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.. | [1] Tum praefecti regis Persae legatos miserunt Athenas questum quod Chabrias adversum regem bellum gereret cum Aegyptiis. Athenienses diem certam Chabriae praestituerunt, quam ante domum nisi redisset, capitis se illum damnaturos denuntiarunt. Hoc ille nuntio Athenis rediit, neque ibi diutius est moratus quam fuit necesse. [2] Non enim libenter erat ante oculos suorum civium, quod et vivebat laute et indulgebat sibi liberalius quam ut invidiam vulgi posset effugere. [3] Est enim hoc commune vitium magnis liberisque civitatibus, ut invidia gloriae comes sit, et libenter de iis detrahant quos eminere videant altius, neque animo aequo pauperes alienam opulentiam intueantur. Itaque Chabrias, quoad ei licebat, plurimum aberat. |
.... | [1] Alors les gouverneurs du roi de Perse envoyèrent des ambassadeurs à Athènes pour se plaindre de ce que Chabrias faisait la guerre contre le roi comme allié de l'Egypte. Les Athéniens citèrent Chabrias en justice à une date fixée et s'il n'était pas de retour dans sa patrie ce jour-là, il serait condamné à la peine capitale : c'était là leur avertissement. Sur cette menace, Chabrias revint à Athènes, mais n'y resta que le temps strictement nécessaire. [2] Il ne s'exposait pas volontiers aux regards de ses concitoyens, car il vivait trop luxueusement et s'abandonnait trop librement à son goût des jouissances pour pouvoir échapper à la haine de la foule. [3] C'est en effet le défaut commun des Etats importants gouvernés par le peuple que la jalousie y soit compagne inséparable de la gloire et l'on rabaisse avec plaisir ceux qu'on voit plus élevés que d'autres; on ne sait regarder avec sérénité, si l'on a peu de bien, le bonheur d'autrui. C'est la raison pour laquelle Chabrias, tant qu'il en avait la possibilité, s'absentait très souvent. |
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.. | [4] Neque vero solus
ille aberat Athenis libenter, sed omnes fere principes fecerunt idem, quod
tantum se ab invidia putabent afuturos quantum a conspectu suorum recesserint.
Itaque Conon plurimum Cypri vixit, Iphicrates in Thracia, Timotheus Lesbi,
Chares Sigei, dissimilis quidem Chares horum et factis et moribus, sed
tamen Athenis et honoratus et potens.
Népos, Chabrias, 3, 1
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.... | [4] Et lui n'était pas seul à
quitter volontiers Athènes, mais presque tous les personnages importants
firent de même, car on se croyait à l'abri de la suspicion
dans la mesure où l'on était loin des regards de ses compatriotes.
Ainsi Conon vécut-il le plus souvent à Chypre, Iphicrate
en Thrace, Timothée à Lesbos, Charès à Sigée.
Il y avait d'ailleurs une grande différence entre Charès
et les précédents et pour les actions et pour la conduite,
mais il avait à Athènes de la considération et de
l'influence.
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1 - quam ante domum nisi redisset ---> et nisi redisset domum ante eam (diem)
2 - neque = et non : mais ... ne ... pas.
3 - indulgebat sibi liberalius quam ut + subj. : il s'adonnait trop librement aux jouissances pour que...
.. | Tu vero, (Lucili) etiam ad priores revertere, qui vacant; adjuvare nos possunt non tantum qui sunt, sed qui fuerunt. Ex his autem qui sunt, eligamus non eos qui verba magna celeritate praecipitant et communes locos volvunt et in privato circulantur, sed eos qui vita docent, qui cum dixerunt quid faciendum sit probant faciendo, qui docent quid vitandum sit nec unquam in eo, quod fugiendum dixerunt, deprehenduntur. Eum elige adjutorem, quem magis admireris cum videris quam cum audieris. Nec ideo te prohibuerim hos quoque audire, quibus admittere populum ac disserere consuetudo est, si modo hoc proposito in turbam prodeunt, ut meliores fiant faciantque meliores, si non ambitionis hoc causa exercent. Quid enim turpius philosophia captante clamores? [...] |
.... | Quant à toi (Lucilius), reviens aussi aux anciens qui sont de loisir : ils peuvent nous aider, et non seulement ceux qui vivent, mais aussi ceux qui ont vécu. Parmi les contemporains, choisissons non pas les hommes qui parlent avec volubilité et précision, débitent des lieux communs et, dans les réunions privées, réunissent du monde autour d'eux, mais les hommes qui enseignent par leur manière de vivre, qui, lorsqu'ils ont dit ce qu'il faut faire, le prouvent en le faisant, qui enseignent ce qu'il faut éviter et ne sont jamais surpris à commettre ce qu'ils ont recommandé de fuir. Comme aide, choisis un homme que tu admires plus pour l'avoir vu agir que pour l'avoir entendu. Ce n'est pas pour cette raison que je t'empêcherais d'écouter aussi ceux qui ont l'habitude d'admettre le public (à leurs conférences) et de disserter devant lui, si toutefois ils se présentent à la foule avec l'intention de devenir meilleurs et de rendre (les autres) meilleurs, s'ils n'exercent pas cette activité pour leur ambition. En effet, quoi de plus misérable que la philosophie en quête d'applaudissements? |
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.. | Quanta autem dementia ejus est, quem clamores
imperitorum hilarem ex auditorio dimittunt! Quid laetaris
quod ab hominibus his laudatus es quos non potes ipse laudare?
Sénèque, Ad Lucilium, 52
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.... | Quelle folie est celle de l'homme que
les applaudissements de gens ignorants laissent partir tout heureux de
la salle de conférence? Pourquoi te réjouis-tu d'avoir été
loué par des gens que toi-même tu ne pourrais pas louer? |
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1 - priores : les anciens.
2 - qui vacant : qui sont de loisir, qui consacrent leur temps à la sagesse.
3 - nec unquam in eo, quod fugiendum (esse) dixerunt, deprehenduntur : <ils ne sont jamais pris en flagrant délit dans une action dont ils ont dit qu'elle devait être évitée>; quod est sujet de la prop. infinitive (fugiendum esse).
4 - adjutorem : attribut de eum.
5 - cum videris ... cum audieris : sub. de cause avec verbe au subj. parfait.
6 - quibus admittere populum ac disserere consuetudo est : <à qui admettre le public... est l'habitude>.
7 - hilarem : attribut de quem.
.. | Masinissa, cum quinquaginta haud amplius equitibus, per anfractus montis ignotos sequentibus se eripuit. Tenuit tamen vestigia Bucar, adeptusque eum patentibus prope Clupeam urbem campis, ita circumvenit, ut, praeter quattuor equites, omnes ad unum interficeret. Cum iis ipsum quoque Masinissam saucium prope e manibus inter tumultum amisit. Ala equitum, dispersa lato campo, quibusdam, ut occurrerent, per obliqua tendentibus, quinque hostes sequebatur. Amnis ingens fugientes accepit - neque enim cunctanter, ut quos major metus urgeret, immiserant equos - raptique gurgite in obliquum praelati. Duobus in conspectu hostium in praerapidum gurgitem haustis, ipse perisse creditus. At duo reliqui equites cum eo inter virgulta ulterioris ripae emerserunt. Is finis Bucari sequendi fuit, nec ingredi flumen auso, nec habere credenti se jam, quem sequeretur. Inde vanus auctor absumpti Masinissae ad regem rediit, missique, qui Carthaginem gaudium ingens nuntiarent; totaque Africa fama mortis Masinissae repleta varie animos affecit. |
.... | Massinissa, accompagné seulement de cinquante cavaliers, s'échappa dans la montagne par des détours inconnus de ses adversaires. Néanmoins, Bucar put suivre sa piste; il le rejoignit dans une plaine assez vaste non loin de Clupéa et le cerna si bien qu'il lui tua tous ses cavaliers à l'exception de quatre. Mais dans la mêlée, Massinissa, qui était lui-même blessé, lui échappa pour ainsi dire des mains en compagnie des survivants. Les cavaliers de Bucar, répandus dans toute la plaine, se mirent à la poursuite de ces cinq ennemis, certains s'élançant même dans d'autres directions pour leur couper la retraite. Les fuyards, trouvant devant eux un vaste fleuve, s'y réfugièrent (en effet, menacés d'un danger plus grand encore, ils n'avaient pas hésité à y lancer leurs chevaux). La profondeur du courant les entraîna et les fit dévier obliquement. Deux d'entre eux disparurent dans les eaux impétueuses sous les yeux de leurs ennemis; aussi l'on se persuada que Massinissa lui-même avait péri. Cependant ses deux compagnons et lui sortirent du fleuve entre les arbrisseaux de l'autre rive. Bucar ne poussa pas plus loin sa poursuite, car il n'osait affronter le fleuve et, d'ailleurs, pensait n'avoir plus personne à poursuivre. Il retourna donc auprès du roi pour lui annoncer à tort que Massinissa n'était plus. Des émissaires allèrent porter à Carthage une nouvelle si réjouissante et le bruit de cette mort, répandu dans toute l'Afrique, y provoqua les sentiments les plus opposés. |
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.. | Masinissa in
spelunca occulta cum herbis curaret vulnus duorum equitum latrocinio per
dies aliquot vixit. Ubi primum ducta cicatrix patique posse visa jactationem,
audacia ingenti pergit ire ad regnum repetendum; atque, in ipso itinere
haud plus quadraginta equitibus collectis, cum in Massylos, palam jam quis
esset ferens, venisset, tantum motum, cum favore pristino, tum gaudio insperato,
quod, quem perisse crediderant, incolumem cernebant, fecit, ut intra paucos
dies sex milia peditum armatorum, quattuor equitum, ad eum convenirent,
Tite-Live, 29,32
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.... | Cependant
Massinissa pansait sa blessure avec des plantes dans une caverne ignorée;
il y vécut ainsi quelques jours, nourri par les deux cavaliers qui
allaient marauder. Dès que la plaie fut cicatrisée
et qu'elle parut en état de supporter le trot du cheval, Massinissa,
avec une audace extrême, entreprit de reconquérir son royaume.
Accompagné seulement de quarante cavaliers recrutés en route,
il arriva chez les Massyliens, sans dissimuler désormais son identité;
aussi, tant en raison de l'attachement qu'on avait pour lui autrefois,
que de la joie qu'on éprouvait à le retrouver sain et sauf
après l'avoir cru perdu, il se fit un tel mouvement en sa faveur
qu'en quelques jours six mille fantassins tout armés et quatre mille
cavaliers accoururent sous ses ordres.
Traduction de Petitmangin
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Notes et commentaire grammatical de Petitmangin.tenuit tamen vestigia : conserva (ne perdit pas) ses traces.
prope e manibus amisit : il lâcha presque de ses mains Massinissa.
quibusdam tendentibus : abl. abs.
haurire : engloutir.
vanus auctor absumpti Masinissae rediit : il revint comme garant inexact = il revint assurer (ce qui était faux) que etc.
ducere : tirer, ramener par dessus : dès que la cicatrice recouvrit la blessure ; ducta. (est), visa (est).
tantum motum f ecit : il provoqua une telle agitation.
quod, quem ... incolumem cernebant : parce qu'ils voyaient sain et sauf celui que.
patentibus campis : ablatif marquant le lieu à la question ubi, sans in quand le nom est accompagné d'un adjectif ; mais l'emploi de in est plus régulier.
omnes ad unum, latinisme : tous jusqu'au dernier.
En latin, surtout après l'époque classique, le neutre particulièrement au pluriel, marque souvent le lieu; ici, il marque plus spécialement la direction : per obliqua, in obliquum, obliquement.
Les propositions relatives causales veulent le verbe au subjonctif. Ce sens causal est souvent indiqué en outre par quippe ut, utpote : ut quos urgeret, comme (il est naturel à) des gens que pressait.
periisse creditus (est) : tournure personnelle.
is finis fuit pour hoc fuit finis.
habere (aliquem) quem sequeretur : avoir quelqu'un qu'il poursuivît (quelqu'un à poursuivre); la proposition relative marque le but et veut par conséquent le subjonctif.
auctor absunipti Massinissae : garant de la mort de Massinissa; c'est l'emploi du participe au lieu d'un nom (cf. Sicilia amissa : <la Sicile perdue>= la perte de la Sicile).
missi (sunt) qui nuntiarent : relative finale.
tota Africa repleta : toute l'Afrique remplie, pour « le fait que l'Afrique fut remplie etc. ».
audacia ingenti : ablatif de manière.
ad regnum repetendum : pour regagner son royaume.
ferre ou ferre prae se : porter devant soi, mon trer, ne pas cacher; de là l'interrogation indirecte et le subjonctif.
intra : à l'interienr des 1imites de, sans dépasser : intra paucos dies, en moins de quelques jours, en quelques jours à peine.
Commentaire littéraire de Petitmangin.
1. - Les Romains débarqués en Afrique avec Scipion battirent Syphax et le firent prisonnier. Sophonisbe tomba au pouvoir de Massinissa qui l'épousa. Mais Scipion, qui craignait que la Carthaginoise ne détachât son nouveau mari de l'alliance romaine, exigea qu'elle lui fût livrée et la fit périr. Quant à Massinissa, il mourut roi de Numidie dans un âge fort avancé, vers 148 avant J.-C. La situation tragique souvent mise au théâtre est celle de Massinissa obligé de livrer Sophonisbe qu'il aime ou de renoncer à l'amitié des Romains. On admet avec Tite-Live que Massinissa, pour lui épargner la captivité, lui envoie du poison qu'elle boit courageusement.
2. - Les aventures de Massinissa, plusieurs fois vaincu, s'échappant toujours et revenant à la charge avec une audace et une opiniâtreté que rien ne lasse, font penser à Jugurtha d'abord, puis aux chefs algériens ou marocains des guerres de l'Afrique moderne. Tel fut Abd-et-Kader dans sa lutte contre la domination française en Algérie.
3. - Tite-Live cherche à intéresser et à édifier son lecteur : de là une certaine prédilection pour le romanesque, surtout quand l'aventure qu'il raconte révèle des qualités de courage et d'énergique persévérance. Le roman est un genre peu cultivé dans l'antiquité; on comprend que les lecteurs aient cherché dans l'histoire un plaisir analogue à celui que nos contemporains cherchent dans le récit d'aventures fictives et que les auteurs aient voulu satisfaire ce goût.
4. - Tite-Live, comme d'ailleurs les autres historiens anciens, ne peut répondre entièrement à nos exigences actuelles en fait de couleur locale. Les progrès de l'histoire au XIXè siècle, qui poussent à insister sur les différences qui séparent les siècles et les races, l'influence du romantisme, l'invention de la photographie qui place aujourd'hui si aisément et si exactement sous nos yeux les monuments et les paysages, les costumes et les portraits, tout nous invite à nous représenter par l'imagination les scènes qui nous sont racontées. Les historiens anciens, mal informés eux-mêmes sur ce point et peu curieux de ce décor extérieur, ne sauraient nous donner complètement satisfaction. Le fleuve que traverse Massinissa n'est pas plus un fleuve d'Afrique que d'Italie ou de Gaule. Nous ne devinons rien de la silhouette de Massinissa et de ses compagnons. Pourtant Tite-Live est encore beaucoup plus pittoresque que Sallnste et que César, qui avaient visité les lieux ou assisté aux scènes dont ils parlaient.