανὸν ἰδόντων : la vue nous est de la plus grande utilité : des propos que nous tenons en ce moment sur l'univers, aucun n'aurait jamais été tenu si nous n'avions vu ni les astres ni le soleil ni le ciel.

ταὐτά, crase attique pour τὰ αὐτά, plur. neutre de ὁ αὐτός.
φωνῆς τε δὴ καὶ ἀκοῆς πέρι πάλιν ὁ αὐτὸς λόγος, ἐπὶ ταὐτὰ τῶν αὐτῶν ἕνεκα παρὰ θεῶν δεδωρῆσθαι : pour la voix et l'ouïe, nous pouvons redire la même chose : les dieux nous en ont fait présent dans la même intention et pour les mêmes raisons.

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Portrait d'un sycophante
 
 



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<51> (Σκοπεῖτε γάρ.) Εἰσὶν ὁμοῦ δισμύριοι πάντες Ἀθηναῖοι. Τούτων ἕκαστος ἕν γέ τι πράττων κατὰ τὴν ἀγορὰν περιέρχεται, ἤτοι νὴ τὸν Ἡρακλέα τῶν κοινῶν ἢ τῶν ἰδίων. Ἀλλ' οὐχ οὗτος οὐδέν, οὐδ' ἂν ἔχοι δεῖξαι πρὸς ὅτῳ τὸν βίον ἐστὶ τῶν μετρίων ἢ καλῶν. Οὐχὶ τῶν πολιτικῶν ἀγαθῶν ἐπ' οὐδενὶ τῇ ψυχῇ διατρίϐει· οὐ τέχνης, οὐ γεωργίας, οὐκ ἄλλης ἐργασίας οὐδεμιᾶς ἐπιμελεῖται· οὐ φιλανθρωπίας, οὐχ ὁμιλίας οὐδεμιᾶς οὐδενὶ κοινωνεῖ· <52> ἀλλὰ πορεύεται διὰ τῆς ἀγορᾶς, ὥσπερ ἔχις ἢ σκορπίος ἠρκὼς τὸ κέντρον, ᾄττων δεῦρο κἀκεῖσε, σκοπῶν τίνι συμφορὰν ἢ βλασφημίαν ἢ κακόν τι προστριψάμενος καὶ καταστήσας εἰς φόϐον ἀργύριον εἰσπράξεται. Οὐδὲ προσφοιτᾷ πρός τι τούτων τῶν ἐν τῇ πόλει κουρείων ἢ μυροπωλίων ἢ τῶν ἄλλων ἐργαστηρίων οὐδὲ πρὸς ἕν· ἀλλ' ἄσπειστος, ἀνίδρυτος, ἄμεικτος, οὐ χάριν, οὐ φιλίαν, οὐκ ἄλλ' οὐδὲν ὧν ἄνθρωπος μέτριος γιγνώσκων· μεθ' ὧν δ' οἱ ζωγράφοι τοὺς ἀσεϐεῖς ἐν Ἅιδου γράφουσιν, μετὰ τούτων, μετ' ἀρᾶς καὶ βλασφημίας καὶ φθόνου καὶ στάσεως καὶ νείκους, περιέρχεται. <53> Εἶθ' ὃν οὐδὲ τῶν ἐν Ἅιδου θεῶν εἰκός ἐστιν τυχεῖν ἵλεων, ἀλλ' εἰς τοὺς ἀσεϐεῖς ὠσθῆναι διὰ τὴν πονηρίαν τοῦ βίου, τοῦτον ὑμεῖς ἀδικοῦντα λαϐόντες οὐ μόνον οὐ τιμωρήσεσθε, ἀλλὰ καὶ μειζόνων ἀξιώσαντες δωρειῶν ἀφήσετ' ἢ τοὺς εὐεργέτας; Τίνι γὰρ πώποθ' ὑμεῖς ἔδοτε, ἐὰν ὄφλῃ τι τῷ δημοσίῳ, τοῦτο μὴ καταθέντι τῶν ἴσων μετέχειν; Οὐδενί. Μὴ τοίνυν μηδὲ τούτῳ δῶτε νῦν, ἀλλὰ τιμωρήσασθε καὶ παράδειγμα ποιήσατε τοῖς ἄλλοις.

<54>
Ἄξιον δ' ἐστίν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, καὶ τὰ λοίπ' ἀκοῦσαι· δεινῶν γὰρ ὄντων, οὐ μὲν οὖν ἐχόντων ὑπερϐολήν, ὧν ἠκούσατ' ἄρτι λέγοντος Λυκούργου, τὰ λοίπ' ἐνάμιλλα τούτοις καὶ τῆς αὐτῆς φύσεως εὑρεθήσεται. Πρὸς μὲν γὰρ τῷ τὸν πατέρ' ἐν τῷ δεσμωτηρίῳ προδοὺς ἀπελθεῖν ἐξ Ἐρετρίας, ὥσπερ ἠκούσατε Φαίδρου, ἀποθανόνθ' ὁ ἀσεϐὴς οὗτος καὶ μιαρὸς οὐκ ἔθαψεν, οὐδὲ τοῖς θάψασι τὴν ταφὴν ἀπέδωκεν, ἀλλὰ καὶ δίκην πρὸς ἔλαχεν. <55> Πρὸς δὲ τῷ τῆς μητρὸς μὴ ἀπεσχῆσθαι τὼ χεῖρε, ὥσπερ ἀρτίως ἠκούσατε τῶν μαρτύρων, καὶ τὴν ἀδελφὴν τὴν ἑαυτοῦ, οὐχ ὁμοπατρίαν μὲν οὖσαν, θυγατέρα δ' ἐκείνης ὁπωσδήποτε γενομένην νἐῶ γὰρ τοῦτὀ, ἀλλ' ἀδελφήν γε, ἐπ' ἐξαγωγῇ ἀπέδοτο, ὥς φησι τὸ ἔγκλημα τῆς δίκης, ἣν ὑπὲρ τούτων ἔλαχεν αὐτῷ ὁ χρηστὸς ἀδελφὸς οὑτοσί, ὁ νῦν συναπολογησόμενος.

<56> Πρὸς δὲ τούτοις τοιούτοις οὖσιν ἕτερον δεινόν, ὦ γῆ καὶ θεοί, πρᾶγμ' ἀκούσεσθε. Ὅτε γὰρ τὸ δεσμωτήριον διορύξας ἀπέδρα, τότε πρὸς γυναῖκά τιν' ἔρχεται Ζωϐίαν ὄνομα, ᾗ ἐτύγχανεν, ὡς ἔοικε, κεχρημένος ποτέ· καὶ κρύπτει καὶ διασῴζει τὰς πρώτας ἡμέρας αὐτὸν ἐκείνη, ἃς ἐζήτουν καὶ ἐκήρυττον οἱ ἕνδεκα, καὶ μετὰ ταῦτα δοῦσα δραχμὰς ὀκτὼ ἐφόδιον καὶ χιτωνίσκον καὶ ἱμάτιον ἐξέπεμψεν εἰς Μέγαρα. <57> Ταύτην τὴν ἄνθρωπον, τὴν τοιαῦτ' εὐεργετήσασαν αὐτόν, ὡς πολὺς παρ' ὑμῖν ἔπνει καὶ λαμπρός, μεμφομένην τι καὶ τούτων ὑπομιμνῄσκουσαν καὶ ἀξιοῦσαν εὖ παθεῖν τὸ μὲν πρῶτον ῥαπίσας καὶ ἀπειλήσας ἀπέπεμψεν ἀπὸ τῆς οἰκίας, ὡς δ' οὐκ ἐπαύεθ' ἡ ἄνθρωπος, ἀλλὰ γυναίου πρᾶγμ' ἐποίει καὶ πρὸς τοὺς γνωρίμους προσιοῦσ' ἐνεκάλει, λαϐὼν αὐτὸς αὐτοχειρίᾳ πρὸς τὸ πωλητηρίον τοῦ μετοικίου ἀπήγαγεν· καὶ εἰ μὴ κείμενον αὐτῇ τὸ μετοίκιον ἔτυχεν, ἐπέπρατ' ἂν διὰ τοῦτον, ᾧ τῆς σωτηρίας αὐτὴ αἰτία ἐγεγόνει. <58> Καὶ ταῦθ' ὡς ἀληθῆ λέγω, κάλει μοι τὸν τὴν ταφὴν τοῦ πατρὸς οὐκ ἀπειληφότα, καὶ τὸν τῆς δίκης διαιτητήν, ἣν ὑπὲρ τῆς πράσεως τῆς ἀδελφῆς ἔλαχεν αὐτῷ οὑτοσί, καὶ τὸ ἔγκλημα φέρε. Κάλει δέ μοι πρῶτον πάντων τὸν τῆς Ζωβίας προστάτην, τῆς ὑποδεξαμένης αὐτόν, καὶ τοὺς πωλητάς, πρὸς οὓς ἀπήγαγεν αὐτήν. Ὑμεῖς δ' ἠγανακτεῖτ' ἀρτίως εἰ τῶν τὸν ἔρανον φερόντων εἰς τὴν σωτηρίαν αὐτῷ κατηγόρει. Μιαρόν, μιαρόν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τὸ θηρίον καὶ ἄμεικτον. Λέγε τὰς μαρτυρίας. Μαρτυρίαι <59> Τίς οὖν ἱκανὴ κατὰ τοῦ τοσαῦτα καὶ τοιαῦτα πεποιηκότος γένοιτ' ἂν δίκη; Τίς ἀξία τιμωρία; Θάνατος μὲν γὰρ ἔμοιγε μικρὰ φαίνεται.
                                                                                                                                        Démosthène, Contre Aristogiton, 51-59



<51> En effet, on compte environ dans Athènes vingt mille citoyens. Tous fréquentent la place publique, occupés des affaires de la ville ou de leurs affaires particulières, engagés dans quelque profession. Pour Aristogiton, il ne pourrait montrer quelle est la sienne; il n'a d'occupation ni noble, ni vulgaire, ni politique; il n'exerce ni les arts, ni l'agriculture, ni le commerce ; n'est lié avec personne, ni d'intérêts, ni d'amitié. <52> Il parcourt la place publique comme un serpent ou un scorpion, dressant son dard, s'élançant tantôt d'un côté, tantôt d'un autre; examinant qui il percera de ses calomnies, qui il jettera dans le malheur, à qui, en un mot, il fera quelque mal; à qui il inspirera de la crainte, pour en tirer de l'argent. On ne le voit dans aucune des maisons de la ville où s'assemblent les autres citoyens ; errant, sans retraite, sans amis, sans connaissance, il ne formé aucune des liaisons les plus ordinaires, et ne goûte aucune des douceurs de la société. Il marche accompagné des monstres que les peintres nous représentent dans le Tartare escortant les scélérats, l'imprécation, la calomnie, l'envie, la contention, la discorde. <53> Un aussi méchant homme, un homme pour qui les dieux des enfers seraient inexorables, qu'ils ne manqueraient pas de précipiter dans la troupe des pervers; un pareil homme, ô Athéniens, cité devant vous, est livré à votre justice; et, loin de le punir, vous lui accorderiez des grâces que vous n'accordâtes jamais aux bienfaiteurs de la patrie ? Car à qui d'entre eux, condamné à une amende envers le trésor, permîtes-vous jamais de jouir des droits de citoyens avant qu'il eût payé ? Ne le permettez donc pas à l'homme que nous accusons mais punissez-le de manière qu'il puisse servir d'exemple.

<54> Il est à propos d'entendre le reste. Les traits qu'a rapportés avant moi Lycurgue, sont affreux et au-dessus de tout ce qu'on peut dire ; ce qui suit y répondra et sera de même nature. Je ne parlerai pas de son père, qu'il a laissé dans la prison d'Érétrie, comme vous l'avez appris de Phèdre. Oui, cet homme exécrable, ce fils dénaturé, n'a point donné à son père la sépulture ; et, loin de payer les dépenses à ceux, qui lui avaient rendu les derniers devoirs, il leur a intenté procès. <55> Je ne dirai rien, ni de sa mère qu'il n'a pas craint de frapper, ni de sa soeur, non pas soeur de père mais au moins de mère, de quelque commerce qu'elle soit le fruit, ce que je n'examine pas. Il a vendu cette soeur pour être transportée en pays étranger, comme il est marqué dans l'acte de l'accusation que lui a intentée à ce sujet son vertueux frère, qui aujourd'hui prend sa défense.

<56>
Sans parler de tous ces faits atroces, en voici, oui, en voici un des plus révoltants auquel je m'arrête. Lorsqu'il s'échappa de la prison qu'il avait forcée, il se retira chez une femme nommée Zobie, avec laquelle probablement il avait eu autrefois quelque commerce. Cette femme le garde et le cache chez elle, dans les premiers jours où les ondécemvirs le faisaient chercher partout, et promettaient de récompenser quiconque le ramènerait. Ensuite elle lui donne huit drachmes, une robe et un manteau, pour faire le voyage de Mégare, où il se réfugia. <57> De retour à Athènes, où il devint un personnage puissant et distingué, loin de reconnaître de tels services, il traita indignement celle qui les lui avait rendus, et qui, se plaignant à lui-même, les lui rappelait et lui en demandait la récompense. Il commence par la frapper et la chasser de chez lui. Comme elle ne cessait pas ses plaintes, et que, suivant la coutume des femmes, elle les allait porter chez tous ceux qu'elle connaissait, il la saisit de sa propre main, la traîne devant le tribunal des étrangers ; et si elle n'eût été inscrite comme ayant payé sa taxe, elle aurait été vendue, grâce à celui même qu'elle avait sauvé. <58> Afin de prouver tout ce que j'avance, greffier, faites paraître celui auquel Aristogiton n'a pas payé les frais de la sépulture de son père, et le juge du procès que son digne frère lui a intenté pour avoir vendu sa sœur : produisez l'acte d'accusation. Mais faites paraître, avant tout, le protecteur de cette Zobie qui a reçu Aristogiton chez elle, et les juges devant lesquels il l'a traînée. Vous étiez indignés tout à l'heure Athéniens, qu'il eût accusé ceux même qui s'étaient cotisés pour le tirer d'un mauvais pas: c'est un monstre, oui, c'est un monstre odieux, un animal féroce. Greffier, lisez les dépositions. On lit les dépositions. <59> Quel supplice pourrait répondre à des traits de méchanceté si multipliés ? Y aurait-il une punition assez forte ? pour moi, il me semble que le mort serait une peine trop douce.





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De la providence
 


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Περὶ προνοίας.

Μὴ θαυμάζετʼ εἰ τοῖς μὲν ἄλλοις ζῴοις τὰ πρὸς τὸ σῶμα ἕτοιμα γέγονεν, οὐ μόνον τροφαὶ καὶ πόμα, ἀλλὰ καὶ κοίτη καὶ τὸ μὴ δεῖσθαι ὑποδημάτων, μὴ ὑποστρωμάτων, μὴ ἐσθῆτος, ἡμεῖς δὲ πάντων τούτων προσδεόμεθα. τὰ γὰρ οὐκ αὐτῶν ἕνεκα, ἀλλὰ πρὸς ὑπηρεσίαν γεγονότα οὐκ ἐλυσιτέλει προσδεόμενα ἄλλων πεποιηκέναι. ἐπεὶ ὅρα οἷον ἦν ἡμᾶς φροντίζειν μὴ περὶ αὑτῶν μόνον ἀλλὰ καὶ περὶ τῶν προβάτων καὶ τῶν ὄνων, πῶς ἐνδύσηται καὶ πῶς ὑποδήσηται, πῶς φάγῃ, πῶς πίῃ. ἀλλʼ ὥσπερ οἱ στρατιῶται ἕτοιμοί εἰσι τῷ στρατηγῷ ὑποδεδεμένοι ἐνδεδυμένοι ὡπλισμένοι, εἰ δʼ ἔδει περιερχόμενον τὸν χιλίαρχον ὑποδεῖν ἢ ἐνδύειν τοὺς χιλίους, δεινὸν ἂν ἦν, οὕτω καὶ ἡ φύσις πεποίηκε τὰ πρὸς ὑπηρεσίαν γεγονότα ἕτοιμα παρεσκευασμένα μηδεμιᾶς ἐπιμελείας ἔτι προσδεόμενα. οὕτως ἓν παιδίον μικρὸν καὶ ῥάβδῳ ἐλαύνει τὰ πρόβατα. νῦν δʼ ἡμεῖς ἀφέντες ἐπὶ τούτοις εὐχαριστεῖν, ὅτι μὴ καὶ αὐτῶν τὴν ἴσην ἐπιμέλειαν ἐπιμελούμεθα, ἐφʼ αὑτοῖς ἐγκαλοῦμεν τῷ θεῷ. καίτοι νὴ τὸν Δία καὶ τοὺς θεοὺς ἓν τῶν γεγονότων ἀπήρκει πρὸς τὸ αἰσθέσθαι τῆς προνοίας τῷ γε αἰδήμονι καὶ εὐχαρίστῳ. καὶ μή μοι νῦν τὰ μεγάλα· αὐτὸ τοῦτο τὸ ἐκ πόας γάλα γεννᾶσθαι καὶ ἐκ γάλακτος τυρὸν καὶ ἐκ δέρματος ἔρια τίς ἐστιν ὁ πεποιηκὼς ταῦτα ἢ ἐπινενοηκώς; οὐδὲ εἷς φησίν. ὦ μεγάλης ἀναισθησίας καὶ ἀναισχυντίας.

Ἄγε ἀφῶμεν τὰ ἔργα τῆς φύσεως, τὰ πάρεργα αὐτῆς θεασώμεθα. μή τι ἀχρηστότερον τριχῶν τῶν ἐπὶ γενείου; τί οὖν; οὐ συνεχρήσατο καὶ ταύταις ὡς μάλιστα πρεπόντως ἐδύνατο; οὐ διέκρινεν διʼ αὐτῶν τὸ ἄρρεν καὶ τὸ θῆλυ; οὐκ εὐθὺς μακρόθεν κέκραγεν ἡμῶν ἑκάστου ἡ φύσις ἀνήρ εἰμι· οὕτω μοι προσέρχου, οὕτω μοι λάλει, ἄλλο μηδὲν ζήτει· ἰδοὺ τὰ σύμβολα; πάλιν ἐπὶ τῶν γυναικῶν ὥσπερ ἐν φωνῇ τι ἐγκατέμιξεν ἁπαλώτερον, οὕτως καὶ τὰς τρίχας ἀφεῖλεν. οὔ· ἀλλʼ ἀδιάκριτον ἔδει τὸ ζῷον ἀπολειφθῆναι καὶ κηρύσσειν ἕκαστον ἡμῶν ὅτι ἀνήρ εἰμι. πῶς δὲ καλὸν τὸ σύμβολον καὶ εὐπρεπὲς καὶ σεμνόν, πόσῳ κάλλιον τοῦ τῶν ἀλεκτρυόνων λόφου, πόσῳ μεγαλοπρεπέστερον τῆς χαίτης τῶν λεόντων. διὰ τοῦτο ἔδει σῴζειν τὰ σύμβολα τοῦ θεοῦ, ἔδει αὐτὰ μὴ καταπροίεσθαι, μὴ συγχεῖν ὅσον ἐφʼ ἑαυτοῖς τὰ γένη τὰ διῃρημένα.

Ταῦτα μόνα ἐστὶν ἔργα ἐφʼ ἡμῶν τῆς προνοίας; καὶ τίς ἐξαρκεῖ λόγος ὁμοίως αὐτὰ ἐπαινέσαι ἢ παραστῆσαι; εἰ γὰρ νοῦν εἴχομεν, ἄλλο τι ἔδει ἡμᾶς ποιεῖν καὶ κοινῇ καὶ ἰδίᾳ ἢ ὑμνεῖν τὸ θεῖον καὶ εὐφημεῖν καὶ ἐπεξέρχεσθαι τὰς χάριτας; οὐκ ἔδει καὶ σκάπτοντας καὶ ἀροῦντας καὶ ἐσθίοντας ᾄδειν τὸν ὕμνον τὸν εἰς τὸν θεόν; μέγας ὁ θεὸς, ὅτι ἡμῖν παρέσχεν ὄργανα ταῦτα διʼ ὧν τὴν γῆν ἐργασόμεθα· μέγας ὁ θεός, ὅτι χεῖρας δέδωκεν, ὅτι κατάποσιν, ὅτι κοιλίαν, ὅτι αὔξεσθαι λεληθότως, ὅτι καθεύδοντας ἀναπνεῖν. ταῦτα ἐφʼ ἑκάστου ἐφυμνεῖν ἔδει καὶ τὸν μέγιστον καὶ θειότατον ὕμνον ἐφυμνεῖν, ὅτι τὴν δύναμιν ἔδωκεν τὴν παρακολουθητικὴν τούτοις καὶ ὁδῷ χρηστικήν. τί οὖν; ἐπεὶ οἱ πολλοὶ ἀποτετύφλωσθε, οὐκ ἔδει τινὰ εἶναι τὸν ταύτην ἐκπληροῦντα τὴν χώραν καὶ ὑπὲρ πάντων ᾄδοντα τὸν ὕμνον τὸν εἰς τὸν θεόν; τί γὰρ ἄλλο δύναμαι γέρων χωλὸς εἰ μὴ ὑμνεῖν τὸν θεόν; εἰ γοῦν ἀηδὼν ἤμην, ἐποίουν τὰ τῆς ἀηδόνος, εἰ κύκνος, τὰ τοῦ κύκνου. νῦν δὲ λογικός εἰμι· ὑμνεῖν με δεῖ τὸν θεόν. τοῦτό μου τὸ ἔργον ἐστίν, ποιῶ αὐτὸ οὐδʼ ἐγκαταλείψω τὴν τάξιν ταύτην, ἐφʼ ὅσον ἂν διδῶται, καὶ ὑμᾶς ἐπὶ τὴν αὐτὴν ταύτην ᾠδὴν παρακαλῶ.
                                                                                                                                      Arrien, manuel d'Epictète, 1, 15


De la Providence.

Ne vous étonnez pas que les autres êtres animés trouvent tout prêt ce qui est nécessaire à leur corps, non seulement les aliments et les boissons, mais encore le coucher; ne vous étonnez pas qu'ils n'aient besoin ni de chaussures, ni de couvertures, ni de vêtements, tandis que nous nous avons besoin de tout cela. Ces êtres ne sont pas nés pour eux-mêmes, mais pour servir; il n'était pas bon dès lors de les créer ayant besoin de quelque chose. Car vois un peu ce qui arriverait, si nous avions à nous occuper non seulement de nous-mêmes, mais encore de nos brebis et de nos ânes, pour leurs vêtements, pour leur chaussure, pour leurs aliments et pour leur boisson. Les soldats sont mis à là disposition du général, chaussés, habillés et armés (que d'embarras pour le chiliarque, s'il lui fallait courir de tous les côtés pour chausser et pour habiller ses mille hommes!) ; il en est de même des êtres nés pour notre service : la nature les a créés tout équipés, pourvus de tout, et n'ayant besoin d'aucun soin, c'est ce qui fait qu'un petit enfant conduit les brebis avec un simple bâton. Mais nous maintenant, au lieu de remercier Dieu au sujet de ces animaux, parce que nous n'avons pas à nous occuper d'eux autant que de nous-mêmes, nous l'accusons à notre sujet. Et cependant, par Jupiter et par tous les dieux, ce serait assez d'une seule créature pour révéler la Providence à un homme honnête et reconnaissant. Je n'ai que faire pour cela des grandes choses : il m'y suffit du lait qui provient de l'herbe, du fromage qui provient du lait, de la toison qui provient de la peau. Quel est celui qui a fait, qui a conçu tout cela ? Personne, dis-tu.  Quelle imprudence et quelle absurdité !

Eh bien ! laissons les œuvres utiles de la nature, et contemplons ses hors-d'œuvre (apparents). Qu'y a-t-il de plus inutile que les poils qui naissent au menton ? Mais quoi! la nature ne les a-t-elle pas fait servir eux aussi à l'usage le plus convenable possible? N'a-t-elle point par eux distingué l'homme de la femme? Par eux la nature de chacun de nous ne crie-t-elle pas de bien loin, Je suis un homme ; c'est de telle façon qu'il faut m'aborder, de telle façon qu'il faut me parler? Ne cherche pas ailleurs : voici mes signes. Et d'autre part, en même temps qu'elle donnait aux femmes quelque chose de plus doux dans la voix, elle les a privées de ces poils. Il n'aurait pas fallu que cela fût peut-être ! Il aurait fallu que les sexes fussent laissés sans signe distinctif, et que chacun de nous eût à crier : Je suis un homme! Et ce signe n'est-il pas beau? Ne nous sied-il pas? N'est-il pas imposant ? Combien il est plus beau que l'aigrette du coq ! D'un plus grand aspect que la crinière du lion! Nous devions donc conserver ces signes donnés par Dieu; nous devions ne pas y renoncer, et ne pas confondre, autant qu'il est en nous, les sexes qu'il a distingués.

Sont-ce donc là les seules choses que la Providence ait faites en nous ? Et quel discours pourrait suffire à louer convenablement tout ce qu'elle y a fait, ou même à l'exposer ? Car, si nous avions le sens droit, quelle autre chose devrions-nous faire, tous en commun et chacun en particulier, que de célébrer Dieu, de chanter ses louanges, et de lui adresser des actions de grâces ? Ne devrions-nous pas, en fendant la terre, en labourant, en prenant nos repas, chanter cet hymne à Dieu ? Dieu est grand, parce qu'il nous a donné ces instruments, avec lesquels nous travaillerons la terre! Dieu est grand, parce qu'il nous a donné des mains, un gosier, un estomac ; parce qu'il nous a permis de croître sans nous en apercevoir, et de réparer nos forces en dormant! Voilà ce que nous devrions chanter à propos de chaque chose; mais ce pourquoi nous devrions chanter l'hymne le plus grand, le plus à la gloire de Dieu, c'est la faculté qu'il nous a accordée de nous rendre compte de ces dons, et d'en faire un emploi méthodique. Eh bien! puisque vous êtes aveugles, vous le grand nombre, ne fallait-il pas qu'il y eût quelqu'un qui remplît ce rôle, et qui chantât pour tous l'hymne à la divinité ? Que puis-je faire, moi, vieux et boiteux, si ce n'est de chanter Dieu? Si j'étais rossignol, je ferais le métier d'un rossignol; si j'étais cygne, celui d'un cygne. Je suis un être raisonnable; il me faut chanter Dieu. Voilà mon métier, et je le fais. C'est un rôle auquel je ne faillirai pas, autant qu'il sera en moi; et je vous engage tous à chanter avec moi.
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Du calme de l'âme




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Περὶ ἀταραξίας.
 
 Ὅρα σὺ ὁ ἀπιὼν ἐπὶ τὴν δίκην, τί θέλεις τηρῆσαι καὶ ποῦ θέλεις ἀνύσαι. εἰ γὰρ προαίρεσιν θέλεις τηρῆσαι κατὰ φύσιν ἔχουσαν, πᾶσά σοι ἀσφάλεια, πᾶσά σοι εὐμάρεια, πρᾶγμα οὐκ ἔχεις. τὰ γὰρ ἐπὶ σοὶ αὐτεξούσια καὶ φύσει ἐλεύθερα θέλων τηρῆσαι καὶ τούτοις ἀρκούμενος τίνος ἔτι ἐπιστρέφῃ; τίς γὰρ αὐτῶν κύριος, τίς αὐτὰ δύναται ἀφελέσθαι; εἰ θέλεις αἰδήμων εἶναι καὶ πιστός, τίς οὐκ ἐάσει σε; εἰ θέλεις μὴ κωλύεσθαι μηδ´ ἀναγκάζεσθαι, τίς σε ἀναγκάσει ὀρέγεσθαι ὧν οὐ δοκεῖ σοι, τίς ἐκκλίνειν ἃ μὴ φαίνεταί σοι; ἀλλὰ τί; πράξει μέν σοί τινα ἃ δοκεῖ φοϐερὰ εἶναι· ἵνα δὲ καὶ ἐκκλίνων αὐτὰ πάθῃς, πῶς δύναται ποιῆσαι; ὅταν οὖν ἐπὶ σοὶ ᾖ τὸ ὀρέγεσθαι καὶ ἐκκλίνειν, τίνος ἔτι ἐπιστρέφῃ; τοῦτό σοι προοίμιον, τοῦτο διήγησις, τοῦτο πίστις, τοῦτο νίκη, τοῦτο ἐπίλογος, τοῦτο εὐδοκίμησις.

Διὰ τοῦτο ὁ Σωκράτης πρὸς τὸν ὑπομιμνῄσκοντα, ἵνα παρασκευάζηται πρὸς τὴν δίκην, ἔφη ‘οὐ δοκῶ οὖν σοι ἅπαντι τῷ βίῳ πρὸς τοῦτο παρασκευάζεσθαι;’ (-) ‘Ποίαν παρασκευήν;’ (-) ‘Τετήρηκα’, φησίν, ‘τὸ ἐπ´ ἐμοί.’ (-) ‘Πῶς οὖν;’ (-) ‘Οὐδὲν οὐδέποτ´ ἄδικον οὔτ´ ἰδίᾳ οὔτε δημοσίᾳ ἔπραξα.’ εἰ δὲ θέλεις καὶ τὰ ἐκτὸς τηρῆσαι, τὸ σωμάτιον καὶ τὸ οὐσίδιον καὶ τὸ ἀξιωμάτιον, λέγω σοι· ἤδη αὐτόθεν παρασκευάζου τὴν δυνατὴν παρασκευὴν πᾶσαν καὶ λοιπὸν σκέπτου καὶ τὴν φύσιν τοῦ δικαστοῦ καὶ τὸν ἀντίδικον. εἰ γονάτων ἅψασθαι δεῖ, γονάτων ἅψαι· εἰ κλαῦσαι, κλαῦσον· εἰ οἰμῶξαι, οἴμωξον. ὅταν γὰρ ὑποθῇς τὰ σὰ τοῖς ἐκτός, δούλευε τὸ λοιπὸν καὶ μὴ ἀντισπῶ καὶ ποτὲ μὲν θέλε δουλεύειν, ποτὲ δὲ μὴ θέλε, ἀλλ´ ἁπλῶς καὶ ἐξ ὅλης τῆς διανοίας ἢ ταῦτα ἢ ἐκεῖνα· ἢ ἐλεύθερος ἢ δοῦλος, ἢ πεπαιδευμένος ἢ ἀπαίδευτος, ἢ γενναῖος ἀλεκτρυὼν ἢ ἀγεννής, ἢ ὑπόμενε τυπτόμενος, μέχρις ἂν ἀποθάνῃς, ἢ ἀπαγόρευσον εὐθύς. μή σοι γένοιτο πληγὰς πολλὰς λαϐεῖν καὶ ὕστερον ἀπαγορεῦσαι. εἰ δ´ αἰσχρὰ ταῦτα, αὐτόθεν ἤδη δίελε ‘ποῦ φύσις κακῶν καὶ ἀγαθῶν; οὗ καὶ ἀλήθεια. ὅπου ἀλήθεια καὶ οὗ φύσις, ἐκεῖ τὸ εὐλαβές· ὅπου ἡ ἀλήθεια, ἐκεῖ τὸ θαρραλέον, ὅπου ἡ φύσις’.

Ἐπεί τοι δοκεῖς, ὅτι τὰ ἐκτὸς τηρῆσαι θέλων Σωκράτης παρελθὼν ἂν ἔλεγε ‘ἐμὲ δ´ Ἄνυτος καὶ Μέλητος ἀποκτεῖναι μὲν δύνανται, βλάψαι δ´ οὔ’; οὕτω μωρὸς ἦν, ἵνα μὴ ἴδῃ ὅτι αὕτη ἡ ὁδὸς ἐνταῦθα οὐ φέρει, ἀλλ´ ἄλλῃ; τί οὖν ἐστιν, ὅτι οὐκ ἔχει λόγον καὶ προσερεθίζει; ὡς ὁ ἐμὸς Ἡράκλειτος περὶ ἀγριδίου πραγμάτιον ἔχων ἐν Ῥόδῳ καὶ ἀποδείξας τοῖς δικασταῖς ὅτι δίκαια λέγει ἐλθὼν ἐπὶ τὸν ἐπίλογον ἔφη ὅτι ‘ἀλλ´ οὔτε δεήσομαι ὑμῶν οὔτ´ ἐπιστρέφομαι, τί μέλλετε κρίνειν· ὑμεῖς τε μᾶλλον οἱ κρινόμενοί ἐστε ἢ ἐγώ.’ καὶ οὕτως κατέστρεψε τὸ πραγμάτιον. τίς χρεία; μόνον μὴ δέου, μὴ προστίθει δ´ ὅτι ‘καὶ οὐ δέομαι’. εἰ μή τι καιρός ἐστιν ἐπίτηδες ἐρεθίσαι τοὺς δικαστὰς ὡς Σωκράτει. καὶ σὺ εἰ τοιοῦτον ἐπίλογον παρασκευάζῃ, τί ἀναϐαίνεις, τί ὑπακούεις; εἰ γὰρ σταυρωθῆναι θέλεις, ἔκδεξαι καὶ ἥξει ὁ σταυρός· εἰ δ´ ὑπακοῦσαι λόγος αἱρεῖ καὶ πεῖσαι τό γε παρ´ αὐτόν, τὰ ἑξῆς τούτῳ ποιητέον τηροῦντι μέντοι τὰ ἴδια.

Ταύτῃ καὶ γελοῖόν ἐστι τὸ λέγειν ‘ὑπόθου μοι’. τί σοι ὑποθῶμαι; ἀλλὰ ‘ποίησόν μου τὴν διάνοιαν ὅ τι ἂν ἀποϐαίνῃ πρὸς τοῦτο ἁρμόσασθαι’. ἐπεὶ ἐκεῖνό γε ὅμοιόν ἐστιν οἷον εἰ ἀγράμματος λέγοι ‘εἰπέ μοι τί γράψω, ὅταν μοι προϐληθῇ τι ὄνομα’. ἂν γὰρ εἴπω ὅτι Δίων, εἶτα παρελθὼν ἐκεῖνος αὐτῷ προϐάλῃ μὴ τὸ Δίωνος ὄνομα, ἀλλὰ τὸ Θέωνος, τί γένηται; τί γράψῃ; ἀλλ´ εἰ μὲν μεμελέτηκας γράφειν, ἔχεις καὶ παρασκευάςασθαι πρὸς πάντα τὰ ὑπαγορευόμενα· εἰ δὲ μή, τί σοι ἐγὼ νῦν ὑποθῶμαι; ἂν γὰρ ἄλλο τι ὑπαγορεύῃ τὰ πράγματα, τί ἐρεῖς ἢ τί πράξεις; τούτου οὖν τοῦ καθολικοῦ μέμνησο καὶ ὑποθήκης οὐκ ἀπορήσεις. ἐὰν δὲ πρὸς τὰ ἔξω χάσκῃς, ἀνάγκη σε ἄνω καὶ κάτω κυλίεσθαι πρὸς τὸ βούλημα τοῦ κυρίου. τίς δ´ ἐστὶ κύριος; ὁ τῶν ὑπὸ σοῦ τινος σπουδαζομένων ἢ ἐκκλινομένων ἔχων ἐξουσίαν.
                                                                                                                        Arrien, manuel d'Epictète, 2, 2
                                     
                                     
Du calme de l'âme.

Toi qui te rends devant la justice, vois ce que tu veux sauver, et l'espèce de succès que tu cherches. Si tu ne veux sauver que l'accord de ton jugement et de ta volonté avec la nature, tout est sûr, tout est facile pour toi; tu n'as rien à craindre. Car, dès que tu ne veux que sauver ce qui est en ton pouvoir, ce qui de sa nature est indépendant et libre, dès que tu ne prétends à rien de plus, de quoi as-tu à t'inquiéter encore? Ces choses ont-elles un maître en effet? Est-il quelqu'un qui puisse te les enlever? Si tu veux te respecter toi-même et être honnête, qui t'en empêchera? Si tu veux n'être jamais entravé ni contraint, qui te forcera à désirer ce que tu ne croiras pas devoir désirer, à redouter ce que tu ne croiras pas devoir redouter? Qu'y a-t-il en effet? On peut bien te faire des choses qui paraissent effroyables, mais comment peut-on faire que tu les subisses en les craignant? Dès l'instant donc où le désir et la crainte sont en ta puissance, de quoi peux-tu t'inquiéter encore? Que ce soit là ton exorde, que ce soit là ta narration, que ce soit là ta confirmation, que ce soit là ta réfutation, que ce soit là ta péroraison, que ce soit là ton moyen de te faire admirer.

C'est pour cela que Socrate répondit à celui qui lui conseillait de se préparer à son procès : Ne trouves-tu donc pas que je m'y suis préparé par ma vie tout entière? — De quelle façon? — J'ai sauvé ce qui est vraiment à moi. — Comment cela? — Je n'ai jamais rien fait de mal, ni comme homme ni comme citoyen. Mais si tu veux sauver aussi les choses extérieures, ton corps, ta fortune, ta réputation, voici ce que je te dirai : Prépare-toi dès maintenant à ton procès par tous les moyens possibles, puis étudie et le caractère de ton juge et ton adversaire. S'il faut t'attacher à leurs genoux, attache-toi à leurs genoux; s'il te faut pleurer, pleure ; s'il te faut pousser des gémissements, pousse des gémissements. Car, dès l'instant où tu soumets ce qui est toi à ce qui n'est pas toi, il te faut être à jamais esclave. Ne va pas regimber par moments, et tantôt consentir à servir, tantôt t'y refuser : il te faut absolument et complètement être dans ton âme ceci ou cela, libre ou esclave, éclairé ou ignorant, brave coq ou mauvais coq. Il te faut supporter les coups jusqu'à ce que tu en meures, ou te rendre immédiatement, si tu ne veux pas qu'il t'arrive de recevoir des coups d'abord et de te rendre ensuite. Si tu crois que ce serait là une honte, fais-toi dès maintenant ce raisonnement : Qu'est-ce qui est un bien ou un mal suivant la nature ? Ce qui l'est en toute vérité. Mais où sont la vérité et la nature, là aussi est la prudence ; où sont la vérité et la nature, là aussi est l'assurance.

Penses-tu en effet que, si Socrate avait voulu sauver ce qui n'était pas lui, il se serait avancé pour dire : Anytus et Melitus peuvent me tuer, mais ils ne peuvent me faire de tort? Etait-il assez simple pour ne pas voir que cette route ne l'y conduisait pas; qu'elle le conduisait ailleurs? Autrement quel motif aurait-il eu de n'en tenir aucun compte et de les provoquer? Ainsi fit mon ami Héraclite, dans un procès qu'il eut à Rhodes au sujet d'un champ. Après avoir démontré à ses juges que sa causé était juste, il leur dit, quand il en fut arrivé à sa péroraison : Je ne vous prierai pas, et je m'inquiète peu du jugement que vous allez prononcer. C'est vous que l'on juge bien plutôt que moi. Il gâta ainsi son affaire. Et qu'avait-il besoin de le dire ? Borne-toi à ne pas prier; et n'ajoute pas : Je ne vous prie point; à moins que tu n'aies comme Socrate quelque motif suffisant de provoquer tes juges. Si tu veux être mis en croix, attends, et la croix viendra; mais si la raison te détermine à te rendre à la citation du juge et à faire ton possible pour le persuader, il faut être conséquent avec ce premier pas, tout en ne compromettant point ce qui est vraiment à toi.

C'est pour cela aussi qu'il est ridicule de dire : Conseille-moi. Que te conseillerais-je, en effet ? Ce que tu devrais dire, c'est ceci : Fais que mon âme se conforme à tout ce qui lui arrive. Tu ressembles à un homme qui ne saurait pas écrire, et qui viendrait me dire : Indique-moi les caractères qu'il faudra que je trace, quand on me donnera un nom à écrire. Si moi je lui disais qu'il doit tracer les caractères qui entrent dans le mot Dion, et que survînt un autre qui lui donnât à écrire, non pas Dion, mais Théon, qu'arriverait-il de notre homme? Qu'écrirait-il? Tandis que, si tu as appris à écrire, tu peux être prêt pour tous les noms qu'on te demandera. Mais, si tu n'as pas appris, quel conseil puis-je te donner? Car si les circonstances te demandent un autre mot, que diras-tu? Que feras-tu? Aie la science générale, et tu n'auras pas besoin de conseils. Si tu tombes en extase devant les choses du dehors, il te faudra forcément rouler dans tous les sens, au gré des caprices de ton maître. Et qu'est-ce qui est ton maître? Quiconque tient sous sa main ce que tu désires ou ce que tu crains.
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Comment doit-on supporter les maladies ?



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[3,10] Πῶς φέρειν δεῖ τὰς νόσους.

Ἑκάστου δόγματος ὅταν ἡ χρεία παρῇ, πρόχειρον αὐτὸ ἔχειν δεῖ· ἐπ´ ἀρίστῳ τὰ περὶ ἀρίστου, ἐν βαλανείῳ τὰ περὶ βαλανείου, ἐν κοίτῃ τὰ περὶ κοίτης. μηδ´ ὕπνον μαλακοῖσιν ἐπ´ ὄμμασι προσδέξασθαι, πρὶν τῶν ἡμερινῶν ἔργων λογίσασθαι ἕκαστα· ‘πῇ παρέϐην; τί δ´ ἔρεξα; τί μοι δέον οὐ τετέλεσται;’ ἀρξάμενος δ´ ἀπὸ τοῦδε ἐπέξιθι· καὶ μετέπειτα δειλὰ μὲν ῥέξας ἐπιπλήσσεο, χρηστὰ δὲ τέρπου. καὶ τούτους τοὺς στίχους κατέχειν χρηστικῶς, οὐχ ἵνα δι´ αὐτῶν ἀναφωνῶμεν, ὡς διὰ τοῦ Παιὰν Ἄπολλον.

πάλιν ἐν πυρετῷ τὰ πρὸς τοῦτο· μή, ἂν πυρέξωμεν, ἀφιέναι πάντα καὶ ἐπιλανθάνεσθαι· ‘ἂν ἐγὼ ἔτι φιλοσοφήσω, ὃ θέλει γινέσθω. πού ποτ´ ἀπελθόντα τοῦ σωματίου ἐπιμελεῖσθαι εἴ τε καὶ πυρετὸς οὐκ ἔρχεται. τὸ δὲ φιλοσοφῆσαι τί ἐστιν; οὐχὶ παρασκευάσασθαι πρὸς τὰ συμϐαίνοντα; οὐ παρακολουθεῖς οὖν, ὅτι τοιοῦτόν τι λέγεις ‘ἂν ἔτι ἐγὼ παρασκευάσωμαι πρὸς τὸ πρᾴως φέρειν τὰ συμϐαίνοντα, ὃ θέλει γινέσθω’; οἷον εἴ τις πληγὰς λαϐὼν ἀποσταίη τοῦ παγκρατιάζειν. ἀλλ´ ἐκεῖ μὲν ἔξεστι καταλῦσαι καὶ μὴ δέρεσθαι, ἐνθάδε δ´ ἂν καταλύσωμεν φιλοσοφοῦντες, τί ὄφελος; τί οὖν δεῖ λέγειν αὐτὸν ἐφ´ ἑκάστου τῶν τραχέων; ὅτι ‘ἕνεκα τούτου ἐγυμναζόμην, ἐπὶ τοῦτο ἤσκουν’. ὁ θεός σοι λέγει ‘δός μοι ἀπόδειξιν, εἰ νομίμως ἤθλησας, εἰ ἔφαγες ὅσα δεῖ, εἰ ἐγυμνάσθης, εἰ τοῦ ἀλείπτου ἤκουσας’· εἶτ´ ἐπ´ αὐτοῦ τοῦ ἔργου καταμαλακίζῃ; νῦν τοῦ πυρέττειν καιρός ἐστιν, τοῦτο καλῶς γινέσθω· τοῦ διψᾶν, δίψα καλῶς· τοῦ πεινᾶν, πείνα καλῶς. οὐκ {ἐξ}ἔστιν ἐπὶ σοί; τίς σε κωλύσει; ἀλλὰ πιεῖν μὲν κωλύσει ὁ ἰατρός, καλῶς δὲ διψᾶν οὐ δύναται· καὶ φαγεῖν μὲν κωλύσει, πεινᾶν δὲ καλῶς οὐ δύναται. Ἀλλ´ οὐ φιλολογῶ; (-) Τίνος δ´ ἕνεκα φιλολογεῖς; ἀνδράποδον, οὐχ ἵνα εὐροῇς; οὐχ ἵνα εὐσταθῇς; οὐχ ἵνα κατὰ φύσιν ἔχῃς καὶ διεξάγῃς; τί κωλύει πυρέσσοντα κατὰ φύσιν ἔχειν τὸ ἡγεμονικόν; ἐνθάδ´ ὁ ἔλεγχος τοῦ πράγματος, ἡ δοκιμασία τοῦ φιλοσοφοῦντος. μέρος γάρ ἐστι καὶ τοῦτο τοῦ βίου, ὡς περίπατος, ὡς πλοῦς, ὡς ὁδοιπορία, οὕτως καὶ πυρετός. μή τι περιπατῶν ἀναγιγνώσκεις; (-) Οὔ. (-) Οὕτως οὐδὲ πυρέσσων. ἀλλ´ ἂν καλῶς περιπατῇς, ἔχεις τὸ τοῦ περιπατοῦντος· ἂν καλῶς πυρέξῃς, ἔχεις τὰ τοῦ πυρέσσοντος. τί ἐστι καλῶς πυρέσσειν; μὴ θεὸν μέμψασθαι, μὴ ἄνθρωπον, μὴ θλιϐῆναι ὑπὸ τῶν γινομένων, εὖ καὶ καλῶς προσδέχεσθαι τὸν θάνατον, ποιεῖν τὰ προστασσόμενα· ὅταν ὁ ἰατρὸς εἰσέρχηται, μὴ φοϐεῖσθαι, τί εἴπῃ, μηδ´ ἂν εἴπῃ ‘κομψῶς ἔχεις’, ὑπερχαίρειν· τί γάρ σοι ἀγαθὸν εἶπεν; ὅτε γὰρ ὑγίαινες, τί σοι ἦν ἀγαθόν; μηδ´ ἂν εἴπῃ ‘κακῶς ἔχεις’, ἀθυμεῖν· τί γάρ ἐστι τὸ κακῶς ἔχειν; ἐγγίζειν τῷ διαλυθῆναι τὴν ψυχὴν ἀπὸ τοῦ σώματος. τί οὖν δεινόν ἐστιν; ἐὰν νῦν μὴ ἐγγίσῃς, ὕστερον οὐκ ἐγγιεῖς; ἀλλὰ ὁ κόσμος μέλλει ἀνατρέπεσθαι σοῦ ἀποθανόντος; τί οὖν κολακεύεις τὸν ἰατρόν; τί λέγεις ‘ἐὰν σὺ θέλῃς, κύριε, καλῶς ἕξω’; τί παρέχεις αὐτῷ ἀφορμὴν τοῦ ἐπᾶραι ὀφρῦν; οὐχὶ δὲ τὴν αὑτοῦ ἀξίαν αὐτῷ ἀποδίδως, ὡς σκυτεῖ περὶ τὸν πόδα, ὡς τέκτονι περὶ τὴν οἰκίαν, οὕτως καὶ τῷ ἰατρῷ περὶ τὸ σωμάτιον, τὸ οὐκ ἐμόν, τὸ φύσει νεκρόν; τούτων ὁ καιρός ἐστι τῷ πυρέσσοντι· ἂν ταῦτα ἐκπληρώσῃ, ἔχει τὰ αὑτοῦ. οὐ γάρ ἐστιν ἔργον τοῦ φιλοσόφου ταῦτα τὰ ἐκτὸς τηρεῖν, οὔτε τὸ οἰνάριον οὔτε τὸ ἐλάδιον οὔτε τὸ σωμάτιον, ἀλλὰ τί; τὸ ἴδιον ἡγεμονικόν. τὰ δ´ ἔξω πῶς; μέχρι τοῦ μὴ ἀλογίστως κατὰ ταῦτα ἀναστρέφεσθαι. ποῦ οὖν ἔτι καιρὸς τοῦ φοϐεῖσθαι; ποῦ οὖν ἔτι καιρὸς ὀργῆς; ποῦ φόϐου περὶ τῶν ἀλλοτρίων, περὶ τῶν μηδενὸς ἀξίων; δύο γὰρ ταῦτα πρόχειρα ἔχειν δεῖ· ὅτι ἔξω τῆς προαιρέσεως οὐδέν ἐστιν οὔτε ἀγαθὸν οὔτε κακὸν καὶ ὅτι οὐ δεῖ προηγεῖσθαι τῶν πραγμάτων, ἀλλ´ ἐπακολουθεῖν. ‘οὐκ ἔδει οὕτως μοι προσενεχθῆναι τὸν ἀδελφόν.’ οὔ· ἀλλὰ τοῦτο μὲν ἐκεῖνος ὄψεται. ἐγὼ δ´, ὡς ἂν προσενεχθῇ, αὐτὸς ὡς δεῖ χρήσομαι τοῖς πρὸς ἐκεῖνον. τοῦτο γὰρ ἐμόν ἐστιν, ἐκεῖνο δ´ ἀλλότριον· τοῦτο οὐδεὶς κωλῦσαι δύναται, ἐκεῖνο κωλύεται.
                                                                                                                                         Arrien, manuel d'Epictète, 3, 10


[3,10] Comment doit-on supporter les maladies ?
Quand vient le moment d'appliquer quelques-uns de nos principes, il faut toujours les avoir là présents : à table, ceux qui sont pour la table; aux bains, ceux qui sont pour le bain ; au lit, ceux qui sont pour le lit. Que tes yeux trop faibles ne donnent jamais entrée au sommeil, avant que tu n'aies passé en revue toutes tes actions de la journée. Quelle loi ai-je violée? Quel acte ai-je fait? A quel devoir ai-je failli? Pars de là et continue. Puis, si tu as fait du mal, reproche-le toi; si tu as fait du bien, sois-en content. Voilà des vers qu'il faut retenir pour les mettre en pratique, et non pas pour les débiter à haute voix, comme on débite le Péan Apollon!

Dans la fièvre à son tour, ayons présents les principes qui sont faits pour elle, bien loin de les laisser de côté tous en masse et de les oublier, parce que nous avons la fièvre. M'arrive ce qui voudra, t'écries-tu, si je m'occupe encore de philosophie! Je m'en irai quelque part, où je ne songerai qu'aux soins de mon corps, et où la fièvre ne me viendra plus! Mais qu'est-ce que s'occuper de philosophie? N'est-ce pas se préparer contre les événements? Ne comprends-tu pas alors que tes paroles reviennent à dire : M'arrive ce qui voudra, si je me prépare encore à supporter avec calme les événements! C'est comme si quelqu'un renonçait au jeu du Pancrace, parce qu'il y aurait reçu des coups. Encore est-il tout loisible dans ce cas de cesser la lutte et de ne plus être battu ; tandis que nous, si nous cessons de nous occuper de philosophie, qu'est-ce que nous y gagnerons? Que doit donc dire le philosophe, à chaque chose pénible qui lui arrive? Voilà ce à quoi je me suis préparé, ce en vue de quoi je me suis exercé. Dieu te dit : Donne-moi une preuve que tu t'es préparé à la lutte suivant toutes les règles, que tu t'es nourri comme on doit le faire, que tu as fréquenté le gymnase, que tu as écouté les leçons du maître. Vas-tu maintenant mollir à l'instant décisif? Voici le moment d'avoir la fièvre; qu'elle vienne, et sois convenable. Voici le moment d'avoir soif; aie soif, et sois convenable. Voici le moment d'avoir faim; aie faim, et sois convenable. Cela ne dépend-il pas de toi? Quelqu'un peut-il t'en empêcher? Le médecin t'empêchera de boire; mais il ne peut t'empêcher d'être convenable en ayant soif. Il t'empêchera de manger ; mais il ne peut t'empêcher d'être convenable en ayant faim. — Mais (en cet état) je ne puis pas étudier! — A quelle fin étudies-tu donc, esclave? N'est-ce pas pour arriver au calme? à la tranquillité? N'est-ce pas pour te mettre et te maintenir en conformité avec la nature? Or, quand tu as la fièvre, qui t'empêche de mettre cet accord entre la nature et ta partie maîtresse? C'est ici le moment de faire tes preuves ; c'est ici l'épreuve du philosophe ; car la fièvre fait partie de la vie, comme la promenade, les traversées, les voyages par terre. Est-ce que tu lis en te promenant? — Non. — Eh bien, c'est la même chose quand tu as la fièvre. Si tu restes convenable, en te promenant, tu es ce que doit être un promeneur; si tu es convenable, en ayant la fièvre, tu es ce que doit être un fiévreux. Qu'est-ce donc qu'être convenable en ayant la fièvre? C'est de ne t'en prendre ni à Dieu ni aux hommes ; c'est de ne pas te désoler de ce qui arrive; c'est d'attendre dignement et convenablement la mort; c'est de faire tout ce que l'on t'ordonne ; c'est de ne pas t'effrayer de ce que va dire le médecin, quand il arrive, et de ne pas te réjouir outre mesure, quand il te dit : Tu te portes bien. Qu'est-ce là, en effet, te dire de bon? Car, lorsque tu te portais bien, qu'y avait-il là de bon pour toi? C'est encore de ne pas te désespérer, quand il te dit : Tu te portes mal. Qu'est-ce, en effet, que se mal porter? Approcher du moment où l'âme se sépare du corps. Qu'y a-t-il donc là de terrible? Est-ce que, si tu n'en approches pas maintenant, tu n'en approcheras pas plus tard? Est-ce encore que le monde doit être bouleversé par ta mort? Pourquoi donc flattes-tu le médecin? Pourquoi lui dis-tu: Si tu le veux, maître, je serai en bonne santé? Pourquoi lui donner un motif de porter haut la tête? Pourquoi ne pas l'estimer juste ce qu'il vaut? Le cordonnier est pour mon pied, le charpentier pour ma maison, et le médecin, à son tour, pour mon misérable corps, c'est-à-dire pour quelque chose qui n'est pas à moi, pour un être mort né. Voilà ce qu'a à faire le fiévreux ; et, s'il le fait il est ce qu'il doit être. La tâche du philosophe, en effet, n'est pas de sauvegarder les choses du dehors, son vin, son huile, son corps, mais de sauvegarder sa partie maîtresse. Comment se conduira-t-il vis-à-vis les choses du dehors? Il s'en occupera dans la mesure que la raison comporte. Et alors quand aura-t-il encore à s'effrayer? Quand aura-t-il encore à se mettre en colère? Quand aura-t-il encore à trembler pour des choses qui ne sont pas à lui, et qui ne méritent pas qu'il en fasse cas? Voici, en effet, les deux pensées qu'il faut avoir toujours présentes : c'est qu'en dehors de notre libre arbitre, il n'y a rien de bon ni de mauvais, et qu'il ne faut pas vouloir conduire les événements, mais les suivre. Mon frère ne devait pas se conduire ainsi avec moi. Oui ; mais c'est à lui d'y voir ; et quant à moi, de quelque façon qu'il se soit conduit, j'agirai envers lui comme je le dois. Car voilà ce qui me regarde, tandis que l'autre chose ne me regarde pas ; voilà ce que nul ne peut empêcher, tandis qu'on peut empêcher l'autre chose.

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μηδ´ ὕπνον μαλακοῖσιν ἐπ´ ὄμμασι προσδέξασθαι, πρὶν τῶν ἡμερινῶν ἔργων λογίσασθαι ἕκαστα· ‘πῇ παρέϐην; τί δ´ ἔρεξα; τί μοι δέον οὐ τετέλεσται;’ : que tes yeux trop faibles ne donnent jamais entrée au sommeil, avant que tu n'aies passé en revue toutes tes actions de la journée. Quelle loi ai-je violée? Quel acte ai-je fait? A quel devoir ai-je failli?

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Voilà comment tu seras sans terreurs et sans trouble





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[4,1g] οὐκοῦν ἄφοϐος μὲν οὕτως ἔσει καὶ ἀτάραχος.

λύπη δὲ τί πρὸς σέ; ὧν γὰρ προσδοκωμένων φόϐος γίνεται, καὶ λύπη παρόντων. ἐπιθυμήσεις δὲ τίνος ἔτι; τῶν μὲν γὰρ προαιρετικῶν ἅτε καλῶν ὄντων καὶ παρόντων σύμμετρον ἔχεις καὶ καθισταμένην τὴν ὄρεξιν, τῶν δ´ ἀπροαιρέτων οὐδενὸς ὀρέγῃ, ἵνα καὶ τόπον σχῇ τὸ ἄλογον ἐκεῖνο καὶ ὠστικὸν καὶ παρὰ τὰ μέτρα ἠπειγμένον; Ὅταν οὖν πρὸς τὰ πράγματα οὕτως ἔχῃς, τίς ἔτι ἄνθρωπος δύναται φο
ϐερὸς εἶναι; τί γὰρ ἔχει ἄνθρωπος ἀνθρώπῳ φοϐερὸν ἢ ὀφθεὶς ἢ λαλήσας ἢ ὅλως συναναστραφείς; οὐ μᾶλλον ἢ ἵππος ἵππῳ ἢ κύων κυνὶ ἢ μέλισσα μελίσσῃ. ἀλλὰ τὰ πράγματα ἑκάστῳ φοϐερά ἐστιν· ταῦτα δ´ ὅταν περιποιεῖν τις δύνηταί τινι ἢ ἀφελέσθαι, τότε καὶ αὐτὸς φοϐερὸς γίνεται. πῶς οὖν ἀκρόπολις καταλύεται; οὐ σιδήρῳ οὐδὲ πυρί, ἀλλὰ δόγμασιν. ἂν γὰρ τὴν οὖσαν ἐν τῇ πόλει καθέλωμεν, μή τι καὶ τὴν τοῦ πυρετοῦ, μή τι καὶ τὴν τῶν καλῶν γυναικαρίων, μή τι ἁπλῶς τὴν ἐν ἡμῖν ἀκρόπολιν καὶ τοὺς ἐν ἡμῖν τυράννους ἀποϐεϐλήκαμεν, οὓς ἐφ´ ἑκάστοις καθ´ ἡμέραν ἔχομεν, ποτὲ μὲν τοὺς αὐτούς, ποτὲ δ´ ἄλλους; ἀλλ´ ἔνθεν ἄρξασθαι δεῖ καὶ ἔνθεν καθελεῖν τὴν ἀκρόπολιν, ἐκϐάλλειν τοὺς τυράννους· τὸ σωμάτιον ἀφεῖναι, τὰ μέρη αὐτοῦ, τὰς δυνάμεις, τὴν κτῆσιν, τὴν φήμην, ἀρχάς, τιμάς, τέκνα, ἀδελφούς, φίλους, πάντα ταῦτα ἡγήσασθαι ἀλλότρια. κἂν ἔνθεν ἐκϐληθῶσιν οἱ τύραννοι, τί ἔτι ἀποτειχίζω τὴν ἀκρόπολιν ἐμοῦ γε ἕνεκα; ἑστῶσα γὰρ τί μοι ποιεῖ; τί ἔτι ἐκϐάλλω τοὺς δορυφόρους; ποῦ γὰρ αὐτῶν αἰσθάνομαι; ἐπ´ ἄλλους ἔχουσιν τὰς ῥάϐδους καὶ τοὺς κοντοὺς καὶ τὰς μαχαίρας. ἐγὼ δ´ οὐπώποτ´ οὔτε θέλων ἐκωλύθην οὔτ´ ἠναγκάσθην μὴ θέλων καὶ πῶς τοῦτο δυνατόν; προσκατατέταχά μου τὴν ὁρμὴν τῷ θεῷ. θέλει μ´ ἐκεῖνος πυρέσσειν· κἀγὼ θέλω. θέλει ὁρμᾶν ἐπί τι· κἀγὼ θέλω. θέλει ὀρέγεσθαι· κἀγὼ θέλω. θέλει με τυχεῖν τινος· κἀγὼ βούλομαι. οὐ θέλει· οὐ βούλομαι. ἀποθανεῖν οὖν θέλω· στρεϐλωθῆναι οὖν θέλω. τίς ἔτι με κωλῦσαι δύναται παρὰ τὸ ἐμοὶ φαινόμενον ἢ ἀναγκάσαι; οὐ μᾶλλον ἢ τὸν Δία.

[4,1g] Voilà comment tu seras sans terreurs et sans trouble

Le chagrin, en effet, existera-t-il alors pour toi? Non, car on ne s'afflige de voir arriver que les choses qu'on a redoutées quand on les attendait. Convoiteras-tu encore quoique ce soit? Tu désireras d'une manière calme et régulière tout ce qui relève de ton libre arbitre, tout ce qui est honnête et sous ta main ; quant aux choses qui ne relèvent pas de ton libre arbitre, tu n'en désireras aucune assez pour qu'il y ait place en toi à des ardeurs de bête brute et à des impatiences sans mesure. Lorsque l'on est dans cette disposition d'esprit à l'égard des objets, quel homme peut-on redouter encore? Comment, en effet, un homme peut-il être redoutable pour un autre homme, soit qu'il se trouve devant lui, soit qu'il lui parle, soit même qu'il vive avec lui? Il ne peut pas plus l'être qu'un cheval pour un cheval, un chien pour un chien, une abeille pour une abeille. Ce que chacun redoute, ce sont les choses; et c'est quand quelqu'un peut nous les donner ou nous les enlever, qu'il devient redoutable à son tour. Cela étant, qu'est-ce qui met anéanties les citadelles? Ce n'est ni le fer, ni le feu, mais nos façons de juger et de vouloir. Car, lorsque nous aurons mis à néant la citadelle qui est dans la ville, aurons-nous mis à néant, du même coup, celle d'où nous commande la fièvre? Et celle d'où nous maîtrisent les jolies filles? En un mot, aurons-nous renversé, avec la citadelle qu'ils s'y sont faite, tous les tyrans qui sont en nous, ces tyrans que nous y trouvons chaque jour à propos de tout, tantôt les mêmes, tantôt divers? C'est par là qu'il faut commencer; c'est de là qu'il faut chasser les tyrans, après avoir mis à néant leur citadelle : il faut, pour cela, renoncer à son corps avec toutes ses parties et toutes ses facultés; renoncer à la fortune, à la gloire, aux dignités, aux honneurs, à ses enfants, à ses frères; se dire qu'il n'y a rien là qui soit à nous. Mais, une fois que j'ai ainsi chassé de mon âme ses tyrans, que me servirait encore, à moi du moins, de renverser les citadelles de pierre? Car, debout, quel mal me font-elles? A quoi bon chasser les gardes du tyran? En quoi m'aperçois-je de leur existence? C'est contre d'autres qu'ils ont ces faisceaux, ces lances et ces épées. Jamais je n'ai été empêché de faire ce que je voulais, ni contraint à faire ce que je ne voulais pas. Et comment y ai-je pu arriver? J'ai subordonné ma volonté à celle de Dieu. Veut-il que j'aie la fièvre? Moi aussi je le veux. Veut-il que j'entreprenne quelque chose? Moi aussi je le veux. Veut-il que je désire? Moi aussi je le veux. Veut-il que quelque chose m'arrive? Moi aussi je le veux. Ne le veut-il pas? Je ne le veux pas. Veut-il que je meure? Veut-il que je sois torturé? Je veux mourir; je veux être torturé. Qu'est-ce qui peut alors m'entraver ou me forcer contrairement à ce qui me semble bon? On ne le peut pas plus pour moi que pour Jupiter.

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στρεϐλωθῆναι οὖν θέλω : je veux donc être torturé.
οὐκοῦν ἄφοϐος μὲν οὕτως ἔσει καὶ ἀτάραχος :  voilà comment tu seras sans terreurs et sans trouble




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Dans quelle mesure on peut avoir recours à la divination







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32.1 ὅταν μαντικῇ προσίῃς, μέμνησο ὅτι τί μὲν ἀποϐήσεται οὐκ οἶδας, ἀλλὰ ἥκεις ὡς παρὰ τοῦ μάντεως αὐτὸ πευσόμενος, ὁποῖον δέ τι ἐστιν, εἰδὼς ἐλήλυθας, εἴπερ εἶ φιλόσοφος. εἰ γάρ ἐστί τι τῶν οὐκ ἐφ' ἡμῖν, πᾶσα ἀνάγκη μήτε ἀγαθὸν αὐτὸ εἶναι μήτε κακόν. 32.2 μὴ φέρε οὖν πρὸς τὸν μάντιν ὄρεξινἔκκλισιν μήδε τρέμων αὐτῷ πρόσει ἀλλὰ διεγνωκώς ὅτι πᾶν τὸ ἀποϐησόμενον ἀδιάφορον καὶ οὐδὲν πρὸς σέ, ὁποῖον δʹἂν, ᾖ ἔσται γὰρ αὐτῷ χρήσασθαι καλῶς καὶ τοῦτο οὐδεὶς κωλύσει. θαρρῶν οὖν ὡς ἐπὶ συμϐούλους ἔρχου τοὺς θεούς, καὶ λοιπόν ὅταν τί σοι συμϐουλευθῇ, μέμνησο τίνας συμϐούλους παρέλαϐες καὶ τίνων παρακούσεις ἀπειθήσας.

32.3 ἔρχου δὲ ἐπὶ τὸ μαντεύεσθαι καθάπερ ἠξίου Σωκράτης, ἐφ' ὧν ἡ πᾶσα σκέψις τὴν ἀναφορὰν εἰς τὴν ἔκ
ϐασιν ἔχει καὶ οὔτε ἐκ λόγου οὔτε ἐκ τέχνης τινὸς ἄλλης ἀφορμαὶ δίδονται πρὸς τὸ συνιδεῖν τὸ προκείμενον· ὥστε ὅταν δεήσῃ συγκινδυνεῦσαι φίλῳ ἢ πατρίδι, μὴ μαντεύεσθαι εἰ συγκινδυνευτέον. καὶ γὰρ ἂν προείπῃ σοι ὁ μάντις φαῦλα γεγονέναι τὰ ἱερά, δῆλον ὅτι θάνατος σημαίνεται ἢ πήρωσις μέρους τινὸς τοῦ σώματος ἢ φυγή· ἀλλ' αἱρεῖ ὁ λόγος καὶ σὺν τούτοις παρίστασθαι τῷ φίλῳ καὶ τῇ πατρίδι συγκινδυνεύειν. τοιγαροῦν τῷ μείζονι μάντει πρόσεχε τῷ Πυθίῳ, ὃς ἐξέϐαλε τοῦ ναοῦ τὸν οὐ βοηθήσαντα ἀναιρουμένῳ τῷ φίλῳ.
                                                                                                                                                  Epictète, Manuel, 32



Toutes les fois que tu auras recours à la divination, souviens-toi que tu ignores l'événement qui doit arriver et que tu es là pour l'apprendre du divin; par contre, de quelle nature il est, tu le savais en arrivant,  si tu es philosophe.  Si c'est en effet une des choses qui ne dépendent pas de nous, elle n'est, de toute nécessité ni bonne ni mauvaise. N'apporte donc chez le divin ni désir ni aversion, et approche-toi de lui sans trembler, avec la persuasion  que tout ce qui arrivera est indifférent et ne te regarde en rien; que, de toute façon, tu pourras en faire un bon usage, et que, cela, personne ne pourra l'empêcher. Ainsi, va avec confiance vers les dieux, comme vers des conseillers; et, du reste, lorsque tu auras reçu d'eux un conseil, rappelle-toi quels conseillers tu as pris, qui tu refuserais d'écouter, si tu ne leur obéis pas.

Ne va consulter l'oracle, comme le voulait Socrate, qu'autant que ta question concerne uniquement le résultat final et que ni le raisonnement ni un art quelconque ne te fournissent de données pour résoudre le problème. Par conséquent, lorsqu'il s'agira de partager le péril d'un ami ou de la patrie, ne demande pas au devin si tu dois partager ce péril. Si en effet le devin déclare que les victimes donnent des présages défavorables, il t'annonce évidemment que tu mourras, que tu seras estropié ou exilé; mais la raison prescrit, même avec cette perspective, de secourir son ami, de partager le péril de sa patrie. Crois-en donc le plus grand des devins, Apollon Pythien, qui chassa de son temple le lâche qui n'avait pas porté secours à son ami qu'on assassinait.
                                                          trad. Bizos et Flacelière; versions grecques, librairie Vuibert

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Socrate fait l'éloge de l'agriculture






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[5,1] ταῦτα δέ, ὦ Κριτόϐουλε, ἐγὼ διηγοῦμαι, ἔφη ὁ Σωκράτης, ὅτι τῆς γεωργίας οὐδ' οἱ πάνυ μακάριοι δύνανται ἀπέχεσθαι. ἔοικε γὰρ ἡ ἐπιμέλεια αὐτῆς εἶναι ἅμα τε ἡδυπάθειά τις καὶ οἴκου αὔξησις καὶ σωμάτων ἄσκησις εἰς τὸ δύνασθαι ὅσα ἀνδρὶ ἐλευθέρῳ προσήκει. (2) πρῶτον μὲν γὰρ ἀφ' ὧν ζῶσιν οἱ ἄνθρωποι, ταῦτα ἡ γῆ φέρει ἐργαζομένοις, καὶ ἀφ' ὧν τοίνυν ἡδυπαθοῦσι, προσεπιφέρει · (3) ἔπειτα δὲ ὅσοις κοσμοῦσι βωμοὺς καὶ ἀγάλματα καὶ οἷς αὐτοὶ κοσμοῦνται, καὶ ταῦτα μετὰ ἡδίστων ὀσμῶν καὶ θεαμάτων παρέχει: ἔπειτα δὲ ὄψα πολλὰ τὰ μὲν φύει, τὰ δὲ τρέφει: καὶ γὰρ ἡ προϐατευτικὴ τέχνη συνῆπται τῇ γεωργίᾳ, ὥστε ἔχειν καὶ θεοὺς ἐξαρέσκεσθαι θύοντας καὶ αὐτοὺς χρῆσθαι.

(4)
παρέχουσα δ' ἀφθονώτατα τἀγαθὰ οὐκ ἐᾷ ταῦτα μετὰ μαλακίας λαμϐάνειν, ἀλλὰ ψύχη τε χειμῶνος καὶ θάλπη θέρους ἐθίζει καρτερεῖν. καὶ τοὺς μὲν αὐτουργοὺς διὰ τῶν χειρῶν γυμνάζουσα ἰσχὺν αὐτοῖς προστίθησι, τοὺς δὲ τῇ ἐπιμελείᾳ γεωργοῦντας ἀνδρίζει πρῴ τε ἐγείρουσα καὶ πορεύεσθαι σφοδρῶς ἀναγκάζουσα. καὶ γὰρ ἐν τῷ χώρῳ καὶ ἐν τῷ ἄστει ἀεὶ ἐν ὥρᾳ αἱ ἐπικαιριώταται πράξεις εἰσίν. (5) ἔπειτα ἄν τε σὺν ἵππῳ ἀρήγειν τις τῇ πόλει βούληται, τὸν ἵππον ἱκανωτάτη ἡ γεωργία συντρέφειν, ἄν τε πεζῇ, σφοδρὸν τὸ σῶμα παρέχει · θήραις τε ἐπιφιλοπονεῖσθαι συνεπαίρει τι ἡ γῆ καὶ κυσὶν εὐπέτειαν τροφῆς παρέχουσα καὶ θηρία συμπαρατρέφουσα.

(6)
ὠφελούμενοι δὲ καὶ οἱ ἵπποι καὶ αἱ κύνες ἀπὸ τῆς γεωργίας ἀντωφελοῦσι τὸν χῶρον, ὁ μὲν ἵππος πρῴ τε κομίζων τὸν κηδόμενον εἰς τὴν ἐπιμέλειαν καὶ ἐξουσίαν παρέχων ὀψὲ ἀπιέναι, αἱ δὲ κύνες τά τε θηρία ἀπερύκουσαι ἀπὸ λύμης καρπῶν καὶ προϐάτων καὶ τῇ ἐρημίᾳ τὴν ἀσφάλειαν συμπαρέχουσαι. (7) παρορμᾷ δέ τι καὶ εἰς τὸ ἀρήγειν σὺν ὅπλοις τῇ χώρᾳ καὶ ἡ γῆ τοὺς γεωργοὺς ἐν τῷ μέσῳ τοὺς καρποὺς τρέφουσα τῷ κρατοῦντι λαμϐάνειν.

(8)
καὶ δραμεῖν δὲ καὶ βαλεῖν καὶ πηδῆσαι τίς ἱκανωτέρους τέχνη γεωργίας παρέχεται; τίς δὲ τοῖς ἐργαζομένοις πλείω τέχνη ἀντιχαρίζεται; τίς δὲ ἥδιον τὸν ἐπιμελόμενον δέχεται προτείνουσα προσιόντι λαβεῖν ὅ τι χρῄζει; (9) τίς δὲ ξένους ἀφθονώτερον δέχεται; χειμάσαι δὲ πυρὶ ἀφθόνῳ καὶ θερμοῖς λουτροῖς ποῦ πλείων εὐμάρεια ἢ ἐν χώρῳ τῳ; ποῦ δὲ ἥδιον θερίσαι ὕδασί τε καὶ πνεύμασι καὶ σκιαῖς ἢ κατ' ἀγρόν; (10) τίς δὲ ἄλλη θεοῖς ἀπαρχὰς πρεπωδεστέρας παρέχει ἢ ἑορτὰς πληρεστέρας ἀποδεικνύει; τίς δὲ οἰκέταις προσφιλεστέρα ἢ γυναικὶ ἡδίων ἢ τέκνοις ποθεινοτέρα ἢ φίλοις εὐχαριστοτέρα; (11) ἐμοὶ μὲν θαυμαστὸν δοκεῖ εἶναι εἴ τις ἐλεύθερος ἄνθρωπος ἢ κτῆμά τι τούτου ἥδιον κέκτηται ἢ ἐπιμέλειαν ἡδίω τινὰ ταύτης ηὕρηκεν ἢ ὠφελιμωτέραν εἰς τὸν βίον. (12) ἔτι δὲ ἡ γῆ θεὸς οὖσα τοὺς δυναμένους καταμανθάνειν καὶ δικαιοσύνην διδάσκει · τοὺς γὰρ ἄριστα θεραπεύοντας αὐτὴν πλεῖστα ἀγαθὰ ἀντιποιεῖ.
                                                                                                                            Xénophon, Economique, 5, 1-12



Ce récit, Critobule, dit Socrate,  te montre que les personnages les plus opulents ne peuvent se passer de l'agriculture : tu le vois, cette occupation une source d'agrément, un moyen d'accroître sa maison, un moyen d'entraîner son corps à tout ce qu'il sied qu'un homme libre soit capable de faire. (2) D'abord, les aliments qui font vivre l'homme, c'est la terre qui les produit lorsqu'on la travaille, et elle produit d'ailleurs de surcroît tous les agréments de la vie.
(3) En outre, tout ce qui sert à parer les autels, les statues des dieux, les hommes eux-mêmes, c'est encore elle qui le procure et rien n'est plus agréable à voir ni à sentir. Enfin mille mets proviennent de ce qu'elle produit ou de ce qu'elle nourrit : l'élevage des troupeaux est lié est lié à l'agriculture; nous avons ainsi de quoi nous concilier les dieux par des sacrifices et de quoi subvenir à nos propres besoins.

(4) Mais ces biens qu'elle nous procure à foison, elle ne nous permet pas de les prendre sans peine; elle nous habitue à endurer les froids de l'hiver et les chaleurs de l'été. En exerçant ceux qui travaillent leur terre de leurs bras, elle accroît leur force. Quant à ceux qui n'ont qu'à surveiller leur domaine, elle leur donne une vigueur virile en les faisant se lever de bonne heure et en les contraignant  à de rudes marches.  Aux champs comme à la ville c'est toujours à un moment qu'on ne peut remettre que s'accomplissent les opérations les plus importantes. (5) En outre, si l'on veut servir la cité dans la cavalerie, rien de plus capable que l'agricuture d'aider  à nourrir le cheval à la maison; si l'on veut servir dans l'infanterie, elle rend le corps vigoureux. La terre contribue aussi à développer le goût de la chasse en donnant des facilités pour nourrir les chiens, en nourrissant de surcroît le gibier.

(6) Puis, en échange des services qu'ils reçoivent de l'agriculture, chiens et chevaux de leur côté rendent service à la ferme, le cheval en amenant de bonne heure  le maître aux champs pour les surveiller et  en lui permettant d'en repartir  tard, et les chiens en écartant les bêtes sauvages, en les empêchant de ravager les récoltes et les troupeaux, enfin en procurant la sécurité dans la solitude. (7) La terre incite aussi les cultivateurs  à défendre leur pays par les armes :  les récoltes qu'elle fait pousser  sont offertes à tous, à la merci du plus fort.

8) Quel art nous rend plus capables que l'agriculture, de courir, de lancer le javelot, de sauter ?  Quel art paie mieux de retour ceux qui le pratiquent ? Lequel fait plus plaisant accueil à qui s'y adonne ? Vous l'abordez, et vous tend et vous offre tout ce que vous désirez. Lequel accueille des hôtes plus généreusement ? (9) Et pour passer l'hiver avec un bon feu et des bains chauds, où est-ce plus facile que dans quelque campagne ? Où donc, pour passer l'été, jouit-on  davantage qu'aux champs des ruisseaux,  de la brise, des ombrages ? (10) Quel autre art offre aux dieux des prémisses plus dignes d'eux ou présente le spectacle de fêtes plus parfaites ? Lequel est plus agréable pour les serviteurs, plus plaisant pour la femme,  plus désirables pour les enfants, plus généreux pour les amis ? (11) Pour ma part, il m'apparaît surprenant qu'un homme libre puisse posséder un bien plus plaisant, avoir trouvé une occupation plus plaisante et plus avantageuse pour le faire vivre ? (12) Ce n'est pas tout, la terre, étant une divinité, enseigne aussi la justice à ceux qui sont capables de l'apprendre; c'est à ceux qui lui témoignent le plus d'égards qu'elle accorde en échange le plus de biens.
            trad. Pierre Chantraine; éd. les belles lettres
 
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Réquisitoire contre un sycophante






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Réquisitoire contre un sycophante
 
<92> Λοιπὸν τοίνυν ἐστίν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τοῖς ἀπαλλαγῆναι βουλομένοις τούτου, ἀδίκημα σαφὲς καὶ ἐναργὲς ἔχοντας ἐκ τῶν νόμων, μάλιστα μὲν αὐτῷ θανάτου τιμῆσαι, εἰ δὲ μή, τοσοῦτον ἀναθεῖναι τίμημα χρημάτων ὅσον μὴ δυνήσεται φέρειν· ἄλλη γὰρ οὐκ ἔστιν ἀπαλλαγὴ τούτου, σαφῶς ἐπίστασθε.

<93> Καὶ γάρ, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τῶν μὲν ἄλλων ἀνθρώπων ἄν τις ἴδοι τοὺς μὲν βελτίστους καὶ μετριωτάτους αὐτῇ τῇ φύσει πάντα ποιοῦντας ἑκόντας ἃ δεῖ, τοὺς δὲ χείρους μὲν τούτων, ἔξω δὲ τοῦ πονηροὺς ἄγαν κληθῆναι, τῷ φόϐῳ τῷ πρὸς ὑμᾶς καὶ τῷ τοῖς αἰσχροῖς καὶ λόγοις καὶ ὀνείδεσιν ἀλγεῖν εὐλαβουμένους ἐξαμαρτάνειν· τοὺς δὲ πονηροτάτους καὶ ἐξαγίστους ὀνομαζομένους τάς γε συμφορὰς σωφρονίζειν λέγουσιν.

<94> Οὑτοσὶ τοίνυν Ἀριστογείτων τοσοῦτον ὑπερῆρκεν ἅπαντας ἀνθρώπους πονηρίᾳ ὥστ' οὐδὲ παθὼν ἐνουθετήθη, ἀλλ' ἐπὶ τοῖς αὐτοῖς ἀδικήμασι καὶ πλεονεκτήμασιν πάλιν εἴληπται. Καὶ τοσούτῳ πλείονος ὀργῆς ἄξιός ἐστιν νῦν ἢ πρότερον, ὅσῳ τότε μὲν γράφειν μόνον ᾤετο δεῖν παρὰ τοὺς νόμους, νυνὶ δὲ πάντα ποιεῖν, αἰτιᾶσθαι, λέγειν, διαϐάλλειν, βλασφημεῖν, θανάτου τιμᾶσθαι, εἰσαγγέλλειν, κακολογεῖν τοὺς ἐπιτίμους αὐτὸς ὀφείλων τῷ δημοσίῳ· τούτου γὰρ οὐδέν ἐστι δεινότερον.

<95>
Τὸ μὲν οὖν νουθετεῖν τοῦτον μανία· ὃς γὰρ οἷς ὁ δῆμος ἅπας τοὺς ἐνοχλοῦντας ἑαυτὸν νουθετεῖ θορύϐοις μηδεπώποθ' ὑπεῖξε μηδὲ διετράπη, ταχύ γ' ἂν φροντίσειέ τι τοῦ παρ' ἑνὸς λόγου. Ἀνίατον, ἀνίατον, ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τὸ πρᾶγμ' ἔστι τὸ τούτου. Δεῖ δὴ πάντας, ὥσπερ οἱ ἰατροί, ὅταν καρκίνον ἢ φαγέδαιναν ἢ τῶν ἀνιάτων τι κακῶν ἴδωσιν, ἀπέκαυσαν ἢ ὅλως ἀπέκοψαν, οὕτω τοῦτο τὸ θηρίον ὑμᾶς ἐξορίσαι, ῥῖψαι ἐκ τῆς πόλεως, ἀνελεῖν, μὴ περιμείναντάς τι παθεῖν, ὃ μήτ' ἰδίᾳ μήτε δημοσίᾳ γένοιτο, ἀλλὰ προευλαϐηθέντας.
                                                                                                                                           Démosthène, contre Aristogiton, 1, 92-95



<92> Il reste, Athéniens, à ceux qui veulent se débarrasser de cet homme, puisqu'ils sont en présence d'un délit précis, manifeste et spécifié par les lois, à le frapper de la peine de mort -- ce serait la meilleure solution -- sinon à lui infliger une amende telle qu'il ne pourra la payer, il n'y a pas d'autre moyen de se défaire de lui, sachez-le bien.

<93> Voyez en effet les autres hommes : les meilleurs, les plus sages font, rien que par nature et de bon gré, tout leur devoir; pour d'autres qui valent moins qu'eux assurément, mais qu'on ne va pas  jusqu'à traiter  tout à fait de misérables, c'est parce qu'ils ont peur de vous et qu'ils souffrent des propos et des blâmes infamants, qu'ils se gardent de commettre des fautes. Quant aux plus mauvais, à ceux qu'on appelle de francs scélérats, on dit que les malheurs du moins les rendent sages.

<94> Eh bien ! cet homme dépasse tellement tous les autres en méchanceté, que ses disgrâces mêmes ne lui ont pas servi de leçon : le voilà repris à commettre, les mêmes fautes, les mêmes abus. Et il mérite bien plus notre colère aujourd'hui qu'autrefois : il trouvait alors suffisant de proposer des décrets illégaux; maintenant il se croit tout permis : accuser, parler à la tribune, calomnier, diffamer, demander des condamnations à mort, citer devant le peuple,  injurier les citoyens qui jouissent de leurs droits alors qu'il est lui-même débiteur envers le trésor, ce qui dépasse les bornes.

<95> Aussi, vouloir corriger serait folie : quand les huées par lesquelles quand le peuple tout entier rappelle à l'ordre ceux qui l'importunent n'ont pu le faire ni céder ni détourner dee son chemin, vous pensez comme il va s'empresser d'écouter les paroles d'un citoyen isolé ! Incurable, son cas est incurable. Vous devez donc tous faire comme les médecins, lorsqu'ils voient un ulcère, un chancre ou quelque autre mal qu'ils ne peuvent guérir, le brûlent ou l'extirpent complètement : bannissez cette bête mauvaise, rejetez-la de la cité, n'attendez pas qu'elle vous ait fait du mal -- et, de ce mal, puissent les dieux préserver les particuliers et l'Etat ! prenez les devants.
   trad. Bizos et Flacelière; versions grecques, librairie Vuibert


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Contre un riche et puissant adversaire



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Contre un riche et puissant adversaire
 
 
[136] Τοῖς μὲν τοίνυν ἄλλοις ἅπασιν ἀνθρώποις ὁρῶ τοῖς κρινομένοις, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἓν μὲν ἢ δύ' ὄντα τἀδικήμαθ' ἃ κατηγορεῖται, λόγους δ' ἀφθόνους τοιούτους ὑπάρχοντας τίς ὑμῶν ἐμοί τι σύνοιδε τοιοῦτον; Τίς ὑμῶν ἐμὲ ταῦθ' ἑόρακε ποιοῦντα; Οὐκ ἔστιν, ἀλλ' οὗτοι δι' ἔχθραν καταψεύδονταί μου, καταψευδομαρτυροῦμαι, τὰ τοιαῦτα· τούτῳ δ' αὖ τἀναντία τούτων.

[137]
  Πάντας γὰρ ὑμᾶς εἰδέναι νομίζω τὸν τρόπον καὶ τὴν ἀσέλγειαν καὶ τὴν ὑπερηφανίαν τοῦ βίου, καὶ πάλαι θαυμάζειν ἐνίους οἴομαι ὧν αὐτοὶ μὲν ἴσασιν, οὐκ ἀκηκόασι δὲ νῦν ἐμοῦ. Πολλοὺς δὲ τῶν πεπονθότων οὐδὲ πάνθ' ὅσ' ἠδίκηνται μαρτυρεῖν ἐθέλοντας ὁρῶ, τὴν βίαν καὶ τὴν φιλοπραγμοσύνην ὁρῶντας τὴν τούτου καὶ τὴν ἀφορμήν, ἥπερ ἰσχυρὸν ποιεῖ καὶ φοϐερὸν τὸν κατάπτυστον τουτονί.

[138]
Τὸ γὰρ ἐπ' ἐξουσίας καὶ πλούτου πονηρὸν εἶναι καὶ ὑϐριστὴν τεῖχός ἐστι πρὸς τὸ μηδὲν ἂν αὐτὸν ἐξ ἐπιδρομῆς παθεῖν, ἐπεὶ περιαιρεθεὶς οὗτος τὰ ὄντα ἴσως μὲν οὐκ ἂν ὑϐρίζοι, εἰ δ' ἄρα, ἐλάττονος ἄξιος ἔσται τοῦ μικροτάτου παρ' ὑμῖν· μάτην γὰρ λοιδορήσεται καὶ βοήσεται, δίκην δ', ἂν ἀσελγαίνῃ τι, τοῖς ἄλλοις ἡμῖν ἐξ ἴσου δώσει.

[139] Νῦν δ', οἶμαι, τούτου προ
ϐϐληται ... τινές εἰσι μισθοφόροι περὶ αὐτόν, καὶ πρὸς ἔθ' ἕτεροι τούτοις, μαρτύρων συνεστῶσα ἑταιρεία, φανερῶς μὲν οὐκ ἐνοχλούντων ὑμῖν, σιγῇ δὲ τὰ ψευδῆ ῥᾷστ' ἐπινευόντων. Οὓς μὰ τοὺς θεοὺς οὐδὲν ὠφελεῖσθαι νομίζω παρὰ τούτου· ἀλλὰ δεινοί τινές εἰσιν φθείρεσθαι πρὸς τοὺς πλουσίους καὶ παρεῖναι καὶ μαρτυρεῖν.

[140]  Πάντα δὲ ταῦτ', οἶμαι, φοϐέρ' ἐστὶ τῶν ἄλλων ὑμῶν ἑκάστῳ καθ' ἑαυτὸν ὅπως δύναται ζῶντι. Οὗπερ εἵνεκα συλλέγεσθ' ὑμεῖς, ἵν', ὧν καθ' ἕν' ἐστὶν ἕκαστος ὑμῶν ἐλάττων ἢ φίλοις ἢ τοῖς οὖσιν ἢ τῶν ἄλλων τινί, τούτων συλλεγέντες ἑκάστου κρείττους τε γίγνησθε καὶ παύητε τὴν ὕϐριν.
                                                                                                                       Démosthène, contre Midias, 136-140 



[136] Je vois tous les accusés, juges, pour un ou deux délits qu'on leur reproche, faire force protestations de ce genre : "Qui de vous me sait coupable de cette faute ? Qui de vous me l'a vu commettre ? Personne; c'est la haine qui pousse mes adversaires à ma calomnier; je suis victime de faux témoignages. Et ainsi de suite. Mais pour mon adversaire, c'est l'inverse.

137]  Je crois en effet que vous connaissez tous son caractère, l'insolence et l'orgueil de sa conduite, et je pense que quelques-uns d'entre vous s'étonnent depuis un moment de n'avoir pas entendu relater par moi aujourd'hui des faits qu'ils connaissent par eux-mêmes. Mais je vois aussi que beaucoup de ses victimes ne consentent pas à donner leur témoignage même pour toutes les injustices qu'il leur a fait subir, considérant la violance, l'esprit d'intrigue de mon adversaire, les ressources dont il dispose, qui rendent fort et redoutable cet individu.

138] Car la méchanceté et la morgue brutale à la faveur de la puissance et de la richesse sont un rempart qui le met à l'abri d'une attaque. Que l'on dépouille cet homme de ses biens peut-être aura-t-il moins de morgue; s'il en montre, vous ne ferez pas plus de cas de lui que du plus humble citoyen; c'est en vain qu'il proférera ses injures et ses cris : il recevra sa punition, s'il commet quelque insolence au même titre que les autres.

[139] Mais cette fois, il s'abrite, je crois, derrière des hommes à ses gages, sans parler des autres, de ces témoins organisés en confrérie, qui, sans doute, ne troublent pas ouvertement vos débats, mais opinent complaisamment à ses mensonges par des signes de tête silencieux. Je ne prétends pas, parbleu, qu'ils en tirent aucun bénéfice; mais il est des gens enragés à s'empresser auprès des riches, à se tenir à leurs côtés, à leur servir de témoins.

[140] Tout cela est de nature, je pense, à effrayer chacun de nous autres, pris en particulier et réduit à ses seules forces. C'est pourquoi, justement, vous vous assemblez : de la sorte chacun de ces individus, bien que supérieur à chacun de vous, pris à part, grâce à ses amis, à sa fortune ou à quelque autre avantage, se trouve être inférieur à vous, du fait de votre réunion, et vous pouvez mettre un terme à son insolence.
         trad. Bizos et Flacelière; versions grecques, librairie Vuibert

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τοῖς κρινομένοις : à ceux qui passent un jugement

εἰ δ' ἄρα, ἐλάττονος ἄξιος ἔσται τοῦ μικροτάτου παρ' ὑμῖν : s'il montre (de la morgue), vous ne ferez pas plus de cas de lui que du plus humble citoyen

ἂν ἀσελγαίνῃ τι : s'il commet quelque insolence.

πάντα δὲ ταῦτ', οἶμαι, φοϐέρ' ἐστὶ τῶν ἄλλων ὑμῶν ἑκάστῳ καθ' ἑαυτὸν ὅπως δύναται ζῶντι : tout cela, je crois, est effrayant pour un citoyen isolé, qui subsiste, comme il peut, par lui-même.






Rentrée d'Alcibiade à Athènes



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Rentrée d'Alcibiade à Athènes
 
[32] (1) Ὁ δ´ Ἀλκιϐιάδης ἰδεῖν τε ποθῶν ἤδη τὰ οἴκοι καὶ ἔτι μᾶλλον ὀφθῆναι βουλόμενος τοῖς πολίταις, νενικηκὼς τοὺς πολεμίους τοσαυτάκις, ἀνήχθη, πολλαῖς μὲν ἀσπίσι καὶ λαφύροις κύκλῳ κεκοσμημένων τῶν Ἀττικῶν τριήρων, πολλὰς δ´ ἐφελκόμενος αἰχμαλώτους, ἔτι δὲ πλείω κομίζων ἀκροστόλια τῶν διεφθαρμένων ὑπ´ αὐτοῦ καὶ κεκρατημένων. ἦσαν γὰρ οὐκ ἐλάττους συναμφότεραι διακοσίων.

(2) ἃ δὲ Δοῦρις ὁ Σάμιος, Ἀλκιϐιάδου φάσκων ἀπόγονος εἶναι, προστίθησι τούτοις, αὐλεῖν μὲν εἰρεσίαν τοῖς ἐλαύνουσι Χρυσόγονον τὸν πυθιονίκην, κελεύειν δὲ Καλλιππίδην τὸν τῶν τραγῳδιῶν ὑποκριτήν, στατοὺς καὶ ξυστίδας καὶ τὸν ἄλλον ἐναγώνιον ἀμπεχομένους κόσμον, ἱστίῳ δ´ ἁλουργῷ τὴν ναυαρχίδα προσφέρεσθαι τοῖς λιμέσιν, ὥσπερ ἐκ μέθης ἐπικωμάζοντος, οὔτε Θεόπομπος οὔτ´ Ἔφορος οὔτε Ξενοφῶν γέγραφεν, οὔτ´ εἰκὸς ἦν οὕτως ἐντρυφῆσαι τοῖς Ἀθηναίοις μετὰ φυγὴν καὶ συμφορὰς τοσαύτας κατερχόμενον, ἀλλ´ ἐκεῖνος καὶ δεδιὼς κατήγετο, καὶ καταχθεὶς οὐ πρότερον ἀπέϐη τῆς τριήρους, ἢ στὰς ἐπὶ τοῦ καταστρώματος ἰδεῖν Εὐρυπτόλεμόν τε τὸν ἀνεψιὸν παρόντα καὶ τῶν ἄλλων φίλων καὶ οἰκείων συχνοὺς ἐκδεχομένους καὶ παρακαλοῦντας.

(3) ἐπεὶ δ´ ἀπέϐη, τοὺς μὲν ἄλλους στρατηγοὺς οὐδ´ ὁρᾶν ἐδόκουν ἀπαντῶντες οἱ ἄνθρωποι, πρὸς δ´ ἐκεῖνον συντρέχοντες ἐϐόων, ἠσπάζοντο, παρέπεμπον, ἐστεφάνουν προσιόντες, οἱ δὲ μὴ δυνάμενοι προσελθεῖν ἄπωθεν ἐθεῶντο, καὶ τοῖς νέοις ἐδείκνυσαν οἱ πρεσϐύτεροι.

(4) πολὺ δὲ καὶ τὸ δακρῦον τῷ χαίροντι τῆς πόλεως ἀνεκέκρατο καὶ μνήμη πρὸς τὴν παροῦσαν εὐτυχίαν τῶν πρόσθεν ἀτυχημάτων λογιζομένοις, ὡς οὔτ´ ἂν Σικελίας διήμαρτον, οὔτ´ ἄλλο τι τῶν προσδοκηθέντων ἐξέφυγεν αὐτοὺς ἐάσαντας Ἀλκιϐιάδην ἐπὶ τῶν τότε πραγμάτων καὶ τῆς δυνάμεως ἐκείνης, εἰ νῦν τὴν πόλιν παραλαϐὼν ὀλίγου δέουσαν ἐκπεπτωκέναι τῆς θαλάσσης, κατὰ γῆν δὲ μόλις τῶν προαστείων κρατοῦσαν, αὐτὴν δὲ πρὸς ἑαυτὴν στασιάζουσαν, ἐκ λυπρῶν ἔτι λειψάνων καὶ ταπεινῶν ἀναστήσας οὐ μόνον τῆς θαλάσσης τὸ κράτος ἀποδέδωκεν, ἀλλὰ καὶ πεζῇ νικῶσαν ἀποδείκνυσι πανταχοῦ τοὺς πολεμίους.
                                                                                                                                 Plutarque, vie d'Alcibiade, 32




[32] (1) Désormais passionnément désireux de revoir sa patrie et, plus encore, lui qui avait tant de fois vaincu l'ennemi, de se faire voir à ses concitoyens, Alcibiade prit la mer. Les trières attiques étaient sur leur pourtour ornées de quantité de boucliers et de dépouilles; Alcibiade tirait après lui beaucoup de vaisseaux captifs et transportait, en plus grand nombre encore, les figures de proue des trières qu'il avait saisies et détruites. Les deux catégories mises ensemble ne faisaient pas moins de deux cents.

(2) Douris de Samos, qui se prétend descendant d'Alcibiade, ajoute encore que c'était Chrysogone, le fameux vainqueur des Jeux Pythiques, qui, sur la flûte, donnait le rythme aux rameurs, tandis que Callipide, l'acteur tragique, commandait la manoeuvre de la voix; ils étaient vêtus de tuniques droites, de manteaux flottants et des autres parures des concours. Douris affirme que le vaisseau amiral se présenta au port avec une voile de pourpre comme si, sous le coup de l'ivresse, on faisait cortège à Dionysos. Ni Théopompe, ni Éphore, ni Xénophon ne l'ont consigné, et il serait invraisemblable qu'Alcibiade se soit ainsi moqué des Athéniens, lui qui rentrait d'exil après tant de vicissitudes. Au contraire, c'est même avec crainte qu'il aborda et, arrivé à terre, il ne quitta pas ses vaisseaux avant d'avoir, debout sur le pont, vu Euryptolème, son cousin, qui était là, et nombre de ses autres amis et familiers qui l'accueillaient et l'engageaient à venir à eux.

(3) Quand il eut débarqué, les gens qui allaient à sa rencontre n'avaient pas même l'air de voir les autres stratèges; courant tous ensemble vers lui, ils criaient, l'embrassaient, l'escortaient, se précipitaient pour le couronner. S'il s'en trouvait qui ne pouvaient parvenir jusqu'à lui, ils le saluaient de loin, et les vieux le montraient aux jeunes.

(4) Mais beaucoup de larmes aussi se mêlaient à la joie de la cité, et le souvenir des malheurs passés, face au bonheur présent, revenait aux gens qui réfléchissaient qu'ils n'auraient pas échoué en Sicile, et que rien de ce qu'ils avaient escompté ne leur eût échappé s'ils avaient à l'époque laissé Alcibiade à la tête des affaires et de leur célèbre puissance militaire: aussi bien, ayant maintenant récupéré la cité presque chassée de la mer et, sur terre, à peine maîtresse de ses faubourgs, en proie aux luttes intestines, il la relevait de ses ruines, de ses tristes et humbles ruines. Non seulement il lui a rendu l'empire de la mer, mais sur terre également il la fait apparaître partout victorieuse de ses ennemis.   
       trad. Loicq-Berger, 2003

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Nécessité pour Athènes d'entreprendre l'expédition de Sicile







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Nécessité pour Athènes d'entreprendre l'expédition de Sicile

[6,18] τί ἂν λέγοντες εἰκὸς ἢ αὐτοὶ ἀποκνοῖμεν ἢ πρὸς τοὺς ἐκεῖ ξυμμάχους σκηπτόμενοι μὴ βοηθοῖμεν; οἷς χρεών, ἐπειδή γε καὶ ξυνωμόσαμεν, ἐπαμύνειν, καὶ μὴ ἀντιτιθέναι ὅτι οὐδὲ ἐκεῖνοι ἡμῖν. οὐ γὰρ ἵνα δεῦρο ἀντιϐοηθῶσι προσεθέμεθα αὐτούς, ἀλλ' ἵνα τοῖς ἐκεῖ ἐχθροῖς ἡμῶν λυπηροὶ ὄντες (6.18.2) δεῦρο κωλύωσιν αὐτοὺς ἐπιέναι. τήν τε ἀρχὴν οὕτως ἐκτησάμεθα καὶ ἡμεῖς καὶ ὅσοι δὴ ἄλλοι ἦρξαν, παραγιγνόμενοι προθύμως τοῖς αἰεὶ ἢ βαρϐάροις ἢ Ἕλλησιν ἐπικαλουμένοις, ἐπεὶ εἴ γε ἡσυχάζοιεν πάντες ἢ φυλοκρινοῖεν οἷς χρεὼν βοηθεῖν, βραχὺ ἄν τι προσκτώμενοι αὐτῇ περὶ αὐτῆς ἂν ταύτης μᾶλλον κινδυνεύοιμεν. τὸν γὰρ προύχοντα οὐ μόνον ἐπιόντα τις ἀμύνεται, ἀλλὰ καὶ ὅπως μὴ ἔπεισι προκαταλαμϐάνει. (6.18.3) καὶ οὐκ ἔστιν ἡμῖν ταμιεύεσθαι ἐς ὅσον βουλόμεθα ἄρχειν, ἀλλ' ἀνάγκη, ἐπειδήπερ ἐν τῷδε καθέσταμεν, τοῖς μὲν ἐπιϐουλεύειν, τοὺς δὲ μὴ ἀνιέναι, διὰ τὸ ἀρχθῆναι ἂν ὑφ' ἑτέρων αὐτοῖς κίνδυνον εἶναι, εἰ μὴ αὐτοὶ ἄλλων ἄρχοιμεν. καὶ οὐκ ἐκ τοῦ αὐτοῦ ἐπισκεπτέον ὑμῖν τοῖς ἄλλοις τὸ ἥσυχον, εἰ μὴ καὶ τὰ ἐπιτηδεύματα ἐς τὸ ὁμοῖον μεταλήψεσθε.

(6.18.4) ’Λογισάμενοι οὖν τάδε μᾶλλον αὐξήσειν, ἐπ' ἐκεῖνα ἢν ἴωμεν, ποιώμεθα τὸν πλοῦν, ἵνα Πελοποννησίων τε στορέσωμεν τὸ φρόνημα, εἰ δόξομεν ὑπεριδόντες τὴν ἐν τῷ παρόντι ἡσυχίαν καὶ ἐπὶ Σικελίαν πλεῦσαι· καὶ ἅμα ἢ τῆς Ἑλλάδος τῶν ἐκεῖ προσγενομένων πάσης τῷ εἰκότι ἄρξομεν, ἢ κακώσομέν (6.18.4.6) γε Συρακοσίους, ἐν ᾧ καὶ αὐτοὶ καὶ οἱ ξύμμαχοι (6.18.5) ὠφελησόμεθα. τὸ δὲ ἀσφαλές, καὶ μένειν, ἤν τι προχωρῇ, καὶ ἀπελθεῖν, αἱ νῆες παρέξουσιν· ναυκράτορες γὰρ ἐσόμεθα (6.18.6) καὶ ξυμπάντων Σικελιωτῶν.

καὶ μὴ ὑμᾶς ἡ Νικίου τῶν λόγων ἀπραγμοσύνη καὶ διάστασις τοῖς νέοις ἐς τοὺς πρεσϐυτέρους ἀποτρέψῃ, τῷ δὲ εἰωθότι κόσμῳ, ὥσπερ καὶ οἱ πατέρες ἡμῶν ἅμα νέοι γεραιτέροις βουλεύοντες ἐς τάδε ἦραν αὐτά, καὶ νῦν τῷ αὐτῷ τρόπῳ πειρᾶσθε προαγαγεῖν τὴν πόλιν, καὶ νομίσατε νεότητα μὲν καὶ γῆρας ἄνευ ἀλλήλων μηδὲν δύνασθαι, ὁμοῦ δὲ τό τε φαῦλον καὶ τὸ μέσον καὶ τὸ πάνυ ἀκριϐὲς ἂν ξυγκραθὲν μάλιστ' ἂν ἰσχύειν, καὶ τὴν πόλιν, ἐὰν μὲν ἡσυχάζῃ, τρίψεσθαί τε αὐτὴν περὶ αὑτὴν ὥσπερ καὶ ἄλλο τι, καὶ πάντων τὴν ἐπιστήμην ἐγγηράσεσθαι, ἀγωνιζομένην δὲ αἰεὶ προσλήψεσθαί τε τὴν ἐμπειρίαν καὶ τὸ ἀμύνεσθαι οὐ λόγῳ ἀλλ' ἔργῳ μᾶλλον ξύνηθες ἕξειν.

(6.18.7) παράπαν τε γιγνώσκω πόλιν μὴ ἀπράγμονα τάχιστ' ἄν μοι δοκεῖν ἀπραγμοσύνης μεταϐολῇ διαφθαρῆναι, καὶ τῶν ἀνθρώπων ἀσφαλέστατα τούτους οἰκεῖν οἳ ἂν τοῖς παροῦσιν ἤθεσι καὶ νόμοις, ἢν καὶ χείρω ᾖ, ἥκιστα διαφόρως πολιτεύωσιν.
                                                                                                                                                                                      Thucydide, 6, 18




[6,18] « Quel prétexte pourrions-nous donner à notre inaction ou invoquer devant nos alliés de Sicile pour justifier notre refus de les secourir ? C'est une nécessité pour nous de nous porter à leur secours, puisque nous nous sommes engagés par serment à le faire. Nous n'avons pas à leur objecter qu'ils ne nous rendent pas la pareille. Ce n'est pas pour les voir venir ici à notre secours que nous les avons reçus dans notre alliance ; mais bien pour qu'ils fussent une menace pour nos ennemis de là-bas et les empêchassent de venir nous attaquer ici. En outre, nous-mêmes comme tout le monde, nous n'avons acquis l'empire qu'en nous portant avec empressement à l'aide de tous ceux qui, Barbares ou Grecs, sollicitaient notre assistance. Si l'on se tenait tranquille et si l'on perdait son temps à épiloguer sur ceux qu'on doit secourir, on se condamnerait rapidement, après avoir augmenté quelque peu son empire, à le voir mettre en péril. Car il ne suffit pas de repousser l'attaque d'un ennemi supérieur en nombre, il faut encore la prévenir. D'ailleurs il ne nous est pas possible de régler minutieusement les limites de notre empire. Dans l'état où nous sommes, c'est une nécessité pour nous de montrer notre hostilité aux États puissants, de ne pas laisser libres nos sujets, car nous risquerions de tomber sous la domination des autres, si nous ne leur imposions pas la nôtre. Enfin nous ne pouvons pas envisager la tranquillité du même point de vue que les autres peuples, si nous n'adoptons pas leur ligne de conduite.

(6.18.4) Disons-nous bien que le meilleur moyen d'augmenter notre puissance, c'est d'aller combattre là-bas; faisons cette expédition pour abattre l'orgueil des Péloponnésiens, résultat que nous obtiendrons, si nous avons l'air, en voguant vers la Sicile, de dédaigner la tranquillité dont nous jouissons actuellement. De deux choses l'une ou bien nous augmenterons là-bas notre puissance et nous nous placerons tout naturellement à la tête de la Grèce entière ; ou, à tout le moins, nous ferons du tort aux Syracusains et nous-mêmes comme nos alliés nous ne manquerons pas d'en tirer avantage. Notre flotte nous garantira la possibilité, soit de rester en Sicile si tout va bien, soit de nous retirer. Car sur mer nous aurons la supériorité même sur tous les Siciliens réunis.

« Les paroles de Nicias vous engagent à l'inaction et veulent opposer les jeunes aux vieux. Qu'elles ne vous détournent pas de votre projet ! Suivez la tradition établie par nos pères qui, par les conseils communs de la jeunesse et de la vieillesse, ont donné à la cité son brillant développement. Imitez-les pour tâcher d'accroître encore sa puissance. Dites-vous bien que, les uns sans les autres, les jeunes gens et les vieillards ne peuvent aboutir à rien; tandis que, par leur collaboration, cette jeunesse qu'on méprise, l'âge moyen et l'âge de la prévoyance attentive arrivent aux meilleurs résultats; si la république demeure inactive, elle s'usera d'elle-même comme toute chose; tous les talents s'y flétriront. Au contraire, dans la lutte, elle développera sans cesse son expérience; elle prendra l'habitude de se défendre par des actes et non plus par des paroles.

D'une manière générale, je soutiens qu'un État accoutumé à l'activité risque de périr très rapidement en se laissant aller à l'inaction et que pour un peuple le meilleur moyen de se maintenir, c'est de changer le moins possible ses mœurs et ses lois, si imparfaites qu'elles soient. »

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Eloge funèbre




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Eloge funèbre

[2,3] Πρῶτον μὲν οὖν τοὺς παλαιοὺς κινδύνους τῶν προγόνων δίειμι, μνήμην παρὰ τῆς φήμης λαϐών · ἄξιον γὰρ πᾶσιν ἀνθρώποις κἀκείνων μεμνῆσθαι, ὑμνοῦντας μὲν ἐν ταῖς ᾠδαῖς, λέγοντας δ’ ἐν τοῖς τῶν ἀγαθῶν ἐγκωμίοις, τιμῶντας δ’ ἐν τοῖς καιροῖς τοῖς τοιούτοις, παιδεύοντας δ’ ἐν τοῖς τῶν τεθνεώτων ἔργοις τοὺς ζῶντας. [4] Ἀμαζόνες γὰρ Ἄρεως μὲν τὸ παλαιὸν ἦσαν θυγατέρες, οἰκοῦσαι δὲ παρὰ τὸν Θερμώδοντα ποταμόν, μόναι μὲν ὡπλισμέναι σιδήρῳ τῶν περὶ αὐτάς, πρῶται δὲ τῶν πάντων ἐφ’ ἵππους ἀναϐᾶσαι, οἷς ἀνελπίστως δι’ ἀπειρίαν τῶν ἐναντίων ᾕρουν μὲν τοὺς φεύγοντας, ἀπέλειπον δὲ τοὺς διώκοντας: ἐνομίζοντο δὲ διὰ τὴν εὐψυχίαν μᾶλλον ἄνδρες ἢ διὰ τὴν φύσιν γυναῖκες · πλέον γὰρ ἐδόκουν τῶν ἀνδρῶν ταῖς ψυχαῖς διαφέρειν ἢ ταῖς ἰδέαις ἐλλείπειν.

[2,5] ἄρχουσαι δὲ πολλῶν ἐθνῶν, καὶ ἔργῳ μὲν τοὺς περὶ αὐτὰς καταδεδουλωμέναι, λόγῳ δὲ περὶ τῆσδε τῆς χώρας ἀκούουσαι κλέος μέγα, πολλῆς δόξης καὶ μεγάλης ἐλπίδος χάριν παραλαϐοῦσαι τὰ μαχιμώτατα τῶν ἐθνῶν ἐστράτευσαν ἐπὶ τήνδε τὴν πόλιν. τυχοῦσαι δ’ ἀγαθῶν ἀνδρῶν ὁμοίας ἐκτήσαντο τὰς ψυχὰς τῇ φύσει, καὶ ἐναντίαν τὴν δόξαν τῆς προτέρας λαϐοῦσαι μᾶλλον ἐκ τῶν κινδύνων ἢ ἐκ τῶν σωμάτων ἔδοξαν εἶναι γυναῖκες. [6] μόναις δ’ αὐταῖς οὐκ ἐξεγένετο ἐκ τῶν ἡμαρτημένων μαθούσαις περὶ τῶν λοιπῶν ἄμεινον βουλεύσασθαι, οὐδ’ οἴκαδε ἀπελθούσαις ἀπαγγεῖλαι τήν τε σφετέραν αὐτῶν δυστυχίαν καὶ τὴν τῶν ἡμετέρων προγόνων ἀρετήν · αὐτοῦ γὰρ ἀποθανοῦσαι, καὶ δοῦσαι δίκην τῆς ἀνοίας, τῆσδε μὲν τῆς πόλεως διὰ τὴν ἀρετὴν ἀθάνατον τὴν μνήμην ἐποίησαν, τὴν δὲ ἑαυτῶν πατρίδα διὰ τὴν ἐνθάδε συμφορὰν ἀνώνυμον κατέστησαν. ἐκεῖναι μὲν οὖν τῆς ἀλλοτρίας ἀδίκως ἐπιθυμήσασαι τὴν ἑαυτῶν δικαίως ἀπώλεσαν.

[2,7] Ἀδράστου δὲ καὶ Πολυνείκους ἐπὶ Θήϐας στρατευσάντων καὶ ἡττηθέντων μάχῃ, οὐκ ἐώντων Καδμείων θάπτειν τοὺς νεκρούς, Ἀθηναῖοι ἡγησάμενοι ἐκείνους μέν, εἴ τι ἠδίκουν, ἀποθανόντας δίκην ἔχειν τὴν μεγίστην, τοὺς δὲ κάτω τὰ αὑτῶν οὐ κομίζεσθαι, ἱερῶν δὲ μιαινομένων τοὺς ἄνω θεοὺς ἀσεϐεῖσθαι, τὸ μὲν πρῶτον πέμψαντες κήρυκας ἐδέοντο αὐτῶν δοῦναι τῶν νεκρῶν ἀναίρεσιν, [8] νομίζοντες ἀνδρῶν μὲν ἀγαθῶν εἶναι ζῶντας τοὺς ἐχθροὺς τιμωρήσασθαι, ἀπιστούντων δὲ σφίσιν αὐτοῖς ἐν τοῖς τῶν τεθνεώτων σώμασι τὴν εὐψυχίαν ἐπιδείκνυσθαι · οὐ δυνάμενοι δὲ τούτων τυχεῖν ἐστράτευσαν ἐπ’ αὐτούς, οὐδεμιᾶς διαφορᾶς πρότερον πρὸς Καδμείους ὑπαρχούσης, οὐδὲ τοῖς ζῶσιν Ἀργείων χαριζόμενοι, [9] ἀλλὰ τοὺς τεθνεῶτας ἐν τῷ πολέμῳ ἀξιοῦντες τῶν νομιζομένων τυγχάνειν πρὸς τοὺς ἑτέρους ὑπὲρ ἀμφοτέρων ἐκινδύνευσαν, ὑπὲρ μὲν τῶν, ἵνα μηκέτι εἰς τοὺς τεθνεῶτας ἐξαμαρτάνοντες πλείω περὶ τοὺς θεοὺς ἐξυϐρίσωσιν, ὑπὲρ δὲ τῶν ἑτέρων, ἵνα μὴ πρότερον εἰς τὴν αὑτῶν ἀπέλθωσι πατρίου τιμῆς ἀτυχήσαντες καὶ Ἑλληνικοῦ νόμου στερηθέντες καὶ κοινῆς ἐλπίδος ἡμαρτηκότες.
                                                                                                                                                     Lysias, oraison funèbre, 2, 3-9



[2,3] Je vais d'abord exposer les luttes soutenues par nos ancêtres dans les anciens temps et dont la renommée a transmis le souvenir. Elles méritent qu'on les commémore partout, soit dans les chants de la poésie, soit dans les discours à la louange des bons citoyens, soit dans les hommages que nous leur rendons en des occasions comme celles-ci, soit dans les leçons dont les exploits des morts offrent aux vivants la matière. [4] Jadis vivaient les Amazones, filles d'Arès, habitant près du fleuve  Thermodon.  Elles étaient les seules, parmi les peuples d'alentour, à porter une armure de fer, et elles furent les premières dans le monde entier qui  montèrent sur des chevaux : ainsi, elles pouvaient surprendre l'ennemi étonné, l'atteindre dans sa fuite,  aussi bien qu'échapper à sa poursuite. Femmes par le sexe, leur courage les faisait plutôt considérer comme des hommes. Elles se montraient en effet supérieures aux hommes par la vigueur de leurs âmes, plus qu'elles ne leur cédaient par la faiblesse de leurs corps.

[2,5] Souveraines de nombreux peuples, elles avaient déjà asservi leurs voisins quand la glorieuse renommée de notre pays leur inspire un grand espoir de s'illustrer : suivies des nations les plus belliqueuses, elles marchent sur notre ville. Mais elles trouvèrent devant elles des hommes de cœur, et leurs âmes ne furent plus au-dessus de leur sexe : elles démentirent leur première réputation, et ces périls mieux que la faiblesse de leurs corps les révélèrent femmes. [6] Par un malheur singulier, elles ne purent tirer une leçon de leurs fautes pour mieux se conduire dans la suite : au lieu de retourner chez elles avouer leur insuccès et proclamer la valeur de nos ancêtres, c'est sur notre sol même qu'elles périrent, et que leur folie reçut son châtiment. Elles fournirent à notre cité l'occasion de s'immortaliser par sa valeur, tandis que, vainement chez nous, elles jetaient leur propre patrie dans l'obscurité. Ainsi ces femmes pour avoir injustement convoité la terre d'autrui, perdirent justement la leur.

2,7] Adraste et Polynice, qui avaient marché contre Thèbes avaient été vaincus, et les Cadméens refusèrent de laisser enterrer leurs cadavres. Les Athéniens, estimant que, s'ils avaient commis une faute, ils en avaient, par leur mort, reçu le châtiment le plus rigoureux, que les dieux des enfers étaient frustrés de leurs droits, et qu'en souillant les sanctuaires, on commettait une impiété envers les dieux du ciel, commencèrent par envoyer des hérauts pour demander la permission d'enlever les morts :  [8] le devoir des hommes de cœur, pensaient-ils, est de châtier leurs ennemis vivants, mais c'est avoir une médiocre confiance  en sa valeur que de l'exercer sur des cadavres. Ne pouvant obtenir gain de cause, ils marchèrent contre les Cadméens, non pour vider son ancienne querelle, ni pour complaire aux Argiens survivants, [9] mais parce qu'ils revendiquaient  pour les soldats morts à la guerre le droit à la séputure.  En affrontant l'un des adversaires, c'est pour tous les deux qu'ils combattaient; l'un n'outragerait plus  les dieux en offensant les morts,  l'autre ne rentrerait pas dans sa patrie privé d'un honneur traditionnel, exclu d'un droit hellénique et frustré d'une commune espérance.
      trad. Gernet et Bizos; éd. les belles lettres

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τοὺς περὶ αὐτὰς : (ayant déjà asservi) ceux qui étaient autour d'elles = leurs voisins